La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2023 | FRANCE | N°21/02081

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 27 avril 2023, 21/02081


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE







ARRÊT DU 27 AVRIL 2023



N° RG 21/02081 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G2PY



[U] [K]

C/ Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SAVOIE



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 23 Septembre 2021, RG F 19/00057





APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE



Madame [U] [K]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Lucie D'ALU, avocat

au barreau de CHAMBERY





INTIMEE et APPELANTE INCIDENTE



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SAVOIE

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Christian BROCHARD de la ...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 AVRIL 2023

N° RG 21/02081 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G2PY

[U] [K]

C/ Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SAVOIE

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 23 Septembre 2021, RG F 19/00057

APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE

Madame [U] [K]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Lucie D'ALU, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE et APPELANTE INCIDENTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SAVOIE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON

et par Me Aline BRIOT, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 04 Avril 2023, devant Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller désigné à ces fins par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s'est chargé du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

Copies délivrées le :

********

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [U] [K] a été engagée en qualité d'Employée au classement, tri et écritures, niveau 2, coefficient 110 par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Savoie à compter du 14 septembre 1981 par contrat à durée déterminée, transformé par le suite en contrat à durée indéterminée.

La CPAM de la Savoie emploie plus de onze salariés.

La convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale est applicable.

Au dernier état de la relation, Mme [K] occupait le poste de Manager stratégique pour un salaire brut mensuel de 4053 €.

Madame [K] a été placée en arrêt de travail à compter du 18 août 2015.

Au 1er mai 2017, Mme [K] a été placée en invalidité 2ème catégorie.

Elle a été licenciée pour inaptitude par lettre du 11 avril 2018.

Par requête du 10 avril 2019, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Chambéry aux fins de solliciter la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 23 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Chambéry a :

- dit et jugé que le licenciement est un licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et qu'il est bien fondé,

- débouté Mme [K] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la CPAM de la Savoie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [K] a interjeté appel par déclaration d'appel du 20 octobre 2021 au réseau privé virtuel des avocats.

Par conclusions notifiées le 6 novembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, Mme [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

- dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la CPAM de la Savoie au paiement des sommes suivantes :

* 3 000 € au titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

* 20 000 € au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

* 97 272 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 24 318 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 52 689 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement

* 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La salariée soutient en substance avoir été victime d'harcèlement moral par ses supérieurs hiérarchiques.

Elle arrivait à terme d'un projet de réorganisation débuté en automne 2014, sa supérieure hiérarchique lui a demandé de « retirer » trois agents sur six de son projet, alors que tous les agents avaient été informés de leur nouvelle affectation.

Cette situation, qui est l'élément déclencheur, a été très difficile, elle a été décrédibilisée auprès de ses subordonnés.

Après des arrêts de travail, le médecin de la CPAM a rapidement décidé de la placer en invalidité deuxième catégorie.

Son employeur lui a demandé de rédiger un courrier dans lequel elle renonce à ses fonctions, faute de quoi ses congés payés ne seraient pas soldés.

Par courrier du 25 janvier 2018, la directrice l'informe qu'elle a été remplacée par un nouveau manager malgré sa volonté de reprendre le travail.

La situation avec la hiérarchie était telle qu'un conflit social a éclaté.

Les médecins ont constaté un syndrome anxio-dépressif.

L'employeur n'a pris aucune mesure pour protéger sa santé mentale, malgré les alertes des syndicats sur la politique managériale adoptée par la nouvelle direction.

Les arrêts de travail directement antérieurs à l'avis d'inaptitude ont pour seul motif un syndrome anxio-dépressif et non ses problèmes liés aux hanches.

La maladie de la concluante est directement liée à son activité professionnelle, compte-tenu de la dégradation de son état de santé psychologique.

Le médecin du travail n'a pas évoqué les problèmes de hanche de la salariée pour justifier son inaptitude.

Par conclusions notifiées le 13 avril 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la CPAM de la Savoie demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il déboute la CPAM de la Savoie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [K] à payer 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'employeur fait valoir que la salariée n'a jamais dénoncé de faits de harcèlement moral au cours de la relation contractuelle.

Son employeur lui a demandé de se positionner sur une éventuelle reprise, il s'agit d'une obligation afin de déterminer la nécessité ou non d'organiser une visite de reprise.

Les problèmes de santé évoqués par la salariée n'ont aucun lien avec ses conditions de travail.

La salariée souffrait de dépression depuis 2012.

La dégradation de l'état de santé de la salariée trouve son origine dans des causes personnelles, sans aucun lien avec son activité professionnelle.

L'inaptitude physique constatée par le médecin ne revêt aucune origine fautive de la part de l'employeur.

Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement repose sur une cause réelle et sérieuse.

La salariée ne justifie pas d'un préjudice distinct entre sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et celle pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat.

La salariée est totalement défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 3 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L 1152-1 du code du travail dispose : 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'.

En application de l'article L 1154-1 du code du travail cas de litige, il appartient d'abord au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; que l'employeur doit ensuite prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étranger à tout harcèlement.

Les méthodes de gestion dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible notamment de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel peuvent caractériser un harcèlement moral.

Le juge doit considérer les faits pris dans leur ensemble pour apprécier s'ils permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Le harcèlement moral n'est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l'ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d'un salarié défaillant dans la mise en 'uvre de ses fonctions.

Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.

En l'espèce la salariée ne verse aucun élément laissant présumer qu'elle aurait subi des agissements de sa directrice adjointe en 2013.

La salariée ne fournit aucun élément sur le fait que le projet de réorganisation mené à la CPAM a été revu en 2015 ; il s'agit en tout cas d'une décision relevant du pouvoir de direction de l'employeur. Si tenté qu'une modification ait eu lieu, elle ne constitue en aucun cas une attitude managériale anormale et harcelante, en l'absence de tout élément concernant des pressions ou des attitudes déloyales qu'aurait exercé la hiérarchie de la salariée.

Le seul arrêt maladie du 18 août 2015 n'est pas un élément suffisant pour laisser présumer un harcèlement moral.

Elle ne produit aucun élément non plus sur les conditions de sa reprise à mi-temps thérapeutique. Elle ne fait qu'affirmer que les réunions avaient lieu l'après midi alors qu'elle ne travaillait que le matin.

Elle verse ses propres courriers relatant que l'employeur alors qu'elle était en arrêt maladie lui avait demandé de rédiger un courrier où elle précisait que 'du fait de sa mise en invalidité à compter du 1/05/2017, je ne souhaite pas reprendre le travail à la CPAM'.

Elle affirme avoir reçu un mail du 10 mai 2017 où l'employeur écrit ' tu répond pas à la demande de courrier, il est impératif de nous le faire parvenir très rapidement. Le paiement des congés sera effectué lorsque ton dossier sera complet.'.

Elle ne fournit pas les réponses de l'employeur se contentant de les reproduire dans ses courriers.

La demande de courrier de l'employeur où elle indiquerait qu'elle ne souhaite pas reprendre le travail, ne constitue pas un agissement d'harcèlement moral à défaut de pressions ou de menaces.

Concernant le mail suscité du 10 mai 2017, l'employeur n'a pas menacé la salariée de se voir priver du paiement de ses congés, il a juste précisé que la paiement serait régularisé lorsque le dossier sera complet.

Si la salarié justifie qu'elle avait demandé de reprendre le travail par lettre du 25 janvier 2018 adressée à l'employeur, celui-ci lui avait répondu dans sa lettre en date du 25 janvier 2018 qu'un nouveau manager l'avait remplacé.

La directrice de la CPAM en informant la salariée absente depuis de nombreux mois qu'elle avait été remplacée n'a exercé que ses pouvoirs de direction. Un tel remplacement du fait de la durée de l'absence était normal.

La directrice devait prendre des précautions quant à une éventuelle reprise, après une telle absence, en expliquant à la salariée qu'une telle reprise dépendait de l'avis du médecin du travail et du médecin l'ayant placée en invalidité.

D'ailleurs une visite de reprise a été organisée le 15 mars 2018 et le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de la salariée.

Il n'y a donc eu aucune manoeuvre de l'employeur comme prétendu par la salariée.

Si les différents arrêts de travail et certificats médicaux produits aux débats font état d'une dégradation de l'état de santé de la salariée, notamment 'une souffrance au travaildepuis 2015", 'un sydrome dépressif en relation semble-t-il avec des relations très difficiles avec sa hiérarchie', ou 'patiente fragile, reprise compromise dans un contexte professionnel difficile, les médecins n'ont pas constaté eux-mêmes une dégradation des conditions de travail résultant d'un harcèlement, ils n'ont fait que reprendre les dires de la salariée, précision faite que toute souffrance au travail ne résulte pas forcément d'un harcèlement moral.

Enfin le conflit social survenu dans la caisse est postérieur au licenciement de la salariée et ne constitue pas un élément d'agissement de harcèlement moral à l'égard de la salariée.

Dès lors la salariée ne présente pas d'éléments pris dans leur ensemble laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité, la salariée évoque les mêmes faits que pour le harcèlement moral.

En l'absence de harcèlement moral il ne peut être reproché à l'employeur de n'avoir pris aucune mesure.

La directrice en informant la salariée de son remplacement n'a fait qu'exercer ses fonctions.

A l'appui de sa demande sur le manquement à l' obligation de sécurité, la salariée verse les mêmes pièces qui soient proviennent de ses propres courriers soient de pièces médicales insuffisantes à établir un manquement de l'employeur.

Elle se fonde aussi sur le mouvement social survenu après son licenciement, sans établir que le malaise social dont elle fait état au sein de la caisse, ait été à l'origine d'un manquement à l'obligation de sécurité la concernant plusieurs mois auparavant.

La salariée au vu de tous ces éléments n'établit pas que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité à l'origine de son inaptitude.

Le licenciement pour inaptitude repose dès lors sur une cause réelle et sérieuse et la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité sera rejetée comme l'a décidé à juste titre le conseil des prud'hommes.

Sur l'origine de l'inaptitude, la demande de la salariée sur l'origine professionnelle de l'inaptitude et des demandes financières subséquentes constitue une demande additionnelle à sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée dans l'acte introductif d'instance, et présente un lien suffisant ; elle est donc recevable.

Toutefois, la salariée n'établit pas que la cause de l'inaptitude est professionnelle, le seul constat d'un syndrome dépressif étant insuffisant à établir que l'origine de l'inaptitude est professionnelle.

Le jugement sera dans ces conditions confirmé.

La demande de la CPAM de la Savoie au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée pour des motifs tirés de la situation économique de l'appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement en date du 23 septembre 2021 rendu par le conseil de prud'hommes de Chambéry ;

CONDAMNE Mme [U] [K] aux dépens d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la CPAM de la Savoie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 27 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 21/02081
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;21.02081 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award