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20/06/2024 | FRANCE | N°22/02023

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 20 juin 2024, 22/02023


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 20 JUIN 2024



N° RG 22/02023 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HENK



S.A.S. COCHET AUTOMOBILES SAS

C/ [R] [B]





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 09 Novembre 2022, RG F 21/00145



Appelante



S.A.S. COCHET AUTOMOBILES SAS, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Nadia BEZZI, avocat au barreau de CHAMBERY



Intimé<

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M. [R] [B]

né le 17 Juillet 1971 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Clélia PIATON, avocat au barreau de CHAMBERY



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débat...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

N° RG 22/02023 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HENK

S.A.S. COCHET AUTOMOBILES SAS

C/ [R] [B]

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 09 Novembre 2022, RG F 21/00145

Appelante

S.A.S. COCHET AUTOMOBILES SAS, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Nadia BEZZI, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimé

M. [R] [B]

né le 17 Juillet 1971 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Clélia PIATON, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mars 2024 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,

qui en ont délibéré

assisté de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

********

Exposé du litige':

M. [B] a été embauché par la SAS Cochet automobiles en contrat à durée indéterminée (dont le président est M. [K]) en qualité de directeur de concession automobile en date du 15 mai 1999.

Les parties s'accordent sur le fait qu'en juillet 2019 après des pourparlers depuis début 2019, la SAS Cochet automobiles a fait l'objet d'une cession à la SAS Soccad.

M. [V] a été nommé directeur général de la SAS Cochet automobiles.

Le 27 février 2020, un protocole d'accord transactionnel a été signé entre la SAS Cochet automobiles, la SAS Soccad (M. [C]), Messieurs [K] [X] et [O] et M. [B], en vue d'une cession et du transfert du contrat de travail de M. [B] à la SAS Soccad avec maintien de sa rémunération (5967 € en incluant la prime d'assuidité et avantage en nature et une rémunération variable fixée en fonction des objectifs annuels définis pour l'année 2020 et les suivantes.

M. [B] a démissionné de ses fonctions par courrier du 10 octobre 2020 et a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 12 octobre 2020.

Par courrier du 20 janvier 2021, M. [B] a contesté sa démission auprès de son employeur l'attribuant à des manquements de sa part.

M. [B] a saisi le conseil des prud'hommes d'Annecy en date du'2 juin 2021 aux fins de voir juger notamment que sa démission produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, annuler les conventions de forfait en jours, obtenir des rappels de salaire, voir constater l'existence d'un travail dissimulé et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du'9 novembre 2022, le conseil des prud'hommes d'Annecy a':

- Fixé le salaire mensuel moyen de M. [B] à la somme de 16001,66 € bruts

- Jugé que la convention de forfait jours de M. [B] est privée d'effet

- Condamné la SAS Cochet automobiles à payer à M. [B] les sommes suivantes':

* 51608,66 € à titre de rappels de primes variables pour l'année 2020

* 5160 € bruts au titre des congés payés afférents

* 134040 € bruts au titre des heures supplémentaires

* 13404 € au titre des congés payés afférents

* 67919,91 € au titre des contreparties obligatoires en repos

* 6792 € au titre des congés payés afférents

- Jugé que la démission de M. [B] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamné la SAS Cochet automobiles à payer à M. [B] les sommes suivantes':

* 48858,40 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

* 168017,43 € nets de CSG CRDS à titre de de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 3000 € nets à titre de dommages et intérêts au titre de l'absence d'organisation des élections professionnelles

* 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Ordonné à la SAS Cochet automobiles de rectifier et de remettre à M. [B] l'attestation pôle emploi sous astreinte de 20 € par jour de retard au-delà d'un délai de 30 jours ouvrés à compter de la notification du jugement,

- Jugé que le conseil des prud'hommes se réserve le droit de liquider l'astreinte

- Prononcé l'exécution provisoire du jugement pour la partie concernant les rappels de salaire et congés payés afférents en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail'

- Débouté M. [B] du surplus de ses demandes

- Débouté la SAS Cochet automobiles de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et du surplus de ses demandes

- Condamné la SAS Cochet automobiles aux entiers dépens de l'instance.

La décision a été notifiée aux parties et la SAS Cochet automobiles en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 6 décembre 2022 .

Par conclusions du'19 février 2024, la SAS Cochet automobiles demande à la cour d'appel de':

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'ANNECY du 9 novembre 2022 en ce qu'il a :

- Fixé le salaire mensuel moyen de M. [B] à la somme de 16001.66€ bruts.

- Dit et jugé que la convention de forfait jours M. [B] est privée d'effet.

- Condamné la SAS Cochet automobiles à payer à M. [B] les sommes suivantes :

* 51 608,66€ bruts à titre des rappels de primes variables pour l'année 2020

* 5160,00€ bruts au titre des congés payés afférents

* 134040,00€ bruts au titre des heures supplémentaires

* 13404,00€ bruts au titre des congés payés afférents

* 67919,91€ bruts au titre des contreparties obligatoires en repos

* 6792,00€ bruts au titre des congés payés afférents

- Dit et jugé que la démission de M. [B] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Condamné la SAS Cochet automobiles à payer à M. [B] les sommes suivantes :

* 48858,40€ au titre de l'indemnité légale de licenciement

* 168017,43€ nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 3000€ nets de dommages-intérêts au titre de l'absence d'organisation des élections professionnelles

* 3000€ nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Ordonné à la SAS Cochet automobiles de rectifier et de remettre à M. [B] l'attestation POLE EMPLOI sous astreinte de 20€ par jour de retard au-delà d'un délai de 30 jours ouvrés à compter de la notification du jugement à intervenir

- Dit et jugé que le conseil de prud'hommes se réservera le droit de liquider l'astreinte

- Prononcé l'exécution provisoire de droit du jugement à intervenir pour la partie concernant les rappels de salaires et congés payés afférents, en application de l'article R.1454-28 du Code du travail

- Débouté la SAS Cochet automobiles de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et du surplus de ses demandes

- Condamné la SAS Cochet automobiles aux entiers dépens de l'instance

- Statuant à nouveau:

- Juger que les demandes de M. [B] sont irrecevables et infondées.

- Fixer la rémunération variable de M. [B] à la somme de 51.608,66 € bruts, outre 5.160 € de congés payés afférents au titre des rappels de primes variables pour l'année 2020.

Sur les demandes formulées par M. [B] au titre de son temps de travail,

A titre principal :

- Juger que M. [B] relève du statut de cadre dirigeant en application de l'article L. 3111-2 du Code du travail.

- Le Débouter de l'intégralité de ses demandes formulées au titre du temps de travail.

A titre subsidiaire,

- Juger que toutes les demandes de M. [B]

- Au titre de l'exécution du contrat de travail sont infondée

- Débouter en conséquence M. [B] des demandes formulées au titre de l'exécution du contrat de travail, en ce compris les demandes formulées au titre :

* De rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents ;

* Des contreparties obligatoires en repos et de congés payés afférents;

* De dommages et intérêts au titre d'un dépassement de la durée du travail ; * De dommages et intérêts pour travail dissimulé.

Sur les demandes formulées par M. [B] au titre de la rupture de son contrat de travail,

- Juger que toutes les demandes de M. [B] au titre de l'exécution du contrat de travail sont infondées.

- Débouter M. [B] de l'intégralité des demandes formulées au titre de l'exécution du contrat de travail.

Sur le surplus des demandes,

- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses autres demandes.

- Le Condmaner à payer à la SAS Cochet automobiles la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner M. [B] aux entiers dépens d'instance et d'exécution.

Par conclusions du 30 mai 2023 , M. [B] demande à la cour d'appel de':

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Annecy le 9 novembre 2022 sauf en ce qu'il a :

- condamné la société COCHET AUTOMOBILE à lui payer la somme de :

o 134040,00€ bruts au titre des heures supplémentaires

o 13404,00€ bruts au titre des congés payés afférents

o 67919,91€ bruts au titre des contreparties obligatoires en repos

o 6792,00€ bruts au titre des congés payés afférents

En lieu et place des sommes demandées par M. [B]

Débouté M. [B] du surplus de ses demandes (au titre du travail dissimulé).

Statuant à nouveau :

- Fixer le salaire mensuel moyen de Monsieur [R] [B] à la somme de 17.010,17 € bruts

- Constater que la SAS Cochet automobiles reconnait lui devoir la somme de 51.608,66 € bruts au titre des rappels de primes variables pour l'année 2020 outre les congés payés afférents

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme de 51.608,66 € bruts au titre des rappels de primes variables pour l'année 2020 ;

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme de 5.160 € de congés payés afférents

- Dire et Juger que la convention de forfait jour de M. [B] est privée d'effet,

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme 215.787,44 € bruts au titre des heures supplémentaires

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme la somme de 21.578,74 € au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme 114.076,17 € bruts au titre des contreparties obligatoires en repos ;

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme 11.407,61 € au titre des congés payés afférents,

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme 2.000 € nets de CSG-CRDS de dommages et intérêts pour dépassement de la durée légale du travail ;

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme 102.061,05 € nets de CSG-CRDS de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé ;

- Dire et Juger que la démission de M. [B] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme 51.937,71 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme 178.606,78 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme 3.000 € nets de CSG-CRDS de dommages et intérêts au titre de l'absence d'organisation des élections professionnelles ;

- Ordonner la rectification de l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 100 € par jour de retard dans les 7 jours du jugement à intervenir ;

- Dire et Juger que la cour se réservera le droit de liquider l'astreinte ;

- Dire et Juger que les sommes produiront intérêt au taux légal à partir du jugement de première instance ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

- Condamner la SAS Cochet automobiles à lui payer la somme 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance outre 5.000 € au titre de l'appel ;

- Condamner la SAS Cochet automobiles aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le'21 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI':

A titre liminaire, il sera rappelé que la cour d'appel n'a pas à statuer sur la demande tendant à voir fixer la moyenne des salaires, une telle demande ne constituant pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais un moyen de fait à l'appui des prétentions présentées.

Sur la demande de rappel de primes variables':

Moyens des parties :

M. [B] sollicite un rappel de primes variables pour l'année 2020 (51.608,66 € bruts, outre 5.160 € de congés payés afférents) reprochant à son employeur de s'être abstenu de lui payer l'intégralité de sa rémunération variable faisant ainsi chuter son salaire brut annuel de plus de 45 %.

Il expose qu'il était convenu dans son contrat de travail qu'à compter du 1er janvier 2010 sa rémunération serait ramenée à 3750 € bruts et que les primes feraient l'objet d'une nouvelle négociation, que le traitement des primes n'a pas donné lieu à la signature d'un avenant par l'ancien dirigeant et qu'il a continué à percevoir une prime sur objectifs et une prime sur résultat sans qu'aucun critère ne soit fixé. Ces primes étant selon lui ainsi contractualisées.

M. [B] soutient qu'à défaut, il doit être considéré l'existence d'un usage que l'employeur n'a pas pris soin de dénoncer puisque les primes étaient versées à l'ensemble des directeurs de concession et même aux commerciaux, ont été réglées toutes les années et portaient chaque année sur des objectifs et sur le résultat de sorte que les critères étaient définis et précis. La SAS Cochet automobiles ayant par ailleurs reconnu lui devoir cette somme au titre de la rémunération variable mais n'a entrepris de la régler qu'à la fin du mois de mai 2023 soit plus de 6 mois après le jugement.

La SAS Cochet automobiles demande pour sa part de juger que cette demande de paiement n'a plus lieu d'être, reconnaissant devoir à M. [B] la somme de 51.608,66 € bruts, outre 5.160 € de congés payés afférents au titre des rappels de primes variables pour l'année 2020.

Sur ce,

Il y a lieu de confirmer la décision déférée sur ce point et de constater que la SAS Cochet automobiles ayant reconnu devoir et payé ladite somme, la demande est devenue sans objet et il n'y pas lieu pour la cour de statuer sur cette demande.

Sur le statut de cadre dirigeant et la convention de forfait en jours':

Moyens des parties :

M. [B] soutient que son contrat de travail contient un simulacre de forfait jours de manière à ne pas lui payer d'heures supplémentaires et qu'il ne stipule aucune précision quant au détail des fonctions exercées de sorte qu'il est impossible de vérifier son autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et que la nature de ses fonctions le conduirait à ne pas suivre l'horaire collectif, conditions requises pour le recours à une convention de forfait en jours.

Il fait également valoir qu'il convient d'exclure le prétendu statut de cadre dirigeant, son contrat de travail prévoyant incontestablement une convention de forfait en jours en son article 8 ainsi que ses bulletins de paie qui font également référence à ses RTT. De plus à supposer qu'il ait eu le statut de cadre dirigeant, la convention collective exige un écrit détaillant précisément les conditions permettant de recourir à un tel statut, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il expose enfin qu'il n'a jamais bénéficié d'un entretien annuel concernant sa charge et l'amplitude de ses journée d'activité de sorte que cette convention doit être privée d'effet.

La SAS Cochet automobiles soutient pour sa part que M. [B] ne pouvait se voir appliquer la réglementation sur la durée du travail car il avait le statut de cadre dirigeant au regard de ses fonctions de directeur de la concession d'[Localité 4] et qu'il remplissait les trois critères cumulatifs pour ce faire, à savoir, une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de l'entreprise, qu'il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, exerçait des responsabilités impliquant une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps et ne rendait compte à personne de celui-ci. Elle soutient que la référence dans son contrat de travail à une durée de 217 jours travaillés a pour objet d'expliciter le montant de sa rémunération mais pas de déterminer le régime de décompte de son temps de travail. Les bulletins de paie mentionnent des indications diverses et variées, liées a priori au logiciel de paie, mais qui démontrent que les parties n'avaient pas eu l'intention de s'inscrire dans le cadre d'un décompte particulier ni dans le cadre d'une convention de forfait jours.

S'agissant de l'absence d'écrit pour l'application du statut de cadre dirigeant, si les parties n'ont pas fait application du forfait « sans référence horaire » tel que prévu par les dispositions conventionnelles, il n'en demeure pas moins que les dispositions légales trouvent alors obligatoirement à s'appliquer.

Sur ce,

Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, à la répartition et l'aménagement des horaires, au repos et aux jours fériés. Selon l'article L. 3111-2 du code du travail sont considérés comme ayant cette qualité les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

La qualité de cadre dirigeant ne requérant pas l'existence d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs. Les conditions réelles d'emploi sont donc déterminantes, nonobstant l'existence de dispositions conventionnelles retenant automatiquement, pour une fonction ou un coefficient conventionnel déterminé, la qualité de cadre dirigeant.

En revanche, lorsqu'une convention collective subordonne la reconnaissance du statut de cadre dirigeant à la rédaction d'un écrit ou la conclusion d'une convention, la détermination de ce statut est nécessairement subordonnée à cette formalité qui constitue une condition de validité de ce statut.

Un salarié soumis à une convention individuelle de forfait en jours ne peut pas être qualifié de cadre dirigeant. La soumission à une convention de forfait en jours, quand bien même elle serait irrégulière et donc privée d'effets, conduit à écarter le statut de cadre dirigeant sans qu'il soit nécessaire de procéder à un examen des conditions réelles d'activité.

En l'espèce, il ressort du contrat de travail de M. [B] du 15 mai 2009 qu'il est embauché 'en qualité de directeur de la concession d'[Localité 4] avec la qualification de cadre et se rattache hiérarchiquement à M. [O] [K] ou à toute personne qu'il lui plaira de se substituer, que compte tenu de son statut de cadre et de sa large autonomie dans l'organisation de son travail, il ne sera soumis à aucun horaire de travail'.

Il est également précisé in fine de l'article 8 relatif à la rémunération que conformément aux dispositions de l'article 1.09 f de la convention collective du commerce et réparation de l'automobile, du cycle et activités connexes du 15 janvier 1981, sa rémunération est forfaitaire pour une durée de 217 jours travaillés dans la mesure où l'horaire et la durée de travail du collaborateur ne peuvent être prédéterminés.

Les bulletins de paie de M. [B] présentent la mention «'salaire mensuel cadre forfait jour'».

Il ressort de l'article 1.09 g de la convention collective du commerce et réparation de l'automobile, du cycle et activités connexes du 15 janvier 1981 applicable, relatif au forfait sans référence horaire que, «'les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération comprise dans le dernier quartile des rémunérations pratiquées dans l'entreprise ou leur établissement, peuvent conclure une convention de forfait sans référence horaire. Il peut s'agir : soit de cadres de niveau V ; soit de cadres de niveau IV dans les établissements d'au moins 50 salariés'».

Non seulement aucune convention de forfait sans référence horaire n'a été conclue par les parties en application de l'article 1.09 g de la convention collective susvisée, mais le contrat de travail fait expressément référence s'agissant du temps de travail et de la rémunération associée, à l'article 1.09 f de cette même convention collective qui vise le forfait en jours et non le statut de cadre dirigeant.

Il convient dès lors de juger que M. [B] n'avait pas le statut de cadre dirigeant.

M. [B] expose qu'une convention de forfait en jours (217) était prévue dans son contrat de travail mais soutient qu'elle doit être privée d'effet faute de suivi pas la SAS Cochet automobiles de sa charge de travail et de la conciliation entre vie professionnelle et familiale et que des heures supplémentaires lui sont dues.

Il convient de noter que la SAS Cochet automobiles, à titre subsidiaire, ne présente aucun moyen de droit et de fait en cause d'appel s'agissant de l'existence et de l'opposabilité d'une convention de forfait annuel en jours mais conteste uniquement l'existence d'heures supplémentaires. En revanche dans le dispositif de ses conclusions, elle sollicite d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé que la convention de forfait annuel en jours de M. [B] est privée d'effet.

Faute de justifier, conformément aux dispositions de la convention collective (articles 1.09 f et 4/06) d'un suivi régulier de la charge de travail et de l'organisation d'un entretien annuel permettant d'assurer la compatibilité des responsabilités professionnelles avec la vie personnelle du salarié dans le cadre de la convention de forfait annuel en jours, celui-ci est privé d'effet par voie de confirmation du jugement déféré.

Cette privation d'effets de la convention de forfait annuel en jours entraîne le retour automatique au décompte horaire du temps de travail dans un cadre hebdomadaire avec comme conséquence la possibilité pour le salarié de solliciter le paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du Code du travail.

Sur la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires :

Moyens des parties :

M. [B] soutient qu'il ouvrait et fermait chaque jour la concession d'[Localité 4] (8h-12h/14h/19h) et était donc présent avant 8 heures et après 19 heures, ne s'accordait qu'une courte pause le midi souvent rythmée par les réunions, les courriels et les dossiers à traiter, ne pouvant la plupart du temps prendre une pause repas. Il a d'ailleurs quitté l'entreprise dans un contexte d'épuisement professionnel. Il a travaillé pendant les RTT imposées par l'employeur. Il allègue avoir été victime d'épuisement professionnel.

La SAS Cochet automobiles soutient que M. [B] n'a jamais fait d'observation relative à de prétendues heures supplémentaires et a toujours estimé bénéficier d'une rémunération avantageuse et adéquate. Le salarié ne démontre pas qu'il était présent à l'ouverture et à la fermeture tous les jours et il pouvait s'absenter en cours de journée, sa présence permanente au sein de la concession n'était pas exigée, ou ne pas revenir sur son lieu de travail après avoir eu des rendez-vous à l'extérieur. Les attestations versées sont mensongères. M. [B] ne formule qu'une réclamation de caractère global, général et non détaillée insuffisante à justifier sa demande. De plus, s'agissant d'un salarié soumis à une durée collective, l'employeur n'a pas à établir des documents de contrôle de la durée du travail au visa de l'article D. 3171-8 du code du travail.

Sur ce,

S'agissant des heures supplémentaires, conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.

Par application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre'd'heures'de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux'heures'non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des'heures'de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où elle retient l'existence'd'heures'supplémentaires, la juridiction prud'homale évalue souverainement, sans être tenue de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Par ailleurs, il doit être rappelé que l'absence d'autorisation donnée par l'employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

Il est de principe que n'est pas suffisant un calcul basé sur une durée moyenne hebdomadaire théorique.

En l'espèce, M. [B] verse aux débats les éléments suivants quant aux heures non rémunérées dont il réclame le paiement':

- Son contrat de travail en qualité de directeur de concession et ses bulletins de paie confirmant sa qualité de directeur

- Les horaires non contestés d'ouverture du service commercial de la concession d'[Localité 4] (8':00-12':00, 14':00-19':00 du lundi au samedi

- Les attestations d'anciens salariés de la SAS Cochet automobiles (M. [J], Mme [Z], M. [E]) qui exposent de manière corroborée que M. [B] arrivait avant l'horaire d'ouverture, entre 7'heures 30 et 7'heures 45 le matin, qu'il restait le midi ainsi que plusieurs collègues pour partager le déjeuner ensemble et que M. [J] faisait la fermeture avec M. [B] tous les soirs sauf pendant ses jours de congés et qu'il n'était pas rare de fermer après 19 heures 30. Mme [Z] (assistante commerciale) confirme que M. [B] était présent chaque jour à son arrivée à 7 heures 45 le matin, prenait soin de contrôler avec son chef d'atelier et son «'receptionnaire'» (sic) De l'activité de la journée mais aussi la planification des évènements... et en toute fin de journée vers 18 heures 45 débriefait avec eux la facturation et la gestion des flux monétaires avant rangement au coffre. Elle précise qu'elle occupait un bureau près du sien et que pendant la pause déjeuner, il s'affairait dans son bureau à exécuter différentes tâches lui incombant, celles que contrôler les dossiers vendeurs... et il n'était pas rare que lors de sa reprise de poste, elle constatait qu'il avait fait l'impasse sur la pause déjeuner. Il ne quittait pas la concession le soir sans en avoir fait le tour pour s'assurer que tout était en ordre et faisait la fermeture du site chaque jour après 19 heures.

- Plus de 100 mails transmis par M. [B] de son adresse courriel professionnelle sur les années 2019 et 2020 entre 12 et 14 heures, le matin avant 8 heures, le soir après 19 heures jusqu'à 21 heures 35

- Des captures d'écrans de mails adressés pendant la période confinement de 2020 et d'activité partielle et les périodes de RTT

- Un procès-verbal de constat de Me [U], huissier de justice, en date du 22 mai 2023 qui certifie l'existence des courriels ainsi versés aux débats sur le téléphone de M. [B] et son adresse professionnelle

- Un décompte dactylographié de la durée du travail et des heures supplémentaires pour les années 2018 à 2020 précisant pour chaque année les jours de congé pris, les jours de repos hebdomadaire (mercredi et dimanche), les RTT.

Les éléments ainsi produits par M. [B], constituent une présentation d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le seul fait conclu par la SAS Cochet automobiles que M. [B] n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires au cours de la relation contractuelle ou dans la lettre de renonciation à démission ne suffit pas à caractériser une volonté non équivoque de la part du salarié de renoncer à sa créance salariale. De la même façon, le fait que M. [B] puisse avoir une rémunération qu'il jugeait convenable ne le prive pas de demander le paiement des heures supplémentaires effectuées.

Le protocole transactionnel évoqué du 27 février 2020 ne fait pas état d'une négociation s'agissant des heures supplémentaires et ne concerne que les rémunérations fixes et variables et les objectifs et il n'en ressort pas que M. [B] ait admis que l'employeur ne lui devait aucune heure supplémentaire.

La production par l'employeur du contrat de travail et des feuilles de présence de M. [J], Mme [Z] et M. [E] ne caractérise pas la fausseté de leur attestation, ceux-ci n'ayant pas déclaré que leur horaire de début de journée était 7H30, 7H45 mais qu'ils arrivaient à ces horaires souvent en même temps que M. [B] ou que arrivant à 8 heures, il était déjà présent et il n'est pas démontré par l'employeur qu'il ne travaillait pas lui-aussi au-delà des horaires de travail prévus par le contrat de travail le soir si nécessaire, le tableau d'heures de M. [E] produit par l'employeur démontrant au contraire qu'il faisait tous les jours au moins une heures supplémentaires. La SAS Cochet automobiles ne justifie pas non plus des «'procédés déloyaux'» de M. [B] allégués pour obtenir ces attestations. La fausseté de ces attestations n'est donc pas démontrée. Il n'est par ailleurs pas contesté que M. [B] assurait l'ouverture et la fermeture de la concession. Aucun décompte horaire de travail ni feuilles de présence ne sont versés aux débats.

S'agissant de la période du confinement, le décompte produit par M. [B] prend en compte cette épisode et retranche les congés payés afférents et RTT pris au mois de mars 2020 et il ressort des extraits du compte Whatsapp de la société de mars à mai 2020 que M. [B], ainsi que d'autres salariés, continuaient à travailler activement même pendant la période de chômage partiel, sans que l'employeur ne fournisse les horaire de travail de ses salariés.

Le fait allégué, par ailleurs non démontré selon lequel M. [B] n'était pas soumis à un horaire collectif et que l'employeur n'avait dès lors aucune obligation de décompter le temps de travail, contredit l'allégation de l'employeur selon laquelle il aurait été en réalité cadre dirigeant.

Faute pour l'employeur à qui il incombe conformément aux dispositions susvisées de contrôler les'heures'de travail effectuées par son salarié, de contredire le décompte détaillé fourni par le salarié et de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci, il convient au vu des éléments versés aux débats de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné la SAS Cochet automobiles à lui verser la somme de 215787,44 € outre 21578,74 € de congés payés afférents.

Sur les contreparties obligatoire sen repos et le dépassement de la durée légale de travail':

Moyens des parties :

M. [B] sollicite une indemnité au titre des contreparties obligatoires en repos dont il n'a pu bénéficier pour les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent de 220 heures fixées par convention collective au visa de l'article L.3121-38 du code du travail. Il argue également au visa de l'article L.3121-18 du code du travail'du non-respect de la durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures.

La SAS Cochet automobiles conteste l'existence des heures supplémentaires et donc les demandes à ce titre.

Sur ce,

Selon les dispositions de l'article L. 3121-30, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

Il résulte des dispositions des articles L. 3121-10 et suivants et L. 3121-35 et suivants que la durée légale de travail effectif est fixée à 35 heures par semaine et des heures supplémentaires ne peuvent être effectuées qu'à la double condition de ne pas dépasser sur une même semaine 48 heures et une durée moyenne de travail calculée sur une période de 12 semaines consécutives ne peut excéder 44 heures. En outre la durée maximale quotidienne de travail effectif ne peut excéder 10 heures.

Il convient d'infirmer la décision déférée sur le quantum et de condamner la SAS Cochet automobiles à payer à M. [B] la somme de 114076,17 € au titre des contreparties obligatoires en repos outre la somme de 11407,61€ de congés payés afférents.

Il convient de condamner la SAS Cochet automobiles à payer à M. [B] la somme de 2000 € de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures, la seule infraction à cette règle pouvant porter atteinte à la santé et la sécurité du salarié.

Sur le travail dissimulé':

Moyens des parties :

M. [B] soutient que la connaissance par l'employeur des heures supplémentaires effectuées ne fait aucun doute compte tenu de sa présence pour ouvrir et fermer la concession tous les jours, qu'il s'est néanmoins dispensé d'entretien annuel sur la charge de travail, qu'il également travaillé alors que son contrat de travail était suspendu pendant l'activité partielle liée au confinement, l'élément intentionnel étant par conséquent démontré.

La SAS Cochet automobiles fait valoir que le salarié ne démontre pas son intention de dissimuler l'exercice d'une activité salariée par son ancien employeur puisqu'il ignorait tout de sa situation et que l'ancien employeur sachant qu'il n'effectuait pas d'heures supplémentaires, a antidaté un avenant pour augmenter sa rémunération.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur':

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche';

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie';

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité en application des dispositions de l'article L.'8221-3 du code du travail', l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article'L. 613-4'du code de la sécurité sociale ;

3° Soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.'8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L.8223-1 du code du travail, de la volonté de l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.

Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord.

Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.

Faute en l'espèce de démontrer le caractère intentionnel du travail dissimulé qui ne peut résulter du seul défaut de paiement des heures supplémentaires, le salarié doit être débouté de sa demande à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail'

Moyens des parties :

M. [B] soutient qu'il a démissionné sans réserve en raison d'un burn-out et d'un épuisement moral et que cette démission était concomitante à un important différend relatif à la suppression de sa rémunération variable en 2020. Il sollicite qu'elle produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que l'employeur reconnait désormais devoir les rémunérations variables à ce titre et que l'employeur a commis de nombreux manquements graves rendant l'exécution du contrat de travail impossible (non rémunération primes, des heures supplémentaires, repos hebdomadaires, management clivant, absence d'élection du personnel...).

La SAS Cochet automobiles fait valoir que M. [B] a démissionné sans réserve ni faire état de griefs à l'encontre de son employeur, indiquant même qu'il effectuerait son préavis, ne considérant donc pas que la poursuite du contrat de travail était rendue immédiatement impossible en raison de graves manquements de son employeur. Il n'a contesté cette démission que trois mois plus tard. L'employeur fait également état d'une certaine complaisance du Dr [P] du fait de ses liens familiaux et que le lien entre le syndrome anxiodépressif constaté et les relations de travail n'a pu être constaté par le praticien. M. [B] ne démontre pas les manquements relevés. La rupture du contrat de travail par M. [B] devant produire les effets d'une démission.

Sur ce,

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Elle doit être librement consentie et le consentement du salarié ne doit pas être vicié. A défaut, la démission est nulle et la rupture du contrat de travail s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il appartient au salarié d'apporter la preuve que son consentement a été vicié.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

En l'espèce, il ressort du courrier recommandé adressé à la SAS Cochet automobiles par M. [B] en date du 10 octobre 2020, que «'par la présente, je vous informe de ma décision de démissionner du poste de directeur de concession que j'occupe depuis le 18 mai 2009 dans votre entreprise. Conformément aux dispositions de la convention collective , je suis tenu de respecter un préavis d'une durée de trois mois. Mon contrat de travail prendra donc fin le 10 janvier 2021. A la fin de mon contrat, je vous remercie de bien vouloir me transmettre l'ensemble des documents de fin de contrat, notamment un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un solde de tout compte...'»

Par courrier recommandé du 20 janvier 2021, M. [B] a ensuite adressé un courrier de rétractation de sa démission par lequel il expose que sa démission était causée par les manquements de l'employeurs ayant dégradé son état psychologique qui l'a contraint à démissionner et qui évoque la baisse de sa rémunération variable constatée sur sa fiche de paye de décembre 2020, n'ayant jamais eu un salaire aussi bas depuis le début de son poste.

S'il n'est pas contesté par l'employeur qu'une discussion était effectivement en cours relative aux primes des directeurs de concession au mois d'octobre 2020, M. [B] ne démontre pas, comme conclu, qu'il avait interrogé plusieurs reprises son employeur sur ce point avant sa démission du 10 octobre 2020 qui est sans équivoque, sans réserve et sans référence à un éventuel contentieux en cours.

Au contraire, il ressort de l'analyse des éléments versés aux débats qu'il s'est rétracté de sa démission trois mois et 10 jours après celle-ci et 10 jours après la fin de son préavis au vu de son bulletin de paie de décembre 2020 et de la baisse de rémunération variable ainsi découverte. Il n'est fait par ailleurs dans ce courrier aucune référence à d'autres manquements liés à la surcharge de travail, aux heures supplémentaires impayées et au non-respect de la durée du travail.

M. [B] ne justifie pas non plus comme conclu que son état psychologique l'aurait contraint à démissionner.

Il convient par conséquent de juger que la rupture du contrat de travail est constituée par la démission de M. [B] et de le débouter de se demandes à ce titre par voie d'infirmation du jugement déféré.

Sur l'absence d'organisation des élections professionnelles':

Moyens des parties :

M. [B] soutient que la SAS Cochet automobiles n'a jamais organisé d'élections professionnelles alors même qu'elle a toujours compté plus de11 salariés. Elle s'est ravisée au mois d'octobre 2020 à la suite de la dénonciation de la situation. Il n'a jamais représenté la société en ce qu'il n'a jamais eu de mandat social ni la moindre délégation l'autorisant à effectuer de telles élections qui devaient être organisées au niveau de l'entreprise. Cette faute cause nécessairement un préjudice aux salariés et M. [B] n'ayant pu se référer auprès de représentants du personnel afin d'évoquer ses difficultés, il sollicite une indemnisation à hauteur de 3000 €.

La SAS Cochet automobiles soutient qu'elle était auparavant dirigée par M. [K] avec lequel M. [B] dirigeait de concert la concession d'[Localité 4] et que M. [B] n'a jamais alerté l'employeur sur le fait qu'il fallait organiser des élections du CSE et il n'établit pas qu'au regard des effectifs, la SAS Cochet automobiles aurait été dans l'obligation d'organiser des élections du personnel.

Sur ce,

L'employeur d'au moins 11 salariés équivalents temps plein doit organiser les élections pour la mise en place d'un CSE. A défaut le délit d'entrave est constitué en application de l'article L. 2317-1 du code du travail.

L'employeur qui n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

Le fait de priver les salariés d'une possibilité de représentation et de défense de leur intérêt du fait du défaut d'organisation de élections, constitue en soi un préjudice.

La charge de la preuve du nombre de salariés pèse sur l'employeur.

En l'espèce, la SAS Cochet automobiles qui met en doute l'effectif de 11 salariés déclenchant l'obligation légale d'organiser des élections professionnelles, ne justifie pas du nombre de ses salariés ni d'un Procès-Verbal de carence comme il lui incombe. Le fait ainsi pour M. [B] d'avoir été privé d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts du fait du défaut d'organisation de élections, constitue en soi un préjudice qu'il convient d'indemniser à hauteur de 3000 € par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la remise d'une attestation France Travail (Pôle emploi) et d'un bulletin de salaire rectifié:

Il convient de confirmer le jugement déféré à ce titre sauf en ce qu'il a ordonné une astreinte qui n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.

Sur les demandes accessoires':

Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

Chaque partie a été partiellement déboutée de ses demandes dans le cadre de l'instance d'appel. Dans ces circonstances, l'équité commande de les débouter de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel et de dire qu'elles supporteront chacune la charge des frais et dépens qu'elles ont engagés en appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':

- Fixé le salaire mensuel moyen de M. [B] à la somme de 16001,66 € bruts

- Jugé que la convention de forfait jours de M. [B] est privée d'effet

- Condamné la SAS Cochet automobiles à payer à M. [B] les sommes suivantes':

* 51608,66 € à titre de rappels de primes variables pour l'année 2020

* 5160 € bruts au titre des congés payés afférents

3000 € nets à titre de dommages et intérêts au titre de l'absence d'organisation des élections professionnelles

* 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Ordonné à la SAS Cochet automobiles de rectifier et de remettre à M. [B] l'attestation pôle emploi

- Prononcé l'exécution provisoire du jugement pour la partie concernant les rappels de salaire et congés payés afférents en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail'

- Débouté M. [B] du surplus de ses demandes

- Débouté la SAS Cochet automobiles de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et du surplus de ses demandes

- Condamné la SAS Cochet automobiles aux entiers dépens de l'instance.

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Cochet automobiles à payer à M. [B] les sommes suivantes':

* 215787,44 € au titre des heures supplémentaires outre 21578,74 € de congés payés afférents

* 114076,17 € au titre des contreparties obligatoire sen repos outre 11407,61€ de congés payés afférents.

* 2000 € de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire

* CONSTATE qu'en accord entre les parties, M. [B] a été rempli de ses droits s'agissant de sa demande au titre de la rémunération variable et que la demande de condamnation est devenue sans objet,

DIT que la rupture du contrat de travail de M. [B] doit être qualifiée de démission,

REJETE la demande d'astreinte s'agissant de la remis des documents France Travail (Pôle emploi) et du bulletins de paie rectifié,

DIT que chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles et dépens qu'elle a engagés en cause d'appel,

Ainsi prononcé publiquement le 20 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 22/02023
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.02023 ?
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