COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023
N° RG 21/02255 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G3FN
[H] [C]
C/ S.A.S. EDN NETTOYAGE
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 30 Septembre 2021, RG F 20/00116
APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE
Madame [H] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Virginie VABOIS, avocat au barreau d'ANNECY
INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE
S.A.S. EDN NETTOYAGE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Nadia BEZZI, avocat au barreau de CHAMBERY, substituée par Me Marine LEBRIS, avocat au barreau d'ANNECY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 17 Janvier 2023, devant Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s'est chargé du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Madame Capucine QUIBLIER, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,
********
Copies délivrées le :
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [H] [C] a été engagée par la Sas Solonet en qualité d'agent d'entretien à compter du 1er octobre 2007 par contrat à durée indéterminée à temps partiel.
Son contrat va être transféré à deux reprises en application de l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté, tout d'abord à la société ISS le 1er mars 2009, puis à la société Edn Nettoyage professionnel le 2 janvier 2012.
L'entreprise Edn Nettoyage professionnel emploie plus de onze salariés.
Par avenant du 8 décembre 2014, son contrat de travail à temps partiel a été transformé en temps plein.
Le 3 mai 2018, la salariée a été sanctionnée par un avertissement pour non-respect des plannings d'intervention et pour la mauvaise qualité de ses vacations.
Le 11 décembre 2018, l'employeur lui a notifié une mise à pied disciplinaire, que la salariée a contesté, en vain.
Le 18 avril 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à éventuel licenciement. Une mise en garde va finalement lui être notifiée le 26 avril 2019.
Le 24 mai 2019, elle va à nouveau être convoquée à un entretien préalable fixé au 7 juin.
L'employeur lui a notifié son licenciement pour faute réelle et sérieuse le 12 juin 2019.
La salariée a effectué son préavis de deux mois.
Par requête reçue le 12 juin 2020, Mme [H] [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annecy afin de contester son licenciement et de se voir allouer diverses indemnités à ce titre.
Par jugement en date du 30 septembre 2021, le conseil de prud'hommes d'Annecy a :
- dit que les demandes de Mme [H] [C] sont irrecevables et infondées,
- dit que le licenciement de Mme [H] [C] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- dit que l'avertissement du 3 mai 2018 et la mise à pied du 11 décembre 2018 n'encourent aucune nullité,
- débouté Mme [H] [C] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la Sas Edn Nettoyage de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [H] [C] aux dépens d'instance et d'exécution.
Par déclaration reçue au greffe le 18 novembre 2021 par RPVA, Mme [H] [C] a interjeté appel de la décision dans son intégralité.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 février 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, Mme [H] [C] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 30 septembre 2021 en ce qu'il a jugé que ses demandes étaient irrecevables,
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé que l'avertissement du 3 mai 2018 n'était pas nul et de nul effet,
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé que la mise à pied disciplinaire du 11 décembre 2018 n'était pas nulle et de nul effet,
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé que la SAS Edn Nettoyage n'avait pas violé son obligation de loyauté ni abusé de son pouvoir disciplinaire,
- en conséquence condamner la Sas Edn Nettoyage à lui verser les sommes suivantes :
* 223,15 euros, outre 22,31 euros de congés payés afférents, à titre de remboursement de la mise à pied conservatoire,
* 5000 euros net de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour sanctions injustifiées,
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé que son licenciement pour faute était fondé, et juger que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, condamner la société Edn nettoyage à lui payer la somme de 17917,24 euros net à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Edn Nettoyage à lui payer 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sas Edn Nettoyage aux dépens,
- dire que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal.
Au soutien de ses demandes, elle expose qu'aucune fin de non recevoir n'était soulevée par l'employeur en première instance, et que ses demandes étaient parfaitement recevables.
Son employeur lui a rajouté à compter d'avril 2018 des tâches à effectuer sans pour autant modifier sa durée de travail, entraînant des délais irréalisables pour ces tâches. Elle n'a reçu aucun planning de travail détaillant précisément chacune de ses missions pour chacune de ses journées d'intervention dans les quatre immeubles dont elle s'occupait avant le 28 février 2019. Le calendrier produit par l'employeur et qui aurait été mis en place à compter d'avril 2018 n'a jamais été porté de façon formelle à sa connaissance, et elle ne l'a pas contresigné, il n'a donc aucune valeur contractuelle.
Dans ce contexte, elle n'avait d'autres choix que de refuser d'effectuer certaines tâches, ce qui a entraîné une importante pression disciplinaire de la part de l'employeur er un contrôle disproportionné de son travail.
Elle a été sanctionnée à deux reprises en quelques mois alors qu'elle n'avait auparavant jamais été sanctionnée en plus de dix ans de services.
L'avertissement du 3 mai 2018 repose sur un grief, le non respect des plannings, inexistant puisque ce n'est qu'à compter du 28 février 2019 que des plannings clairs d'activité ont été établis à son attention. Par ailleurs, l'employeur n'apporte pas la preuve du non respect de ces plannings. Les affirmations de ce dernier sont contredites par les nombreuses attestations qu'elle produit et démontrant qu'elle a toujours donné satisfaction aux résidents des immeubles dont elle s'occupait.
Les deux demandes d'intervention produites par l'employeur sont, pour la première du 13 novembre 2017 trop ancienne au regard du délai de prescription de deux mois pour justifier cet avertissement, pour la seconde du 19 mars 2018 inopposable à elle puisqu'aucune directive lui demandant de vider les poubelles des jeux d'enfants ne lui avait été donnée.
S'agissant de la mise à pied de trois jours notifiée le 11 décembre 2018, les griefs invoqués au soutien de cette sanction sont imprécis et pas matériellement vérifiables, ils ne sont pas datés de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier leur éventuelle prescription. Le grief relatif au non-respect des plannings est là encore inexistant en l'absence de valeur contractuelle du calendrier d'interventions d'avril 2018 à mars 2022 et de l'absence de plannings clairs avant le 28 février 2019. Les pièces produites ne permettent pas d'établir le grief subjectif de l'exécution partielle et superficielle des missions. Les demandes d'intervention produites par l'employeur soit ne la concernent pas car elle était en congés, soit sont illisibles, soit sont inopérantes pour démontrer un quelconque manquement. Le compte-rendu d'entretien préalable du 23 novembre 2018 doit être écarté en ce qu'il n'est contresigné ni par elle-même ni par le conseiller qu'il l'a assistée.
La procédure disciplinaire initiée le 18 avril 2019 et qui s'est cloturée par une mise en garde ne repose que sur trois demandes d'interventionqui ne permettent pas de caractériser de faute de sa part. Le compte-rendu d'entretien préalable du 18 avril 2019 doit être écarté en ce qu'il n'est contresigné ni par elle-même ni par le conseiller qu'il l'a assistée.
L'employeur a violé son obligation de loyauté en usant et abusant de son pouvoir disciplinaire afin de légitimer une future procédure de licenciement dans l'unique but de se débarasser d'elle car elle avait dénoncé la dégradation de ses conditions de travail.
S'agissant du licenciement, la lettre de licenciement reprend dans un premier temps à l'identique les griefs qui avaient donné lieu à la mise en garde du 26 avril 2019, que la jurisprudence décrit comme une sanction; ils ne peuvent donc plus être utilisés au soutien du licenciement, l'employeur ne pouvant sanctionner deux fois les mêmes faits. Par ailleurs, ces faits sont prescrits à la date ou le licenciement est initié.
La seconde série de faits ne relèvent pas du terrain disciplinaire mais de l'insuffisance professionnelle, or selon la jurisprudence le licenciement disciplinaire fondé sur l'insuffisance professionnelle est sans cause réelle et sérieuse quand les faits ne résultent pas d'une mauvaise exécution volontaire du contrat de travail.
Par ailleurs, les faits allégués ne sont pas établis.
De nombreuses attestations de résidents démontrent la qualité de son travail.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 mai 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la Sas Edn Nettoyage demande à la cour de :
- confirmer le Jugement du Conseil de Prud'hommes d'Annecy du 30 septembre 2021, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [H] [C] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Au soutien de ses demandes, elle expose que les raisons qui l'ont poussée à sanctionner la salariée résident dans le non-respect réitéré de ses plannings d'intervention et dans la mauvaise exécution de ses prestations.
Concernant l'avertissement du 3 mai 2018, la société a été destinataire d'une réclamation d'un client sur l'absence de nettoyage du local poubelle en novembre 2017 et cela s'est répété en mars 2018. La salariée a été absente de façon répétée. Il en va de même pour la mise à pied disciplinaire, des reclamations ont été reçues et les plannings n'étaient pas respectés.
La salariée n'a pas contesté son avertissement du 3 mai 2018.
La salariée a nécessairement toujours eu connaissance de ses jours et heures d'intervention sur les chantiers confiés.
Mme [H] [C] a manqué à son obligation de présence et à celle de diligence. La jurisprudence considère que cela peut être sanctionné par des mesures allant jusqu'au licenciement.
L'avertissement et la mise à pied disciplinaire reposent sur des faits fautifs caractérisés, ont été notifiés dans le délai de deux mois à compter de la connaissance par l'employeur des faits fautifs, et sont proportionnés aux fautes commises.
La salariée ne produit aucun élément de nature à démontrer que des tâches supplémentaires lui auraient été confiées à compter d'avril 2018. Le nettoyage des caves était une prestation comprise dans ses horaires. Cette tâche lui a par ailleurs été retirée en mars 2019. La salariée qui a remplacé Mme [C] réalise la même prestation qu'elle avec 42 heures de travail en moins par mois.
Le supérieur hiérarchique de la salariée se rendait sur ses chantiers une à deux fois par semaine, ce qui n'a rien de disproportionné, ce contrôle est par ailleurs légtitime car découlant du pouvoir de direction.
Les faits rappelés dans le courrier du 26 avril 2019 pouvaient être invoqués à l'appui du licenciement, dans la mesure où ce courrier avait pour objet de suspendre la procédure disciplinaire et qu'aucune sanction n'avait été notifiée à Mme [C] à cette occasion.
Selon la jurisprudence, l'employeur peut invoquer des faits antérieurs à deux mois dès lors que ces fautes procèdent d'un comportement identique qui s'est poursuivi ou réitéré dans le temps.
Le licenciement repose sur la mauvaise qualité de ses prestations reflétant l'absence d'implication s'agissant d'une salariée expérimentée qui avait par le passé démontré être en mesure de les réaliser de façon conforme, et de ses absences non déclarées et injustifiées sur son lieu de travail.
Conformément à la jurisprudence, le refus persistant et répété du salarié de ne pas respecter ses horaires justifie à lui seul son licenciement.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 7 octobre 2022. Le dossier a été appelé à l'audience du 17 janvier 2023. A l'issue, la décision a été mise en délibéré au 16 février 2023, délibéré prorogé au 23 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'irrecevabilité des demandes formées par Mme [H] [C]
Aucune fin de non-recevoir n'a été soulevée par l'employeur, et le conseil de prud'hommes n'a caractérisé aucun élément de nature à entraîner l'irrecevabilité des demandes de la salariée.
En conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point sera infirmé, les demandes de Mme [H] [C] seront déclarées recevables.
Sur les sanctions disciplinaires
A titre liminaire, il sera relevé que la salariée ne sollicite pas au sein de son dispositif l'annulation des sanctions disciplinaires des 3 mai et 11 décembre 2018, il n'y a donc pas lieu de répondre sur ce point.
Il convient cependant de vérifier, au regard de la demande de dommages et intérêts présentée au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et des sanctions disciplinaires injustifiés, ainsi que du licenciement qui se fonde notamment sur ses deux sanctions préalables, si celles-ci apparaissaient justifiées.
Il appartient à l'employeur de fournir à la juridiction saisie les éléments retenus pour prendre la sanction, le juge forgeant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
- S'agissant de l'avertissement du 3 mai 2018 :
Il évoque le fait que la salariée ne respecterait pas son planning d'intervention, que son travail serait de piètre qualité et que la situation ne s'améliorerait pas en dépit des nombreux rappels à l'ordre de son chef d'équipe.
Au soutien de cet avertissement, l'employeur produit :
* une réclamation du gestionnaire de l'immeubles [Adresse 5] du 13 novembre 2017. Ces faits étaient donc prescrits à la date de l'avertissement et ne sauraient donc fonder son prononcé ;
* une réclamation du gestionnaire de l'immeubles [Adresse 5] du lundi 19 mars 2018 évoquant le fait que la poubelle au niveau des jeux d'enfants n'a pas été vidée depuis deux semaines. Or le planning produit par l'employeur prévoit que l'entretien des aires de jeux pour cette copropriété est effectué le premier mercredi de chaque mois, soit pour mars 2018 le mercredi 1er. Ainsi ce grief n'apparaît pas établi.
L'employeur ne produit aucun élément de nature à démontrer les nombreux rappels à l'ordre qui auraient été effectués à la salariée avant cette date, ni aucun élément de nature à démontrer le non respect de son planning d'intervention.
L'attestation de M. [Z] du 9 février 2021 ne mentionne à aucun moment que les faits qu'il décrit se rapportent à la période antérieure à cet avertissement.
Ainsi les faits ayant fondé cet avertissement n'apparaissent pas démontrés.
- S'agissant de la mise à pied disciplinaire du 11 décembre 2018 :
Il évoque à nouveau le fait que la salariée ne respecterait pas son planning d'intervention et effectuerait très superficiellement et partiellement ses missions.
Au soutien de cette sanction, l'employeur produit :
* deux réclamations du gestionnaire des immeubles [Adresse 5] et [Adresse 5] du 13 août 2018 et du 30 août 2018, qui mentionnent qu'un résident se plaint que personne n'est venu faire le ménage depuis une semaine (au 13 août 2018), et que divers détritus se trouvent dans les escaliers depuis pluseiurs semaines (au 30 août 2018). Or la fiche de paye de la salariée pour le mois d'août 2018 mentionne que celle-ci était en congés du 3 au 31 août. Cette situation ne peut donc lui être reprochée.
* une capture d'écran mentionnant "date de création de l'affaire: 25 octobre 2018", sur laquelle apparaît une partie d'un courriel non datée d'une habitante [Adresse 4] qui indique "je suis lasse de balayer la veille de l'intervention et je ne fais plus le palier de l'ascenseur ni toutes les marches qui descendent au mien". Il ne peut être reproché à la salariée que les communs soient sales la veille de son intervention, et le reste de la phrase ne saurait démontrer l'existence d'un grief qui lui serait imputable.
* une réclamation du gestionnaire de l'immeuble [Adresse 6] du 29 octobre 2018 indiquant qu'une habitante signale que le hall des caves est très sale. Cependant, le planning produit par l'employeur prévoit que l'entretien de l'accès au cave pour cette copropriété est effectué le premier mercredi de chaque mois. La saleté accumulée en ce lieu pendant les trois semaines suivant son dernier passage ne saurait donc lui être reprochée.
* un courriel du gestionnaire de l'immeuble [Adresse 6] du lundi 3 décembre 2018 à 11h44 indiquant qu'un habitant se plaint qu'un grand nombre de déchets ont été déposés durant la nuit. Cet état de fait ne saurait être reproché à la salariée, celle-ci n'intervenant pas le dimanche et n'intervenant dans cette copropriété le lundi, selon le planning figurant à son contrat de travail, qu'à compter de 14h.
* un courriel du gestionnaire de l'immeubles [Adresse 6] du 4 décembre 2018, indiquant que pluseiurs ampoules doivent être changées au sein de la copropriété. Il n'est pas démontré par l'employeur que la salariée avait pour mission de changer les ampoules. Ce grief ne saurait donc fonder la sanction disciplinaire.
L'employeur ne produit aucun élément de nature à démontrer le non respect de son planning d'intervention.
L'attestation de M. [Z] du 9 février 2021 ne mentionne à aucun moment que les faits qu'il décrit se rapportent à la période antérieure à cette mise à pied
Ainsi les faits ayant fondé cette mise à pied n'apparaissent pas démontrés.
L'employeur ne produit ainsi aucun élément de nature à justifier le prononcé de ces deux sanctions disciplinaires.
Sur le rappel de salaire au titre de la période de mise à pied
Mme [H] [C] ne sollicitant pas au sein de son dispositif l'annulation de cette mise à pied, qui est le préalable à sa demande de rappel de salaire au titre de cette période, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande à ce titre.
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes :
'Vous avez déjà fait l'objet de deux sanctions disciplinaires, s'associant à l'exécution superficielle de vos missions qu'il s'agisse :
- d'un premier avertissement notifié en date du 3 mai 2018,
- d'une mise à pied de trois jours, notifiée en date du 11 décembre 2018.
Vous aviez - à cette dernière occasion - prix déjà l'engagement de vous conformer à vos obligations contractuelles. Las malheureusement'
Depuis cette mise à pied, vous avez à nouveau multiplié les insuffisances, nous contraignant à engager une procédure de licenciement à votre encontre. Lors de l'entretien préalable organisé dans ce cadre le 18 avril 2019, nous vous avons exposé celle-ci, ci-après rappelées :
- Le 11 février 2019 : immeuble [Adresse 6] : après contrôle du chef d'équipe de votre prestation, nombreux endroits n'ont pas été nettoyés, dont les escaliers ;
- le 13 février 2019 : immeuble [Adresse 4]: réclamation par mail du client pour prestation bâclée, l'entretien a dû être refait ;
- le 15 février 2019 : immeuble [Adresse 5] : après contrôle du chef d'équipe, constat que le balayage était non exécuté devant les entrées, les rampes d'escalier n'ont pas été dépoussiérées,' notre chef d'équipe a été contraint de vous demander de revenir pour achever le nettoyage ;
- le 22 février, le chef d'équipe s'est aperçu que le nettoyage n'avait toujours pas été fait, vous n'étiez pas revenue pour assurer la réfection du chantier comme convenu;
- le 18 février 2019 : nouveau constat par le chef d'équipe que votre prestation était bâclée : entretien assuré sur les paliers mais pas les escaliers, (cendres, mégots présents) coins non fait + toiles d'araignées et portes palières sales ; parois verticales + vitres ascenseurs non faits;
- le 25 février 2019 : le chef d'équipe s'est rendu sur votre chantier à 9h30, 7 montées sur les 10 étaient déjà effectuées mais après contrôle, plusieurs montées étaient à refaire (poils de chiens non netstoyé au bâtiment n°2; toiles d'araignées et poussière sur les rampes au bat n° 5);
- le 1er mars 2019 : immeuble [Adresse 6] : le chef d'équipe s'est rendu sur place à neuf heures, vous aviez déjà achevé votre vacation. Après contrôle, votre prestation était à nouveau bâclée (traces de doigts sur les vitres, poussières sur boîte aux lettres, sacs poubelles non changés dans le hall notamment);
- le 6 mars 2019 : nouveau constat que la prestation mensuelle sur les sites [Adresse 5] et [Adresse 5] n'était pas assurée' ;
- le 11 mars 2019 : immeuble [Adresse 5] : suite à un nouveau contrôle du chef d'équipe, à 10 heures vous aviez achevé votre prestation alors que de la poussière était présente sur les rampes, sur les plaintes, la poubelle du hall d'entrée était sale ;
- le 13 mars 2019 : à neuf heures déjà vous n'étiez plus présente sur le chantier [Adresse 4];
- le 19 mars 2019 : immeuble [Adresse 5] : après contrôle par le chef d'équipe, votre prestation était à nouveau bâclée : escaliers non balayés, dernier étage non fait, poussières présentes sur les rampes, toiles d'araignée sur les paliers.
Ces faits s'ajoutaient déjà à d'autres constats assurés par notre chef d'équipe précédemment, que nous n'avions pas souhaité relever immédiatement, imaginant que vous alliez vous ressaisir, comme vous vous y étiez engagée après votre mise à pied : ainsi les :
- 21 janvier 2019 : vous étiez absente du chantier ;
- 23 janvier 2019 : immeuble [Adresse 4] : prestation bâclée, poussière sur la boîte aux lettres, toile d'araignée dans les coins et rails ascenseurs non faits;
- 24 janvier 2019 : immeuble [Adresse 6] : prestation bâclée, vitres non faites, traces sur les murs ;
- 25 janvier 2019 : mission non assurée le jour du planning ;
- 28 janvier 2019 : immeuble [Adresse 5] : prestation bâclée : poussière sur les rampes et derrière la porte du hall d'entrée, vitres non faites ;
- 31 janvier 2019 : vous n'étiez pas non plus sur le chantier lors de l'appel du chef d'équipe qui vous demandait d'intervenir sur des points spécifiques soulevés par le client;
- 5 février 2019 : immeuble [Adresse 6] : entretien avec le chef d'équipe suite à une nouvelle prestation bâclée, poussière sur les rampes d'escalier et tapis du hall non nettoyé ;
- 6 février 2019 : suite à la réception d'une réclamation du client, notre chef d'équipe s'est rendu sur place à neuf heures, vous aviez déjà quitté le chantier'
Après échanges et discussions avec M. [J] [F], déjà en charge de vous assister à cet entretien, vous vous êtes à nouveau engagée à vous conformer à vos obligations ; vous avez accepté de signer un planning d'activité, confirmant vos jours et heures d'intervention ainsi que les missions qu'il vous appartenait d'assurer spécifiquement pour chacune de vos vacations. Nous avons dans ce cadre supprimé une intervention dans des caves que vous estimiez trop lourde à assumer (qui pourtant incombe ordinairement aux agents de service).
Fort de ces nouveaux engagements et à l'écoute de votre conseiller, nous vous avons formellement confirmé que nous acceptions très exceptionnellement de suspendre la présente procédure disciplinaire, par courrier recommandé du 26 avril 2019.
Nous vous avions précisé expressément dans celui-ci :
Nous vous rappelons que nous assurerons comme à l'accoutumée et conformément à nos obligations, des contrôles réguliers de vos chantiers, par nos chefs d'équipe, ni plus ni moins, en simple conformité aux cahiers des charges qui nous lient à nos clients. Si d'aventure nous étions amenés à constater de nouvelles non-conformité ou de nouvelles carences, imputables évidemment à votre prestation personnelle, nous vous confirmons que nous initierons une nouvelle procédure disciplinaire, vos engagements, relayés le cas échéant par votre conseiller, se trouvant dépourvus (vous le comprendrez) de tout effet.
Nous constations malheureusement votre récidive immédiate, qu'il s'agisse d'insuffisances de contributions, des défauts qualitatifs s'y associant et pire encore, d'absences non déclarées, injustifiées, confirmant que vous n'entendez nullement respecter ni vous soumettre à votre planning d'activité.
Ainsi,
- 25 avril 2019 : immeuble [Adresse 5] le chef de chantier s'est rendu sur ce site et ne vous a pas trouvé, vous deviez pourtant achever votre vacation à 11h40, il a tenté de vous contacter par téléphone, cette tentative est restée sans réponse aucune de votre part ;
- 26 avril 2019 : site [Adresse 5], [Adresse 4] et [Adresse 6], votre chef de chantier ne vous trouvant à nouveau pas sur vos chantiers d'affectation a fait appel aux services administratifs pour constater votre absence. Mesdames [M] [S] et [B] [X] n'ont pu que confirmer celle-ci, constatant par ailleurs, la saleté des vitrages, non nettoyés par vos soins ;
- le 3 mai 2019, vous étiez à nouveaux absentes déjà à 10h30 du chantier [Adresse 5] (fin de vacation contractuelle à 11h30), mais également à 11h30 du chantier [Adresse 6] alors que le terme de votre vacation est programmé à 12h55'
Vos carences sont telles que le client concerné nous confirmait l'application de pénalités sur les chantiers concernés, aux motifs justifiés et évidents d'un cahier des charges non respecté (impossible à tenir en tout état de cause, compte tenu de vos absences réitérées et injustifiées).
Depuis, nous avons également reçu un mail du client, de relance, nous confirmant qu'un résident [Adresse 6] est venu se plaindre d'escalier restés sales toute la semaine 22, souillés d'un liquide collant du quatrième étage à la cave, confirmant l'absence de tout entretien l'ensemble de la semaine concernée, précédant l'entretien préalable pour lequel vous étiez convoquée'
Ces derniers faits témoignent non seulement de votre parfaite mauvaise foi, mais également du fait que vous n'entendez nullement vous remettre en question, mais bien de votre incapacité définitive à respecter vos obligations contractuelles, à fortiori vos engagements, sans valeur aucune d'évidence'.
L'employeur avait convoqué la salariée à un entretien préalable à éventuel licenciement le 18 avril 2019. Dans un courrier du 26 avril 2019, il a listé un certains nombre de griefs qu'il lui reprochait, a fait référence aux deux sanctions disciplinaires précédentes et lui a indiqué qu'il acceptait de suspendre la procédure disciplinaire tout en la mettant en garde qu'une nouvelle procédure disciplinaire serait initiée si de nouvelles carences dans son travail étaient constatées.
Le contenu de cette lettre doit donc être considéré comme sanctionnant un comportement fautif de la salariée et comme constituant un avertissement de nature disciplinaire (voir en ce sens Cass soc 20 juin 2007, n°06-40.498, Cass soc 1er décembre 2010, n°09-41.693, Cass soc 26 mai 2010, n°08-42.893, Cass soc 9 avril 2014, n°06-40.498).
Ainsi l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire s'agissant de l'intégralité des faits cités dans ce courrier. Le licenciement ne peut donc se fonder sur ces faits, les mêmes faits ne pouvant être sanctionnés deux fois.
L'employeur évoque dans la lettre de licenciement quatre griefs précis s'agissant de faits non pris en compte dans le cadre du courrier d'avertissement du 26 avril 2019 :
- le jeudi 25 avril 2019, il lui est reproché de ne pas s'être trouvée à l'immeuble [Adresse 5] alors qu'elle devait terminer sa vacation à 11h40.
Il résulte cependant du planning signé par la salariée le 18 avril 2019 que son intervention sur les immeubles [Adresse 5] et [Adresse 5] le jeudi se terminait à 10h10. Ce grief n'est donc pas établi.
- le vendredi 26 avril 2019, il lui est reproché de ne pas s'être trouvée sur ses lieux de travail durant ses heures de travail. L'employeur produit deux attestations de Mme [B] [X], assistante des ressources humaines de l'entreprise, et de [M] [S], assistante administrative au sein de l'entreprise et épouse du gérant, qui indiquent toutes deux s'être déplacées le 26 avril 2019 sur les quatre résidences dont la salariée avait la charge durant ses horaires de travail et ne pas l'y avoir trouvée. La première indique avoir essayé, en vain, de la contacter sur son téléphone. Ce jour-là, la salariée n'était, selon le planning établi le 18 avril 2019, affectée qu'aux résidences [Adresse 5] et [Adresse 6], entre 7 heures et 12h55. Ces deux résidences ne sont séparées que d'une soixantaine de mètres selon le plan produit par l'employeur. Ainsi l'argument de la salariée selon lequel elle et les deux employées du service administratif auraient pu se croiser sans se voir n'apparaît pas opérant.
La salariée ne justifie d'aucun élément de nature à remettre en cause les déclarations de ces employées.
De son côté, Mme [H] [C] ne démontre pas s'être trouvée sur son lieu de travail durant ses horaires de travail le 26 avril 2019.
Ce grief apparaît donc établi.
- le vendredi 3 mai 2019, il lui est reproché de ne pas s'être trouvée sur le chantier des [Adresse 5] et sur le chantiers [Adresse 6] durant ses horaires de travail. L'employeur produit l'attestation de M. [O] [Z], chef d'équipe et frère du gérant de la société, qui indique que ce jour-là il s'est rendu sur l'ensemble [Adresse 5] (soit nécessairement les deux immeubles [Adresse 5] et [Adresse 5]) à 10h30, n'a pas trouvé la salariée sur son lieu de travail durant ses horaires de travail, que son matériel était présent et rangé dans le local ménage et qu'il ne semblait pas avoir été utilisé.
La salariée ne justifie d'aucun élément de nature à remettre en cause les déclarations de cet employé.
De son côté, Mme [H] [C] ne démontre pas s'être trouvée sur son lieu de travail durant ses horaires de travail le 3 mai 2019.
Ce grief apparaît donc établi.
- un résident [Adresse 6] s'est plaint d'escaliers restés sales toute la semaine 22, souillés d'un liquide collant du 4ème étage à la cave.
L'employeur ne produit aucun élément au soutien de ce grief, qui n'est donc pas établi.
Il résulte ainsi de l'analyse de ces éléments que la salariée ne se trouvait pas sur son lieu de travail durant ses horaires de travail les 26 avril et 3 mai 2019, alors que son planning détaillé lui avait été remis en mains propres le 18 avril 2019.
Ces fautes dans l'exécution de son contrat de travail constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
La décision du conseil de prud'hommes sur ce point ainsi que sur les demandes subséquentes sera donc confirmée.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et des sanctions injustifiées
Il résulte de l'article 1104 du code civil que les contrats doivent être exécutés de bonne foi. Au terme de l'article 2268 du même code, c'est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver.
* Sur l'adjonction de tâches dans des horaires cadencés intenables
Mme [H] [C] ne procéde sur ce point que par allégations. Elle ne produit aucune pièce de nature à démontrer que les horaires qui lui étaient imposés ne lui permettaient pas de faire correctement son travail.
* Sur la pression disciplinaire subie et le contrôle disproportionné des tâches de la salariée
Mme [H] [C] soutient que suite à son refus d'effectuer certaines tâches de travail supplémentaires, comme le nettoyage des cave,s qui ne pouvaient selon elle être réalisées dans les délais impartis, elle a subi une importante pression disciplinaire ainsi qu'un contrôle disproportionné de ses tâches.
Ce faisant, elle fait un lien entre les deux sanctions disciplinaires qui vont lui être infligées et ce refus qui n'est démontré par aucune des pièces produites aux débats.
S'il a été retenu que les deux sanctions disciplinaires n'étaient pas justifiées, un tel évènement ne saurait automatiquement constituer de la part de l'employeur une exécution déloyale de son contrat de travail ni un abus de son pouvoir disciplinaire.
Or la salariée ne produit aucun élément de nature à démontrer que l'employeur a agit dans ce cadre de façon déloyale.
* Sur les sanctions disciplinaires injustifiées
La salariée a subi un préjudice au titre de la mise à pied disciplinaire, puisqu'elle n'a pas été payée durant cette période. Elle est donc en droit de se voir allouer des dommages et intérêts à ce titre. Par ailleurs, elle ne justifie pas sur ce point d'un préjudice distinct.
La décision du conseil de prud'hommes sera donc infirmée, et il sera alloué à Mme [H] [C] la somme de 245,46 euros net de dommages et intérêts au titre de la sanction injustifiée de mise à pied disciplinaire.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il n'y a pas lieu, en équité, à prévoir de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
DÉCLARE Mme [H] [C] recevable en son appel,
INFIRME le jugement du conseil de Prud'hommes d'Annecy du 30 septembre 2021 en ce qu'il a :
- déclaré les demandes de Mme [H] [C] irrecevables,
- débouté Mme [H] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour sanctions injustifiées,
Statuant à nouveau :
DÉCLARE les demandes de Mme [H] [C] recevables,
CONDAMNE la SAS Edn Nettoyage à verser à Mme [H] [C] la somme de 245,46 euros net de dommages et intérêts au titre de la mise à pied disciplinaire injustifiée,
CONFIRME pour le surplus le jugement du conseil de prud'hommes d'Annecy du 30 septembre 2021,
Y ajoutant,
RAPPELLE que les sommes allouées portent intérêt au taux légal en application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE chacune des parties à assumer la charge de ses propres dépens.
Ainsi prononcé publiquement le 23 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président