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20/06/2024 | FRANCE | N°22/01963

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 20 juin 2024, 22/01963


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE







ARRÊT DU 20 JUIN 2024



N° RG 22/01963 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HEE6



[E] [X] [Y] [U] [C]

C/ Association CENTRE SOCIOCULTUREL DES MOULINS prise en la personne de son Président en exercice, domicilié ès qualités audit siège



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 21 Octobre 2022, RG F 21/00112



APPELANTE :



Madame [E] [X] [Y] [U] [C]

[Adresse 2]
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Représentant : Me Frédéric PERRIER de la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d'une aide juridictionnell...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

N° RG 22/01963 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HEE6

[E] [X] [Y] [U] [C]

C/ Association CENTRE SOCIOCULTUREL DES MOULINS prise en la personne de son Président en exercice, domicilié ès qualités audit siège

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 21 Octobre 2022, RG F 21/00112

APPELANTE :

Madame [E] [X] [Y] [U] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Frédéric PERRIER de la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro C73065-2022-002997 du 05/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)

INTIMEE :

Association CENTRE SOCIOCULTUREL DES MOULINS prise en la personne de son Président en exercice, domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Benjamin BEROUD de la SELARL BENJAMIN BEROUD, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 19 Mars 2024, devant Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, qui s'est chargé(e) du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Mme Sophie MESSA, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

et lors du délibéré :

Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,

********

Exposé du litige':

Mme [E] [C] a été embauchée au sein de l'Association Centre culturel des moulins en date du 02 septembre 2019 en contrat à durée déterminée à temps partiel (26 heures par semaine) au motif du remplacement provisoire de Mme [S] pour une durée minimale de 5 mois, renouvelable.

Un deuxième contrat à durée déterminée a été signé entre les parties le 10 février 2020 jusqu'au 30 juin 2020 au motif de l'accroissement temporaire occasionné par «'la restructuration du moulin aux livres et le développement de l'activité en direction des seniors'» pour les activités en qualité de chargée de l'action moulin aux livres, de l'animation en direction des séniors et de la newsletter :

- restructuration du moulin aux livres,

- développement de l'activité en direction des séniors.

Un avenant à ce second contrat a été conclu pour une prolongation de 6 mois du 01 juillet 2020 au 31 décembre 2020, pour motif accroissement temporaire de l'activité pour le même motif.

Mme [C] a saisi le conseil des prud'hommes de Chambéry en date du'14 juin 2021 aux fins de solliciter la requalification de ses contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, obtenir les indemnités afférentes ainsi que des rappels de salaires au titre d'heures complémentaires.

Par jugement du'21octobre 2022, le conseil des prud'hommes de Chambéry, a':

- Débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes

- Débouté l'Association Centre culturel des moulins de sa demande reconventionnelle

La décision a été notifiée aux parties et Mme [C] en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 23 novembre 2022.

Par dernières conclusions du'5 février 2024, Mme [C] demande à la cour d'appel de':

- Déclarer recevable et bien-fondé Mme [C] en son appel du jugement rendu le 21 octobre 2022 par le Conseil de prud'hommes de Chambéry,

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Et statuant à nouveau,

- Juger que le motif du recours au premier contrat de travail à durée déterminée et que le motif du recours au second contrat de travail à durée déterminée sont faux,

- Condamner l'association Centre Socioculturel des Moulins à lui payer la somme de 1.467,46 € d'indemnité de requalification,

- Condamner l'association Centre Socioculturel des Moulins à lui payer la somme de 2.934, 92 € nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamner l'association Centre Socioculturel des Moulins à lui payer la somme de 489,33 € d'indemnité de licenciement,

- Condamner l'association Centre Socioculturel des Moulins à lui payer la somme de 1.467, 46 € d'indemnité de préavis outre 146, 74 € de congés payés afférents,

- Juger que l'association Centre Socioculturel des Moulins a fait preuve de déloyauté dans l'exécution des contrats de travail de Mme [C],

- Condamner l'association Centre Socioculturel des Moulins à lui payer la somme de 1.500 € de dommages et intérêts,

- Condamner l'association Centre Socioculturel des Moulins à lui payer la somme de 1.120, 75 € de rappel de salaire au titre des heures complémentaires outre 112, 07 € de congés payés afférents,

- Condamner l'association Centre Socioculturel des Moulins à lui payer la somme de 8.804, 70 € au titre du travail dissimulé,

- Condamner l'association Centre Socioculturel des Moulins à lui payer la somme de 1.000 € de dommages et intérêts au titre de la communication tardive des plannings de travail,

En tout état de cause,

- Débouter l'association Centre Socioculturel des Moulins de toutes ses demandes et prétentions,

- Condamner l'association Centre Socioculturel des Moulins à payer à Mme [C] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 37 de la Loi du 10 juillet 1991.

- Condamner l'association Centre Socioculturel des Moulins aux dépens.

Par conclusions en réponse du 22 mai 2023 , l'Association Centre culturel des moulins demande à la cour d'appel de':

- Rejeter toutes fins et conclusions contraires,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Chambéry le 21 octobre 2022,

- Juger Mme [C] mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter,

- Condamner Mme [C] à payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI':

Sur'la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

Moyens des parties :

Mme [C] sollicite la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et des indemnités à ce titre.

Elle expose que s'agissant du premier contrat à durée déterminée, elle a non seulement remplacé Madame [K] [S] qui occupe le poste précis de coordonnatrice comme prévu dans le contrat de travail mais qu'elle a aussi occupé le poste de Mme [D] qui avait démissionné au mois de juin 2019 et qui occupait un poste distinct, son contrat de travail prenant fin au mois de juillet 2019. Elle a ainsi occupé le bureau de Mme [D] et utilisé son ordinateur. Elles ont échangé des courriels dès le début du mois de septembre 2019. A compter du 02 septembre 2019, Mme [C] a occupé deux postes de travail distincts : celui de référente famille d'une part, et celui d'animatrice Moulin aux livres, référente senior, d'autre part. Mme [S] ne s'est jamais occupée de la bibliothèque, du café des anciens ni même de la mise en page de la newsletter. Mme [C] soutient qu'il lui a été indiqué dès le début que le contrat à durée déterminée deviendrait un contrat à durée indéterminée une fois le congé maternité terminé et qu'elle conserverait le poste d'animatrice Moulin aux livres et Séniors. Mme [D] s'occupant de la newsletter et comme Mme [C] a également cette compétence, ils lui proposèrent de la faire. Il a été aussi demandé à Mme [D] de venir en juillet pour faire une rapide passation de son poste.

S'agissant du second contrat à durée déterminée et de son avenant, Mme [C] expose que l'employeur ne démontre pas avoir « connu une importante augmentation » d'activité au mois de février 2020 comme conclu. L'argument tenant à la volonté de développer les liens avec l'Ecole [4] est faux puisque dès l'automne 2019, Mme [C] s'était mise en relation avec les deux écoles du quartier, dont l'Ecole [4], Mme [D] lui ayant donné les contacts et la démarche à suivre. Ce second contrat de travail à durée déterminée datée du 10 février 2020 n'était en réalité que l'officialisation du poste déjà tenu par Mme [C] dès septembre 2019. Elle occupait en fait un emploi permanent et l'employeur ne caractérise pas d'augmentation de la charge de travail. Le contrat de travail étant en réalité un essai pour éprouver la salariée. Elle sollicite à ce titre une indemnité de requalification et de dire que la rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'Association Centre socioculturel des moulins conteste toute requalification en contrat à durée indéterminée et expose qu'elle était légitime à recourir aux contrats à durée déterminée pour les motifs invoqués.

S'agissant du premier contrat à durée déterminée de remplacement, il a été expressément stipulé que Mme [C] occuperait les fonctions de référente famille, et que ces fonctions pourraient évoluer en fonction de l'activité de l'association. Or, Mme [D] a démissionné à effet du mois de juillet 2019, bien avant l'engagement temporaire de Mme [C], et appartenant également au secteur «'famille'» du Centre, était notamment dédiée au moulin aux livres et aux séniors. Dès avant la démission de Mme [D], Mme [S] a été conduite à compenser ses ponctuelles absences et réciproquement. Autrement dit et lorsque Mme [C] a été embauchée pour remplacer partiellement Madame [S] en congé maternité, elle a occasionnellement accompli quelques tâches autrefois dévolues à Madame [D]. Les stipulations contractuelles du contrat à durée déterminée originel de Mme [C] ayant parfaitement été observées.

Sur le contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité, l'Association Centre socioculturel des moulins soutient que ce n'est véritablement qu'à compter du second contrat à durée déterminée signé le 10 février 2020, que Mme [C] a été amenée à réaliser provisoirement les tâches incombant auparavant à Mme [D] et que cette organisation s'est inscrite dans le cadre de la restructuration du moulin aux livres et du développement des missions dédiées aux séniors, qui a occasionné une augmentation temporaire de l'activité normale du Centre, ayant conduit Mme [C] à officier jusqu'au 31 décembre 2020. S'agissant du moulin aux livres, l'association a souhaité développer une nouvelle action destinée aux élèves de l'école [4]. Concernant les seniors, le Centre socioculturel des Moulins a répondu à un appel à projet du département de la SAVOIE. Si le soutien des pouvoirs publics s'était poursuivi au-delà, il est probable que Mme [C] aurait bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Sur ce,

Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du même code prévoit que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).

Il est de principe que l'accroissement temporaire d'activité constitue un accroissement temporaire de la charge de travail habituelle de l'entreprise accidentelle ou cyclique qui ne peut être absorbée avec ses effectifs habituels. Cet accroissement, s'il n'est pas forcément exceptionnel ne doit pas être habituel et doit être limité dans le temps. Cet accroissement temporaire d'activité peut résulter d'accroissements ponctuels inhérents à l'organisation de l'activité de l'entreprise mais également de surcharge normale dans le cadre de son activité permanente.

L'entreprise peut également conclure un contrat à durée déterminée pour remplacer un salarié en cas d'absence ou de suspension du contrat de travail afin d'assurer le fonctionnement normal de l'entreprise tout en préservant l'emploi du personnel absent. Le remplacement doit concerner un salarié déterminé dont le nom et la qualification doivent être mentionnés dans le contrat à durée déterminée et il doit s'agir d'une situation temporaire. Ces contrats doivent permettre de faire face à des absences inopinées et ne pas constituer un instrument de gestion.

S'agissant du premier contrat à durée déterminée en date du 02 septembre 2019 à temps partiel (26, heures par semaine) au motif du remplacement provisoire et partiel de Mme [S] en congé maternité pour une durée minimale de 5 mois, renouvelable':

Il résulte dudit contrat de travail que Mme [C] est recrutée pour occuper les fonctions Mme [S] «'employée habituellement en qualité de coordinatrice'». Il est précisé que Mme [C] est employée en qualité de référente famille avec le statut cadre sous la responsabilité du directeur de la structure mais que ces fonctions pourront être amenées à évoluer en fonction des nécessités liées à l'activité de l'association.

Il ressort de l'organigramme versé aux débats que la coordinatrice coordonne les trois secteurs, Animation, Logistique et Administration à hauteur de 35 heures par semaine.

Mme [C] est donc embauchée pour un remplacement partiel des activités de Mme [S] (26 heures) et il n'est pas contesté qu'elle occuperait les fonctions de référente famille, une partie des attributions de Mme [S].

Il est constant que Mme [D] a démissionné par courrier du 18 juin 2019 de ses fonctions d'animatrice.

Mme [C] verse aux débats le rapport d'activité 2019 dont il ressort qu'elle est affectée au poste d'animatrice moulins aux livres, animatrice seniors à partir de septembre à la suite de Mme [D] qui quitte ses fonctions en juillet, et il n'est pas contesté que ce poste appartenait au secteur «'famille'» auquel Mme [C] était affectée.

Mme [V] ancienne salariée jusqu'en décembre 2019 de l'association, atteste qu'à partir de septembre 2019, Mme [C] a occupé le poste de Mme [D] partie en juillet 2019 ,ainsi que son bureau dans le bureau animation, utilisait son adresse mail, animait le groupe seniors «'le café des anciens'», la bibliothèque de rue, l'accueil parents enfants du jeudi matin et s'occupait de la news letter, tâches pour lesquelles Mme [D] avait un contrat de travail de 35 heures par semaine. Elle précise avoir découvert ensuite que dans le même temps, remplaçant Mme [S] en congé maternité, Mme [C] participait à des réunions de la responsable famille, gérait les sorties familles, l'atelier gourmand, l'instant femmes, le groupe de mamans cuisinières.

Ce témoignage n'est pas contredit par les attestations de Mme [T] et de Mme [O], s'agissant de tâches occupées par Mme [C] en plus de celles relevant du poste de Mme [D].

Il en ressort qu'il est démontré que Mme [C] a occupé dès le mois de septembre 2019, les missions imparties à Mme [D] après sa démission et pas uniquement certaines des tâches de Mme [S] pendant son congé maternité comme prévu par le contrat à durée déterminée.

En outre il doit être relevé qu'il n'est pas contesté que Mme [C] a ensuite été embauchée pour accroissement temporaire d'activité occasionné par la restructuration du moulin aux livres et le développement de l'activité en direction des seniors'dès le 10 février 2020 (renouvelé par avenant en juillet 2020) et que l'association centre socioculturel des moulins ne conteste pas que Mme [C] a été amenée provisoirement à réaliser les tâches incombant auparavant à Mme [D]. L'association centre socioculturel des moulins ne justifiant pas d'une importante augmentation de son activité comme conclu, ni le développement d'une nouvelle action à l'égard de l'école [4], l'évaluation 2019 de Mme [C] faisant déjà état de la reprise des activités avec l'école et du fait que le contact avec l'école a repris.

De plus l'association centre socioculturel des moulins reconnait dans son courrier adressé à Mme [C] le 20 décembre 2020 que le contrat à durée déterminée a été renouvelé non en raison d'un nouvel accroissement comme indiqué dans l'avenant mais parce que Mme [C] les satisfaisait, avait apporté des nouveautés, les décidant à «'lui laisser sa chance'» c'est-à-dire, de faire ses preuves en vue d'un éventuel contrat à durée indéterminée. La cour en déduisant que la salariée occupait en réalité un poste lié à l'activité normale et permanente de l'association, celui précédemment occupé par Mme [D], dès septembre 2019.

De plus il ressort du même courrier susvisé annonçant la fin de la relation de travail, que lui est néanmoins proposé non un contrat à durée indéterminée mais des interventions extérieures au centre, ce type de collaboration étant jugé «'plus adapté au fonctionnement de Mme [C] et de l'association centre socioculturel des moulins'», laissant à penser que l'association centre socioculturel des moulins ne voulait pas s'engager dans une relation de travail pérenne malgré l'existence d'un emploi à pourvoir de manière permanente.

Il convient dès lors par voie d'infirmation du jugement déféré de requalifier les contrats à durée déterminée susvisés de Mme [C] à compter du 1er septembre 2019.

Il y a lieu par conséquent de condamner l'association centre socioculturel des moulins à payer à Mme [C] une indemnité de requalification d'un montant de 1467,46 €.

Les contrats à durée déterminée de Mme [C] ayant été requalifiés en contrat à durée indéterminée, il y a lieu d'examiner les conditions et circonstances de sa rupture au regard des règles applicables en matière de contrat à durée indéterminée.

Faute de respecter la procédure légale de rupture en matière de contrat à durée indéterminée, la rupture du contrat de travail ainsi requalifié doit être analysée comme dépourvue de cause réelle et sérieuse, l'association centre socioculturel des moulins doit être condamnée à payer à Mme [C] les somme suivantes':

* 489,33 € à titre d'indemnité de licenciement

* 1467,46 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 146,74 € de congés payés afférents

En application des dispositions de l'article L.'1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis'; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ce texte.

Or, Mme [C] qui disposait d'une ancienneté au service de son employeur de plus de 1 année, peut par application des dispositions précitées, prétendre à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 1 et 2 mois de salaire.

Faute d'élément pour justifier du préjudice effectivement subi par Mme [C] il convient de condamner l'association centre socioculturel des moulins à lui verser un mois de salaire soit la somme de 1467,46 €.

Sur'la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail :

Moyens des parties :

Mme [C] soutient que l'employeur a exécuté de manière déloyale son contrat de travail et sollicite des dommages et intérêts à ce titre. Elle expose qu'elle s'est toujours investie dans son travail et que l'Association Centre culturel des moulins avait promis de l'embaucher en contrat à durée indéterminée. De plus, lorsque lui était annoncé le 19 novembre 2020 que son contrat n'était pas renouvelé, l'association passait une offre d'emploi sur le site de Pôle emploi pour un travail à 28 heures par semaine, soit deux heures de plus qu'elle. Enfin son contrat de travail a pris pendant la crise sanitaire, période difficile pour retrouver un emploi et elle a mis 11 mois pour retrouver du travail.

L'Association Centre socioculturel des moulins ne conteste pas que Mme [C] s'est investie dans son travail mais conteste avoir promis de l'embaucher en contrat à durée indéterminée ni avoir eu l'intention de lui proposer de collaborer en tant qu'intervenante extérieure. Si l'association a envisagé de pérenniser l'emploi de Mme [C], l'arrêt du financement de l'action destinée aux séniors l'en a empêché. L'annonce (recrutement animateur bibliothèque en contrat à durée indéterminée) publiée aux débats est postérieure de deux ans à l'échéance de la collaboration avec Mme [C].

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.

Il ressort du courrier du 20 décembre 2020 de l'association centre socioculturel des moulins à Mme [C] qui lui annonce la fin de la relation de travail, que lui est proposé non un contrat à durée indéterminée mais des interventions extérieures au centre, ce type de collaboration étant jugé 'plus adapté au fonctionnement de Mme [C] et de l'association centre socioculturel des moulins'. De plus un emploi d'animateur en contrat à durée déterminée a été offert par l'association centre socioculturel des moulins sur le site Pôle emploi le 28 novembre 2020

Il s'en déduit l'exécution déloyale du contrat de travail par l'association centre socioculturel des moulins à l'encontre de Mme [C]. Toutefois faute pour Mme [C] de justifier de l'existence d'un préjudice notamment des difficultés qu'elle aurait eues à retrouver un emploi, il convient de rejeter sa demande de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures complémentaires':

Moyens des parties :

Mme [C] soutient au visa de l'article L. 2171-4 du code du travail, qu'elle a occupé deux postes à compter de septembre 2019 et que sa charge de travail est très vite dépassé son temps partiel de 26 heures par semaine. Elle expose que l'Association croit pouvoir faire référence à l'article 1.3.3 de la Convention collective Nationale des acteurs du lien social et familial pour lui dénier tout droit au paiement d'heures complémentaires, en réalité, ce texte est consacré à la modulation du temps de travail c'est-à-dire à la répartition inégale de la durée du travail sur une période de référence donnée. Il suffit de consulter les contrats signés par Mme [C] pour constater qu'elle est embauchée pour une durée fixe de 26 heures par semaine. Il n'est aucunement stipulé une modulation de son temps de travail, ni même une quelconque récupération des heures effectuées. Cet aveu revenant d'ailleurs à reconnaitre qu'elle a été traitée comme une salariée permanente lambda, en contrat à durée indéterminée.

L'Association Centre culturel des moulins conteste cette demande et allègue qu'elle lui a permis de récupérer l'intégralité de ces heures complémentaires marginales et bien au-delà et que la salariée a accepté le principe de la récupération conventionnellement autorisée. En outre le volume contractuellement imparti à Mme [C] n'a pas été atteint comme il résulte des fiches horaires de Mme [C].

Sur ce,

L'article L. 2171-4 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre'd'heures'de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux'heures'non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des'heures'de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où elle retient l'existence'd'heures'supplémentaires, la juridiction prud'homale évalue souverainement, sans être tenue de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [C] verse aux débats les éléments suivants quant aux heures non rémunérées dont elle réclame le paiement':

Un courrier adressé à l'association centre socioculturel des moulins dont elle ne justifie ni de la date ni de l'envoi dans lequel elle décrit une période de travail très intense et évoque une lourde charge de travail

Un tableau récapitulatif de ses heures complémentaires par jour et par semaine

Les éléments ainsi produits par Mme [C], constituent une présentation d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Les contrats à durée déterminée de Mme [C] ne précisent pas l'existence d'aucune modulation du temps de travail ni la récupération prévue des heures complémentaires en référence à la convention collective citée mais que Mme [C] est embauchée à temps partiel sur un volume horaire de 26 Heures.

L'association centre socioculturel des moulins verse aux débats les plannings prévisionnels de Mme [C]'et les fiches horaires de Mme [C] signées par la salariée et le responsable dont il résulte que des heures complémentaires ont été réalisées par Mme [C]. Il ne résulte toutefois pas de la signature apposée par Mme [C] qu'elle aurait accepté le principe de la récupération de ses horaires.

Il convient dès lors de faire droit à la demande de Mme [C] et de condamner l'association centre socioculturel des moulins à lui payer la somme de 1120,75 € au titre des 67 heures complémentaires majorées effectuées outre 112,07 € de congés payés afférents par voie d'infirmation du jugement déféré.

Sur le travail dissimulé':

Moyens des parties :

Mme [C] revendique le bénéfice de l'article L. 8223-1 du Code du Travail qui prévoit une « indemnité forfaitaire pour le salarié victime du délit défini par l'article L. 8221-3 ou L. 8221-5 » et soutient que c'est délibérément que l'association Centre Socioculturel des Moulins a dissimulé la réalité des postes occupés et qu'elle n'a pas déclaré et payé les heures complémentaires effectuées.

L'Association Centre culturel des moulins conteste avoir dissimulé des heures de travail réalisées par Mme [C] et la salariée ne démontre pas non plus son intention malveillante et frauduleuse.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur':

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche';

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie';

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité en application des dispositions de l'article L.'8221-3 du code du travail', l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article'L. 613-4'du code de la sécurité sociale ;

3° Soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.'8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L.8223-1 du code du travail, de la volonté de l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.

Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord.

Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.

Faute de démontrer le caractère intentionnel du travail dissimulé qui ne peut résulter du seul défaut de paiement des heures complémentaires, Mme [C] doit être déboutée de sa demande à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré

Sur la demande de dommages et intérêts pour le non-respect de la communication du planning':

Moyens des parties :

Mme [C] soutient que le premier contrat de travail stipulait uniquement que l'organisation du temps de travail et les horaires lui seraient remis en main propre par le Directeur et le second contrat de travail contient une stipulation semblable : un planning sera remis à Mme [C] en main propre . Pourtant les plannings étaient transmis pour certains, avec retard, et elle n'a eu, au début de la relation de travail, qu'un calendrier prévisionnel de ses interventions. Or, la direction du centre socio culturel transmettait les plannings comme bon lui semblait, la veille pour le lendemain, deux ou trois jours avant et même parfois plusieurs jours après avoir commencé la semaine. Mme [C] devant dès lors se tenir constamment à disposition de son employeur et ne pouvait pas organiser convenablement son emploi du temps professionnel comme celui de sa famille. Elle demande des dommages et intérêts à ce titre.

L'Association centre socioculturel des moulins fait valoir pour sa part que la salariée s'est vue remettre à l'aube de la relation contractuelle, le calendrier prévisionnel de ses interventions. Puis, au fur et à mesure de la collaboration, elle a été rendue destinataire des plannings intermédiaires. L'Association centre socioculturel des moulins affirme avoir fait au mieux au vu des contingences qu'elle ne peut entièrement maitriser.

Sur ce,

Si l'association centre socioculturel des moulins ne conteste pas que l'ajustement des plannings prévisionnels fournis ont pu parvenir ponctuellement avec un peu de retard à la salariée, cette dernière ne justifie pas être demeurée constamment à la disposition de son employeur et ne pas avoir pu prévoir son rythme de travail. Elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur les demandes accessoires':

Il convient d'infirmer le jugement déféré s'agissant des dépens et des frais irrépétibles et de condamner l'association centre socioculturel des moulins aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Mme [C] la somme de 2'000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré excepté en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande au titre du travail dissimulé, de dommages et intérêts pour non-respect de la communication du planning et de dommages et intérêts exécution déloyale du contrat de travail,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

REQUALIFIE les contrats à durée déterminée conclus entre Mme [C] et l'association centre socioculturel des moulins en contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2019,

CONDAMNE l'association centre socioculturel des moulins à payer à Mme [C] les sommes suivantes':

* 1467,46 € à titre d'indemnité de requalification

* 489,33 € à titre d'indemnité de licenciement

* 1467,46 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 146,74 € de congés payés afférents

* 1467,46 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1120,75 € au titre des 67 heures complémentaires majorées effectuées outre 112,07 € de congés payés afférents

CONDAMNE l'association centre socioculturel des moulins aux dépens de première instance,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE l'association centre socioculturel des moulins à payer la somme de 2000 € à Mme [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance,

CONDAMNE l'association centre socioculturel des moulins aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 20 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 22/01963
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.01963 ?
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