COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023
N° RG 21/02128 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G2VG
[D] [F] [K]
C/ S.E.L.A.R.L. MJ ALPES etc...
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 29 Septembre 2021, RG F 20/00166
APPELANTE :
Madame [D] [F] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Carole MARQUIS de la SELARL BJA, avocat au barreau d'ANNECY
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. MJ ALPES
[Adresse 2]
[Localité 5]
défaillante
Association UNEDIC - AGS CGEA D'[Localité 5]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
défaillante
S.A.S. ACTIVES
CHEZ [Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Marie GUYOT-FAVRAT, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
Copies délivrées le :
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2023 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Frédéric PARIS, Président, chargé du rapport
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Capucine QUIBLIER,
********
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [D] [K] a été embauchée par la société Sopreda du 1er décembre 1994 au 12 mars 2004 par contrat à durée indéterminée, en qualité d'attachée commerciale, statut cadre. Elle a été licenciée le 12 mars 2004 pour faute grave.
À compter du 1er février 2007, Mme [K] était à nouveau embauchée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de chef de publicité, statut cadre. L'ancienneté de la salariée a été reprise dans le cadre de ce nouveau contrat.
La convention collective des cadres de la presse hebdomadaire est applicable.
Le 1er janvier 2016, suite à un apport partiel d'actif impliquant le transfert des contrats de travail attachés, la Sas Actives est devenue la nouvelle employeur de Mme [K].
Mme [K] a été placée en arrêt de travail du 25 mai au 13 juillet 2018, puis en congés payés du 16 juillet au 5 août 2018. Elle a nouveau été placée en arrêt de travail le 10 août 2018.
Lors de la visite de reprise du 1er août 2019, Mme [K] a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, mentionnant que 'tout maintien dans cet emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.
La salariée était en arrêt de travail du 2 août au 31 août 2019.
Par courrier recommandé du 13 août 2019, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement, fixé au 27 août 2019, auquel elle n'est pas présentée.
Par courrier recommandé du 30 août 2019, la Sas Actives notifiait à Mme [K] son licenciement pour inaptitude non-professionnelle.
Mme [K] avait effectué une déclaration de maladie professionnelle auprès de la CPAM le 14 août 2019 avec un certificat médical indiquant 'syndrome canalaire nerf ulnaire gauche,', avec pour première date de constatation le 30 novembre 2018. Elle en informait son employeur le 2 septembre 2019.
Par courrier du 13 septembre 2019, la CPAM de Haute-Savoie en informait l'employeur que Mme [K] avait effectué une déclaration de maladie professionnelle le 14 août 2019 avec un certificat médical indiquant 'syndrome canalaire nerf ulnaire droit,', avec pour première date de constatation le 16 mars 2018.
Par courrier du 17 septembre 2019, Mme [K] contestait son solde de tout compte.
La société Actives a contesté auprès de la CPAM le caractère professionnel des maladies déclarées par la salariée.
Par deux courriers du 18 octobre 2019, la CPAM de la Haute-Savoie indiquait que la reconnaissance des maladies professionnelles n'avaient pas abouties et que le dossier était transmis au CRRMP pour examen.
Par requête du 31 juillet 2020, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annecy afin de contester son licenciement et son solde de tout compte.
Par jugement en date du 29 septembre 2021, le conseil de prud'hommes d'Annecy a :
- dit que le montant moyen des salaires perçus par Mme [K] s'élève à 5 085,76 € bruts,
- dit et jugé que la Sas Actives a respecté le poste de travail de Mme [K],
- dit et jugé que l'inaptitude de Mme [K] ne résulte pas de manquements ou d'agissements fautifs de la Sas Actives,
- dit que le licenciement de Mme [K] repose sur une cause réelle et sérieuse et la déboute de sa demande d'indemnité au titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté Mme [K] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis,
- dit et jugé que l'inaptitude de Mme [K] n'est pas d'origine professionnelle,
- dit que l'ancienneté à prendre en compte pour le calcul de 1'indemnité de licenciement est de 11 ans et 7 mois,
- débouté Mme [K] de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement,
- dit que la Sas Actives est redevable à Mme [K] de 1,74 jour de congés payés,
- dit que la Sas Actives n'a pas violé son obligation de loyauté et déboute Mme [K] de sa demande de dommages-intérêts afférents,
- condamné la Sas Actives à verser à Mme [K] les sommes suivantes :
* 516,69 € bruts au titre du reliquat de congés payés,
* 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la Sas Actives la remise à Mme [K] des documents de rupture rectifiés (certificat de travail, attestation pôle emploi, reçu pour solde de tout compte) sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement,
- dit que le conseil se réserve le droit de liquider l'astreinte,
- limité l'exécution provisoire de plein droit du présent jugement aux sommes visées par l'article R.1454-28 3° du code du travail,
- dit que les sommes allouées à Mme [K] porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
- débouté la Sas Actives du surplus de ses demandes,
- condamné la Sas Actives aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 28 octobre 2021 par le réseau privé virtuel des avocats, Mme [K] a interjeté appel de la décision sauf en ce qui concerne la condamnation au titre du rappel de congés payés et la remise des documents de rupture sous astreinte.
La société Actives a été placé en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Annecy en date du 4 mai 2022, la Selarl MJ Alpes étant désignée liquidateur judiciaire.
La salariée a mis en cause le liquidateur et l'AGS par actes d'huissier du 24 mai 2022.
Dans ses conclusions notifiées le 17 mai 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, Mme [K] demande à la cour de :
- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit que la Sas Actives est redevable de 1,74 jour de congés payés, a condamné la Sas Actives à verser à Mme [K] 516,69 € bruts au titre du reliquat de congés payés et l'a condamné à lui verser les documents de fin de contrat rectifiés et ce qu'il a débouté la Sas Actives de ses demandes.
- juger que la moyenne des salaires bruts de Mme [K] à retenir est égale à la somme de 6 505 € bruts,
- juger que le licenciement de Mme [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fixer la créance de Mme [K] à la somme de 104 080 € nets, soit 16 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fixer la créance de Mme [K] à la somme de 19 515 € bruts, soit trois mois de salaire, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 951,50 € bruts de congés payés afférents,
- à titre subsidiaire, fixer la créance de Mme [K] à la somme de 19 515 € bruts, soit trois mois de salaire à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 951,50 € bruts de congés payés afférents,
- juger que l'ancienneté à retenir pour le calcul de l'indemnité de licenciement est de 21 ans et 9 mois,
- fixer sa créance à la somme de 46 336,70 € nets à titre de rappel sur indemnité de licenciement,
- à titre subsidiaire, fixer la créance de Mme [K] à la somme de 21 444,35 € nets à titre de rappel sur indemnité de licenciement, compte tenu de l'ancienneté de plus de 16 ans de Mme [K],
- à titre infiniment subsidiaire, fixer la créance de Mme [K] à la somme de 10 320,80 € nets à titre de rappel sur indemnité de licenciement,
- fixer la créance de Mme [K] à la somme de 30 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- juger que les sommes allouées à Mme [K] porteront intérêt au taux légal à compter du jour de la demande conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil,
- condamner la Selarl MJ Alpes (prise en la personne de Me [G] [U]), es qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Actives à remettre à Mme [K] des documents de rupture rectifiés (certificat de travail, attestation Pôle emploi, reçu pour solde de tout compte) sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document calculée à compter de la notification de la décision à intervenir,
- juger que la Cour se réserve le droit de liquider l'astreinte,
- fixer la créance de Mme [K] à la somme de 3 000 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles et dépens de première instance,
- condamner la Selarl MJ Alpes es qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Actives au paiement des dépens de première instance et d'appel.
- fixer l'ensemble des sommes dues à Mme [K] au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Actives.
- juger l'arrêt à intervenir opposable en toutes ses dispositions à l'AGS-CGEA d'[Localité 5], à la Selarl MJ Alpes, es qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Actives.
- rejeter toutes demandes et prétentions adverses.
Elle soutient que le salaire de référence à prendre en cas de rupture du contrat pour le calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou trois derniers mois.
En l'espèce, la moyenne des douze derniers mois est plus avantageuse pour la salariée, le salaire moyen de celle-ci est donc de 6 505 €mensuel brut.
L'employeur n'a pas respecté le poste de travail de la salariée ce qui a conduit à ses affections au niveau des coudes et ainsi à son inaptitude.
Toutes les fins de semaine la salariée livrait les magazines aux clients, ce dont attestent des collègues de travail et des clients.
Lors de la visite de reprise du 7 août 2018, le médecin du travail avait préconisé la mise à disposition d'un véhicule à boîte automatique et la révision du poste information de la salariée, ce qui n'a pas été fait.
Le système de livraison a changé après son départ.
La CPAM n'a pas reconnu les maladies professionnelles de la salariée estimant que les conditions de reconnaissance du tableau 57B ne sont pas réunies. Le contentieux est pendant devant le Pôle social.
Les premiers symptômes des syndromes canalaires des nerfs ulnaires ont été constatés le 16 mars 2018 et le 30 novembre 2018.
Elle a subi un préjudice financier car elle a été prise en charge par Pôle emploi et n'a pu retrouver que des emplois précaires et moins bien rémunérés.
Elle a subi un préjudice moral car elle a mal vécu son licenciement.
L'application des règles protectrices aux victimes d'accident du travail ou d'une maladie professionnelle n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la CPAM de l'accident ou de la maladie professionnelle.
Lorsque l'employeur a connaissance que la pathologie à une origine professionnelle, il doit une indemnité équivalente à celle de préavis et une indemnité de licenciement correspondant au double de l'indemnité de licenciement conformément à l'article L.1226-14 du code du travail.
L'indemnité de licenciement doit être calculée, en prenant en compte son premier contrat de travail, le deuxième contrat de travail ayant expréssément repris cette ancienneté sans aucune restriction.
Dans ses conclusions notifiées le 9 avril 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la Sas Actives demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
Au surplus,
- débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes,
A titre reconventionnel,
- condamner Mme [K] à payer à la Sas Actives la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des dépens de l'instance d'appel,
- la condamner aux dépens de l'instance.
Elle fait valoir que Mme [K] n'effectuait que quelques livraisons par mois, cela n'a jamais engendré de surcharge de travail. Elle n'a jamais émis la moindre protestation.
Suite à la visite médicale du 7 août 2018, la salariée a été déclarée apte par le médecin du travail avec des aménagements, l'employeur a donc envoyé un courrier le 30 août 2018 au médecin du travail l'informant du nouvel arrêt de travail de la salariée du 10 au 31 août 2018 et a répondu favorablement aux aménagements qui devaient débuter le 1er septembre 2018.
À cette époque aucune déclaration de maladie professionnelle n'avait été faite et la salariée n'a jamais alerté son employeur des prétendues atteintes à son état de santé causées par son activité professionnelle. L'employeur n'en avait donc pas connaissance.
Le questionnaire de reconnaissance de maladie professionnelle indique que le syndrome du nerf ulnaire est causé par un mouvement répété et quotidien de flexion extension du bras avec résistance ou de travaux comportant des appuis prolongés du coude. Ce qui n'est pas le cas pour les tâches réalisées par la salariée.
Il n'y a pas de lien entre la pathologie et l'activité professionnelle de la salariée.
L'avis d'inaptitude du 1er août 2019 concernait tout poste dans l'entreprise. L'inaptitude n'était donc pas en lien avec une maladie ou pathologie physique. Aucun aménagement n'a été préconisé.
L'avis du médecin du travail n'est pas tranché concernant le lien entre la pathologie et le travail effectué, il l'a rendu sans faire d'étude de poste et des conditions de travail contrairement à ce que prévoit l'article R.4624-42 du code du travail.
Mme [K] a attendu un mois pour informer l'employeur des déclarations de reconnaissance de maladie professionnelle. Le médecin traitant de l'appelante a attendu 18 mois pour faire une déclaration de maladie professionnelle.
Le CRRMP a rendu un avis défavorable sur l'existence d'un lien direct entre les maladies déclarées avec l'activité professionnelle. La CPAM a rejeté les demandes de reconnaissance.
L'avis d'inaptitude pour tout poste dans l'entreprise dispense l'employeur de son obligation de reclassement.
L'appelante ne peut prétendre à une indemnité au titre de l'article L.1226-14 du code du travail car il n'est pas démontré que son inaptitude résulte d'un manquement ou agissement fautif de l'employeur.
En l'absence de disposition spéciale, le rétablissement de l'ancienneté ne concernait que les éléments de salaires du premier contrat, soit la prime d'ancienneté prévue par le convention collective.
Cette convention collective prévoit une indemnité de licenciement de deux mois à partir d'une année de présence et un demi-mois par année supplémentaire de la deuxième à la quinzième année.
L'indemnité légale de licenciement se calcule sur la moyenne des salaires des trois derniers mois.
L'indemnité conventionnelle de licenciement est plafonnée à neuf mois de salaire.
L'appelante n'apporte pas la preuve d'une exécution déloyale du contrat par l'employeur.
La société a effectué un virement de 376,99 € le 12 novembre 2021, au titre du complément de l'indemnité de congés payés.
La Selarl MJ Alpes es qualité de liquidateur judiciaire ne s'est pas constituée, l'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 5] ne s'est pas non plus constituée.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 7 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La salariée mettant en cause son employeur sur le non respect du contrat de travail et du poste de travail qui auraient entraîné son inaptitude physique, il convient de rechercher si l'employeur était informé au cours de la relation de travail des difficultés de santé de la salariée, susceptibles d'affecter son aptitude à réaliser les tâches qui lui étaient assignées.
En cas de connaissance de l'employeur des difficultés de santé, la salariée par tous moyens de preuve doit établir ou démontrer au regard des faits, la réalité des manquements de l'employeur qui doivent être en lien même partiel avec l'inaptitude.
La salariée a été employée en qualité de chef de publicité, statut cadre.
Il n'est pas discuté que la salariée au cours de l'exécution de son contrat de travail livrait des clients et portait des piles de magazines ; la salariée produit plusieurs attestations de clients ou de collègues relatant qu'elle effectuait régulièrement des livraisons, et portait dans ses bras les piles de magazines.
Il est constant que la salariée a été placée en arrêt de travail du 25 mai au 13 juillet 2018, puis en congés payés du 16 juillet au 5 août 2018.
Le médecin du travail informait l'employeur par mail du 7 août 2018 qu'il avait effectué la visite de reprise de la salariée. Il précise que : 'elle est encore gênée par des douleurs du bras D invalidantes. C'est la raison pour laquelle j'ai formulé la proposition d'aménagement de poste suivante sur son attestation de visite : proposition d'aménagement de poste : une reprise à temps partiel thérapeutique sur 2 mois avec sur le premier mois l'aménagement proposé suivant : 3 demi journées de repos par semaine afin de permettre la poursuite des soins et le second mois 2 demi journées de repos par semaine. Mettre à disposition un véhicule à boîte automatique durant la durée de l'aménagement du poste, installation du poste informatique à étudier (étude du poste à prévoir). Le temps partiel thérapeutique doit faire suite immédiate à un arrêt de travail. Si vous validez un temps partiel thérapeutique comme proposé, il faudra que Mme consulte son généraliste qui devra prescrire un court arrêt d'au moins 3 jours afin que le temps partiel thérapeutique puisse se mettre en place. Il semblerait que vous disposez déjà d'un véhicule à BA dans votre flotte, ce véhicule pourrait-il être mis à disposition de Mme...
Par ailleurs je souhaiterais voir comment le bureau bureautique est installé afin de proposer si nécessaire d'autres aménagements ergonomiques...'.
La salariée a de nouveau été placée en arrêt de travail le 10 août 2018.
Si la salariée soutient avoir repris le travail entre le 5 août et le 9 août 2018, elle ne produit aucun élément sur le travail qu'elle aurait alors effectué et sur les manquements qu'aurait commis l'employeur.
La visite de reprise a été effectuée par le médecin du travail le 1er août 2019, au cours de laquelle la salariée a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, mentionnant que 'tout maintien dans cet emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.
La chronologie des faits montre que l'employeur n'a eu connaissance de la pathologie subie par la salariée que lorsque le médecin du travail a recommandé un aménagement du poste le 7 août 2018, la salariée n'établissant par aucune pièce qu'elle avait informé l'employeur avant cette date, et avant qu'elle ne soit en arrêt de travail le 25 mai 2018, des motifs de son arrêt de travail.
Elle ne verse aucun élément établissant qu'elle avait alerté l'employeur sur la difficulté de manutention des magazines lors des livraisons.
Si la salariée produit un électroneuromyogramme réalisé par le docteur [S] du 30 novembre 2018 indiquant au niveau clinique une 'paresthésie fluctuante de la main gauche le matin avec douleur intermittente. Complication d'une atteinte du nerf cubital droit opéré le 25 mai avec algodystrophie ensuite en cours de traitement. Le médecin conclut : l'ENMG confirme une névrite du nerf cubital au coude gauche sans signe sensitif ou axonal moteur. Pour mémoire ces anomalies étaient déjà présentes sur le précédent ENMG de mars 2018 et ne sont que peu majorées.', ce n'est que plusieurs mois plus tard, que l'employeur est destinataire de certificats médicaux de maladie professionnelle en date du 1er août 2019.
Même si la salariée effectuait des taches non prévues par son contrat de travail, ce dont elle ne s'était pas plainte lors de l'exécution de son travail, il n'est pas établi que l'employeur avait connaissance des difficultés que la salariée pouvait éprouver lorsqu'elle livrait des magazines ou des prospectus.
L'employeur n'a donc pas été à même d'apprécier s'il était nécessaire de modifier les conditions d'exécution du travail de la salariée.
Au regard de ces éléments, il ne peut être reproché à l'employeur aucun manquement en lien avec l'inaptitude de la salariée.
Le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse sera dès lors confirmé.
La demande d'indemnité compensatrice de préavis sera rejetée la salariée déclarée inapte n'y ayant pas droit sauf en cas d'absence de cause réelle et sérieuse ou d'inaptitude résultant d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail.
Sur la demande de doublement de l'indemnité de licenciement, le ou la salarié a droit à un doublement de l'indemnité légale en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle conformément à l'article L 1226-14 du code du travail.
Le salarié doit dès lors avoir été victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
La jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation a jugé que 'Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que l'application de l'article L. 1226-10 du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude.'.
Il en résulte que le doublement de l'indemnité légale de licenciement n'est dû qu'à la condition que l'accident ou la maladie professionnelle soit à l'origine au moins partiellement de l'inaptitude du salarié et que l'employeur en ait eu connaissance lors du licenciement.
En l'espèce il n'est pas établi que l'inaptitude résulte d'une maladie professionnelle,
Il n'avait donc pas connaissance d'une telle inaptitude qu'il était en droit de contester, précision faite que la seule connaissance d'une déclaration de maladie professionnelle à la caisse primaire d'assurance maladie lors du licenciement n'est pas suffisante.
La salariée qui ne remplit pas les conditions d'application de l'article L 1226-14 du code du travail n'a donc pas droit au doublement de l'indemnité légale de licenciement.
La salariée a en revanche droit à une indemnité calculée sur son ancienneté et la moyenne des salaires perçue au cours de derniers mois de travail
Le contrat de travail du 5 février 2007 stipule que 'la société consent à rétablir l'ancienneté qui était celle de la salariée le 12 mars 2004 (date de la rupture du précédent contrat de travail liant la salariée à la société) à savoir 9 ans et 3 mois.'.
Le contrat de travail ne contient aucune autre clause sur l'ancienneté, notamment sur la limitation de cette prise en compte uniquement sur les éléments de salaire. Il ne contient aucune clause sur la rupture du contrat de travail comme soutenu à tort par l'employeur.
Les bulletins de salaire produit par la salariée mentionne tous une ancienneté prenant en compte la durée du premier contrat de travail.
Le conseil des prud'hommes sans même motiver sa décision sur ce point, a à tort pris en compte une ancienneté à compter du 5 février 2007.
Le jugement sera infirmé sur le montant de l'indemnité de licenciement.
Sur les salaires à prendre en considération dans le calcul de l'indemnité, l'article L1234-9 du code du travail prévoit que 'les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail.'.
L'article R 1234-4 du code du travail dispose que 'le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement...
2° soit le tiers des trois derniers mois...'.
La cour de cassation dans un arrêt du 23 mai 2017 (n° 15-22.223) a jugé : 'Le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l'arrêt de travail pour maladie'.
La salariée a dans son calcul pris en compte à juste titre le salaire moyen des douze derniers mois travaillés avant la suspension du contrat de travail pour maladie.
Le salaire moyen étant de 6505 € bruts, l'indemnité conventionnelle de licenciement plafonnée à neuf mois de salaires à partir d'une ancienneté de 16 ans, s'élève à la somme de 58 545 € (6505 x 9).
La salariée ayant déjà perçu la somme de 37 100,65 €, l'employeur sera condamné à payer un rappel d'indemnité de licenciement de 21 444,35 € nets.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, si l'employeur a demandé à la salariée d'effectuer des livraisons de magazines, ce qui n'était pas prévu par le contrat de travail, il reste que la salariée n'a formulé aucune réclamation tout au long de la relation de travail.
Il n'est pas établi que son inaptitude résulte de manquements de l'employeur et ne verse aucune preuve d'un préjudice résultant d'un non respect du contrat de travail.
Le liquidateur devra remettre les documents de rupture conformes au présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.
La procédure collective a interrompu le cours des intérêts à compter du jugement de liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement en date du 29 septembre 2021 rendu par le conseil de prud'hommes d'Annecy en ce qu'il a :
- dit et jugé que l'inaptitude de Mme [K] ne résulte pas de manquements ou d'agissements fautifs de la Sas Actives,
- dit que le licenciement de Mme [K] repose sur une cause réelle et sérieuse et la déboute de sa demande d'indemnité au titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté Mme [K] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis,
- dit et jugé que l'inaptitude de Mme [K] n'est pas d'origine professionnelle,
- dit que la Sas Actives est redevable à Mme [K] de 1,74 jour de congés payés,
- dit que la Sas Actives n'a pas violé son obligation de loyauté et déboute Mme [K] de sa demande de dommages-intérêts afférents,
- condamné la Sas Actives à verser à Mme [K] les sommes suivantes :
* 516,69 € bruts au titre du reliquat de congés payés,
* 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la Sas Actives la remise à Mme [K] des documents de rupture rectifiés (certificat de travail, attestation pôle emploi, reçu pour solde de tout compte);
- limité l'exécution provisoire de plein droit du présent jugement aux sommes visées par l'article R.1454-28 3° du code du travail,
- dit que les sommes allouées à Mme [K] porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
- débouté la Sas Actives du surplus de ses demandes,
- condamné la Sas Actives aux dépens.
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,
DIT que la moyenne des salaires bruts de Mme [K] à retenir est égale à la somme de 6 505 € bruts,
DIT que l'ancienneté à retenir pour le calcul de l'indemnité de licenciement est de 21 ans et 9 mois,
FIXE la créance au titre du reliquat de l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 21 444,35 € nets ;
ORDONNE à la Selarl MJ Alpes (prise en la personne de Me [G] [U]), es qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Actives à remettre à Mme [K] des documents de rupture rectifiés (certificat de travail, attestation Pôle emploi, reçu pour solde de tout compte) à compter de la notification du présent arrêt,
DIT n'y avoir lieu à astreinte pour la remise des documents de rupture ;
DIT que la procédure collective a interrompu de plein droit les intérêts par application de l'article L 622-28 du code de commerce,
DIT que la Selarl MJ Alpes sera tenue de procéder au règlement de ces créances et que faute de fonds disponibles, elle devra adresser au CGEA d'[Localité 5] les relevés de créances prévues par les articles L 3253-20 et suivants du code du travail,
DIT que le présent arrêt est opposable en toutes ses dispositions à l'AGS-CGEA d'[Localité 5], à la Selarl MJ Alpes, es qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Actives et que l'AGS-CGEA d'[Localité 5] doit sa garantie dans les conditions définies par L 3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux ;
CONDAMNE la Selarl MJ Alpes es qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Actives aux dépens d'appel (première instance et d'appel si infirmation totale)
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Selarl MJ Alpes es qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Actives à payer à Mme [D] [K] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 23 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président