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27/04/2023 | FRANCE | N°21/02135

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 27 avril 2023, 21/02135


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 27 AVRIL 2023



N° RG 21/02135 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G2WJ



[U] [M] épouse [C]

C/ [F] [S] etc...



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BONNEVILLE en date du 28 Septembre 2021, RG F 18/00059





APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE



Madame [U] [M] épouse [C]

[Adresse 2]

[Localité 7]



Représentée par Me Christian BROCA

S, avocat au barreau d'ANNECY





INTIMES ET APPELANTS INCIDENTS :



Madame [F] [S]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me François Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE





...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 AVRIL 2023

N° RG 21/02135 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G2WJ

[U] [M] épouse [C]

C/ [F] [S] etc...

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BONNEVILLE en date du 28 Septembre 2021, RG F 18/00059

APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE

Madame [U] [M] épouse [C]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Christian BROCAS, avocat au barreau d'ANNECY

INTIMES ET APPELANTS INCIDENTS :

Madame [F] [S]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me François Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

Monsieur [G] [R] pris en la personne de Madame [F] [S], es qualité de tutrice de Monsieur [G] [R], renouvelée en cette qualité selon jugement du Juge des Tutelles du 21 juillet 2011

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me François Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

Madame [W] [T]

[Adresse 11]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me François Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

Copies délivrées le :

Monsieur [I] [R]

EDEN PARK

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représenté par Me François Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

INTIME

S.C.P. OFFICE NOTARIAL CABOURDIN-LEGER-JUSKOWIAK-CIAVOLLE LA-LUX

[Adresse 10]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean-Luc FAVRE de la SELARL FAVRE-DUBOULOZ-COFFY, avocat plaidant inscrit au barreau de THONON-LES-BAINS

et par Me Michel FILLARD, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2023 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller, chargé du rapport

Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Capucine QUIBLIER,

********

FAITS ET PROCEDURE

Mme [U] [M] a été engagée par M. [K] [R] le 9 octobre 2010 en qualité d'assistante de vie, en contrat à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 32 heures par semaine.

Un nouveau contrat de travail à durée indéterminée a été régularisé entre les parties le 27 janvier 2012, avec une date de début du contrat fixée au 11 décembre 2011, contrat prévoyant un temps de travail de 190 heures par mois et un salaire horaire net de 15 euros comprenant l'indemnité de congés payés.

Le 20 avril 2012, les parties ont régularisé une convention d'accueil permanent à temps complet prévoyant l'accueil de M. [K] [R] au domicile de Mme [U] [M] avec mise à disposition d'une chambre individuelle, les frais d'accueil étant fixés à 4000 euros par mois se répartissant ainsi:

- 2000 euros pour services rendus, outre 200 euros de congés payés afférents,

- 650 euros d'indemnité de sujétions particulières,

- 900 euros d'indemnité de frais d'entretien,

- 250 euros d'indemnité de mise à disposition d'une chambre.

M. [K] [R] est décédé le 30 mars 2016.

La rupture du contrat de travail a été notifiée par les ayant-droits de l'employeur à la salariée par courrier du 3 novembre 2016.

Par requête reçue le 15 mai 2018, Mme [U] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Bonneville aux fins d'obtenir la condamnation de la 'succession [R]/[S]' au paiement d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour harcèlement moral et déloyauté.

Par courrier du 16 juillet 2018, elle a sollicité du conseil de prud'hommes l'appel en cause de Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T], M. [I] [R], et de l'Office notarial Cabourdin Léger - Juskowiak - Ciavolella - Lux.

Par jugement de départage du 28 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Bonneville a :

- débouté Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] de la demande en nullité de la requête déposée par Mme [U] [M],

- débouté l'Office notarial Cabourdin Léger - Juskowiak - Ciavolella - Lux de sa demande en nullité de l'assignation délivrée à son encontre devant le conseil des prud'hommes à la demande de Mme [U] [M],

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] concernant les demandes en paiement formées par Mme [U] [M],

- debouté Mme [U] [M] de ses dernandes en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, en paiement du salaire sur la periode postérieure au décès de [K] [R], d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, en paiement de dommages et intérêts tirée de la remise tardive des documents de fin de contrat,

- condamné in solidum Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] à payer à Mme [U] [M] la somme de 1225 euros au titre de l'indemnité de licenciement, assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- condamné Mme [U] [M] à payer à Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] la somme de 1150 euros au titre de l'avance de la location et des frais d'entretien perçus pour le mois d'avril 2016, assortie des intérêts au taux legal à compter de la signification du jugement,

- condamné Mme [U] [M] à payer à Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] la somme de 17887,84 euros au titre des salaires perçus durant ses arrêts maladie,

- déclaré le conseil de prud'hommes incompétent pour statuer sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral formée par Mme [U] [M] au profit du tribunal judiciaire de Bonneville,

- dit qu'à l'expiration du délai d'appel, le dossier sera transmis par le secrétariat-greffe du conseil des prud'hommes de Bonneville au greffe du tribunal judiciaire de Bonneville qui invitera les parties à constituer avocat,

- dit n'y avoir lieu à déclarer le jugement commun et opposable à l'Office notarial Cabourdin Léger - Juskowiak - Ciavolella - Lux,

- condamné Mme [U] [M] à payer à l'Office notarial Cabourdin Léger - Juskowiak - Ciavolella - Lux la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné Madame [U] [M] à payer à l'Office notarial Cabourdin Léger - Juskowiak - Ciavolella - Lux la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [U] [M], Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] aux dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire,

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration par RPVA en date du 28 octobre 2021, Mme [U] [M] a interjeté appel de cette décision. Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] ainsi que l'Office notarial Cabourdin Léger - Juskowiak - Ciavolella - Lux ont formé appel incident.

Par dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, Mme [U] [M] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes, sauf concernant les demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et des conditions de rupture et pour harcèlement,

Et statuant à nouveau,

- condamner Mme [F] [S], Mme [W] [T], M. [G] [R], majeur protégé par sa tutrice, Mme [F] [S] et M. [I] [R], ainsi que la succession [Z]-[T], conjointement et in solidum, à lui payer les sommes suivantes :

* indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 18240 euros

*paiement des salaires jusqu'à la rupture du contrat de travail du 3 novembre 2016 : 21685,33 euros, outre 2168,53 euros de congés payés afférents,

* indemnité de licenciement : 1824 euros

* indemnité de préavis : 6080 euros

* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 608 euros

* dommages et intérêts du fait de la non indemnisation par Pôle emploi du fait de la non communication de documents de rupture exploitables : 43776 euros

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à restituer la somme de 17887,84 euros à titre de salaires nets ainsi que celle de 1150 euros au titre de l'avance de la location et des frais d'entretien perçus pour le mois d'avril 2016,

Et statuant à nouveau,

- débouter Mme [F] [S], Mme [W] [T], M. [G] [R], majeur protégé par sa tutrice Mme [F] [S] et M. [I] [R], ainsi que la succession [Z]-[T], conjointement et in solidum, de leurs demandes reconventionnelles à ce titre,

- condamner Mme [F] [S], Mme [W] [T], M. [G] [R], majeur protégé par sa tutrice Mme [F] [S] et M. [I] [R], ainsi que la succession [Z]-[T], conjointement et in solidum, à lui payer une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner les mêmes, sous la même solidarité, aux entiers dépens d'instance.

Au soutien de ses demandes, elle expose que le conseil de prud'hommes n'a pas motivé son rejet de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

Les ayant-droits de l'employeur n'ont pas respecté la procédure de licenciement. Elle n'a été licenciée que le 3 novembre 2016, soit plus de sept mois après le décès de l'employeur, sans entretien préalable.

Elle n'a pas été réglée des indemnités de licenciement et de préavis lui revenant.

Elle n'a jamais pu faire valoir ses droits au chômage car elle n'a jamais obtenu des ayants-droits la communication de documents de rupture exploitables, datés et signés de l'ensemble des héritiers, avec des dates correctes. Elle a ainsi perdu deux ans de droits au chômage.

Sa condamnation à restituer les salaires nets perçus durant sa période d'arrêt maladie n'est pas fondée, puisque cet arrêt maladie ne concernait qu'une autre personne accueillie au sein de son domicile en journée, et pas M. [K] [R] qu'elle a continué à accueillir en permanence à son domicile et dont elle a continué à s'occuper durant cet arrêt.

Par dernières conclusions notifiées le 20 avril 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] demandent à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

* débouté Mme [U] [M] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, en paiement du salaire sur la période postérieure au décès de [K] [R], d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, en paiement de dommages et intérêts tirée de la remise tardive des documents de fin de contrat,

* condamné Mme [U] [M] à leur payer la somme de 1150 euros au titre de l'avance de la location et des frais d'entretien perçus pour le mois d'avril 2016, assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

* déclaré le conseil des prud'hommes incompétent pour statuer sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral formée par Mme [U] [M], au profit du tribunal judiciaire de Bonneville,

- réformer la décision entreprise sur le surplus,

Au principal,

- juger irrecevables comme prescrites les demandes de Mme [U] [M],

Subsidiairement,

- juger mal fondées l'intégralité des demandes de Mme [U] [M],

Plus subsidiairement,

- réduire les demandes de Mme [U] [M], à l'exception du montant de l'indemnité de licenciement qui sera arrêté par la juridiction d'appel comme l'a fait le conseil de prud'hommes à la somme de 1225 euros,

Reconventionnellement,

- condamner Mme [U] [M] à leur verser indivisément la somme de 32337 euros au titre du règlement indu des salaires et des charges sociales acquittées à tort au bénéfice de Mme [U] [M],

- débouter Mme [U] [M] de ses demandes au titre des frais irrépétibles et dépens,

- ordonner à Mme [U] [M] de produire le contrat de travail la liant à Mme [E],

- condamner Mme [U] [M] à leur verser indivisément la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,

- condamner Mme [U] [M] aux dépens devant la Cour d'Appel avec distraction au profit de Me Garnier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, ils exposent que l'action de la salariée portant sur l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, sur l'indemnité de licenciement, sur l'indemnité de prévais et les congés payés afférents et sur la demande de dommages et intérêts du fait d'une non-indemnisation par Pôle emploi est prescrite depuis le 30 mars 2018 en application de l'ancien article L 1471-1 du code du travail.

La salariée ne motive aucunement sa demande d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, sa demande est donc irrecevable en application de l'article 15 du code de procédure civile.

La jurisprudence retient que l'allocation de dommages et intérêts est subordonnée à la preuve de l'existence d'un préjudice, preuve que la salariée n'apporte pas en l'espèce.

En tout état de cause, la jurisprudence retient que le licenciement justifié mais prononcé sans observation de la procédure peut ouvrir droit à une indemnisation du salarié correspondant à un mois de salaire maximum en application de l'article L 1235-2 du code du travail.

Le paiement du salaire est la contrepartie d'un travail. La salariée à elle-même reconnu que le décès avait mis fin au contrat de travail, elle ne peut donc solliciter un rappel de salaires pour la période postérieure au décès, période durant laquelle elle était par ailleurs en arrêt maladie.

Si la salariée peut effectivement prétendre à une indemnité de licenciement tenant compte d'une ancienneté à compter de 2010, elle a déjà perçu à ce titre une somme de 599 euros, de sorte que le montant de 1225 euros fixé par le conseil de prud'hommes doit être confirmé.

La salariée a déjà reçu son indemnité de préavis de deux mois incluant les congés payés.

La salariée a bénéficié d'une indemnisation à hauteur de 730 jours par Pôle Emploi. Par ailleurs, c'est elle qui n'a pas transmis les documents de rupture qui lui avaient été communiqués le 3 novembre 2016 dans un délai de douze mois, puisqu'elle a attendu le 3 avril 2018 pour s'inscrire à Pôle emploi, ce qui a entraîné un refus d'indemnisation.

Elle ne justifie d'aucun préjudice à ce titre puisqu'elle a finalement été prise en charge.

La salariée a été réglée d'avance de la location de la chambre et des frais d'entretien pour avril 2016 à hauteur de 1150 euros. Au regard du décès de l'employeur survenu le 30 mars 2016, elle doit remboursement de cette somme aux héritiers.

Elle doit également remboursement des sommes réglées par M. [K] [R] dans le cadre du contrat de travail pendant 181 jours, alors qu'elle était indemnisée sur cette même période par la CPAM dans le cadre d'un arrêt maladie.

Si les héritiers devaient être condamnés à quelque titre que ce soit, ils sollicitent une compensation avec les sommes qui leur sont dûes.

La salariée travaillait pour une autre personne en même temps qu'elle travaillait pour M. [K] [R], elle n'a donc pas pu effectuer les 190 heures de travail par mois prévus à son contrat de travail auprès de ce dernier.

Par dernières conclusions notifiées le 21 avril 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, l'Office notarial Cabourdin Léger - Juskowiak - Ciavolella - Lux demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a considéré le recours de Mme [U] [M] à son encontre comme abusif,

- condamner Mme [U] [M] à lui payer la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner Mme [U] [M] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses demandes, l'office notarial expose qu'elle est tiers à la procédure en ce qu'elle n'a jamais été l'employeur de Mme [U] [M]. Cette dernière s'acharne à agir contre elle en cause d'appel alors même qurelle ne formule aucune demande à son encontre, ce qui justifie que lui soit alloués des dommages et intérêts pour procédure abusive.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 octobre 2022. Le dossier a été évoqué à l'audience du 26 janvier 2023. A l'issue, il a été mis en délibéré au 23 février 2023, délibéré prorogé au 13 avril 2023 puis au 27 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

Il résulte des dispositions de l'article L 1471-1 du code du travail que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Cet article précise par ailleurs que, conformément à l'article 40-II de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu'une instance a été introduite avant la publication de ladite ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel et en cassation.

La loi ancienne prévoyait une prescription par deux ans à compter du jour où celui qui exerce l'action a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

La loi nouvelle prévoit que le délai de prescription d'une action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

La rupture du contrat de travail a été notifiée à la salariée par courrier du 3 novembre 2016.

Il résulte de ces éléments que le délai de prescription de l'action portant sur la rupture du contrat de travail courait jusqu'au 3 novembre 2018.

L'action de la salariée n'est donc pas prescrite.

Sur la demande de rappel de salaire

Il résulte des dispositions de l'article 13 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur en vigueur à la date de conlusion du contrat de travail et du décès de l'employeur que le décès de l'employeur met fin ipso facto au contrat de travail qui le liait à son salarié. Le contrat ne se poursuit pas automatiquement avec les héritiers. La date du décès de l'employeur fixe le départ du préavis. Sont dus au salarié: le dernier salaire, les indemnités de préavis et de licenciement auxquelles le salarié peut prétendre compte-tenu de son ancienneté lorsque l'employeur décède, l'indemnité de congés payés.

Mme [U] [M] n'invoque au titre de sa demande de rappel de salaire pour la période au décès de l'employeur aucun moyen de fait ni de droit, en méconnaissance des dispositions de l'article 768 du code de procédure civile.

Le décès de l'employeur a mis fin au contrat de travail.

Dans le cadre du contrat de travail, la contrepartie de la rémunération est l'accomplissement d'un travail. Au regard des fonctions d'assistante de vie qu'elle exerçait auprès de son employeur M. [K] [R], elle n'a plus exécuté de travail au profit de ce dernier à son décès, et ne peut donc solliciter une rémunération à ce titre pour la période postérieure au décès.

La décision du conseil de prud'hommes sera donc confirmée sur ce point.

Sur la demande au titre du non respect de la procédure de licenciement

Il résulte de l'article L 1235-2 du code du travail en vigueur à la date de la notification de la rupture du contrat de travail que si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Il n'est pas contesté par les intimés que la procédure de licenciement de la salariée n'a pas été respectée, en l'absence notamment de toute convocation à entretien préalable et de respect des délais de convocation à cet entretien et de notification du licenciement postérieurement à cet entretien.

L'article L 1235-2 du code du travail n'impose pas la caractérisation d'un préjudice pour percevoir l'indemnité prévue.

Mme [U] [M] ne produit aucun élément au soutien de cette demande.

En conséquence, la décision sur ce point du conseil de prud'hommes sera infirmée, et

Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] seront solidairement condamnés à verser à Mme [U] [M] une indemnité de 300 euros net à ce titre.

Sur la demande au titre de l'indemnité de licenciement

L'ancienneté du salarié s'apprécie au jour où l'employeur envoie la lettre recommandée de licenciement (Cass soc. 26 septembre 2006, n°05-43.841).

Il résulte de l'article R 1234-2 du code du travail en vigueur à la date de la notification de la rupture du contrat de travail que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le salaire mensuel de la salarié était de 3040 euros.

Celle-ci sollicite au titre de l'indemnité de licenciement une somme de 1824 euros, somme qui apparaît justifiée en application de l'article R 1234-2.

Le notaire chargé de la succession indique, dans un courrier du 11 décembre 2017, avoir procédé au règlement du solde de tout compte par virement sur le compte de la salariée en date du 6 décembre 2017. Le solde de tout compte était de 599 euros pour l'indemnité de licenciement.

En conséquence, la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a condamné Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] à payer à Mme [U] [M] la somme de 1225 euros à ce titre sera confirmée.

Sur la demande d'indemnité de préavis

Le montant de cette indemnité, à savoir 6080 euros, n'est pas contesté. La salariée sollicite par ailleurs le paiement de ces congés payés, or son contrat de travail mentionne clairement que ceux-ci sont déjà inclus dans sa rémunération mensuelle.

Le notaire chargé de la succession indique, dans un courrier du 11 décembre 2017, avoir procédé au règlement du solde de tout compte par virement sur le compte de la salariée en date du 6 décembre 2017.

Le montant de 6080 euros a donc déjà été versé à l'appelante.

En conséquence, la décision sur ce point du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande au titre de la non indemnisation par Pôle emploi du fait de la non communication de documents de rupture exploitables

La salariée sollicite à ce titre une indemnisation correspondant aux deux ans de droit au chômage qu'elle soutient avoir perdu du fait de la carence des héritiers de M. [K] [R] dans la communication à son profit de documents de rupture exploitables.

Elle soutient avoir subi un préjudice financier et moral considérable à ce titre.

Elle justifie avoir sollicité son inscription à Pôle Emploi en avril 2016, inscription refusée en l'absence de production de l'attestation à délivrée par l'employeur.

Cette attestation doit être délivrée par l'employeur au moment de la rupture du contrat de travail.

Elle a sollicité les documents de fin de contrat seulement auprès de Mme [F] [S] en juillet 2016. Son avocat a sollicité ces documents auprès des quatre ayant-droits en octobre 2016. Ces documents lui ont été remis en novembre 2016. Elle a contesté leur contenu, mais n'a introduit son action en justice sur ce point qu'en mai 2018.

Par ailleurs, il résulte des pièces produites aux débats qu'elle était en arrêt de travail du 31 mars 2016 au 29 aout 2017, et qu'elle a perçu des indemnités journalières à ce titre. Elle n'aurait donc pas pu, en tout état de cause, percevoir d'allocation d'aide au retour à l'emploi sur cette période.

La salariée n'a tenté de se réinscrire à Pôle Emploi que le 3 avril 2018, et a finalement perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 8 mai 2018 pour une période de 730 jours.

S'il résulte ainsi de ces constatations que les ayant-droits de son employeur ont remis l'attestation employeur avec du retard, Mme [U] [M] ne justifie pas avoir subi un préjudice de ce chef.

La décision du conseil de prud'hommes sera donc confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande relative à l'avance de la location et des frais d'entretien perçus pour le mois d'avril 2016

Le curateur de M. [K] [R] a indiqué, par courrier du 2 septembre 2020, avoir versé d'avance à la salariée la somme de 1150 euros au titre de la location de la chambre individuelle et de 'l'indemnité entretien-transport' pour avril 2016.

La salariée ne conteste pas cet élément, n'a pas conclu sur ce point.

Au regard de cet élément et du décès de M. [K] [R] survenu le 30 mars 2016, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle a condamé Mme [U] [M] à verser à Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] la somme de 1150 euros.

Sur la demande au titre des salaires perçus durant les arrêts maladie de la salariée et des prestations sociales versées sur cette période

Les intimés justifient de ce que Mme [U] [M] a été en arrêt de travail notamment du 21 mai 2014 au 9 juin 2014, du 30 août 2014 au 19 septembre 2014, du 2 décembre 2014 au 15 décembre 2014, du 7 février 2015 au 24 février 2015, du 10 avril 2015 au 1er juillet 2015, du 10 septembre 2015 au 21 septembre 2015, et du 7 janvier 2016 au 22 janvier 2016, et qu'elle a perçu durant ces périodes des indemnités journalières.

La salariée ne conteste pas avoir également perçu durant ces périodes son salaire de la part de M. [K] [R]. Elle soutient seulement que cet arrêt maladie ne s'appliquait pas à l'activité auprès de ce dernier, mais à l'activité qu'elle avait auprès d'une autre personne qu'elle accueillait également à son domicile.

Mme [U] [M] ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle était autorisée à poursuivre une activité professionnelle durant son arrêt de travail, qui suspend automatiquement le contrat de travail.

Elle reconnaît d'ailleurs, dans un courrier du 29 septembre 2020 qu'elle a adressé au centre national du chèque emploi service universel, et par lequel elle demandait que le nom de son mari apparaisse à la place du sien s'agissant des bulletins de paye édités pour les périodes rappeléées ci-dessus, qu'elle était 'en arrêt maladie et ne pouvait donc pas travailler durant les périodes évoquées'.

Son mari ne pouvait se voir délivrer un bulletin de paye à son nom par le CESU sur ces périodes, celui-ci n'étant pas le salarié de M. [K] [R], mais uniquement partie au contrat d'accueil permanent à temps complet signé le 14 mai 2012. Seule Mme [U] [M] avait régularisé un contrat de travail avec celui-ci.

La convention d'accueil permanent à temps complet du 14 mai 2012 fait expressément référence au contrat de travail d'aide soignante du 27 janvier 2012 qui ne concerne que Mme [U] [M]. Ce contrat de travail prévoit une rémunération de 15 euros de l'heure pour 190 heures par mois, comprenant les congés payés, soit 2850 euros, montant qui correspond au cumul de la 'rémunération journalière pour services rendus', de 'l'indemnité de congé' et de 'l'indemnité en cas de sujétions particulières' mentionnées dans la convention d'accueil permanent à temps complet. Cette convention mentionne explicitement que cette part de 2850 euros par mois est soumise à cotisation, imposable et 'objet d'un contrat à durée indéterminée'.

Ainsi, cette rémunération de 2850 euros par mois était la contrepartie du travail exécuté par Mme [U] [M] en tant qu'aide soignante.

Or celle-ci ne démontre pas avoir exécuté la prestation prévue à son contrat de travail durant ses arrêts maladie.

En conséquence, Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] sont recevables à solliciter, en application de l'ancien article 1235 du code civil applicable avant le 1er octobre 2016, a sollicité le paiement des salaires indûs versés à la salariée sur les périodes rappelées ci-dessus.

Ils ne sauraient cependant solliciter le remboursement des cotisations sociales, la répétition de l'indû ne s'appliquant que sur le salaire effectivement perçu par le salarié, à savoir le salaire net.

Compte-tenu de ces éléménts et des pièces produites aux débats, la décision du conseil de prud'hommes sur ce point sera infirmée, et Mme [U] [M] sera condamnée à verser à Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] la somme de 18046,35 euros (55 jours d'arrêt de travail sur la base de 2850 euros net par mois, et 129 jours d'arrêt de travail sur la base de 3040 euros net par mois à compter du 1er février 2015).

Sur la demande de compensation

Les conditions exigées par l'article 1347 du code civil sont réunies. La compensation des sommes dûes entre Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] d'un côté et Mme [U] [M] de l'autre sera ordonnée.

Sur la demande au titre de la procédure abusive

Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol. L'intention malicieuse ou ou la conscience d'un acharnement procédural voué à l'échec doivent être démontrées.

En l'espèce, Mme [U] [M] a appelé en cause l'Office notarial Cabourdin Léger - Juskowiak - Ciavolella - Lux dans le cadre de la procédure devant le conseil de prud'hommes sans jamais formuler à son encontre la moindre demande, que ce soit en première instance ou en appel, ce qui démontre un acharnement procédural constitutif d'une procédure abusive.

En conséquence, la décision du conseil de prud'hommes sur ce point sera confirmée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Mme [U] [M] et Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] seront condamnés in solidum aux dépens.

Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] ainsi que Mme [U] [M] seront déboutés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [U] [M] sera condamnée à verser à l'Office notarial Cabourdin Léger - Juskowiak - Ciavolella - Lux la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE recevable Mme [U] [M] en son appel,

INFIRME le jugement du conseil de Prud'hommes de Bonneville du 28 septembre 2021 en ce qu'il a :

- débouté Mme [U] [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non respect de la procédure de licenciement,

- condamné Mme [U] [M] à verser à Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] la somme de 17887,84 euros au titre des salaires perçus durant ses arrêts maladie,

Statuant a nouveau sur ces points :

CONDAMNE Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] à verser à Mme [U] [M] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

CONDAMNE Mme [U] [M] à verser à Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] la somme de 18046,35 euros au titre des salaires indûment perçus durant ses arrêts maladie,

CONFIRME pour le surplus le jugement du conseil de Prud'hommes de Bonneville du 28 septembre 2021,

Y ajoutant :

ORDONNE la compensation des sommes dûes entre Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] d'un côté et Mme [U] [M] de l'autre,

CONDAMNE Mme [U] [M] et Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] in solidum aux dépens,

DEBOUTE Mme [F] [S], M. [G] [R], Mme [W] [T] et M. [I] [R] ainsi que Mme [U] [M] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [U] [M] à verser à l'Office notarial Cabourdin Léger - Juskowiak - Ciavolella - Lux la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ainsi prononcé publiquement le 27 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 21/02135
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;21.02135 ?
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