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23/02/2023 | FRANCE | N°22/00732

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 23 février 2023, 22/00732


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023



N° RG 22/00732 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7DU



[Z] [O]

C/ S.A.S. CHABICHOU PARTICIPATIONS agissant poursuites et diligences de ses représentants

légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège







Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALBERTVILLE en date du 07 Avril 2022, RG F 21/00054





APPELANT :

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Monsieur [Z] [O]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représenté par Me Pierre JANOT de la SELARL ALTER AVOCAT, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me Raphaëlle PISON, avoca...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023

N° RG 22/00732 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7DU

[Z] [O]

C/ S.A.S. CHABICHOU PARTICIPATIONS agissant poursuites et diligences de ses représentants

légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALBERTVILLE en date du 07 Avril 2022, RG F 21/00054

APPELANT :

Monsieur [Z] [O]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Pierre JANOT de la SELARL ALTER AVOCAT, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me Raphaëlle PISON, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S. CHABICHOU PARTICIPATIONS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Benjamin RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON

et par Me Franck GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2023 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Frédéric PARIS, Président, chargé du rapport

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Capucine QUIBLIER,

Copies délivrées le :

********

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Z] [O] a été engagé par la société Lavorel Hôtels sous contrat à durée indéterminée du 1er février 2009 en qualité de directeur d'hôtel.

Le contrat a été transféré à la société Chabichou Participations à compter du 4 novembre 2019.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait la fonction de directeur d'exploitation de l'hôtel le Chabichou, statut cadre dirigeant, niveau V, échelon 3 de la convention collective des Hôtels, Cafés, Restaurants, moyennant un salaire mensuel brut de 8678,81 €.

La société fait partie du groupe Lavorel Hôtels.

L'effectif de la société est de six salariés.

Le salarié était mis à pied à titre conservatoire le 19 février 2020 et convoqué à un entretien préalable.

Il a été placé en arrêt de travail le 20 février 2020 jusqu'au 5 mai 2020.

Le salarié a été sanctionné d'une mise à pied de cinq jours le 11 mars2020, pour attitude déplacée au bar de l'établissement.

L'établissement avait ensuite arrêté son activité en raison de la crise sanitaire.

Le salarié a été en congés payés après son arrêt de travail puis il a bénéficié à compter du 20 juillet 2020 d'une activité partielle.

La société a alors décidé de se réorganiser au regard de sa situation financière, et de supprimer le poste de directeur de l'hôtel Chabichou.

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 16 décembre 2020 par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 décembre 2020.

L'employeur a informé le salarié du projet de licenciement économique lors de cet entretien préalable et lui a exposé les motifs économiques du licenciement par lettre remise en main propre le jour même. Il lui remettait aussi les documents sur un éventuel contrat de sécurisation professionnelle.

Le salarié a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

Il a été licencié pour motif économique par lettre du 4 janvier 2021.

M. [O] contestant la sanction disciplinaire et son licenciement a saisi le conseil de prud'hommes d'Albertville à l'effet d'obtenir diverses indemnités.

Par jugement du 7 avril 2022 le conseil de prud'hommes l'a débouté de ses demandes et l'a condamné aux dépens et à payer à la société Chabichou une somme de 500 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [O] a interjeté appel par déclaration du 26 avril 2022 au réseau privé virtuel des avocats.

Par conclusions notifiées le 22 août 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens M. [O] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- annuler la mise à pied disciplinaire du 11 mars 2020,

- dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Chabichou Participations à lui payer les sommes suivantes :

* 1845,90 € de rappel de salaire pour la période de mise à pied, et 184,50 € de congés payés afférents,

* 5000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la sanction disciplinaire injustifiée,

* 110 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société Chabichou Participations aux dépens.

Il soutient en substance que la sanction disciplinaire n'était pas justifiée, s'il a embrassé son ami au bar, il ne travaillait pas et son ami était en congé.

Il s'agit d'un fait relevant de la vie personnelle.

Aucun trouble objectif n'a été crée.

Si son ami fumait, il n'avait pas à lui interdire de fumer, c'était au barman de lui rappeler l'interdiction et non à lui, car il ne travaillait pas.

En réalité, il a été sanctionné car il embrassait un homme et non une femme, ce qui est discriminatoire.

Sur le licenciement économique, si les difficultés économiques apparaissent établies, la suppression du poste n'était pas nécessaire.

L'activité partielle permettait de sauvegarder les emplois.

L'employeur doit justifier que les perspectives économiques se sont dégradées en dépit du chômage partiel avant d'envisager un licenciement économique.

Or il ne coûtait rien à la société lors de son licenciement car il était au chômage partiel.

Il eut été opportun d'attendre la fin de la crise afin d'apprécier si la société pouvait continuer à assumer le salaire après la fin du chômage partiel.

Son poste de directeur était un poste clé pour la poursuite de l'activité.

En réalité il a été remplacé dès son départ par Mme [U], épouse du chef de cuisine.

Les fonctions de directrice adjointe étaient les mêmes qu'un directeur d'exploitation.

Enfin la société a fait paraître une offre d'emploi un mois après le licenciement portant sur le poste de directeur d'exploitation.

Le motif économique n'était en réalité qu'un prétexte pour l'évincer de son emploi, l'employeur ne voulant pas qu'il reprenne son travail après la sanction disciplinaire.

Il a été le seul salarié à être licencié.

Aucun poste ne lui a été proposé au titre du reclassement alors même que l'employeur a recruté des salariés à l'époque du licenciement sur des emplois qu'il aurait pu assumer.

L'employeur n'a pas respecté les critères d'ordre de classement au sein du groupe, il y avait d'autres directeurs d'exploitation.

Il a subi un préjudice de perte d'emploi important, il est toujours demandeur d'emploi.

Par conclusions notifiées le 25 juillet 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la société Chabichou Participations demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

A titre subsidiaire,

- faire application de l'article L 1235-3 du code du travail,

- limiter les dommages et intérêts au minimum,

en tout état de cause,

- juger que M. [O] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice afférent à la rupture du contrat de travail,

- ramener les demandes indemnitaires à de plus justes proportions,

- condamner M. [O] à lui payer une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens.

Elle fait valoir qu'elle justifie des difficultés économiques subies par les entreprises du groupe auquel elle appartient.

Les chiffres d'affaires des sociétés avaient chuté, les résultats de l'exercice 2019/2020 étaient déficitaires.

Les revenus globaux de l'activité était en baisse d'environ 34,4 %.

Ces chiffres s'expliquaient par la crise sanitaire contraignant le groupe à fermer l'intégralité de ses établissements à compter du 16 mars 2020.

Les mesures prises notamment le recours au chômage partiel, à un prêt garanti par l'Etat n'étaient pas suffisantes.

La reprise d'activité était incertaine, et avec le retour à l'urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020, elle ne pouvait envisager une saison hivernale sereine, son activité étant directement dépendante de l'ouverture des remontées mécaniques.

L'établissement Chabichou était le seul établissement du groupe à employer un directeur d'exploitation à temps complet sur l'année. Si elle pouvait supporter cette charge en temps normal, elle devenait trop lourde dans une période de difficultés économiques.

Il a donc été amené à rationaliser les coûts. En cas d'ouverture des hôtels sur la saison d'hiver, elle pourrait faire appel à un autre directeur d'exploitation du groupe.

C'est donc dans ce contexte qu'elle a été amenée à décider de la suppression du poste du salarié.

Sur la suppression du poste, si Mme [U] a été recrutée, c'est avant le licenciement et sur un poste différent de directrice adjointe.

Si elle a fait une annonce le 16 février 2021 pour un poste de directeur d'exploitation, cela concernait un établissement dans le Beaujolais au nord de [Localité 3].

Le salarié ne peut soutenir avoir été évincé en raison d'une sanction disciplinaire prise près d'un an auparavant.

S'agissant du reclassement, les registres du personnel établissent qu'il n'y avait aucun poste de disponible.

Aucun des postes identifiés à tort comme solution de reclassement, ne pouvaient être proposés car soit ils étaient pourvu avant le licenciement, soit ils ne correspondaient pas au profil et aux exigences en terme de classification et de rémunération.

Des critères d'ordre de licenciement ne pouvaient été fixés, le salarié étant le seul de sa catégorie professionnelle dans l'établissement qui ne comprenait que cinq salariés.

Sur la sanction disciplinaire, la cour de cassation admet que dans certains cas un comportement relevant de la vie personnelle puisse engager la responsabilité du salarié, dès lors que celui-ci crée un trouble au sein de l'entreprise.

La mise à pied était prévue par le règlement intérieur, qui a été communiqué le 21 janvier 2020 à la Direeccte et au greffe du conseil de prud'hommes.

Le comportement adopté par le salarié était totalement incompatible avec ses fonctions et les obligations qui en découlent ainsi qu'il ressort de la vidéo surveillance ayant fait l'objet d'un constat d'huissier de justice.

Les faits reprochés ont eu lieu au sein de l'établissement au vu des clients et des autres salariés.

Il n'était pas reproché au salarié d'embrasser un homme, mais d'avoir eu une attitude déplacée, la discrimination invoquée n'est donc pas fondée. De plus il lui était reproché d'avoir toléré la consommation de cigarettes dans l'établissement.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 7 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La lettre de licenciement du 6 janvier 2021 fixant les limites du litige reproduite intégralement dans les conclusions du salarié expose notamment :

Le secteur d'activité Hôtellerie-restauration du Groupe Lavorel Hôtels a été frappé de plein fouet par la crise Cofid 19 ayant conduit à la fermeture de l'ensemble des établissements le 16 mars 2020... Les revenus globaux du secteur d'activité sont en baisse d'environ 34,4 % par rapport à l'exercice 2018-2019 (44 866 K€ en 2018-2019 et 29 443 en 2019/2020).

L'EBITDA est très fortement déficitaire à hauteur d'environ - 2,8 millions d'euros.

Nous enregistrons une perte nette de 4,4 millions d'euros fin septembre et perdons 104 k€ par mois...

Compte tenu du retour de l'urgence sanitaire, et du nouveau confinement depuis le 30 octobre 2020, les perspectives s'avèrent extrêmement négatives...à la clôture de l'exercice comptable allant du 1/10/2019 au 30/9/2020 le chiffre d'affaires de Chabichou était de 5 675 K€ alors que le prévisionnel budgétaire était de 11 095 K €.L'EBITDA est fortement déficitaire à hauteur de 720 K €... le résultat net est négatif et très en deçà des prévisions puisqu'il est de - 878 K€ alors même qu'il était prévu d'atteindre 1030 K€.

Devant ce constat alarmant, nous avons été contraint de prendre la décision de ne pas ouvrir notre établissement Chabichou, ainsi que l'ensemble des établissements...situés sur la commune de [Localité 2]...

Afin de faire face à cette situation nous avons pris plusieurs mesures :

- le recours massif à l'activité partielle,

- des propositions de poste en mobilité interne, pour la saison d'été puis d'hiver.

L'ensemble de ces mesures, si elles ont contribué à réduire l'impact financier ne peuvent suffire face à l'ampleur des difficultés économiques rencontrées (plus de 6 millions de perte à la clôture de septembre 2020) et aux perspectives très difficiles qui s'annoncent...

Dans ce contexte, nous avons fait le constat que notre organisation actuelle au sein de nos établissements de [Localité 2] est relativement hétérogène, le Chabichou étant le seul établissement ayant un poste de directeur d'exploitation permanent, poste que vous occupez...

Compte tenu de la crise économique sans précédent, notre société se doit de pouvoir envisager la poursuite de son activité en rationalisant au maximum ses coûts...

La présence d'un poste de directeur à 100 % dédié à chacun des hôtels n'est plus pertinent. Ainsi en cas d'ouverture de nos hôtels pour la saison hivernale, nous devons adapter notre organisation. Dans ce contexte nous diligenterons le directeur d'exploitation du Mariott qui prendra en charge la gestion de l'ensemble des établissements de [Localité 2] en plus des missions actuelles.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de supprimer votre poste de directeur d'exploitation... nous avons procédé à la recherche de reclassement. Ces recherches de reclassement sont malheureusement restées vaines.

Nous vous avons par ailleurs sollicité le 8 décembre 2020...sur le principe de recevoir des propositions de reclassement sur un poste de catégorie inférieure à la vôtre. Vous avez par bulletin réponse daté du 14 décembre 2020 refusé le principe de telles propositions...

Conformément aux dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression, d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Le salarié ne discute pas des difficultés économiques présentées par l'employeur dans la lettre de licenciement.

L'emploi ou le poste du salarié licencié doit avoir été effectivement supprimé.

Il est constant que l'employeur a embauché à compter du 1er novembre 2020 Mme [U], en qualité de directrice adjointe, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée arrivant à terme le 30 avril 2021.

Les fonctions du salarié licencié ainsi que cela ressort de la fiche de fonction consistaient dans la supervision, l'animation et le contrôle des chefs de département placés sous sa responsabilité, la participation à l'élaboration des plans de développement stratégique, de développement marketing et budgétaire afin d'assurer la satisfaction maximum de la clientèle, d'optimiser les ventes et le profit de l'établissement, la gestion de l'ensemble du personnel en supervisant le management de l'ensemble des chefs de département placés sous sa responsabilité, la supervision et le contrôle de la fonction personnel dans les domaines du recrutement, de formation, d'administration, politique salariale, relations sociales, évaluation du personnel, gestion de carrière, la supervision de la rédaction et la mise en place des procédures de sécurité de l'établissement avec le souci permanent de la sécurité de la clientèle et du personnel.

Celles de la directrice adjointe comme stipulé au contrat produit aux débats, portent sur les points suivants :

- participer avec la direction générale du groupe et la direction développement et commerciale aux axes de développement prioritaires,

- accompagner et gérer les équipes (recrutement) en lien avec les RH ;

- planifier, évaluer et optimiser les moyens humains, techniques et organisationnels ,

- assurer la gestion administrative et budgétaire, pour garantir la rentabilité financière du centre de profit,

- anticiper les risques, et mettre en place des actions préventives et évolutives afin de les gérer,

- respecter les normes d'hygiène et de sécurité et veiller à l'application des consignes,

- piloter la réalisation des plans d'action et des projets.

Même si les fonctions de la directrice adjointe sont synthétisées dans son contrat de travail, elles correspondent à celles d'un directeur d'exploitation.

La directrice adjointe a été embauchée le 1er novembre 2020 à une époque où la société rencontrait de graves difficultés financières.

L'employeur avait envisagé le licenciement du salarié avant de le convoquer début décembre 2020, au plus tard courant novembre 2020.

Le salarié était lui-même à cette époque au chômage partiel.

Rien n'empêchait l'employeur de discuter avec le salarié avant l'embauche de cette salariée d'une proposition de temps partiel, ou d'une réduction de sa rémunération, allégeant ainsi la charge financière de l'emploi du salarié.

Les fonctions de direction de l'établissement sont en tout cas indispensables au bon fonctionnement de l'hôtel et c'est la salariée qui les a occupées après le licenciement du salarié.

L'emploi n'a donc pas été supprimé.

L'employeur est de plus tenu à une obligation de reclassement ainsi que le prévoit l'article L 1233-4 du code du travail disposant notamment que le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation, d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement ne peut être opéré sur les emplois disponibles situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les entreprises du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Ce même article précise que le reclassement s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, avec l'accord du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Il appartient à l'employeur de justifier qu'il a effectué des recherches de reclassement précises et loyales.

L'employeur doit rapporter la preuve de recherches de reclassement sérieuses ; l'exécution de l'obligation de reclassement s'apprécie à l'époque du licenciement.

L'employeur ne verse aux débats que le registre d'entrée et de sortie du personnel. Il ne produit aucune lettre de recherche de reclassement adressée aux autres société du groupe.

Pourtant l'employeur a embauché une salariée le 8 décembre 2020 en qualité de directrice de restaurant, à une date où il envisageait de licencier le salarié pour motif économique. Si ce poste était d'un niveau inférieur à l'emploi occupé par le salarié, l'employeur ne verse aucune pièce établissant que le salarié refusait d'emblée des postes de catégorie inférieure ou moins rémunérés, peu important qu'il s'agissait d'un poste en contrat à durée déterminée, la recherche de reclassement devant porter sur des postes pourvus pour des durées déterminées ou indéterminées.

Il a également engagé une salariée le 1er février 2021 en qualité de directrice générale de la société Lavorel Médicare. Cette embauche est également proche du licenciement. L'employeur ne fournit aucun justificatif concernant la nature de cet emploi, et sur le fait que le salarié n'aurait pas disposé des compétences pour l'occuper.

L'employeur a donc manqué à son obligation de reclassement.

Le licenciement est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le salarié a subi un préjudice de perte d'emploi du fait de ce licenciement.

Il percevait un salaire d'un montant très appréciable.

Il a bénéficié d'indemnités versées par Pôle emploi d'un montant moyen de 4778 € de février 2021 au 16 août 2021 et de 6476 € bruts par mois en moyenne du 16 octobre 2021 au 31 mars 2022 et de 4921,80 € bruts du 20 avril 2022 au 30 juin 2022.

Il justifie qu'il est toujours inscrit à Pôle emploi.

Il bénéficiait d'une ancienneté de plus de onze ans.

A son âge, il lui sera très difficile de retrouver un emploi aussi stable et aussi bien rémunéré.

Le préjudice de perte d'emploi est donc important.

L'article L 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité minimale de trois mois de salaire et maximale de dix mois et demi.

Ce barème n'est pas contraire à l'article 10 de la Convention n°158 de l'Organisation internationale du travail (l'OIT) prévoyant une indemnité adéquate, ainsi que l'a jugé la chambre sociale de la cour de cassation (Cass soc 11 mai 2022 n° 21-14.490).

Au regard des éléments de préjudice exposés ci-avant, il sera alloué au salarié des dommages et intérêts de 78 109 € bruts correspondant à neuf mois de salaires.

Sur la sanction de mise à pied, l'employeur avait la possibilité de prononcer une mise à pied à titre de sanction, celle-ci étant prévue par le règlement intérieur qui a fait l'objet

d'une transmission régulière à l'inspection du travail et au greffe du conseil des prud'hommes.

Si les faits ne sont pas contestés, et que l'attitude du salarié même s'il se trouvait en dehors de son temps de travail, était inappropriée, en ce que les faits se sont produits sur le lieu de travail en présence de clients et d'autres salariés l'identifiant comme directeur de l'hôtel, une mise à pied de cinq jours pour de tels faits était totalement disproportionnée, aucune attitude intempestive, provoquante ou excessive n'étant reprochée au salarié.

La mise à pied sera annulée.

Le salarié a subi un préjudice de perte de salaire et un préjudice moral résultant de cette sanction injustifiée, il lui sera alloué la somme de 1845,90 € au titre de la perte de salaire et celle de 700 € au titre du préjudice moral.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement du 7 avril 2022 rendu par le conseil de prud'hommes d'Albertville ;

Statuant à nouveau,

DIT que licenciement de M. [Z] [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

ANNULE la mise à pied prononcée le 11 mars 2020 ;

CONDAMNE la société Chabichou Participations à payer à M. [Z] [O] les sommes suivantes :

- 78 109 € € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1845,90 € au titre de la perte de salaire et 700 € de dommages et intérêts pour préjudice moral au titre de la sanction disciplinaire injustifiée ;

DÉBOUTE M. [O] du surplus de ses demandes de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la société Chabichou Participation aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Chabichou Participation à payer à M. [Z] [O] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 23 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 22/00732
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;22.00732 ?
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