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05/04/2024 | FRANCE | N°21/00914

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 05 avril 2024, 21/00914


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 05 AVRIL 2024



N° RG 21/00914 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GWAN



[W] [V]

C/ Mutuelle UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 10 Mars 2021, RG F 19/00124







Appelante



Mme [W] [V]

née le 14 Juin 1958 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Carole

MARQUIS de la SELARL BJA, avocat au barreau d'ANNECY



Intimée



Mutuelle UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN ...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 AVRIL 2024

N° RG 21/00914 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GWAN

[W] [V]

C/ Mutuelle UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 10 Mars 2021, RG F 19/00124

Appelante

Mme [W] [V]

née le 14 Juin 1958 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Carole MARQUIS de la SELARL BJA, avocat au barreau d'ANNECY

Intimée

Mutuelle UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Mai 2023 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Cyril GUYAT, Présidente,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

Madame Françoise SIMOND, Conseillère,

qui en ont délibéré

Mme Capucine QUIBLIER, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

********

Exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties

Mme [V] [W] a été embauchée suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 1997 par l'Union Mutualiste de Haute-Savoie, devenue l'Union des Mutuelles de France Mont-Blanc (UMFMB) pour occuper un poste de chirurgien-dentiste.

L'effectif de l'UMFMB se compose habituellement de plus de 11 salariés.

La salariée effectuait une déclaration de maladie professionnelle, en date du 27 mars 2014, à raison d'une: 'capsulite' et d'une 'tendinite fissuraire du supra épineux' à l'épaule droite.

Le 23 juin 2014, la CPAM de la Haute-Savoie reconnaissait l'origine professionnelle de cette maladie au titre de la 'coiffe des rotateurs: rupture partielle ou transfixiante objectivée par IRM droite' et décidait de la prendre en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Le 24 juin 2014, Mme [V] [W] a été élue déléguée du personnel titulaire.

Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 16 juillet 2014.

Dans le cadre de la visite de reprise, le médecin du travail, dans son avis du 4 février 2019, l'a déclarée « Inapte au poste de chirurgien-dentiste occupé avant l'arrêt et à tous postes comportant des contraintes au niveau des 2 bras et des 2 épaules. Pourrait essayer un poste ne comportant pas ces contraintes et à toutes formations. »

Par courrier du 18 février 2019, Mme [V] [W] était convoquée à un entretien préalable avant éventuel licenciement.

Par courrier du 1er mars 2019, Mme [V] [W] était licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 9 avril 2019, la salariée a adressé un courrier à son employeur pour contester son licenciement et dénoncer son solde de tout compte, auquel il a été répondu par lettre recommandée du 16 avril 2019.

Le 17 mai 2019, Mme [V] [W] a saisi le Conseil de prud'hommes d'Annecy en contestation de son licenciement et afin de solliciter le versement de diverses sommes, indemnités et dommages-intérêts.

Par jugement en date du 10 mars 2021, le Conseil de prud'hommes d'Annecy a:

-Fixé la moyenne des salaires de Mme [V] [W] à 9.018,15 euros,

-Débouté Mme [V] [W] de ses demandes de :

- Nullité du licenciement et des demandes indemnitaires associées,

- Licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes indemnitaires associées,

- Paiement de dommages et intérêts et de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,

- Paiement de rappel d'indemnité de licenciement et du surplus de ses demandes,

-Débouté l'UMFMB de ses demandes de remboursement au titre :

-de l'indemnité compensatrice de préavis,

-de l'indemnité compensatrice de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

-Condamné Mme [V] [W] à payer à l'UMFMB la somme de 500 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamné Mme [V] [W] aux entiers dépens.

Mme [V] [W] a formé appel à l'encontre de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 28 avril 2021 par RPVA.

*

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 13 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, Mme [V] [W] demande à la Cour de:

-Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy du 10 mars 2021, sauf en ce qu'il a :

-jugé que la moyenne des salaires bruts de Mme [V] [W] sur les trois derniers mois est égale à la somme de 9.018,15 euros bruts,

-débouté l'UMFMB de sa demande de remboursement de la somme de 9.018 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-débouté l'UMFMB de sa demande de remboursement de la somme de 2.705,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis de l'article L.1226-14 du code du travail,

Statuant à nouveau,

Sur le licenciement,

A titre principal,

-Juger que le licenciement de Mme [V] [W] est nul,

-Condamner l'UMFMB à payer à Mme [V] [W] la somme de 11.994,14 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,

-Condamner l'UMFMB à payer à Mme [V] [W] la somme de 144.290 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

-Juger que le licenciement de Mme [V] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-Condamner l'UMFMB à payer à Mme [V] [W] la somme de 144.290 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Sur les autres demandes,

Si le licenciement est jugé nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-Condamner l'UMFMB à payer à Mme [V] [W] la somme de 27.054,45 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis et 2.705,44 euros bruts au titre des congés payés afférents,

Si le licenciement est jugé valable,

-Condamner l'UMFMB à payer à Mme [V] [W] la somme de 5.569,40 euros nets à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

-Rejeter la demande de l'UMFMB de remboursement de la somme de 2.705,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis de l'article L.1226-14 du code du travail,

-Condamner l'UMFMB à payer à Mme [V] [W] la somme de 1.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi,

-Ordonner à l'UMFMB la remise à Mme [V] [W] d'un bulletin de paie rectifié pour le mois de mars 2019, sous astreinte de 50 euros par jour de retard calculée à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

-Ordonner à l'UMFMB la remise à Mme [V] [W] de l'attestation Pôle emploi et du solde de tout compte rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard calculée à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

-Juger que la Cour se réserve le droit de liquider l'astreinte,

-Juger que les sommes allouées à Mme [V] [W] porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la demande conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du code civil,

-Condamner l'UMFMB à payer à Mme [V] [W] la somme de 3.000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel,

-Condamner l'UMFMB aux entiers dépens de première instance et d'appel,

-Rejeter toutes demandes adverses.

Mme [V] [W] soutient que :

Son licenciement est nul dans la mesure où l'employeur n'a pas respecté son mandat de déléguée du personnel en la licenciant sans solliciter l'autorisation préalable de l'inspection du travail.

L'employeur a expressément prorogé les mandats des délégués du personnel jusqu'à la mise en place du Comité Social et Economique (CSE) le 10 octobre 2018. Les institutions représentatives du personnel ont continué à fonctionner normalement jusqu'à cette date. La protection offerte par son statut a donc perduré jusqu'au 10 avril 2019.

L'employeur ne peut pas se prévaloir de l'irrégularité de la prorogation de mandats qu'il a lui-même signée et appliquée sans réserve, pour priver le salarié de son statut protecteur.

À titre subsidiaire, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car son inaptitude physique trouve sa cause dans les agissements fautifs de l'employeur.

Elle a été contrainte de travailler sur un poste de travail inadapté à sa morphologie de petite taille.

Le fauteuil de son cabinet ne lui convenait pas, lui provoquant de grosses douleurs à l'épaule droite. Plusieurs assistantes dentaires et chirurgiens dentistes en attestent.

Malgré ses alertes, dès 2012, à la direction et au CHSCT, l'UMFMB n'a pas pris les mesures nécessaires (étude de son poste de travail, consultation du médecin du travail, formation aux gestes et postures, changement de fauteuil...) pour protéger sa santé.

Cette inertie a conduit à la survenance de sa blessure à l'épaule, maladie professionnelle de laquelle a découlé son inaptitude.

Ce n'est qu'après la survenance de sa maladie professionnelle en date du 27 mars 2014, que l'employeur a instauré certaines mesures (étude ergonomique, remplacement du fauteuil en juillet 2016, intervention de la médecine du travail, formation...).

Le manquement à l'obligation de sécurité est établi.C'est ce qu'a jugé le Pôle Social du Tribunal Judiciaire d'Annecy par un jugement en date du 17 décembre 2021 qui a retenu la faute inexcusable de l'employeur.

Son solde de tout compte est faux car l'indemnité de licenciement et l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis ont été sous-évaluées.

Le contrat de travail prévoit un préavis de 6 mois. Il doit s'appliquer dès lors qu'il est plus favorable que la loi, l'usage et la convention collective.

Aucune jurisprudence de la Cour de cassation ne vient priver le salarié, licencié pour inaptitude, de son droit à une indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, prévu par un contrat de travail qui serait plus favorable que la loi.

L'UMFMB appliquait le préavis d'usage des cadres, à savoir un préavis de trois mois. D'ailleurs, elle lui a versé, de façon volontaire, une somme équivalente à trois mois de salaire et n'a jamais réclamé le moindre remboursement avant le déclenchement de la présente procédure prud'homale. Ses demandes de remboursement ne sont pas fondées, ni dans leur principe, ni dans leur quantum. L'employeur n'a pas versé d'indemnité de congés payés au titre du préavis de trois mois.

Elle a été licenciée après 21 ans et 5 mois de service. Elle ne peut plus exercer son métier de chirurgien-dentiste. Elle s'est retrouvée sans emploi, prise en charge par Pôle Emploi, jusqu'à sa mise à la retraite le 1er avril 2021. Son préjudice est donc conséquent à la fois sur le plan moral et financier.

Elle a du attendre un mois et demi, pour obtenir une attestation Pôle Emploi conforme à la réalité lui permettant de faire valoir l'intégralité de ses droits.

*

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 4 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, l'UMFMB demande à la Cour de:

-Donner acte à l'UMFMB de ce que Mme [V] [W] reconnait désormais n'avoir aucune critique à formuler concernant l'ergonomie du fauteuil PLANMECA utilisé ;

-Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Mme [V] [W] de l'intégralité de ses demandes ;

-Réformer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté l'UMFMB de ses demandes visant à obtenir de la part de Mme [V] [W] le remboursement des sommes indûment perçues suivantes :

*9.018 € au titre de l'indemnité compensatrice de l'article L. 1226-14 du code du travail,

*2.705,44 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur l'indemnité compensatrice de l'article L.1226-14 du code du travail;

-Condamner Mme [V] [W] à la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance et l'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'UMFMB fait valoir que:

La salariée n'était plus protégée lors de son licenciement. Elue déléguée du personnel le 24 juin 2014, pour une durée de 4 ans, son mandat représentatif a pris fin le 24 juin 2018. La protection de 6 mois prévue à l'article L.2411-1 du code du travail a ainsi expiré le 24 décembre 2018.

La prorogation ou la reconduction tacite des mandats, non prévue par les textes, n'est pas admise.

Le 21 août 2018, suite à la consultation des représentants du personnel (délégués du personnel et membres du Comité d'entreprise), la Direction a entendu maintenir les instances représentatives du personnel jusqu'aux élections du CSE du 4 octobre 2018. Cette décision unilatérale de la Direction ne saurait valoir prorogation régulière des mandats sachant, qu'en outre, elle n'est intervenue que postérieurement à l'expiration définitive des mandats issus des élections professionnelles du 24 juin 2014. En droit, on ne peut proroger que des mandats existants et en cours à la date de prorogation.

Dès l'année 2003, la salariée a cumulé de fréquentes périodes d'arrêt maladie et de temps partiel thérapeutique dont elle ne prétend, en aucune manière, qu'elles aient été en lien avec ses conditions de travail.

La dégradation de l'état de santé de la salariée est ainsi antérieure à son affectation sur le centre de [Localité 3] et au fait de travailler sur un fauteuil PLANMECA.

La salariée se contredit elle-même dans la mesure où elle reconnait désormais que l'ergonomie de son fauteuil n'est pas en cause.

Les accusations de la salariée quant au prétendu manque d'ergonomie du fauteuil PLANMECA par rapport à sa morphologie, en lien avec le système de fouets transthoraciques, sont dénuées de tout fondement et ont évolué dans le temps, selon les besoins de sa cause.

Mme [V] travaillait sur un fauteuil de qualité, réglable dans toutes les positions, bénéficiant du certificat CE, ainsi que de l'ISO 9001:2015. En outre, le système de fouets transthoraciques est recommandé par la littérature spécialisée.

Lors de ses visites périodiques auprès de la médecine du travail, la salariée était déclarée apte, sans réserve. Aucune préconisation particulière n'a été émise par le médecin du travail quant au fauteuil qu'elle utilisait.

Représentante du personnel, Mme [V] n'a jamais effectué, antérieurement à la réalisation du risque et à son courriel du 5 novembre 2013 adressé au CHSCT, une quelconque démarche de signalement en lien avec son fauteuil de travail, que ce soit auprès des instances de l'entreprise, de l'inspection du travail ou de la médecine du travail, alors que la date de première consultation médicale de son affection est du 17 septembre 2013.

Les avis rendus par la médecine du travail, le compte-rendu de l'entretien de 2ème partie de carrière du 30 octobre 2013 et les comptes-rendus de réunion des DP et du CHSCT ne font aucunement état des alertes antérieures alléguées par la salariée.

De nombreux anciens collègues, pour la plupart représentants du personnel, travaillant habituellement aux côtés de Mme [V], confirment que celle-ci ne s'était jamais plainte de son fauteuil avant d'envoyer l'e-mail en question au CHSCT le 5 novembre 2013.

Les attestations produites par la salariée, à la fiabilité douteuse, sont dénuées de valeur probante.

Elle a réagi immédiatement et avec diligence, suite à l'alerte du 5 novembre 2013 relative à un prétendu manque d'ergonomie du fauteuil PLANMECA, en prenant toutes les mesures de prévention nécessaires, par :

-la sollicitation, en décembre 2013, du médecin du travail pour la réalisation d'une étude ergonomique des postes de travail des chirurgiens-dentistes et assistants dentaires, laquelle a conclu que les praticiens disposaient de fauteuils de qualité,

-l'intervention, les 7 et 9 avril 2015, de la médecine du travail, afin de « sensibiliser et informer le personnel sur les risques liés aux activités physiques rencontrées à son poste»,

-l'affichage, le 10 février 2016, d'une note de service concernant les préconisations de la médecine du travail à appliquer dans le cadre de la prévention des troubles musculosquelettiques,

-une formation, dispensée les 8 et 9 juin 2016, par Efficience ayant pour sujet : « Ergonomie, Posturologie, Bacs et cassettes et gestion et prévision des TMS et le travail à 4 mains».

En réalité, selon la littérature scientifique spécialisée, les troubles musculo-squelettiques sont inhérents à la profession de chirurgien-dentiste quel que soit le type ou la marque des fauteuils utilisés, au point que les chirurgiens-dentistes sont formés dans le cadre de leur parcours universitaire aux postures de travail adaptées.

Il n'est démontré aucun manquement à son obligation de sécurité. Avant le courriel du 5 novembre 2013, l'employeur n'avait pas été informé d'un prétendu manque d'ergonomie du fauteuil PLANMECA, lequel n'est, en outre, pas confirmé.

Elle a effectué des propositions de reclassement sur des postes qui étaient susceptibles de maintenir Mme [V] [W] dans un emploi, mais elles ont été refusées.

Elle a interjeté appel du jugement du Tribunal judiciaire d'Annecy du 17 décembre 2021, lequel, par ailleurs, ne lie aucunement la Cour, compte tenu du principe d'autonomie entre droit du travail et droit de la sécurité sociale.

Mme [V] [W] ne justifie d'aucun préjudice particulier l'autorisant à solliciter une indemnisation au-delà de l'indemnité minimale prévue. Elle bénéficiait d'un contrat de prévoyance collective lui assurant un complément de rémunération. Elle n'est pas demeurée sans activité professionnelle, ayant exercé les fonctions d'expert judiciaire et créé une entreprise spécialisée dans l'élevage d'animaux. Son état de santé ne lui interdisait pas l'exercice d'activités sportives ou d'agrément. Elle a bénéficié d'une retraite à taux plein à compter du 1er avril 2021.

Elle n'était tenue, à l'égard de la salariée, que de lui verser l'indemnité compensatrice de l'article L.1226-14 du code du travail, soit une indemnité plafonnée au montant correspondant au préavis légal de l'article L.1234-1 3° du code du travail, en l'occurrence 2 mois de salaire.

L'indemnité compensatrice de l'article L.1226-14 du code du travail, ayant une nature indemnitaire, elle n'ouvre pas droit aux congés payés.

Dans la hiérarchie des normes de droit social, la convention collective a une force normative supérieure au contrat de travail. Le contrat de travail de Mme [V] n'étant soumis à aucune disposition conventionnelle, les règles éditées par le code du travail doivent s'appliquer.

Le calcul de la salariée au titre de l'indemnité de licenciement ne prend pas en considération les périodes de suspension de son contrat de travail pour maladie non professionnelle et l'évolution de son statut à temps partiel depuis le 1er février 2014 (32 heures 30 par semaine).

La salariée a été remplie de ses droits et a reçu les documents de rupture dans des conditions telles qu'elle ne justifie aujourd'hui d'aucun préjudice particulier.

'

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 2 septembre 2022.

La date des plaidoiries a été fixée à l'audience du 8 décembre 2022.

L'affaire a été renvoyée au 11 mai 2023.

L'affaire a été mise en délibéré au 18 juillet 2023, prorogé au 5 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur la révocation de l'ordonnance de clotûre

Une demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 2 septembre 2022 a été faite à la Cour, par conclusions déposées le 6 décembre 2022 par l'UMFMB, demande à laquelle Mme [V] [W] s'est opposée par conclusions déposées le 9 décembre 2022.

Il a été répondu aux avocats des parties par le président de la chambre sociale via un message RPVA du 09 mars 2023 que cette demande de rabat serait appréciée lors de l'audience devant la Cour d'appel.

Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture peut être révoquée d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal, s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'espèce, l'UMFMB sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture prise le 2 septembre 2022 afin de produire plusieurs pièces reçues postérieurement à la clôture, susceptibles de déterminer la solution du litige, à savoir des conclusions transmises le 29 novembre 2022 concernant l'instance pendante devant la Cour d'appel de Grenoble en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans lesquelles Mme [V] [W] concède n'avoir aucune critique à formuler quant à l'ergonomie du fauteuil PLANMECA, des attestations de collègues de travail de la salariée relatives à l'absence d'alerte émise par cette dernière avant le 5 novembre 2013 et des résultats avec photographies de compétitions et événements auxquels l'appelante a participés.

Dans ces conditions, compte tenu de la cause grave dont il est justifié, il convient de rabattre l'ordonnance de clôture à la date de l'audience de plaidoiries, soit au 11 mai 2023, et d'autoriser la communication, par chacune des parties, des conclusions et pièces transmises postérieurement au 2 septembre 2022.

II. Sur la nullité du licenciement

Mme [V] [W] soutient que l'UMFMB aurait dû solliciter l'autorisation de l'inspection du travail avant de procéder à son licenciement, ce qu'elle n'a pas fait, faisant valoir que l'institution des délégués du personnel n'a disparu que le 10 octobre 2018 et que l'employeur avait, par ailleurs, expressément prorogé leurs mandats.

L'article L.2411-1 du code du travail mentionne que: 'Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants :

1° Délégué syndical ;

2° Membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique ;

3° Représentant syndical au comité social et économique ;

4° Représentant de proximité ;

5° Membre de la délégation du personnel du comité social et économique interentreprises ;

6° Membre du groupe spécial de négociation et membre du comité d'entreprise européen ;

7° Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société européenne;

7° bis Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société coopérative européenne ;

7° ter Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société issue de la fusion transfrontalière ;

8° Représentant du personnel d'une entreprise extérieure, désigné à la commission santé, sécurité et conditions de travail d'un établissement comprenant au moins une installation classée figurant sur la liste prévue à l'article L.515-36 du code de l'environnement ou mentionnée à l'article L.211-2 du code minier ;

9° Membre d'une commission paritaire d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture prévue à l'article L.717-7 du code rural et de la pêche maritime ;

10° Salarié mandaté, dans les conditions prévues aux articles L.2232-23-1 et L.2232-26, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ;

11° Représentant des salariés mentionné à l'article L.662-4 du code de commerce ;

12° Représentant des salariés au conseil d'administration ou de surveillance des entreprises du secteur public, des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions ;

13° Membre du conseil ou administrateur d'une caisse de sécurité sociale mentionné à l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale ;

14° Membre du conseil d'administration d'une mutuelle, union ou fédération mentionné à l'article L. 114-24 du code de la mutualité ;

15° Représentant des salariés dans une chambre d'agriculture, mentionné à l'article L.515-1 du code rural et de la pêche maritime ;

16° Conseiller du salarié inscrit sur une liste dressée par l'autorité administrative et chargé d'assister les salariés convoqués par leur employeur en vue d'un licenciement ;

17° Conseiller prud'homme ;

18° Assesseur maritime, mentionné à l'article 7 de la loi du 17 décembre 1926 relative à la répression en matière maritime ;

19° Défenseur syndical mentionné à l'article L.1453-4 ;

20° Membre de la commission mentionnée à l'article L.23-111-1.'

L'article L.2411-5 du code du travail prévoit que: « Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.

Cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l'institution. »

Le licenciement intervenu en méconnaissance des règles spécifiques de licenciement des salariés protégés est nul.

La date à retenir pour l'appréciation du bénéfice de la protection est celle de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable.

La protection spéciale des délégués du personnel s'applique pendant toute la durée du mandat, y compris pendant les périodes de suspension du contrat de travail.

Hormis les cas exceptionnels où la prorogation est prévue par la loi à titre transitoire (C. trav., art. L.2314-13), il se peut que les partenaires sociaux conviennent avec l'employeur d'une prorogation des mandats qui doivent être renouvelés. Bien entendu, pendant la durée correspondant à cette prorogation, la protection spéciale demeure. Mais encore faut-il que la prorogation ait été actée par un accord conclu à l'unanimité des partenaires sociaux et de la direction, ce qui exclut la prorogation de fait par tacite reconduction (Cass.Soc., 28 septembre 2016, n°15-16.984) et la prorogation judiciaire.

Pour autant, il a été jugé que la prorogation d'un mandat en vertu d'un accord signé et appliqué par l'employeur, même en dehors des formes légales, emporte prolongation de la protection («Mais attendu que l'employeur ne peut remettre en cause par voie d'exception un accord collectif prorogeant les mandats qu'il a signé et appliqué sans réserve ; qu'ayant constaté que les mandats des membres du comité d'entreprise avaient été prorogés à trois reprises par un accord signé et mis en 'uvre par l'employeur, la Cour d'appel en a exactement déduit que le salarié bénéficiait, à ce titre, du statut protecteur ; » Cass. soc., 04 février 2014, n° 11-27.134).

En l'espèce, Mme [V] [W] a été élue déléguée du personnel titulaire le 24 juin 2014, ainsi que cela ressort de l'affichage obligatoire.

La durée des mandats des délégués du personnel était, au moment des faits, de quatre ans, de sorte que son mandat aurait dû prendre fin le 24 juin 2018 et la protection, liée à ce mandat, le 24 décembre 2018.

Le comité d'entreprise et les délégués du personnel ont été consultés le 21 août 2018 sur la prorogation des mandats des membres des institutions représentatives du personnel pour une durée allant jusqu'à l'élection du Comité Social et Economique et ont émis un avis favorable à l'unanimité des présents, ce qui a donné lieu à affichage.

L'inspectrice du travail, Mme [K] [T], de la DIRECCTE 74 a été informée par le directeur général de l'UMFMB, par courrier du 21 août 2018, de la confirmation de 'notre décision de proroger les mandats des représentants du personnel jusqu'à l'organisation des élections du Comité Social et Economique', prise après consultation des représentants du personnel. Or, il convient d'observer que la DIRECCTE 74 n'a pas estimé nécessaire d'émettre des observations quant à une telle prorogation, ce qui suppose qu'elle en a admis la régularité.

Le premier tour des élections au CSE a eu lieu le 9 octobre 2018 et le CSE a été mis en place le 10 octobre 2018, ainsi qu'il ressort des PV fournis.

D'autre part, à la lecture des pièces communiquées par les parties, il s'avère que les délégués du personnel se sont réunis en juin 2018, juillet 2018, août 2018 et septembre 2018 et que cette institution a donc continué à fonctionner normalement entre le 24 juin 2018 et le 10 octobre 2018, date à laquelle elle a définitivement disparu avec les élections et la mise en place du CSE.

L'absence de Mme [V] à ces réunions des délégués du personnel était légitime compte tenu de son état de santé (arrêts de travail pour maladie professionnelle) et ne saurait, en aucun cas, la priver de la protection de l'article L.2411-5 du code du travail sus-visé.

Par ailleurs, le procès-verbal de la première réunion du CSE du 15 novembre 2018 fait état (point 4) de l'approbation des procès-verbaux antérieurs des 12 juillet 2018 et 21 août 2018.

Dans ces conditions, au regard de l'ensemble de ces éléments, la salariée pouvait légitimement croire que son mandat de déléguée du personnel avait pris fin le 10 octobre 2018 avec les élections et la mise en place du CSE, et qu'elle bénéficiait, dès lors, toujours, au moment du déclenchement de la procédure de licenciement à son encontre et ce jusqu'au 10 avril 2019, de la protection d'ordre public instituée par les articles L.2411-1 et L.2411-5 du code du travail.

L'employeur invoque des jurisprudences (notamment une décision du Conseil d'Etat du 3 juillet 2013 n°342.291) qui ne sont pas transposables au cas d'espèce, ainsi qu'une circulaire DGT 07-2012 du 30 juillet 2012, qui ne l'est pas plus, puisque relative spécifiquement aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés, laquelle précise:

« 3.6. Les conditions de validité de la prorogation des mandats:

Hormis la modification du terme du mandat des délégués du personnel pour assurer la simultanéité de l'élection avec celle du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2314-6), la prorogation des mandats n'est admise que si elle résulte d'un accord conclu avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise (Cass. soc., 27 mai 1999, n° 98-60327, Bull. civ. V n°241, X. c./ Sté SBI ; Cass. soc., 12 juill. 2006, n°05-60.331, Bull. civ. V n°259, Sté Banque des Antilles françaises), et non par une délibération de l'instance elle-même (Cass. soc., 12 mars 2003, n°01-60.771, Bull. civ. V n° 96, Sté Inforsud Editique).

Cet accord, qui doit être écrit à peine de nullité (Cass. crim., n°08-82.736, Sté Xerox SAS), doit intervenir avant le terme du mandat et ne saurait le faire revivre rétroactivement.

Si l'inspecteur du travail constate que le mandat du salarié a été prorogé en dehors des formes légales et que la protection dont l'intéressé bénéficiait est expirée à la date à laquelle il statue, il doit se déclarer incompétent ».

Or, convient-il de rappeler qu'une circulaire ne modifie pas l'ordonnancement juridique en ce qu'il s'agit d'un acte adressé par une autorité administrative à ses subordonnés pour leur indiquer la manière d'appliquer et d'interpréter certaines dispositions législatives ou réglementaires. Dès lors, la circulaire sus-visée ne saurait être revêtue d'une quelconque force normative s'imposant aux juges du fond.

Par ailleurs, la Cour relève que l'UMFMB a été négligente en n'anticipant pas la prorogation des mandats des délégués du personnel avant leur expiration prévue le 24 juin 2018 et en n'organisant pas, non plus, d'élections antérieurement à cette date. Or, il s'agit d'une obligation qui incombe au chef d'entreprise, lequel doit veiller à ce que les élections se déroulent dans le respect des principes généraux du droit électoral.

L'UMFMB ne peut pas se prévaloir, pour priver la salariée de son statut protecteur, des négligences qu'elle a commises dans la mise en place de la représentation du personnel au sein de son organisme, et notamment d'une prorogation irrégulière des mandats des délégués du personnel, dès lors qu'elle y a pris part directement, en signant et en appliquant sans réserve ladite prorogation.

En conséquence, la Cour considère que le licenciement de Mme [V], initié le 18 février 2019 et notifié le 1er mars 2019, requérait l'autorisation préalable de l'inspection du travail, à défaut de laquelle il doit être déclaré nul, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy du 10 mars 2021 en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de nullité du licenciement et des demandes indemnitaires associées.

III. Sur les indemnités de rupture

Il résulte de l'article L.1235-3-1 du code du travail que: 'L'article L.1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L.1152-3 et L.1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L.1132-4 et L.1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L.1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L.1225-71 et L. 1226-13.

L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L.1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle'.

' Sur l'indemnité de licenciement

L'UMFMB ne conteste pas que l'origine de la maladie de Mme [V] soit professionnelle et liée à la pratique de l'art dentaire, source de troubles musculosquelettiques.

Il ressort de l'article L.1226-14 du code du travail que le salarié licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement suite à une maladie professionnelle a droit à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9.

L'article L.1234-9 du code du travail prévoit que : « Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire. »

L'article R.1234-2 du code du travail précise à ce sujet: « L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans».

Suivant l'article R.1234-4 du code du travail, 'le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion'.

Toutefois, l'article L.3123-5 dernier alinéa du code du travail dispose que : « L'indemnité de licenciement et l'indemnité de départ à la retraite du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise sont calculées proportionnellement aux périodes d'emploi accomplies selon l'une et l'autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l'entreprise ».

La période de suspension du contrat de travail n'entre pas en compte, en principe, pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de l'indemnité légale de licenciement (C. trav., art. L.1234-11 ; Cass. soc., 10 déc. 2002, n°00-46.542). Il existe toutefois des hypothèses où les périodes de suspension sont assimilées par la loi ou la jurisprudence à des périodes de travail pour le calcul des droits liés à l'ancienneté. Il en va ainsi des absences consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (C. trav., art. L.1226-7).

En l'espèce, lors de la rupture de son contrat de travail, Mme [V] a perçu de l'UMFMB une somme de 108.179,54 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement sur le fondement de l'article L.1226-14 du code du travail.

La Cour observe que Mme [V] a, dès lors, été totalement remplie de ses droits compte tenu de son ancienneté, de laquelle les périodes de suspension de son contrat de travail au titre de la maladie non professionnelle, pour une durée cumulée de 14 mois, ont été justement déduites par l'employeur, et au regard de son passage à une activité à temps partiel à partir du 1er février 2014, données factuelles non contestées par la salariée.

Par conséquent, aucun rappel n'est dû à la salariée, et il convient de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy du 10 mars 2021 en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de complément d'indemnité de licenciement formée à hauteur de 5.569,40 euros nets.

' Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La nullité du licenciement ouvre droit automatiquement à l'indemnité compensatrice de préavis, quand bien même le salarié se serait trouvé dans l'incapacité de l'effectuer, par exemple du fait d'une longue maladie ou d'un accident du travail :« Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de préavis, peu important les motifs de la rupture » (Cass. soc., 5 juin 2001, n°99-41.186 ; Cass. soc., 2 juin 2004, n°02-41.045 ; Cass. soc., 30 mars 2005, n°03-41.518 ; Cass. soc., 10 mai 2006, n°04-40.901).

L'article L.1226-14 du code du travail prévoit que le salarié licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle a droit à 'une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5".

Dans cette hypothèse, l'employeur est tenu au seulversement de l'indemnité légale de préavis à l'exclusion de toute indemnité conventionnelle même plus favorable (Cass. Soc., 26 janvier 2011, n° 09-68544, Cass. Soc., 2 juillet 2014, n°12-29.677).

L'article L.1234-1 du code du travail dispose que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Sur la base de ces dispositions, l'UMFMB entend solliciter la restitution de la somme de 9.018 euros qu'elle estime avoir versé à la salariée au delà de ses obligations légales à l'occasion de la rupture de son contrat de travail, exposant lui avoir réglé une indemnité compensatrice de 27.054,45 €, équivalent à 3 mois de préavis, alors qu'elle n'était tenue qu'à une indemnité correspondant au préavis légal de l'article L.1234-1 3° du code du travail, soit 2 mois de salaire.

Or, il convient de constater que le licenciement de Mme [V] [W], prononcé pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement, ayant fait l'objet, par la Cour, d'une requalification en licenciement nul pour violation du statut protecteur de la salariée, l'article L.1226-14 du code du travail et la jurisprudence sus-visés n'ont plus vocation à s'appliquer, cédant, ainsi, le pas au régime de droit commun de l'indemnité compensatrice de préavis.

En l'espèce, le contrat de travail de Mme [V] [W], qui constitue la loi des parties, prévoyait en son article 6 un préavis de 6 mois, plus favorable que celui fixé à l'article L.1234-1 du code du travail, de sorte que la salariée peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis équivalent à 6 mois de salaire, les parties s'accordant sur le montant de celui-ci (à savoir 9.018,15 euros bruts par mois).

Par ailleurs, se basant sur une jurisprudence de la Cour de cassation précisant que l'indemnité compensatrice de l'article L.1226-14 du code du travail n'ouvre pas droit aux congés payés compte tenu de sa nature indemnitaire (Cass. Soc., 4 décembre 2001, n° 99-44677 ; 23 novembre

2016, n°15-21470), l'UMFMB entend réclamer, à titre reconventionnel, le remboursement de la somme de 2.705,44 euros qu'elle soutient avoir versée à Mme [V] au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur l'indemnité compensatrice de l'article L.1226-14 du code du travail.

Or, il convient, tout d'abord, d'observer que l'UMFMB ne démontre pas avoir procédé à un tel paiement. Il apparaît, en effet, qu'une somme de 22.129,51 euros a été réglée à la salariée à titre d'indemnité compensatrice de congés payés à raison des jours de congés payés acquis en cours de contrat et non pris à la date de la rupture, soit au 1er mars 2019, ainsi que cela ressort de sa dernière fiche de paie de mars 2019, dont le libellé mentionnant: « indemnité CP en cours », est non équivoque, et des termes de la lettre de licenciement précisant: « Vous percevrez une indemnité spéciale de licenciement ainsi que le solde des sommes restant à vous devoir au titre des congés payés. »

Au surplus, en tout état de cause, compte tenu de la requalification du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement en licenciement nul pour violation du statut protecteur, il y a lieu de faire le constat que la somme de 2.705,44 euros, dont il est sollicité le remboursement, est due à la salariée.

Il convient, dès lors, dans ces conditions:

-de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy du 10 mars 2021 en ce qu'il a débouté l'UMFMB de sa demande de remboursement de la somme de 9.018 euros au titre de l'indemnité compensatrice de l'article L.1226-14 du code du travail,

-de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy du 10 mars 2021 en ce qu'il a débouté l'UMFMB de sa demande de remboursement de la somme de 2.705,44 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur l'indemnité compensatrice de l'article L.1226-14 du code du travail,

-d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy du 10 mars 2021 en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de complément d'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de trois mois de salaire,

-statuant à nouveau, de condamner l'UMFMB à verser à Mme [V] la somme de 27.054,45 euros bruts à titre de reliquat de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 2.705,44 euros bruts au titre des congés payés afférents.

' Sur les dommages-intérêts pour licenciement nul

Embauchée depuis le 1er octobre 1997 par l'UMFMB, Mme [V] [W] postérieurement à son licenciement du 1er mars 2019, a été indemnisée par Pôle emploi au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à hauteur de 4.325,10 euros par mois jusqu'à sa mise à la retraite le 1er avril 2021. Du fait de la perte de son emploi, elle n'a plus été en mesure d'exercer ses fonctions d'expert auprès de la Cour d'appel de Chambéry. Ses revenus ont été réduits de près de moitié, ainsi qu'il ressort des avis d'imposition fournis.

Les parties s'accordent dans leurs écritures respectives sur le montant du salaire mensuel moyen brut à prendre en considération, à savoir 9.018,15 euros par mois, correspondant à la somme retenue par le Conseil de prud'hommes.

Par conséquent, au regard des éléments de préjudice dont il est justifié, des circonstances de la rupture et de la situation de la salariée, il convient de lui allouer des dommages-intérêts pour licenciement nul d'un montant de 54.108,90 euros, correspondant à 6 mois de salaire.

' Sur les dommages-intérêts pour violation du statut protecteur

L'indemnité à laquelle Mme [V] a droit est égale au montant de la rémunération qui aurait été perçue depuis la date du licenciement illégal jusqu'à l'expiration de la période légale de protection en cours (Cass. soc.,15 nov. 1994, n° 91-43.976), soit en l'espèce du 1er mars 2019 au 10 avril 2019.

Par conséquent, il convient de lui allouer des dommages-intérêts pour violation du statut protecteur d'un montant de 11.994,14 euros (9.018,15 x 1,33).

IV. Sur la demande de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation pôle emploi

Au moment de la rupture du contrat de travail, l'employeur doit délivrer au salarié une attestation Pôle emploi qui lui permettra de faire valoir ses droits à l'assurance chômage (C. trav., art. R. 1234-9).

Ce document est quérable et non portable (Cass. soc., 5 oct. 2004, n°02.44.487).

En conséquence, la seule obligation de l'employeur est de tenir ce document à la disposition du salarié et de l'en informer. Il n'a donc pas à le lui envoyer. C'est au salarié qui réclame des dommages-intérêts pour un retard dans la délivrance du document de justifier qu'il l'a réclamé et qu'il s'est heurté à l'inertie ou au refus de l'employeur (Cass. soc., 24 janv. 1979, n°77-40.266; Cass. soc., 5 juill. 1982, n°80-40.660).

Qu'il s'agisse d'une remise tardive ou d'un défaut de remise, le salarié peut prétendre au paiement de dommages-intérêts. Encore faut-il, cependant, qu'il démontre l'existence d'un préjudice, la Cour de cassation ayant, en effet, abandonné le principe du préjudice nécessaire ouvrant droit automatiquement à des dommages-intérêts, et considérant, désormais, depuis un revirement de 2016, que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. soc., 13 avr. 2016, n°14-28.393 ; Cass. soc., 14 sept. 2016, n°15-21.794).

En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment des mails échangés courant avril 2019, que Mme [V] a dû attendre près d'un mois et demi pour obtenir une attestation Pôle Emploi en bonne et due forme, après avoir effectué plusieurs réclamations auprès de la responsable des ressources humaines, l'UMFMB ayant établi pas moins de quatre versions successives de ce document, en raison d'erreurs portant sur le montant des rémunérations perçues, signalées par la salariée.

Elle a ainsi multiplié les démarches pour disposer d'une attestation Pôle emploi conforme à la réalité lui permettant de faire valoir l'intégralité de ses droits, ce qui lui a occasionné un préjudice qu'il convient d'indemniser à hauteur de 150 €, à défaut pour la salariée d'en justifier davantage.

Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes sur ce chef de demande.

Par ailleurs, il sera ordonné à l'UMFMB de remettre les documents de fin de contrat rectifiés (bulletin de paye du mois de mars 2019, attestation pôle emploi, solde de tout compte) à Mme [V] [W] dans un délai maximum de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il ne soit besoin pour autant d'assortir cette remise d'une astreinte.

V. Sur les intérêts

S'agissant des créances salariales, en application de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Pour les sommes portant sur des rappels de salaire (indemnité de préavis, indemnité de licenciement, indemnité de congés payés, prime d'ancienneté'), les intérêts courent, soit à compter de la saisine de la juridiction prud'homale, c'est-à-dire de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation ou devant le bureau de jugement en cas de saisine directe, soit, si les salaires ont fait l'objet d'une réclamation antérieure, à compter de la date de la demande de paiement.

S'agissant des créances indemnitaires, en application de l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

VI. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'UMFMB succombant, elle devra assumer la charge des entiers dépens, tant en 1ère instance qu'en cause d'appel.

Par ailleurs, elle devra également payer à Mme [V] [W], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 3.000 € relative aux deux procédures, de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident,

Rabat l'ordonnance de clôture du 2 septembre 2022 à l'audience de plaidoires du 11 mai 2023;

Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy rendu le 10 mars 2021, en ce qu'il a :

-Fixé la moyenne des salaires de Mme [V] [W] à 9.018,15 euros (bruts);

-Débouté Mme [V] [W] de ses demandes de :

- Licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes indemnitaires associées,

- Paiement de rappel d'indemnité de licenciement;

-Débouté l'UMFMB de ses demandes de remboursement au titre :

-de l'indemnité compensatrice de préavis,

-de l'indemnité compensatrice de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis;

Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy rendu le 10 mars 2021, pour le surplus de ses dispositions frappées d'appel;

Statuant à nouveau sur les chefs d'infirmation,

-Dit que le licenciement de Mme [V] [W] est nul ;

-Condamne l'UMFMB à payer à Mme [V] [W] les sommes suivantes :

*27.054,45 € bruts à titre de reliquat de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 2.705,44 € bruts au titre des congés payés afférents,

*54.108,90 € de dommages-intérêts pour licenciement nul,

*11.994,14 € de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur de la salariée,

*150 € de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation pôle emploi ;

-Dit que les sommes allouées revêtant la nature de créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud'homale, soit le 11 septembre 2019, date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, en application de l'article 1231-6 du code civil;

-Dit que les sommes allouées revêtant la nature de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, en application de l'article 1231-7 du code civil;

-Ordonne à l'UMFMB de remettre à Mme [V] [W] les documents de fin de contrat rectifiés tenant compte de la présente décision (bulletin de paye, attestation pôle emploi, solde de tout compte), dans un délai maximum de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt;

-Condamne l'UMFMB aux entiers dépens;

Y ajoutant,

- Condamne l'UMFMB à payer à Mme [V] [W] une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les deux procédures de première instance et d'appel;

-Condamne l'UMFMB aux dépens de l'instance, en cause d'appel;

-Déboute les parties du surplus de leurs demandes, ainsi que de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 05 Avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, Conseillère en remplacement du Président empêché, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier P/ Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 21/00914
Date de la décision : 05/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-05;21.00914 ?
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