COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 06 JUIN 2024
N° RG 22/00406 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G52M
[K] [P]
C/ S.A.S. CHEZ [O] etc...
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 03 Février 2022, RG F 20/00265
APPELANTE :
Madame [K] [P]
AU GRENIER SAVOYARD
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Mme Giao HA DONG QUYNH (Délégué syndical ouvrier)
INTIMEES :
S.A.S. CHEZ [O]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Pauline GOETSCH de la SELARL ASTREAL, avocat au barreau d'ANNECY
S.A.S. FROMAGES ET CIE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Pauline GOETSCH de la SELARL ASTREAL, avocat au barreau d'ANNECY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 06 Juin 2023, devant Madame Isabelle CHUILON, Conseiller désigné(e) par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s'est chargé(e) du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Mme Capucine QUIBLIER, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
et lors du délibéré :
Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,
********
Exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties
Mme [P] [K] a été embauchée, en qualité de vendeuse, pour la saison estivale 2020, suivant un contrat de travail à durée déterminée saisonnier à temps complet, par la SAS Fromages et Cie, ayant une activité de vente de fromages et produits régionaux, au sein de son établissement situé à [Localité 9], du 10 juin 2020 au 30 septembre 2020, moyennant un salaire mensuel brut de 2.012,26 € pour 190,67 heures.
Le 1er juillet 2020, la société Fromages et Cie a confié la location-gérance de son établissement de [Localité 9] à la société Chez [O], avec transfert de plein droit des contrats de travail en cours.
La société Chez [O] relève de la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers du 15 avril 1988 et emploie moins de onze salariés.
La relation contractuelle entre les parties s'est poursuivie au delà du 30 septembre 2020.
Mme [P] ne s'est plus présentée à son poste de travail à partir du 12 octobre 2020.
Par requête du 3 décembre 2020, après une mise en demeure par LRAR du 2 novembre 2020, Mme [P] [K] a saisi le Conseil de prud'hommes d'Annecy, aux fins de solliciter, à l'encontre de la société Chez [O], des dommages-intérêts pour rupture anticipée d'un C.D.D et non-remise du renouvellement de C.D.D. dans les 48 heures, des indemnités de retard dans le versement du salaire et la délivrance des documents de fin de contrat, des rappels d'heures supplémentaires et de primes, le remboursement de frais de transport et de carburant, ainsi que la remise des documents de fin de contrat.
L'affaire a été renvoyée à l'audience de conciliation du 1er avril 2021, pour convocation de la société Fromages et Compagnie, signataire du contrat de travail, à la demande des conseillers prud'homaux et avec l'accord de la salariée, laquelle, par conclusions postérieures, a sollicité une requalification de son contrat de travail à durée déterminée, en contrat de travail à durée indéterminée, avec octroi des indemnités afférentes.
Par jugement du 3 février 2022, le Conseil de prud'hommes d'Annecy a:
-Mis hors de cause la SAS Fromages et Compagnie,
-Constaté que le contrat de travail de Mme [K] [P] n'a pas été renouvelé à l'issue de son terme fixé au 30 septembre 2020,
-Requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Mme [K] [P] conclu le 10 juin 2020 avec la SAS Fromages et Compagnie puis transféré à la société Chez [O] à compter du mois de juillet 2020 en un contrat de travail à durée indéterminée, -Condamné la SAS Chez [O] à payer à Mme [K] [P] les sommes suivantes:
*2.095€ (deux mille quatre vingt quinze euros) nets au titre de l'indemnité de requalification,
*1.000 € (mille euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*2.095 € (deux mille quatre vingt quinze euros) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 209 € (deux cent neuf euros) bruts au titre des congés payés afférents,
*200 € (deux cent euros) bruts au titre de la prime contractuelle,
*1.500 € (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Ordonné à la SAS Chez [O] de remettre à Mme [K] [P] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail, un solde de tout compte et des bulletins de paie pour les mois de septembre et octobre 2020,
-Limité l'exécution provisoire à celle de droit visée à l'article R.1454-28 du code du travail,
-Débouté Mme [K] [P] du surplus de ses demandes,
-Débouté les sociétés SAS Chez [O] et SAS Fromages et Compagnie de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamné la société SAS Chez [O] aux entiers dépens.
Mme [K] [P] a interjeté appel à l'encontre de cette décision par l'intermédiaire d'un défenseur syndical, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 mars 2022.
La société Chez [O] a formé appel incident par conclusions du 6 septembre 2022.
*
Par conclusions d'appelant du 6 juin 2022, réceptionnées au greffe le 14 juin 2022, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, Mme [K] [P], ayant pour défenseur syndical Mme [E] [N] (UD FO74), demande à la Cour de:
-Infirmer le jugement sur les demandes suivantes et par conséquent:
-Condamner la SAS Chez [O] à payer à Mme [P]:
*2.095 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*2.019,42 € bruts au titre des heures supplémentaires effectuées en juin, juillet, et août, outre 201,94 €,
*272,78 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de la contrepartie obligatoire en repos, outre 27,27 € bruts au titre des congés payés afférents,
*800 € bruts de prime supplémentaire outre 80 € au titre des congés payés afférents,
*383,40 € nets au titre des frais de transport et de carburant,
*10.000 € nets au titre du non-respect des dispositions du code du travail et de la convention collective sur la durée légale hebdomadaire, le repos compensateur et les temps de pause,
*5.000 € au titre de l'exécution déloyale du contrat,
*2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Ordonner une astreinte de 100 € par jour de retard pour le paiement du salaire du mois d'octobre,
-Dire et juger que toutes les condamnations à des créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête au greffe du Conseil de prud'hommes d'Annecy,
-Ordonner la capitalisation des intérêts,
-Dire et juger que toutes les condamnations à des dommages-intérêts seront nettes de CSG, CRDS, cotisations salariales et patronales,
-Condamner la SAS Chez [O] aux entiers dépens,
-Confirmer pour le reste le jugement du 3 février 2022 du Conseil de prud'hommes d'Annecy,
-Débouter la SAS Chez [O] de l'ensemble de ses demandes.
*
Par conclusions notifiées le 6 septembre 2022, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de leurs moyens, les sociétés Chez [O] et Fromages et Compagnie, demandent à la Cour de:
S'agissant de la société Fromages et Cie,
-Confirmer le jugement rendu le 3 février 2022 par le Conseil de prud'hommes d'Annecy en ce qu'il l'a mise hors de cause du litige avec Mme [K] [P],
S'agissant de la société Chez [O],
-Infirmer le jugement rendu le 3 février 2022 par le Conseil de prud'hommes d'Annecy en ce qu'il a :
-Constaté que le contrat de travail de Mme [K] [P] n'a pas été renouvelé à l'issue de son terme fixé au 30 septembre 2020,
-Requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Mme [K] [P] conclu le 10 juin 2020 avec la SAS Fromages et Cie puis transféré à la société Chez [O] à compter du mois de juillet 2020 en un contrat de travail à durée indéterminée,
-Condamné la SAS Chez [O] à payer à Mme [K] [P] les sommes suivantes:
*2.095€ (deux mille quatre vingt quinze euros) nets au titre de l'indemnité de requalification,
*1.000 € (mille euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*2.095 € (deux mille quatre vingt quinze euros) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 209 € (deux cent neuf euros) bruts au titre des congés payés afférents,
*200 € (deux cent euros) bruts au titre de la prime contractuelle,
*1.500 € (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- Confirmer le jugement rendu le 3 février 2022 par le Conseil de prud'hommes d'Annecy pour le surplus,
Statuant à nouveau,
-Débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes,
-Condamner Mme [P] à verser à la société Chez [O] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner Mme [P] aux entiers dépens.
*
La procédure a été clôturée le 7 avril 2023,
L'audience de plaidoiries a été fixée au 6 juin 2023,
L'affaire a été mise en délibéré au 7 septembre 2023, prorogé au 6 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
La Cour constate, en premier lieu, que les parties n'ont pas relevé appel des dispositions relatives à la mise hors de cause de la société Fromages et Compagnie, ni de celles concernant la remise à la salariée de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail, du solde de tout compte et des bulletins de paie pour les mois de septembre et octobre 2020, de sorte qu'elles revêtent, à ce stade, un caractère définitif.
Par ailleurs, doivent être rappelées aux parties les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile en vertu desquelles, d'après sa version actuellement en vigueur:
'Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs'.
I. Sur le renouvellement du CDD ou la requalification du CDD en CDI
Moyens des parties,
'Mme [K] [P], en demandant la confirmation du jugement, reprend, à son compte, la motivation du Conseil de prud'hommes, lequel a requalifié son contrat saisonnier, en CDI, à défaut, pour celui-ci, d'avoir été renouvelé à l'issue du terme fixé au 30 septembre 2020, l'employeur ne lui ayant fait parvenir l'avenant de renouvellement du CDD que le 21 octobre 2020.
'Les sociétés Chez [O] et Fromages et Compagnie font valoir que :
Les conditions de renouvellement du contrat de travail à durée déterminée de la salariée ont été respectées.
Il a été proposé, par avenant du 30 septembre 2020, remis à Mme [P], le renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée jusqu'au 31 octobre 2020, ce qu'elle a accepté en se présentant à son poste dès le 1er octobre suivant.
En l'absence de renvoi de l'avenant de renouvellement, il lui a été demandé, le 16 octobre 2020, d'en transmettre la version signée pour régularisation de la situation.
Contre toute attente et malgré son engagement, le 18 octobre 2020, Mme [P] a contesté l'accord intervenu, refusant frauduleusement et de mauvaise foi, de retourner l'avenant signé.
La salariée ne peut pas se prévaloir d'une situation qu'elle a elle-même provoquée, de sorte que sa demande de requalification de son CDD en CDI n'est pas fondée.
Sur ce,
Le renouvellement du contrat à durée déterminée n'est pas subordonné à la présence d'une clause spécifique du contrat de travail. L'employeur peut donc proposer au salarié un ou plusieurs renouvellements même en l'absence de toute clause au contrat. Chaque renouvellement doit néanmoins faire l'objet d'un avenant au contrat soumis au salarié avant l'arrivée du terme initialement convenu (C. trav. art. L. 1243-13-1) ; et signé par l'intéressé (Cass. soc., 13 juill. 2005, n°03-44.927). À défaut de signature, le contrat est requalifié en contrat à durée indéterminée (Cass. soc., 24 nov. 1998, n°96-41.742 ; Cass. soc., 10 avr. 2002, n°00-43.653). La signature du salarié doit donc être apposée sur l'avenant, au plus tard, le dernier jour du contrat initial ou du premier renouvellement. Le fait que le salarié ait travaillé après le terme du contrat à durée déterminée ne permet pas de déduire qu'il a donné son accord en temps utile pour le renouvellement du contrat initial (Cass. soc., 5 oct. 2016, n°15-17.458).
Tout contrat à durée déterminée doit être établi par écrit (C. trav., art. L. 1242-12). À défaut d'écrit, le contrat à durée déterminée est réputé conclu à durée indéterminée. Il s'agit d'une présomption irréfragable que l'employeur ne peut écarter en apportant la preuve contraire (Circ. DRT n°18-90, 30 oct. 1990, BO Trav. 1990, n°24 ; Cass. soc., 10 oct. 1995, n°92-40.584; Cass. soc., 21 mai 1996, n°92-43.874 ; Cass. soc., 24 nov. 1998, n°96-41.742, ; Cass. soc., 13 déc. 2000, n°97-45.489 ; Cass. soc., 10 juill. 2001, n°99-44.839). L'employeur doit donc être condamné à verser au salarié l'indemnité prévue à l'article L.1245-2 du code du travail en cas de requalification du CDD en CDI (Cass. soc., 2 avr. 2003, n°01-40.655).
L'article L.1245-2 du code du travail prévoit que : 'Lorsque le Conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.
Lorsque le Conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée'.
La signature du contrat de travail à durée déterminée par les parties a le caractère d'une prescription d'ordre public (Cass. soc., 14 nov. 2018, n°16-19.038).Le défaut de signature du contrat à durée déterminée par le salarié vaut absence d'écrit et entraîne donc la requalification du CDD en CDI (Cass. soc., 22 oct. 1996, n°95-40.266 ; Cass. soc., 26 oct. 1999, n°97-41.992; Cass. soc., 30 oct. 2002, n°00-45.677). La même sanction de requalification est appliquée à l'absence de signature par l'employeur, mais seul le salarié est admis à demander, de ce fait, la requalification en CDI (Cass. soc., 14 nov. 2018, précité ; Cass. soc., 6 mai 2009, n°08-40.403). Il n'en va autrement que lorsqu'il est démontré que le salarié a délibérément refusé, de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse, de signer le contrat de travail à durée déterminée (Cass. soc., 11 mars 2009, n°07-44.433), ou un avenant de renouvellement (Cass. soc., 18 avril 2000, n° 98-40.922).
En l'espèce, l'article 4 du contrat de travail signé le 10 juin 2020 entre les parties prévoit, s'agissant de sa durée :
«Le présent contrat est conclu du 10 juin 2020 au 30 septembre 2020.
Toutefois, il pourra être renouvelé une fois au-delà de ce terme par accord entre les parties.
Un avenant qui fixera les conditions de renouvellement sera alors transmis au salarié avant la fin du contrat».
Il est constant que la relation contractuelle s'est poursuivie au-delà du 30 septembre 2020, puisque Mme [P] était toujours présente à son poste de travail après cette date, l'employeur alléguant l'existence d'un avenant de renouvellement remis à la salariée antérieurement à la fin de son CDD, que cette dernière, de mauvaise foi, aurait finalement refusé de signer, ce qui est contesté par Mme [P] prétendant qu'un tel document ne lui aurait été communiqué, pour la première fois, que le 21 octobre 2020, par courrier, soit trois semaines après l'expiration du CDD, de sorte qu'une requalification en CDI doit être opérée.
Au soutien de ses allégations, la société Chez [O] produit un exemplaire dudit avenant, décidant d'un renouvellement du contrat à durée déterminée jusqu'au 31 octobre 2020, lequel, s'il est en date du 30 septembre 2020, n'est toutefois signé par aucune des parties, pas même de la directrice générale Mme [B] [O].
Elle fournit, également, une attestation de Mme [I] [T], salariée, exposant :'avoir été présente pendant la période de juin 2020 à ce jour', et que 'Mme [P] [K] travaillait pour Mme [B] [O] qui lui avait laissé un avenant à son contrat dont elle n'a jamais pris en considération ».
Or, une telle attestation ne précise, nullement, la date à laquelle l'avenant aurait été 'laissé' à la salariée pour signature, de sorte qu'elle ne saurait revêtir une quelconque force probante sur cette question.
L'employeur fait observer, par ailleurs, qu'en réponse à un mail du 16 octobre 2020, Mme [P] [K] écrivait, le 17 octobre 2020 à 17h30, à Mme [R] du cabinet Duchene et Associés: 'Merci pour l'avenant je n'arrive pas à le signer par mail. Je vous le renverrai avec les autres car pas envie de faire plusieurs courriers', avant d'envoyer un autre mail, le même jour, à 17h40, dans lequel elle mentionnait: 'ne pouvant pas imprimer j'aimerai aussi avoir ces fiches de paye en papier'.
La société Chez [O] considère que le contenu de ces messages conforterait sa version quant à l'existence d'un accord préalable entre les parties au sujet de la signature d'un avenant de renouvellement du CDD et expose que l'impossibilité matérielle de signature et d'impression, évoquée par la salariée dans ces mails du 17 octobre 2020, serait la raison pour laquelle elle lui aurait, alors, réadressé une nouvelle copie de l'avenant de renouvellement par courrier du 21 octobre 2020.
Les échanges ultérieurs, figurant à la procédure, font ressortir que Mme [P] a, par la suite, en définitive, refusé de retourner l'avenant signé à la société, en ces termes:
-le 18 octobre 2020: « l'avenant est en date du 30 octobre alors que vous aviez dit que les heures sup et primes devaient faire un mois et demi et déclarées merci»;
-le 4 novembre 2020 : « Je tenais à vous dire que je ne suis pas dans l'obligation de signer cet avenant étant donné que le contrat a été rompu verbalement au téléphone à l'initiative de l'employeur : Mme [B] le 12 octobre 2020 »,
attitude changeante qui caractériserait, d'après la société Chez [O], la mauvaise foi de la salariée.
En outre, l'employeur fait état de ce que, dans sa lettre de mise en demeure du 2 novembre 2020, la salariée, reconnaissant avoir travaillé pour sa société du 10/06/2020 au 31/10/2020, prenait acte de la rupture anticipée de son CDD, sollicitant, à ce titre, des dommages-intérêts, ce qui, là encore, d'après lui, confirmerait l'existence d'un renouvellement de son contrat au delà du terme initial.
Il ajoute, pour asseoir son propos, que Mme [P] a attendu un courrier du 22 mars 2021, émanant de son conseil, pour se prévaloir, pour la 1ère fois, d'une prétendue requalification de son CDD en CDI dans le cadre d'une demande additionnelle.
Or, la Cour remarque que, dès la mise en demeure du 2 novembre 2020, Mme [K] [P], qui n'était, à l'époque, pas assistée d'un avocat, et à laquelle il ne saurait, par conséquent, être reproché de ne pas avoir su donner aux faits leur exacte qualification juridique, écrivait ne pas avoir signé son avenant 'reçu par mail le 16 octobre et stoppé le 9 octobre'.
Ainsi, il apparaît, à l'examen des pièces communiquées respectivement par les parties, que la société Chez [O] est dans l'incapacité de démontrer qu'un avenant de renouvellement du contrat de travail à durée déterminée ait été dûment signé entre les parties et remis, à cette fin, à Mme [P], avant l'expiration dudit contrat fixée au 30 septembre 2020, les éléments fournis faisant apparaître une 1ère transmission de ce document à la salariée, au plus tôt, le 16 octobre 2020 par mail.
Dans ces conditions, à défaut de renouvellement, en bonne et due forme, du contrat de travail à durée déterminée, conforme aux exigences légales et jurisprudentielles sus-rappelées, il convient de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes, en ce qu'il a:
-Constaté que le contrat de travail de Mme [K] [P] n'a pas été renouvelé à l'issue de son terme fixé au 30 septembre 2020,
-Requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Mme [K] [P] conclu le 10 juin 2020 avec la SAS Fromages et Cie puis transféré à la société Chez [O] à compter du mois de juillet 2020 en un contrat de travail à durée indéterminée,
-Condamné la SAS Chez [O] à payer à Mme [K] [P] 2.095 € nets (représentant un mois de salaire) au titre de l'indemnité de requalification.
II. Sur la rupture du contrat de travail
Moyens des parties,
'Mme [K] [P], en demandant la confirmation du jugement, reprend, à son compte, la motivation du Conseil de prud'hommes, retenant qu'elle a été 'remerciée du jour au lendemain sans motifs valables' et que la société Chez [O] 'n'apporte pas les justifications de la rupture du contrat de travail'.
Elle explique que le samedi 10 octobre 2020, suite à une altercation, Mme [B] lui a demandé de quitter son poste de travail avant de lui signifier, le 12 octobre 2020, la rupture de son contrat par téléphone, et qu'il n'y a, dès lors, pas eu de procédure de licenciement, ce qui constitue une irrégularité.
La salariée considère qu'elle aurait dû, au moins, percevoir une indemnité équivalente à un mois de salaire.
'Les sociétés Chez [O] et Fromages et Compagnie font valoir que :
La cessation du contrat de travail à durée déterminée de Mme [P] ne s'analyse pas en un licenciement. Il a pris fin, de plein droit, à l'échéance prévue, soit le 31 octobre 2020.
En octobre 2020, plusieurs clients se sont plaints du travail de la salariée, notamment sur des avis internet.
Reconnaissant les faits reprochés, Mme [P], qui n'était plus satisfaite de son emploi, a quitté son poste sans prévenir. Cela ressort des échanges produits, dans lesquels elle évoque son mécontentement ('la goutte qui fait déborder le vase'), mais également de l'attestation de Mme [T], mentionnant que cette salariée'a quitté son poste de travail sans prévenir' et qu'elle lui 'disait qu'elle en avait marre de travailler et qu'elle s'en foutait'.
Face à ces événements, l'employeur a accepté de ne pas retenir la salariée laissant, de manière amiable, son contrat de travail à durée déterminée prendre fin au 31 octobre 2020.
La salariée ne justifie pas de sa situation professionnelle après le terme de son contrat de travail à durée déterminée, ni du préjudice dont elle se prévaut. Elle a bénéficié d'un virement de plus de 16.000 € le 13 novembre 2020.
Mme [P] ne peut pas valablement solliciter une indemnité au moins égale à un mois de salaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions applicables à la sanction d'un licenciement irrégulier en la forme.
Les dispositions concernant la rupture du contrat à durée indéterminée ne sont pas applicables aux contrats à durée déterminée (article L.1242-14 du code du travail). La salariée ne saurait, dès lors, prétendre à une indemnité de préavis.
Sur ce,
L'article L.1232-1 du code du travail rappelle que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Celle-ci s'entend d'une cause objective, reposant sur des griefs suffisamment précis, vérifiables et établis, qui constituent la véritable raison du licenciement.
Lorsqu'un CDD est requalifié en CDI, la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement et le salarié peut, le cas échéant, obtenir des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour licenciement irrégulier.
La requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée conduit, par conséquent, à appliquer à la rupture du contrat les règles régissant le licenciement.
Il appartient, ainsi, au juge d'apprécier la légitimité de la rupture c'est-à-dire son caractère réel et sérieux (Cass. soc., 23 avr. 1985, n°83-40.175), étant entendu qu'elle ne peut pas être constituée par la seule survenance du terme du contrat à durée déterminée (Cass. soc., 13 nov. 1986, n°84-44.744).
Se prévalant, rétroactivement, d'un CDI, le salarié pourra faire constater que son contrat a été rompu, et pour cause, sans qu'ait été respectée la procédure de licenciement, sans qu'ait été énoncée dans une quelconque lettre de licenciement la cause réelle et sérieuse de ce licenciement et sans respect du délai de préavis. Il pourra, dès lors, solliciter des dommages et intérêts pour rupture abusive ainsi que le versement d'une indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc., 13 nov. 1986, n°83-44.744).
Quelle que soit la taille de l'entreprise ou l'ancienneté du salarié, le non-respect de la procédure de licenciement ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts plafonnés à un mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-2).
À la lettre de l'article L. 1235-2 du code du travail, les deux indemnités, pour irrégularité de fond (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) et irrégularité de forme (indemnité pour non respect de la procédure de licenciement), ne sont pas cumulables (Cass. soc., 24 janv. 1996, n°92-42.805 ; Cass. soc., 12 mars 2008, n°06-43.866).
En l'espèce, peu importe dans le cadre de la présente instance que l'employeur justifie, ou non, de griefs suffisamment précis, vérifiables et établis, puisqu'il est constant que le contrat de travail de Mme [P] a été rompu sans que de tels griefs n'aient été, au préalable, portés à sa connaissance par écrit, et sans que la procédure de licenciement, dans son ensemble, n'ait été respectée, de sorte que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Lors de la rupture du contrat de travail, Mme [K] [P] disposait d'une ancienneté de 4 mois et percevait un salaire brut mensuel moyen de 2.095 €.
Dans ces conditions, il convient de lui allouer, compte tenu des données de l'espèce:
-au titre de l'indemnité compensatrice de préavis :
L'indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés, qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé jusqu'à l'expiration du préavis (C.'trav., art.'L.'1234-5).
En l'espèce, Mme [P] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis d'un mois au regard des dispositions de la convention collective applicable (article 3.7 de la convention collective nationale des fruits, légumes, épicerie, produits laitiers, commerce de détail, concernant un salarié de niveau 1 ayant moins de deux ans d'ancienneté), de sorte qu'il convient de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes qui a condamné la SAS Chez [O] à payer à la salariée 2.095 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 209€ bruts au titre des congés payés afférents.
-au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
D'après les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme [K] [P] peut prétendre à une indemnité maximale d'un mois de salaire.
Ce barème n'est pas contraire à l'article 10 de la convention n°158 de l'organisation internationale du travail (OIT) prévoyant une indemnité adéquate, ainsi que l'a jugé la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. Soc., 11 mai 2022, n°21-14.490).
Mme [K] [P] démontre avoir suivi une formation dispensée par Pôle emploi de mars 2021 à novembre 2021, perçu, à partir de juillet 2021, le revenu de solidarité active et avoir bénéficié de la complémentaire santé solidaire pour la période du 1er août 2021 au 31 juillet 2022.
Dès lors, compte tenu de l'ancienneté et de la situation de la salariée, des circonstances ayant entouré la rupture de son contrat de travail, de la perte de revenus et des éléments de préjudice dont elle justifie, il convient de lui octroyer une somme de 2.095 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit une indemnité correspondant à 1 mois de salaire, en infirmant le jugement du Conseil de prud'hommes sur ce point.
III. Sur les demandes relatives au temps de travail (heures supplémentaires, contrepartie obligatoire en repos, non-respect de la durée légale hebdomadaire)
Moyens des parties,
'Mme [K] [P] soutient que :
Il revient à l'employeur de justifier de l'existence d'un contrôle des heures de travail effectuées par le salarié et du respect du droit au repos compensateur.
Le Conseil de prud'hommes a inversé la charge de la preuve en lui faisant supporter la démonstration de ses heures supplémentaires effectives, alors que la société ne produit aucun décompte contradictoire, ni aucun planning contresigné par la salariée.
Ses décomptes font état de ses horaires réels de travail. Elle ne prenait que de rares pauses. Il lui est arrivé de travailler pendant sept jours consécutifs. Elle a dépassé plus d'une dizaine de fois la durée légale hebdomadaire de 48 heures et a régulièrement travaillé plus de 10 heures par jour.
Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire ouvre droit à réparation.
'Les sociétés Chez [O] et Fromages et Compagnie font valoir que :
La salariée a été remplie de ses droits s'agissant des heures supplémentaires.
Les heures supplémentaires effectuées au-delà du forfait de 44 heures hebdomadaires, prévu au contrat, ont fait l'objet d'un repos compensateur de remplacement.
Les décomptes de la salariée sont imprécis, comportent des lacunes et des invraisemblances.
Les horaires d'ouverture de la société étaient de 09h00 à 19h30. Les décomptes de Mme [P] varient bien au-delà de ces horaires, sans raison valable.
Par ailleurs, ils ne font pas état des temps de déjeuner de la salariée et incluent des temps de déplacement qui ne constituent pas du temps de travail effectif et n'ont pas à entrer dans le calcul de la durée du travail.
En outre, ils ne sont corroborés par aucun élément objectif.
La salariée s'appuie uniquement sur un décompte établi par ses soins pour les seuls besoins de la cause.
Dès lors, les éléments qu'elle produit ne permettent pas d'établir la réalité de ses heures de travail, en témoigne le fait que ses demandes, au titre des heures supplémentaires, n'aient eu de cesse de fluctuer au cours du temps.
La demande de dommages-intérêts pour non-respect de la durée légale hebdomadaire est nouvelle, formulée à hauteur d'appel, soit plus d'un an et demi après les faits.
Mme [P] ne démontre pas du préjudice allégué, étant précisé qu'elle a travaillé moins de 4 mois au sein de la société.
Sur ce,
Sur les heures supplémentaires,
Le contrat de travail de Mme [K] [P] prévoyait, notamment, au sujet de la durée du travail et de la rémunération :
' Le salarié est embauché à temps complet sur une base de 44 heures hebdomadaires, soit 35 heures + 3 heures d'équivalence + 6 heures supplémentaires'. (...)
'En contrepartie de son travail, le salarié sera rémunéré sur la base d'un salaire mensuel brut de 2.012,26 € pour 190,67 heures'. (...)
'Afin d'adapter le rythme de travail des salariés à celui de l'activité, le salarié pourra être amené à effectuer, à la seule demande express de l'employeur, des heures supplémentaires au-delà du forfait précité de 44 heures les semaines de forte activité, sans dépasser la limite de 48 heures. Ces heures supplémentaires, ainsi que leurs bonifications correspondantes, feront l'objet d'un repos compensateur de remplacement. Ces repos compensateurs de remplacement acquis seront alors récupérés sur les semaines de moins forte activité qui pourraient amener le salarié à effectuer des heures en-deçà des 44 heures prévues à son contrat. En tout état de cause, la durée hebdomadaire de travail ne pourra excéder 44 heures sur 12 semaines consécutives.'
Aux termes de l'article L.3121-27 du code du travail : « La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine ».
En vertu de l'article L.3121-28 du code du travail : 'Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent'.
Les heures supplémentaires se décomptent par semaine en application de l'article L.3121-9 du code du travail et donnent droit, en vertu de l'article L.3121-36 du même code, à une majoration de 25% pour les 8 premières heures et de 50 % pour les heures suivantes.
En application de l'article L.3171-2 du code du travail, 'Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ». L'article L.3171-3 du même code prévoit que l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées (Cass. Soc., 14 novembre 2018, n°17-16959). Le juge doit donc rechercher si les heures supplémentaires invoquées par le salarié étaient commandées, explicitement ou implicitement par l'employeur, ou si elles résultaient de sa charge de travail telle que fixée par l'employeur. C'est seulement lorsqu'elles ont été effectuées malgré l'opposition de l'employeur, sans que la nature ou la quantité des tâches confiées au salarié ne les justifient, que les heures supplémentaires ne peuvent donner lieu à paiement (Cass. Soc., 24 septembre 2014, n°13-14289).
La charge de la preuve des heures supplémentaires effectuées ne repose pas spécialement sur l'une des parties. Elle est dite 'partagée'.
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail : « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».
Dans le dernier état de sa jurisprudence, la chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi précisé le rôle de chaque partie et du juge :
« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. » (Cass. Soc., 27 janvier 2021, n°17-31046).
En l'espèce, au soutien de ses demandes, la salariée produit les décomptes des heures de travail qu'elle a accomplies au cours des mois de juin, juillet, août, septembre et octobre 2020, mentionnant, pour chaque jour, les heures de début et de fin de sa journée de travail, desquels elle a déduit ses temps de pauses, lorsqu'elle en prenait.
Même si ces décomptes ne sont pas toujours très lisibles, ni étayés par d'autres pièces, il convient de considérer que la salariée présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies, permettant à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Force est de constater que la société Chez [O] ne communique, quant à elle, aucun élément permettant de déterminer les heures de travail effectivement réalisées par Mme [P] ou de contredire les décomptes qu'elle a établis.
Toutefois, l'employeur fait observer, à juste titre, que la salariée a bénéficié de repos compensateurs équivalents, périodes durant lesquelles le montant de son salaire habituel a été maintenu, sans qu'aucune déduction n'ait été opérée, ce qui est corroboré par le contenu de ses propres décomptes, puisque ceux-ci font apparaître:
-des semaines inférieures au forfait de 44 heures hebdomadaires contractuellement prévu, en septembre 2020 (notamment du 7 au 13 septembre et du 21 au 27 septembre),
-une absence totale de jours travaillés à partir du 9 octobre 2020, soit durant 3 semaines consécutives.
Par ailleurs, si le fait que la salariée ne démontre pas avoir été sollicitée par sa hiérarchie, pour la réalisation d'heures supplémentaires au delà de ce qui était prévu contractuellement, n'est pas nécessairement de nature à faire obstacle à sa demande en paiement d'heures supplémentaires non rémunérées, force est, toutefois, de constater que Mme [P] ne fournit aucune explication sur les raisons pour lesquelles elle aurait été amenée, régulièrement, à effectuer des heures après la fermeture du magasin (19h30) alors qu'elle n'occupait que des fonctions de vendeuse, de sorte qu'il n'est pas possible, en l'état, de rattacher de telles heures aux stricts besoins de l'exercice de son activité professionnelle.
Par conséquent, après analyse des pièces et écritures produites par les parties, la Cour considère que la salariée a été remplie de ses droits, les heures supplémentaires réalisées ayant toutes été rémunérées, sous la forme, notamment, de repos compensateurs équivalents, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes sur ce point.
En effet, il apparait que Mme [P] sollicite, dans ses dernières écritures, le paiement de 133,75 heures supplémentaires non déjà rémunérées (6,67+5,58+62,75+58,75), effectuées entre juin et août 2020, alors qu'en octobre 2020, les 3 semaines durant lesquelles elle n'a pas travaillé, représentaient, à elles seules, un 'repos' de 132 heures (44x3), ce qui constitue un quantum sensiblement identique à celui visé par sa requête.
Sur la contrepartie obligatoire en repos,
Les articles L. 3121-30 et L. 3121-38 du code du travail précisent que les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos fixée à 100 % ou 50 % des dites heures, selon que l'entreprise a plus ou moins de vingt salariés.
L'article D.3121-24 du code du travail prévoit qu'à défaut d'accord, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures par salarié.
Le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis (article D.3121-14 alinéa 1 du code du travail).
Suivant les dispositions contenues à l'article 4.1.4 de la convention collective applicable: ' le contingent annuel d'heures supplémentaires que l'employeur est autorisé à faire effectuer sans autorisation de l'inspecteur du travail est fixé à 150 heures'. Cet article prévoit l'octroi d'une contrepartie obligatoire en repos de 50 % pour les heures supplémentaires excédant ce contingent.
Pour autant, l'article L.3121-30 du code du travail prévoit que les heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur équivalent mentionné à l'article L. 3121-28 et celles accomplies dans les cas de travaux urgents énumérés à l'article L.3132-4 ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires.
Dès lors, en l'espèce, la Cour ayant considéré que les heures supplémentaires effectuées par la salariée avaient toutes été payées par l'employeur, notamment sous la forme de repos compensateurs équivalents, il convient de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes qui a débouté Mme [P] de sa demande d'indemnité compensatrice de la contrepartie obligatoire en repos.
Sur le dépassement de la durée légale hebdomadaire de travail,
La Cour constate que la société Chez [O], alléguant du caractère nouveau de la demande de dommages-intérêts pour non respect de la durée légale hebdomadaire de travail formée par la salariée à hauteur d'appel, n'en tire, toutefois, aucune conséquence quant à sa recevabilité.
Sauf dérogations, la durée hebdomadaire de travail ne peut pas excéder 48 heures au cours d'une même semaine (C. trav., art. L. 3121-20).
Par ailleurs, l'article L.3121-18 du code du travail limite à 10 heures par jour la durée quotidienne du travail effectif, sauf dérogation accordée par l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret.
La convention collective applicable en l'espèce pose les mêmes limites (10 heures/jour et 48 heures/semaine, maximum).
C'est à l'employeur qui prétend avoir respecté les durées maximales journalière et hebdomadaire de travail qu'il appartient de le prouver (Cass. soc., 20 févr. 2013, n°11-28.811 ; Cass. soc., 25 sept. 2013, n°12-13.267).
En l'espèce, il résulte des décomptes établis par la salariée, figurant au dossier, que cette dernière a été amenée, à plus d'une dizaine de reprises, au cours des mois de juin à septembre 2020, à dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail, alors que la société Chez [O] est défaillante dans l'administration de la preuve contraire.
Le seul constat du non respect de l'effectivité des droits de la salariée relatifs au temps de travail ouvre droit à indemnisation de ce chef (Cass. Soc. 26 janvier 2022, n°20-21.636, concernant le dépassement de la durée quotidienne maximum du travail).
Il convient, par conséquent, d'allouer une indemnité de 1.500 € à Mme [P] [K] suite aux multiples violations, par son employeur, des règles relatives au temps de travail, en considération des répercussions engendrées.
IV. Sur la demande relative à la prime
Moyens des parties,
'Mme [K] [P] soutient que :
La prime de 200 euros prévue au contrat de travail avait un caractère mensuel, dans la mesure notamment où elle a été placée dans la rubrique des salaires mensuels.
'Les sociétés Chez [O] et Fromages et Compagnie font valoir que :
Seule une unique prime de 200 € bruts est mentionnée sur le contrat de travail. Aucune fréquence mensuelle n'est indiquée. Elle n'est donc pas due de juillet à octobre 2020.
Sur ce,
Sur l'exemplaire du contrat de travail fourni par Mme [P], figure, au niveau de l'article 8 relatif à la rémunération, en sus du salaire mensuel brut de base, la mention manuscrite suivante: ' 200 € prime', à côté de laquelle sont apposées les initiales et signatures respectives des parties.
Contrairement à ce que soutient la salariée, il ne saurait être déduit, d'une telle mention, un caractère mensuel attaché à ladite prime, dans la mesure où celui-ci n'est pas précisé.
Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes qui a condamné la société Chez [O] au seul paiement d'une somme de 200 € au titre de la prime contractuelle.
V. Sur la demande de remboursement de frais professionnels
Moyens des parties,
'Mme [K] [P] soutient que :
Elle produit ses relevés bancaires, attestant du paiement du parking de stationnement et des frais d'autoroute, ainsi que ses décomptes, où sont mentionnés, par dates, ses déplacements à [Localité 7], entre le 16 juin et le 5 juillet 2020, période durant laquelle elle a assuré le remplacement de Mme [B] au magasin Fromages et Cie situé dans cette localité.
'Les sociétés Chez [O] et Fromages et Compagnie font valoir que :
La salariée n'a jamais transmis les justificatifs relatifs aux dépenses alléguées. Les seuls relevés de compte versés sont insuffisants, ce d'autant qu'ils ne font pas état de frais de carburant.
Sur ce,
Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due (Cass. Soc., 25 février 1998, n °95-44096).
Mme [P] allègue avoir supporté des dépenses professionnelles non prises en charge par son employeur, à l'occasion de déplacements générés par le remplacement de Mme [B] durant ses congés, soit entre le 16 juin 2020 et le 5 juillet 2020, à savoir :
- 156,20 euros de frais de parking à [Localité 8],
- 21,20 euros de frais d'autoroute,
- 206 euros de frais de carburant.
Au soutien de sa demande de remboursement, elle produit ses relevés bancaires, lesquels font, effectivement, état de frais de parking et d'autoroute au cours de cette période, pendant laquelle il n'est pas contesté qu'elle ait du remplacer Mme [B] à [Localité 7].
En revanche, aucun justificatif n'est transmis à propos des frais de carburant invoqués.
Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes sur ce point et de condamner la société Chez [O] à rembourser à Mme [P] [K] la somme de 177,40 € (156,20+21,20) au titre des frais professionnels qu'elle a exposés.
VI. Sur la demande au titre de 'l'astreinte de 100 € par jour de retard pour le paiement du salaire du mois d'octobre'
Moyens des parties,
'Mme [K] [P] soutient que :
Elle n'a jamais été payée du salaire d'octobre 2020, bien qu'elle ait réclamé son dû à de multiples reprises, y compris par recommandé et par voie d'huissier, ce pourquoi il est demandé une astreinte conséquente. Le solde de tout compte correspond aux sommes issues de la condamnation prononcée par le Conseil de prud'hommes d'Annecy.
'Les sociétés Chez [O] et Fromages et Compagnie font valoir que :
Il s'agit d'une demande nouvelle, infondée, formulée pour la première fois à hauteur d'appel, soit plus d'un an et demi après les faits, ce qui permet d'en apprécier la crédibilité.
La salariée a été remplie de ses droits à rémunération, Mme [P] ne précisant pas le montant du salaire qui ne lui aurait pas été payé.
La salariée a reçu deux chèques de 1.610,02 euros déposés le 1er octobre 2020 et le 18 novembre 2020, alors qu'elle n'a plus travaillé depuis le 10 octobre 2020 et a quitté son poste le 12 octobre 2020.
Elle a, de plus, perçu une indemnité compensatrice de préavis pour la période du 12 octobre au 12 novembre 2020 par application du jugement du Conseil de prud'hommes.
Sur ce,
En raison du caractère synallagmatique du contrat de travail, tout salaire est la contrepartie de la prestation de travail (Cass. soc., 11 janv. 1962, n°58-40.128; Cass. soc., 10 juin 2008, n°06-46.000).
En l'espèce, à la lecture des relevés bancaires de la salariée il apparaît qu'elle a perçu les salaires suivants de la part de son employeur:
-1.108,08 €, par chèque déposé le 7 juillet 2020 (correspondant au salaire de juin 2020),
-1.610,02 €, par chèque déposé le 21 août 2020 (correspondant au salaire de juillet 2020),
-1.610,02 € par chèque déposé le 2 octobre 2020 (correspondant au salaire d'août 2020),
-1.610,02 € par chèque déposé le 18 novembre 2020 (correspondant au salaire de septembre 2020).
Le salaire du mois d'octobre 2020 n'y figure pas et la société Chez [O] ne produit aucun document permettant de contredire la salariée sur l'absence de paiement de ce salaire, dû, d'après le bulletin de paie fourni, à hauteur de 2.264,71 €.
Toutefois, la Cour constate, au visa des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile sus-rappelées, qu'elle n'est pas saisie d'une demande de condamnation de l'employeur au paiement du salaire du mois d'octobre 2020, le dispositif des conclusions de la salariée étant, en effet, rédigé ainsi : 'ordonner une astreinte de 100 € par jour de retard pour le paiement du salaire du mois d'octobre', sans, d'ailleurs, préciser le montant de celui-ci.
Or, il n'est pas possible juridiquement d'ordonner une astreinte indépendamment d'une condamnation, dans la mesure où le but de l'astreinte est, précisément, d'assurer l'exécution d'une décision de justice (article L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution).
Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de la salariée, telle qu'elle a été formulée en cause d'appel.
VII. Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Moyens des parties,
'Mme [K] [P] soutient que :
La dirigeante de la SAS Chez [O] a montré à de multiples reprises sa mauvaise foi, tant durant l'exécution du contrat de travail qu'après sa rupture.
Mme [B] lui avait promis une prime mensuelle, ce qu'elle n'a pas fait remonter auprès du service des ressources humaines.
Elle lui a demandé de la remplacer au magasin de [Localité 7] sans lui payer les frais de péage et de parking.
Elle n'a jamais été rémunérée en temps et en heure alors même que la société n'avait aucune difficulté économique. Son salaire du mois de septembre 2020 a été payé avec un retard conséquent, puisqu'il n'a été versé que le 10 novembre 2020, et celui du mois d'octobre 2020 ne lui a toujours pas été réglé.
Elle n'a eu de cesse de réclamer les sommes qui lui étaient dues, que ce soit sous la forme verbale ou sous la forme écrite, par recommandé ou par voie d'huissier.
Elle n'a pas été payée de l'intégralité de ses heures de travail et l'employeur n'a pas respecté la réglementation sur la durée maximale du temps de travail.
Elle a été remerciée du jour au lendemain sans ménagement.
L'employeur n'a pas fait les démarches auprès de Pôle emploi consécutivement à la rupture du contrat de travail.
Elle s'est retrouvée dans une situation précaire, au RSA et bénéficiaire de la CMU.
Ses documents de fin de contrat ne lui ont pas été fournis.
'Les sociétés Chez [O] et Fromages et Compagnie font valoir que :
L'allocation de dommages-intérêts est conditionnée à la démonstration, par la salariée, tant du principe, que du quantum, du préjudice dont elle se prévaut, ce qu'elle ne fait pas.
En outre, sa demande est nouvelle, infondée, formulée pour la première fois à hauteur d'appel.
Les documents de fin de contrat établis le 31 octobre 2020 ont été tenus à la disposition de la salariée, laquelle n'est jamais venue les retirer.
L'erreur commise au niveau des démarches consécutives à la rupture du contrat de travail n'a pas eu de conséquences, puisque la salariée a pu bénéficier d'une formation prise en charge par Pôle emploi.
Mme [P] a fait signifier par exploit d'huissier de justice le jugement du Conseil de prud'hommes alors qu'elle en a interjeté appel.
La salariée a attendu plus d'un an et demi pour invoquer une prétendue absence de versement de son salaire d'octobre 2020.
Quant à la précarité alléguée, Mme [P] a bénéficié d'un virement de 16.000 € le 13 novembre 2020.
Sur ce,
L'article L.1222-1 du code du travail énonce que : « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi».
'L'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Le conseil de prud'hommes, qui a constaté que le salarié n'apportait aucun élément pour justifier le préjudice allégué, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision' (Cass. soc., 13 avril 2016, n°14-28.293).
Au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, l'employeur doit délivrer au salarié une attestation Pôle emploi qui lui permettra de faire valoir ses droits à l'assurance chômage (C. trav., art. R. 1234-9), ainsi qu'un certificat de travail (C. trav., art.L.1234-19) et un reçu de solde de tout compte (C. trav., art. L.1234-20), ce quel que soit son statut (CDI, CDD, apprentissage, etc.) et quelle que soit la cause de la cessation du contrat (licenciement, démission, prise d'acte, départ à la retraite, etc.).
Ces documents sont quérables et non portables (pour l'attestation, Cass. soc., 5 oct. 2004, n°02.44.487, pour le certificat, Cass. soc., 26 mars 2014, n°12-27.028).
En conséquence, la seule obligation de l'employeur est de tenir ces documents à la disposition du salarié et de l'en informer. Il n'a pas, dès lors, à les lui envoyer. C'est au salarié qui réclame des dommages-intérêts pour un retard dans la délivrance des documents de justifier qu'il les a réclamés et qu'il s'est heurté à l'inertie ou au refus de l'employeur (Cass. soc., 24 janv. 1979, n°77-40.266 ; Cass. soc., 5 juill. 1982, n°80-40.660).
Qu'il s'agisse d'une remise tardive ou d'un défaut de remise, le salarié peut prétendre au paiement de dommages-intérêts. Encore faut-il, cependant, qu'il démontre l'existence d'un préjudice, la Cour de cassation ayant, en effet, abandonné le principe du préjudice nécessaire ouvrant droit automatiquement à des dommages-intérêts, et considérant, désormais, depuis un revirement de 2016, que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. soc., 13 avr. 2016, n°14-28.293 ; Cass. soc., 14 sept. 2016, n°15-21.794), comme rappelé précédemment.
En l'espèce, la Cour constate que Mme [P] ne démontre pas de l'existence de préjudices distincts de ceux dont elle a, d'ores et déjà, obtenu l'indemnisation à travers la présente décision, de sorte qu'elle ne saurait, à nouveau, s'en prévaloir au titre d'une demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par ailleurs, si elle produit plusieurs pièces (mails du 10 mars 2022, 19 avril 2022 et du 16 mai 2022 de M. [X], courrier du 1er juin 2022 et mail du 27 octobre 2020 de la salariée) dans lesquelles il est question des retards/absences de paiement de ses salaires par l'employeur , ainsi que du défaut de remise des documents de fin de contrat (y compris à Pôle emploi, cf courrier du 20 septembre 2021), la salariée ne justifie pas, pour autant, de l'existence d'un préjudice réel lié à de tels manquements de la société Chez [O].
Par conséquent, il convient de débouter Mme [P] [K] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
VIII. Sur les intérêts
S'agissant des créances salariales, en application de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Pour les sommes portant sur des rappels de salaires (incluant les indemnités de préavis, de licenciement, de congés payés, les primes d'ancienneté'), les intérêts courent, soit à compter de la saisine de la juridiction prud'homale, c'est-à-dire de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation (en l'espèce le 4 février 2021) ou devant le bureau de jugement en cas de saisine directe, soit, si les salaires ont fait l'objet d'une réclamation antérieure, à compter de la date de la demande de paiement.
La demande de Mme [P] relative à la capitalisation des intérêts, non motivée, sera rejetée.
IX. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Chez [O] succombant à titre principal, elle devra assumer la charge des entiers dépens, tant en 1ère instance qu'en cause d'appel.
Par ailleurs, elle devra également payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à Mme [P] qui, en cause d'appel, a eu recours à un défenseur syndical, une somme de 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident,
Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy du 3 février 2022 en ce qu'il a:
-Constaté que le contrat de travail de Mme [K] [P] n'a pas été renouvelé à l'issue de son terme fixé au 30 septembre 2020;
-Requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Mme [K] [P] conclu le 10 juin 2020 avec la SAS Fromages et Compagnie puis transféré à la société Chez [O] à compter du mois de juillet 2020 en un contrat de travail à durée indéterminée;
-Condamné la SAS Chez [O] à payer à Mme [K] [P] les sommes suivantes:
*2.095 € (deux mille quatre vingt quinze euros) nets au titre de l'indemnité de requalification,
*2.095 € (deux mille quatre vingt quinze euros) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 209 € (deux cent neuf euros) bruts au titre des congés payés afférents,
*200 € (deux cent euros) bruts au titre de la prime contractuelle,
*1.500 € (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
-Débouté Mme [K] [P] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de la contrepartie obligatoire en repos;
-Débouté les sociétés SAS Chez [O] et SAS Fromages et Compagnie de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
-Condamné la société SAS Chez [O] aux entiers dépens.
Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy du 3 février 2022 pour le surplus de ses dispositions frappées d'appel.
Statuant à nouveau,
-Condamne la SAS Chez [O] à payer à Mme [K] [P]:
*2.095 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
* 177,40 € au titre des frais professionnels qu'elle a engagés;
Et y ajoutant,
-Condamne la SAS Chez [O] à payer à Mme [K] [P] une somme de 1.500 € de dommages-intérêts pour non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail;
-Déboute Mme [K] [P] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;
-Constate qu'elle n'est pas saisie d'une demande de condamnation de la SAS Chez [O] au paiement du salaire du mois d'octobre 2020;
-Déboute, par conséquent, Mme [K] [P] de sa demande d' 'ordonner une astreinte de 100 € par jour de retard pour le paiement du salaire du mois d'octobre';
-Dit que les condamnations relatives aux créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter du 4 février 2021;
-Condamne la SAS Chez [O] à payer à Mme [K] [P] une somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;
-Condamne la SAS Chez [O] aux entiers dépens en cause d'appel;
-Déboute les parties du surplus de leurs demandes, ainsi que de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi prononcé publiquement le 06 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, Conseillère en remplacement du Président légalement empêché, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente