COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 15 JUIN 2023
N° RG 21/02055 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G2MC
[L] [U]
C/ S.A.S. SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION PROVENCIA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALBERTVILLE en date du 02 Septembre 2021, RG F 19/00102
APPELANT ET INTIME INCIDENT
Monsieur [L] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Stéphanie DUBOS de la SELARL CABINET RATHEAUX SELARL, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON, substituée par Me Emilie LACHAUT, avocat au barreau de LYON
et par Me Franck GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY
INTIMEEET APPELANTE INCIDENTE
S.A.S. SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION PROVENCIA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Véronique DELMOTTE-CLAUSSE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 25 Avril 2023, devant Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s'est chargé du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Madame Capucine QUIBLIER, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,
Copies délivrées le :
********
M. [L] [U] a été engagé par contrat à durée indéterminé par la SAS société d'exploitation Provencia le 16 Octobre 2017 en qualité de directeur du magasin Carrefour Market de [Localité 6], statut cadre, niveau 7.
La Société d'exploitation Provencia exerce une activité de commerce en supermarché, libre-service, rayons multiples avec station de distribution de carburants et petits accessoires.
L'employeur emploie plus de dix salariés.
La convention collective applicable est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Au terme de la période d'essai, le 22 juin 2018, trois subdélégations de pouvoirs ont été signées dans lesquelles le directeur opérationnel, le directeur des ressources humaines et le directeur administratif subdéléguaient leurs pouvoirs à M. [L] [U].
M. [L] [U] a fait part à sa direction, en juillet 2018, de son souhait de quitter l'entreprise dans le cadre d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail, ce que l'employeur a refusé.
Le 27 septembre 2018, l'employeur a souhaité remettre en mains propres au salarié une lettre de recadrage. Celui-ci ayant refusé de la recevoir, elle lui a été envoyée en RAR.
Le même jour, M. [L] [U] a adressé au directeur opérationnel, au directeur des ressources humaines et au directeur administratif une lettre RAR par laquelle il dénonçait les subdélégations de pouvoirs qu'il avait signées le 22 juin 2018.
M. [L] [U] était placé en arrêt de travail du 3 octobre au 10 novembre 2018, arrêt prolongé jusqu'au 31 décembre 2020.
Le 9 Octobre 2018, l'employeur a accusé réception de ce qu'il a considéré comme une démission du salarié, prenant effet le 2 octobre 2018. Il lui a adressé ses documents de fin de contrat.
M. [L] [U] a, par courrier du 15 Octobre 2018 contesté l'interprétation faite par l'employeur de ses lettres du 27 septembre 2018 , indiquant " il ne s'agit en aucun cas d'une démission de ma part. ". Il a également fait intervenir son conseil afin d'obtenir que la situation soit régularisée, ces courriers étant restés sans réponse.
Le 6 novembre 2018, M. [L] [U] a saisit le conseil de prud'hommes d'Albertville dans sa formation de référé, aux fins notamment qu'il soit jugé qu'il n'a pas démissionné de ses fonctions, que son licenciement soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse, et que l'employeur soit condamné à lui verser diverses sommes à ce titre.
La section des référés a renvoyé les parties à mieux se pouvoir au fond.
M. [L] [U] a saisi au fond le conseil de prud'hommes d'Albertville par requête du 2 juillet 2019.
Par jugement du 2 septembre 2021, le conseil de prud'hommes d'Albertville a:
- jugé que M. [L] [U] a démissionné à la date du 02 Octobre 2018 ;
- débouté M. [L] [U] de ses demandes de paiement par la société d'exploitation Provencia des sommes suivantes :
* 14484,66 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
* 1448,66 euros bruts à titre de congé payés afférents ;
* 1508,81 euros nets à titre d'indemnité de licenciement ;
* 28000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- débouté M. [L] [U] de ses demandes de rectification des documents légaux de rupture du contrat de travail ;
- débouté M. [L] [U] de ses demandes de paiement par la société d'exploitation Provencia de :
* 32850 euros nets à titre de dommages et intérêts pour perte du bénéfice des prestations du contrat de prévoyance ;
* 4243,00 euros bruts au titre de la prime annuelle ;
* 434,00 euros au titre des congés payés afférents ;
* 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté la société d'exp1oitation Provencia de sa demande reconventionnelle de paiement par M. [L] [U] de la somme de 14484,66 euros représentant les 3 mois de préavis,
- condamné M. [L] [U] aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe par RPVA le 14 octobre 2021, M. [L] [U] a relevé appel de cette décision dans son intégralité. La Sas société d'exploitation Provencia a relevé appel incident.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er décembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, M. [L] [U] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 2 septembre 2021 par le Conseil de prud'hommes d'Albertville, sauf en ce qu'il a débouté la Sas société d'exploitation Provencia de sa demande reconventionnelle de paiement de la somme de 14484,66 euros représentant les trois mois de préavis ;
Statuant et jugeant à nouveau :
- juger qu'il n'a pas démissionné ;
- juger que la remise par l'employeur des documents légaux de rupture du contrat de travail en date du 18 octobre 2018 s'analyse en un licenciement à l'initiative de la société;
- juger que ce licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner la Sas société d'exploitation Provencia à lui payer les sommes suivantes :
* 14484,66 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1448,66 euros brut de congés payés afférents,
* 1508,81 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
* 9656,44 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- ordonner à l'employeur de lui remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir :
* une attestation Pôle Emploi rectifiée portant la mention d'un licenciement notifié à la date du 18 octobre 2018 avec dispense de préavis de 3 mois, soit une fin de contrat de travail au 17 janvier 2019,
* un certificat de travail rectifié et un bulletin de paie rectifiés conformément à la décision à intervenir,
- condamner la Sas société d'exploitation Provencia à lui payer à la somme de 32850 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct, compte tenu de la perte du bénéfice des prestations du contrat de prévoyance ;
- condamner la Sas société d'exploitation Provencia à lui payer la somme de 4343 euros bruts au titre de la prime annuelle, outre 434,30 euros au titre des congés payés afférents;
- assortir la décision à intervenir des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé de la décision pour les sommes de nature indemnitaire, avec capitalisation;
- condamner la Sas société d'exploitation Provencia à lui payer la somme de 3 000 euros nets au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la Sas société d'exploitation Provencia aux entiers dépens.
- confirmer le jugement rendu le 2 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Albertville en ce qu'il a débouté la Sas société d'exploitation Provencia de sa demande de paiement de la somme de 14 484,66 euros représentant les trois mois de préavis ;
- débouter la Sas société d'exploitation Provencia de toutes ses demandes à son encontre.
M. [L] [U] soutient que la démission doit résulter d'une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail, et ne peut se présumer. Or il n'a jamais adressé de lettre de démission à son employeur, ni énoncé verbalement sa volonté de démissionner. Ses courriers du 27 septembre 2018 étaient destinés à signifier à sa direction les difficultés qu'il rencontrait du fait notamment de l'insuffisance de managers de rayons au sein du magasin qui ne lui permettaient pas d'assumer valablement les responsabilités qui lui avaient été subdéléguées. Ils ne mentionnaient aucune volonté de démissionner.
De la date de son embauche jusqu'au 22 juin 2018, date de la signature des subdélégations de pouvoir, il a parfaitement accompli sa mission de directeur de magasin sans ses subdélégations explicites, qui n'étaient donc pas indispensables au bon accomplissement de ses missions.
Le fait pour un salarié de solliciter la rupture conventionnelle de son contrat de travail ne traduit pas une volonté claire et non équivoque de démissionner et ne peut valoir démission.
Dès lors qu'il n'a pas démissionné, la rupture de son contrat de travail est nécessairement sans cause réelle et sérieuse compte-tenu de l'absence de motifs et de notification régulière.
La durée de son préavis était de trois mois conformément à la convention collective.
Du fait des agissements de l'employeur, il n'a pas pu bénéficier de l'indemnité de préavis, des allocations prévoyance ou d'assurance chômage, s'est trouvé en arrêt de travail jusqu'au 31 décembre 2020 pour syndrome psychologique réactionnel et épuisement moral professionnel. Il a connu une période de chômage de 6 mois jusqu'au 30 juin 2021, a retrouvé du travail mais avec une rémunération inférieure.
En le considérant comme démissionnaire, l'employeur ne lui a pas permis de remplir les conditions pour bénéficier de la portabilité de la prévoyance, il a subi une perte financière à ce titre;
En tenant compte de la durée du préavis, il remplit la condition de présence pendant douze mois au sein de l'entreprise qui lui ouvre droit à la prime de treizième mois.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 02 novembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la Sas société d'exploitation Provencia demande à la cour de :
A titre principal :
* confirmer intégralement le jugement du conseil de prud'hommes d'Albertville du 02 septembre 2021, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 14484,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de démission,
* condamner M. [L] [U] à lui verser la somme de 14484,66 euros,
* débouter M. [L] [U] de l'intégralité de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire, s'il était retenu que le salarié n'a pas démissionné, faire application du strict minimum prévu par les barêmes de l'article L 1235-3 du code du travail,
En toutes hypothèses :
* condamner M. [L] [U] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le même aux dépens de première instance et d'appel.
La Sas société d'exploitation Provencia soutient que les subdélégations de pouvoir qui ont été consenties au salarié lui permettaient d'exercer toutes les prérogatives de l'employeur quels que soient les domaines au sein du magasin dont il avait la direction, notamment s'agissant de la gestion du personnel, la durée du travail, l'hygiène et la sécurité, le respect de la réglementation en matière commerciale, économique et de distribution.
Ces subdélégations étaient indispensables à l'exercice par le salarié de ses fonctions de directeur de magasin.
M. [L] [U] a manifesté dès le mois de juillet 2018 son intention de voir rompre le contrat de travail. Suite au refus de son employeur d'accepter sa demande de rupture conventionnelle, il va rapidement se désengager de ses responsabilités, attitude qui va nécessiter un entretien de recadrage le 27 septembre 2018.
Par ses courriers du même jour, il va purement et simplement abandonner ses fonctions en dénonçant toutes les subdélégations de pouvoir qui lui avaient été confiées pour remplir sa mission de directeur, manifestant ainsi clairement son intention de renoncer à la totalité de ses fonctions, puisqu'il avait parfaitement conscience qu'il ne pouvait exercer ses fonctions sans délégations de pouvoir. De ce fait, il a donc indiqué très nettement sa volonté de démissionner.
Avant la signature des subdélégations écrites et durant sa période d'essai, le salarié disposait de subdélégations de pouvoir de fait, ainsi qu'en attestent par exemple les contrats de travail de salariés qu'il a signés pour le compte de l'employeur, des convocations qu'il a signées et remises aux délégués du personne, les convocations qu'il a remises aux salariées pour des entretiens préalables, entretiens auxquels il participait, l'inventaire 2017 qu'il a réalisé, les factures des fournisseurs réglées sur ordre de celui-ci.
Compte-tenu de sa démission, il ne peut prétendre à l'indemnité de préavis et aux indemnités de licenciement sollicitées.
Il ne peut prétendre à la prime de treizième mois car il ne comptait pas, à la date de son départ de l'entreprise, douze mois de présence en son sein et qu'il n'en était plus salarié au 31 décembre de l'année considérée.
L'arrêt de travail du salarié est postérieure à la rupture de son contrat de travail par démission le 2 octobre 2018, celui-ci ne peut donc prétendre au bénéfice des prestations du contrat de prévoyance, puisque celui-ci prévoit que ses bénéfices sont maintenus aux anciens salariés lorsque la cessation de leur contrat de travail ouvre droit à indemnisation par le régime d'assurance chômage.
La prise d'acte par un salarié de la rupture de son contrat qui n'est pas justifiée produit les effets d'une démission, il en résulte que celui-ci est redevable à son employeur du montant de l'indemnité de préavis.
La clôture a été prononcée le 24 février 2023.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 25 avril 2023. A l'issue, elle a été mise en délibéré au 15 juin 2023. A l'issue la décision a été mise en délibéré au 15 juin 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la démission
La démission ne répond à aucune condition de forme, mais doit résulter d'une manifestation de volonté claire et non équivoque, donc qui ne peut donner lieu à des interprétations diverses.
En l'espèce, le salarié reconnaît avoir sollicité auprès de son employeur une rupture conventionnelle de son contrat de travail en juillet 2018, demande à laquelle l'employeur n'a pas donné suite.
Par ailleurs, il a rédigé le 27 septembre 2018 trois courriers identiques destinés à chacun de ses supérieurs qui lui ont subdélégué leurs pouvoirs, courriers ayant pour objet « dénonciation subdélégation de pouvoir », par lesquels il soutient être, compte-tenu de sa charge de travail, dans l'incapacité de remplir l'ensemble des responsabilités qui lui sont subdéléguées, et par lesquels il indique dénoncer les subdélégations de pouvoir qu'il a signées.
A supposer, ainsi que le soutient l'employeur, que les pouvoirs délégués au salarié lui aient été indispensables dans l'exercice de ses fonctions, ces courriers en date du 27 septembre 2018 ne font en tout état de cause pas apparaître de volonté claire et non équivoque de la part de celui-ci de démissionner.
Le salarié a par ailleurs, dans un courrier du 15 octobre 2018, précisé à son employeur que ses courriers du 27 septembre 2018 ne constituaient pas une démission de sa part.
Enfin, si l'employeur soutient que le salarié s'est désinvestit de ses fonctions à la suite du refus opposé à sa demande de rupture conventionnelle, il ne produit aucune pièce de nature à justifier cette allégation.
Il résulte de l'analyse de ces éléments que l'employeur ne démontre pas de la part du salarié une manifestation d'une volonté de démissionner claire et non équivoque.
L'employeur a rompu le contrat de travail en considérant que le salarié avait démissioné et en lui remettant les documents de fin de contrat. Faute d'avoir respecté la procédure de licenciement, celui-ci est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
La décision du conseil de prud'hommes à ce titre et s'agissant des demandes d'indemnité de préavis, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera donc infirmée.
Le salarié sollicite une indemnité de préavis à hauteur de 14484,66 euros brut, outre 1448,66 euros brut de congés payés afférents. En application de l'article 5 de l'annexe III de la convention collective, sa durée de préavis était de trois mois. Son salaire mensuel moyen brut sur les douze derniers mois est de 4828,22 euros. Ainsi, il sera fait entièrement droit à sa demande à ce titre, à hauteur de 14484,66 euros brut et 1448,46 euros de congés payés afférents.
Il sollicite une indemnité légale de licenciement. Son ancienneté dans l'entreprise était de 15 mois à la date de fin de son préavis. En application des dispositions des articles L1234-9, R1234-1 et R1234-2 du code du travail, il sera fait droit à la demande du salarié à ce titre.
Il résulte de l'article L 1235-3 du code du travail que le salarié est en droit de de solliciter une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un et deux mois de salaire.
Le salarié avait 44 ans à la date du licenciement. Il a été en arrêt de travail jusqu'au 30 décembre 2020. Il ne produit aucune pièce de nature à démontrer que ses arrêts de travail régulièrement prolongés depuis le 3 octobre 2018 sont en lien avec son licenciement. Les attestations des deux psychologues qui l'ont suivi n'évoquent aucun lien entre son état psychique et son licenciement.
Il a ensuite été indemnisé par Pôle Emploi pendant 250 jours sur l'année 2021, à hauteur de 23080,40 euros. Il a été engagé par Pôle Emploi le 1er juin 2021 dans le cadre d'un CDD de 18 mois, avec un salaire mensuel brut de 1801,82 euros. Sson revenu mensuel moyen pour 2021 a ainsi été de 2974 euros.
Compte-tenu de ces éléments, notamment de la perte de revenus consécutive à son licenciement sans cause réelle et sérieuse, il sera alloué au salairé à titre d'indemnité la somme de 9656 euros.
Selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles qu'il énonce, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés, de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Les conditions d'application de cet article étant réunies, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la SAS société d'exploitation Provencia à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [L] [U] par suite de son licenciement, et ce dans la limite de trois mois d'indemnités.
Sur la demande au titre du préjudice distinct en lien avec la perte du bénéfice des droits du contrat de prévoyance
La rupture du contrat de travail dans le cadre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse est intervenue le 9 octobre 2018, date du courrier de l'employeur par lequel celui-ci a notifié au salarié le fait qu'il considérait que le contrat de travail était rompu, et donc postérieurement à l'arrêt de travail du salarié en date du 3 octobre 2018.
En application des conditions d'application de la prévoyance AG2R La Mondiale rappelées dans la notice d'information, le salarié était donc en droit de bénéficier de la prévoyance durant son arrêt de travail jusqu'à la rupture de son contrat de travail, puis de la portabilité de la prévoyance pendant une durée de douze mois à compter de la date de rupture de son contrat de travail.
En ne percevant pas l'indemnité journalière de la prévoyance du fait de l'employeur qui l'a considéré à tort comme démissionnaire à la date du 2 octobre 2018, soit antérieurement au début de son arrêt de travail le 3 octobre, il a subi un préjudice dont il est en droit de solliciter réparation.
Il justifie de ce qu'il se trouvait en situation d'arrêt de travail durant toute la durée de portabilité de la prévoyance, soit jusqu'au 9 octobre 2019. Il ne pouvait donc sur cette période percevoir d'allocations au titre du chômage.
Il est donc en droit de solliciter l'application des dispositions portées sur la notice d'information de la prévoyance. Il convient de faire application de la franchise de 45 jours d'arrêt de travail prévue par ces dispositions.
En conséquence, la décision sur ce point du conseil de prud'hommes sera infirmée, et la SAS société d'exploitation Provencia sera condamnée à verser à M. [L] [U] la somme de 28800 euros net à ce titre.
Sur la demande au titre de la prime annuelle
Le contrat de travail du salarié mentionne: «Conformément aux dispositions de la convention collective nationale en vigueur, le salarié bénéficiera d'une prime annuelle équivalente à un mois de salaire, sous réserves du respect des conditions prévues par ladite convention. Cette prime est versée aux salariés présents au 31 décembre de l'année considérée et justifiant de 12 mois de présence continue à cette date ».
Il résulte des dispositions des article 3-7, 3-16-1 et 3-16-2 c) (anciennement 3-15 tel que cité à l'article 3-7) de la convention collective applicable à la date des faits que l'ancienneté doit s'entendre du temps pendant lequel le salarié a été occupé d'une façon continue dans l'entreprise, quelles que puissent être les modifications survenant dans la nature juridique de celle-ci, et que sont considérés comme temps de présence dans l'entreprise, pour le calcul de l'ancienneté les absences pour maladie et pour accident du trajet, dans la limite de une année maximum.
En application de ces textes, le salarié doit être considéré comme ayant été présent au sein de l'entreprise à la date du 31 décembre 2018, son préavis expirant le 9 janvier 2019, et comme justifiant de 12 mois de présence continue à cette date.
En conséquence, la décision sur ce point du conseil de prudh'ommes sera infirmée, et il sera alloué au salarié la somme de 4343 euros brut à ce titre, outre 434,30 euros de congés payés afférents.
Sur la demande de remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte
Il sera ordonné à l'employeur de remettre au salarié une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie rectifiés conformément à la présente décision.
Il n'y a pas lieu à prononcer d'astreinte.
Sur la demande reconventionnelle au titre de l'indemnité de préavis de démission
La démission du salarié n'ayant pas été retenue, la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a débouté l'employeur de sa demande à ce titre sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
DÉCLARE recevables les appel et appel incident de M. [L] [U] et de la Sas société d'exploitation Provencia,
CONFIRME la décision du conseil de prud'hommes d'Albertville du 2 septembre 2021 en ce qu'elle a débouté la Sas société d'exploitation Provencia de sa demande au titre de l'indemnité de préavis de démission,
INFIRME pour le surplus le jugement du conseil de prud'hommes d'Albertville du 2 septembre 2021,
Statuant à nouveau :
DIT que M. [L] [U] n'a pas démissionné,
DIT que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la Sas société d'exploitation Provencia à verser à M. [L] [U] :
.14484,66 euros brut, outre 1448,46 euros brut de congés payés afférents, au titre de l'indemnité de préavis,
.1508,81 euros net au titre de l'indemnité de licenciement,
. 9656 euros brut au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
.28800 euros net au titre du préjudice subi en raison de la perte du fait de l'employeur des indemnités de prévoyance,
.4343 euros, outre 434,30 euros de congés payés afférents, au titre de la prime annuelle,
ORDONNE à la Sas société d'exploitation Provencia de remettre à M. [L] [U] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie rectifiés conformément à la présente décision,
Y ajoutant :
RAPPELLE qu'il y a lieu à application des intérêts au taux légal dans les conditions prévues aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil,
ORDONNE d'office le remboursement par la Sas société d'exploitation Provencia à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [L] [U], du jour de son licenciement, soit le 9 octobre 2018, au jour de la présente décision dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage,
DIT qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à Pôle Emploi Rhône-Alpes - service contentieux - [Adresse 3].
CONDAMNE la Sas société d'exploitation Provencia aux dépens ;
CONDAMNE la Sas société d'exploitation Provencia à payer à M. [L] [U] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ainsi prononcé publiquement le 15 Juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller, remplaçant Monsieur Frédéric PARIS, Président, régulièrement empêché, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier P/Le Président