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02/02/2023 | FRANCE | N°21/00441

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 02 février 2023, 21/00441


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE







ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023



N° RG 21/00441 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GUMG



[O] [C]

C/ S.A.S. HJH ASSOCIES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALBERTVILLE en date du 04 Février 2021, RG F 19/00224





APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE



Madame [O] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]
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Représentée par Me Clémence MAFFRE SERVIGNE, avocat plaidant inscrit au barreau de MONTPELLIER

et par Me Virginie BARATON, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY
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COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023

N° RG 21/00441 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GUMG

[O] [C]

C/ S.A.S. HJH ASSOCIES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALBERTVILLE en date du 04 Février 2021, RG F 19/00224

APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE

Madame [O] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Clémence MAFFRE SERVIGNE, avocat plaidant inscrit au barreau de MONTPELLIER

et par Me Virginie BARATON, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE

S.A.S. HJH ASSOCIES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG et par Me Helyett LE NABOUR, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller, chargé du rapport

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Sophie MESSA,

********

Copies délivrées le :

FAITS ET PROCEDURE

Mme [O] [C] a été engagée par la société Nik et Kat comme vendeuse responsable du staff russe statut cadre, avec un coefficient de 300, à compter du 1er juillet 2006.

Son contrat s'est poursuivi, selon contrat du 1er octobre 2007, au sein de la société Alpha à compter du 1er octobre 2007, avec reprise d'ancienneté.

Ce contrat prévoyait une «'rémunération forfaitaire fixe mensuelle brute de 2391,26 euros, incluant les majorations pour heures supplémentaires à raison de 26 semaines non consécutives au total sur un horaire moyen de 44 heures, l'horaire maximum absolu de travail hebdomadaire légal étant de 48 heures'». Les heures accomplies au-delà du forfait étaient rémunérées selon le régime des heures supplémentaires, en plus du salaire forfaitaire.

À compter du 1er février 2008, Mme [O] [C] était à nouveau transférée au sein de la société Nik et Kat, sans perte de l'ancienneté acquise.

Par avenant du 11 janvier 2010, une clause de non-concurrence était introduite dans son contrat de travail.

Le nombre de salariés de la société est compris entre 10 et 19.

La convention collective applicable est celle du commerce des articles de sports et d'équipements de loisirs.

Mme [O] [C] était placée en arrêt de travail le 3 juillet 2019.

Par requête du 20 août 2019, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Albertville aux fins notamment de voir constater que la modulation du temps de travail fixée par son contrat de travail lui est inopposable, voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, voir condamner ce dernier à lui payer diverses sommes au titre des heures supplémentaires, du non-respect du contingent annuel d'heures supplémentaires, du rappel de contrepartie obligatoire en repos, du non-respect de l'obligation de sécurité de résultat et de l'exécution déloyale du contrat de travail, du rappel d'une prime exceptionnelle, du travail dissimulé, de l'indemnité de préavis, du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par avis du médecin du travail en date du 2 décembre 2019, Mme [O] [C] était déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise, avec dispense de reclassement.

Le 7 février 2020, la salariée était convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 24 février 2020.

La salariée était licenciée pour inaptitude par courrier du 2 mars 2020.

Suite à sa saisine par Mme [O] [C] en référé, le conseil de prud'hommes d'Albertville a rendu une ordonnance le 26 février 2020 par laquelle il a':

- ordonné à la SAS HJH Associés':

* de verser à Mme [O] [C] la somme de 2922 € nets au titre des indemnités complémentaires prévues par la convention collective, outre congés payés afférents,

* de transmettre à la salariée les bulletins de paye des mois de juillet, août, septembre et octobre 2019 rectifié, sous astreinte de 50 € par jour de retard, dans le délai de 15 jours à compter de la réception de la notification de la décision,

* de verser à la salariée la somme de 500 € à titre de provision sur dommages-intérêts,

* de verser à la salariée la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes de la salariée.

Par jugement du 4 février 2021, le conseil de prud'hommes d'Albertville a':

- condamné la société HJH Associés à verser à Mme [O] [C] la somme de 22000 € nets au titre du rappel de la prime exceptionnelle d'avril 2019, outre 2200 € au titre des congés payés afférents,

- condamné la société HJH Associés à une astreinte de 50 € par jour de retard à partir de 15 jours après la signification du jugement pour la remise des documents de fin de contrat et des bulletins rectifiés,

- débouté Mme [O] [C] de ses autres demandes,

- débouté la société HJH Associés de sa demande tendant à voir constater que Mme [O] [C] tente de se livrer à une escroquerie au jugement, et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Par déclaration par RPVA en date du 2 mars 2021, Mme [O] [C] a relevé appel de cette décision. La société Sas HJH Associés a formé appel incident.

Par dernières conclusions notifiées le 21 mai 2021, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, Mme [O] [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Albertville en ce qu'il a condamné la société HJH Associés à lui verser 22000 € nets au titre du rappel de la prime exceptionnelle d'avril 2019 et 2200 € au titre des congés payés afférents, et à lui verser 50 € d'astreinte par jour de retard à partir de 15 jours après la signification du jugement pour la remise des documents de fin de contrat et des bulletins rectifiés,

- réformer ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes,

- fixer son salaire mensuel brut de référence à 4048,41 euros,

- prononcer à titre principal la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur,

- constater à titre subsidiaire le caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement pour inaptitude,

- condamner la société HJH Associés à lui verser':

26462,61 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre 2646,26 euros de congés payés afférents,

8000 € nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect du contingent annuel d'heures supplémentaires,

12339,40 euros bruts à titre de rappel de contrepartie obligatoire en repos,

48580,92 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat et l'exécution déloyale du contrat de travail,

24290,46 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

24290,46 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

12145,23 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 1214,52 euros de congés payés afférents,

150 € d'astreinte par jour de retard à partir du jugement intervenir pour la remise des documents de fin de contrat et des bulletins rectifiés,

3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonner l'exécution provisoire.

Mme [O] [C] soutient que la mise en place d'un dispositif de modulation du temps de travail nécessitait la conclusion préalable d'un accord collectif, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

L'employeur n'a jamais mis en place de contrôle de la durée du temps de travail, notamment en affichant dans chacun des lieux de travail l'horaire collectif daté et signé et en lui fournissant son total d'heures de travail effectuées depuis le début de la période de référence sur un document annexé au dernier bulletin de salaire de la période de référence. Il n'a jamais organisé d'entretien pour contrôler ses durées maximales de travail afin d'assurer la protection de sa santé et de sa sécurité. Il n'a jamais mis en place un planning annuel permettant de vérifier les durées maximales du travail. Il la faisait travailler au-delà de la durée légale maximale hebdomadaire.

Elle a exécuté de nombreuses heures au-delà de celles prévues par son contrat de travail. Elle démontre avoir travaillé chaque année au-delà de la durée maximale de 1607 heures.

La modulation prévue à son contrat de travail lui est donc inopposable, et elle est en droit de solliciter le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà des 35h légales, sur les trois années précédant sa saisine du conseil de prud'hommes, soit d'août 2016 à août 2019.

Elle produit des éléments relatifs aux heures supplémentaires effectuées permettant à l'employeur de répondre, mais celui-ci ne produit aucun élément de nature à justifier les horaires qu'elle a effectivement réalisés. Ce dernier lui versait par ailleurs chaque mois une somme au titre des heures supplémentaires réalisées, ce qui constitue la reconnaissance implicite de leur existence.

Elle travaillait en saison sept jours sur sept, la boutique était ouverte de 9h à 20h, son rythme de travail nécessitait qu'elle fasse des heures supplémentaires. L'employeur ne pouvait qu'être informé de leur nécessité et de leur existence.

L'employeur ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle aurait bénéficié de jours de repos de remplacement d'heures supplémentaires. Ses bulletins de paye mentionnent uniquement des jours de RTT.

Selon la convention collective, elle ne pouvait faire plus de 220 heures supplémentaires par an. Ce contingent a été dépassé. Elle sollicite donc une indemnisation à ce titre, ainsi qu'au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les heures effectuées au-delà de ce contingent.

La surcharge de travail et le manque de repos auxquels elle était exposée l'ont épuisée physiquement et mentalement. L'employeur a manqué sur ce point à son obligation de sécurité de résultat.

L'employeur a par ailleurs exécuté de façon déloyale le contrat de travail en voulant la contraindre à rompre son contrat de travail pour signer un contrat à durée déterminée uniquement sur les périodes de haute activité, évoquant le fait qu'elle était une charge financière trop importante. Inquiète de cette situation, elle a envoyé de nombreux mails à son employeur, auxquelles celui-ci n'a pas répondu, la plongeant d'autant plus dans une détresse physique et mentale en la laissant dans l'inconnu s'agissant de la reprise de son activité pour la saison estivale.

L'employeur a par ailleurs manqué à son obligation légale au regard du paiement de ses salaires, ceux d'avril, mai et juin 2019 ayant été payés en retard. Cela participait également d'une pression pour la pousser à accepter la modification de son contrat de travail.

Le non versement de la prime d'avril 2019, que l'employeur a pourtant reconnu devoir lui verser dans deux mails des 6 et 21 mai 2019, n'est qu'une mesure de représailles face à son arrêt de travail du 3 juillet 2019 et à sa saisine du conseil de prud'hommes.

Elle n'a pu être reçue par la médecine du travail que cinq mois après le début de son arrêt de travail car l'employeur était radié du service depuis 2015 faute de paiement des cotisations.

Dès le 20 août 2019, la société faisait référence à un recrutement sur son poste, démontrant sa volonté de l'évincer de son poste pour la saison suivante.

L'employeur a refusé de lui verser son maintien de salaire et de lui remettre les attestations de salaire employeur auprès de la sécurité sociale et ses bulletins de paye durant son arrêt de travail.

L'employeur lui a demandé durant son arrêt de travail de restituer son logement de fonction, ce qui constitue une demande abusive et discriminatoire au regard de son état de santé. Face à l'insistance de son employeur, elle a été contrainte de libérer les lieux en octobre 2019.

Alors qu'elle a été déclarée inapte le 2 décembre 2019, l'employeur a attendu trois mois pour la licencier, et ne lui a pas payé son salaire durant cette période.

L'employeur n'a pas envoyé toutes les informations nécessaires à l'organisme de prévoyance , de sorte qu'elle reste pénalisée dans l'octroi de ses droits à ce titre.

L'ensemble de ces éléments justifie la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur ou, subsidiairement, que son licenciement pour inaptitude soit jugé sans cause réelle et sérieuse compte tenu du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Les faits de travail dissimulé sont caractérisés, car l'employeur ne pouvait ignorer la nécessité d'effectuer des heures supplémentaires pour faire face à la surcharge de travail.

Par dernières conclusions notifiées le 19 août 2021, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la SAS HJH Associés demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Albertville en ce qu'il a condamné à verser à Mme [O] [C] 22'000 € nets au titre du rappel de la prime exceptionnelle d'avril 2019 et 2200 € au titre des congés payés afférents, et à lui verser 50 € d'astreinte par jour de retard à partir de 15 jours après la signification du jugement pour la remise des documents de fin de contrat et des bulletins rectifiés,

- confirmer ce jugement en ce qu'il a débouté Mme [O] [C] de ses autres demandes,

- débouter Mme [O] [C] au titre de sa demande de 150 € d'astreinte par jour de retard, et en tant que de besoin de ses autres demandes,

- ordonner le remboursement des sommes versées par elle à Mme [O] [C] au titre de l'exécution provisoire,

- débouter Mme [O] [C] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [O] [C] à lui verser 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- transmettre l'arrêt à intervenir au procureur de la République.

La SAS HJH Associés soutient que la salariée avait été parfaitement informée de l'activité saisonnière de la société qui justifiait l'instauration de la modulation. La convention collective prévoit expressément le recours à la modulation. Le contrat de travail de la salariée est antérieur à l'entrée en vigueur de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, les accords ayant mis en place une modulation antérieurement à cette loi peuvent s'appliquer.

Seules les heures supplémentaires effectuées avec l'accord au moins implicite de l'employeur peuvent être prises en compte. La salariée ne démontre pas avoir été autorisée à effectuer des heures supplémentaires. En tant que manager, il était de sa responsabilité de lisser son activité de manière à ne pas dépasser une moyenne de 44 heures par semaine sur la saison complète.

Le fait qu'elle ait revu son calcul à la baisse démontre qu'elle fait des demandes sciemment erronées. Elle sollicite le paiement d'heures pour lesquelles elle a bénéficié de repos compensateurs, qualifiés dans ses propres pièces de «'récup heures supplémentaires'». Elle fait état de 44 heures travaillées sur une période de congés payés.

Les heures supplémentaires ouvrant droit à un repos compensateur équivalent ne sont pas prises en compte dans le contingent d'heures supplémentaires de 220 heures par an. Par ailleurs, la salariée ne saurait effectuer deux demandes indemnitaires sur ce même fondement.

La salariée ne s'est jamais plainte de ses conditions de travail. Elle a bénéficié en moyenne de neuf semaines de repos, outres ses congés payés, par an, il est donc faux de dire qu'elle aurait subi de manière continue une surcharge de travail. Elle ne démontre pas avoir travaillé durant ses périodes de repos.

La radiation de l'entreprise de la médecine du travail résulte d'un oubli de règlement des cotisations. Le nécessaire a été fait pour procéder à la réinscription, la salariée n'a subi aucun préjudice.

La fermeture de la société lors de la période estivale 2019 avait été décidée car il s'agissait d'une période creuse, et la salariée en avait été informée dès décembre 2018.

La salariée ne justifie en rien que son salaire lui aurait été régulièrement versé en retard.

La charge de la preuve du caractère obligatoire d'une gratification appartient en sa qualité de demandeur au salarié. En l'espèce, la salariée ne démontre pas que les primes qu'elle avait perçues dans le passé présentaient un caractère obligatoire. Il s'agissait de simples primes exceptionnelles.

La demande faite à la salariée de restituer son logement de fonction n'était en aucun cas abusive mais la stricte application de son contrat de travail, celui-ci prévoyant cette mise à disposition pour la durée de la saison d'hiver.

La société n'a jamais mis en ligne d'offre d'emploi sur un poste de directeur adjoint, et le poste de la salariée n'est à ce jour toujours pas pourvu.

Les difficultés s'agissant du maintien de salaire et du paiement des indemnités journalières de la salariée durant son arrêt maladie résultaient de difficultés rencontrées par la société avec son prestataire paie. La société a par ailleurs parfaitement satisfait à ses obligations de transmission des attestations de salaire à la sécurité sociale. Suite à la constatation de son inaptitude, le paiement de son salaire a repris à compter du 3 janvier 2020.

La société a régularisé la situation de la salariée vis-à-vis de la prévoyance dès que cette dernière a attiré son attention sur ce point.

La salariée ne démontre pas avoir subi un préjudice dans le cadre de sa demande pour non-respect de l'obligation de sécurité.

Elle ne démontre pas que la société l'aurait menacée de rompre son contrat de travail afin qu'elle signe un contrat à durée déterminée.

Son arrêt de travail est d'origine non professionnelle. La salariée n'a jamais fait de démarche pour solliciter la reconnaissance d'une maladie professionnelle. Son arrêt de travail est indépendant de la relation contractuelle.

La salariée ne rapporte pas la preuve du caractère intentionnel d'une dissimulation d'emploi ou de ses horaires de travail par son employeur.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 janvier 2022.

A l'audience du 19 mai 2022, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 10 novembre 2022. Evoquée à l'audience du 10 novembre 2022, elle a été mise en délibéré au 24 janvier 2023, délibéré prorogé au 2 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le dispositif de modulation du temps de travail

La loi n°2008'789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a refondu et simplifier les dispositions du code du travail relatives au temps de travail décompté sur une base annuelle en les réunissant en une seule et même section générale intitulée «'aménagement du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine et au plus égale à l'année'». L'article 20 V de la loi prévoit que les accords de modulation du temps de travail négocié et conclu avant cette loi, en application de l'article L3122-9 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, restent en vigueur.

Le contrat de travail de la salariée prévoyait une modulation de son temps de travail, prévue par l'accord collectif étendu du 12 avril 1999 en son article 3. S'agissant de la durée hebdomadaire du travail, il rappelait que l'horaire maximum absolu de travail hebdomadaire légal était de 48 heures.

L'accord du 12 avril 1999 prévoyait que la durée du travail des salariés soumis à la modulation, au cours des périodes de forte activité, serait au maximum de 46 heures hebdomadaire. Il prévoyait également, en application de l'article L 3122-11 du code du travail, la remise aux salariés concernés, au moins un mois avant l'année concernée, d'un planning annuel indicatif reprenant les périodes de faible et de forte activité.

En l'espèce, l'employeur ne justifie pas avoir communiqué à la salariée chaque année un planning annuel indicatif de son activité.

Par ailleurs, la salariée produit des «'feuilles d'heures'» des semaines du 3 au 9 décembre 2018, du 17 au 23 décembre 2018, du 7 au 13 janvier 2019 et du 4 au 10 mars 2019 qui font apparaître qu'elle a sur ces semaines dépassé la durée légale maximale hebdomadaire du travail de 48 heures. Elle justifie par ailleurs que ces feuilles ont été transmises à son employeur, qui avait donc connaissance de ces dépassements.

Il résulte ainsi de ces constatations que l'employeur n'a pas respecté les termes de l'accord collectif en ne remettant pas annuellement à la salariée un planning indicatif de son activité et en ne faisant pas respecter la durée légale maximale hebdomadaire du travail, ce qui a pour effet de rendre inopposable à la salariée l'accord du 12 avril 1999 et de priver d'effet la clause de forfait figurant au contrat de travail du 1er octobre 2007 (voir notamment s'agissant de la question du planning indicatif: Cass soc 2 juillet 2014, n°13-14.216; Cass soc 13 octobre 2021, n°20-12.730).

Sur les heures supplémentaires

La clause de forfait figurant à son contrat de travail étant privée d'effet, la salariée est en droit de solliciter d'éventuelles heures supplémentaires décomptées sur la base de 35 heures hebdomadaires.

L'article L3171-4 du code du travail énonce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. (Soc, 18 mars 2020, n°18-10.919)

En l'espèce, la salariée produit des plannings et des tableaux de sa main reprenant les heures qu'elle soutient avoir effectuées chaque jour et chaque semaine de juillet 2016 à avril 2019.

Elle justifie par ailleurs de ce que les horaires effectués par les salariés, dont elle, étaient transmis, à l'employeur.

Elle justifie d'un planning transmis par l'employeur pour une semaine de juillet 2018 dont il résulte qu'elle devait cette semaine-là effectuer 46 heures.

Elle produit enfin ses fiches de paye sur lesquelles apparaissent de nombreuses heures supplémentaires.

Elle ne produit par ailleurs aucun élément au soutien de cette demande postérieur à avril 2019.

Ces éléments apparaissent suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'employeur ne produit aucun élément quant aux horaires effectuées par la salariée.

Il produit un tableau de sa main faisant ressortir le nombre de jours de repos compensateur qui auraient été pris par la salariée en compensation de ses heures supplémentaires sur les années 2016 à 2019.

La salariée mentionne dans ses pièces des jours de «'récupération'» qui venaient selon elle s'ajouter aux congés payés.

Les fiches de paye de la salariée font ressortir que celle-ci a perçu chaque mois le règlement de 39 heures supplémentaires.

L'employeur avait connaissance de l'ensemble des heures supplémentaires effectuées, tant entre 25 et 44 heures, ce dernier horaire étant l'horaire moyen hebdomadaire prévu à la convention de forfait, qu'au-delà de 44 heures, la salariée ayant justifié de ce que les plannings mentionnant les horaires de travail lui étaient communiqués.

L'employeur ne justifie pas s'être opposé à la réalisation d'heures supplémentaires dont il avait connaissance. Il ne saurait ainsi soutenir que les horaires allégués par la salariée n'étaient pas justifiés par son activité

Compte-tenu de ces éléments, il sera retenu que la salariée a effectué le nombre d'heures supplémentaires suivant au-delà de 35h:

- entre 35 et 43h, majoration à 25%:

* 2016: 117 heures

* 2017: 238 heures

* 2018: 240 heures

* 2019: 112 heures

- au-delà de 43 heures, majoration de 50%:

* 2016: 125 heures

* 2017: 367 heures

* 2018: 370 heures

* 2019: 260 heures.

Il ressort par ailleurs des bulletins de paye de la salariée que celle-ci a été rémunérée sur la période d'août 2016 à avril 2019 de 1143 heures supplémentaires majorées à 25%, et de 143 heures supplémentaires majorées à 50%, ce dont il doit être tenu compte dans le cadre du calcul des sommes dues au titre des heures supplémentaires (Cass soc 6 juillet 2022, n°21-15.676).

En outre, il résulte des tableaux produits par la salariée et de celui produit par l'employeur que celle-ci a bénéficié de repos compensateur pour:

112 heures en 2016,

315 heures en 2017,

371 heures en 2018.

Il résulte de ces éléments que la salariée a été remplie de ses droits s'agissant des heures supplémentaires majorées à 25 %, et que lui restent dues au titre des heures supplémentaires majorées à 50%:

103 heures en 2016,

303 heures en 2017,

270 heures en 2018,

242 heures en 2019.

La décision du conseil de prud'hommes sur ce point sera infirmée, et la SAS HJH Associés sera condamnée à verser à Mme [O] [C] la somme de 26462,61 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires, outre 2646,26 euros de congés payés afférents.

Sur l'absence d'information sur le droit au repos

Le salarié qui n'a pas été mis en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Il en est ainsi lorsque l'employeur n'a pas ou a incorrectement informé le salarié de ses droits ou lorsqu'il ne la pas fait sciemment parce qu'il considérait que le salarié n'avait pas accompli d'heures supplémentaires.

Cette indemnisation comporte à la fois l'indemnité de repos visée à l'article D. 3121-19 du Code du travail (laquelle doit correspondre à la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait accompli son travail) et le montant de l'indemnité de congés payés y afférente (Cass. soc., 23'oct. 2001, no'99-40.879'; Cass. soc., 22'févr. 2006, no'03-45.385).

Il résulte des éléments du dossier que la salariée n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits au repos compensateur obligatoire pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires du fait de l'employeur, ce dernier ayant considéré qu'elle n'avait pas effectué d'heures supplémentaires au-delà de ce contingent.

Il résulte des éléments retenus s'agissant des heures supplémentaires effectuées par la salariée que, après déduction des heures dont le paiement a été remplacé intégralement par un repos compensateur (heures qui ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires : C. trav., art. L. 3121-30), le contingent d'heures supplémentaires a été dépassé de :

70 heures en 2017

9 heures en 2018,

152 heures en 2019.

En conséquence, la décision du conseil de prud'homme sur ce point sera infirmée, et il sera allouée à la salariée la somme de 4911,75 euros brut (231 x 19,33 outre les congés payés) à titre de dommages et intérêts.

Sur le repos compensateur de remplacement

En application des dispositions de l'article L.3121-30 du code du travail qui est d'ordre public, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent ouvrent droit à un repos obligatoire, qui s'ajoute au paiement des heures. À défaut de stipulations conventionnelles, les dispositions supplétives du code du travail s'appliquent, soit une contrepartie obligatoire en repos égale à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel pour les entreprises de 20 salariés au plus (C. trav., art. L. 3121-38).

Le contingent annuel d'heures supplémentaires applicable est de 220 heures.

Aux termes de l'article D. 3121-23 du code du travail : 'Le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis ('). Cette indemnité a le caractère de salaire'.

Le contingent d'heures supplémentaires a été dépassé de 231 heures.

En conséquence, la décision du conseil de prud'homme sur ce point sera infirmée, et il sera allouée à la salariée à ce titre la somme de 2232,61 euros brut.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur':

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche';

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie';

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.'8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L.8223-1 du code du travail , de la volonté de l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.

En l'espèce, il ne résulte pas des pièces produites que l'employeur ait cherché intentionnellement à se soustraire à la déclaration et au paiement des heures supplémentaires effectuées par la salariée, dans la mesure ou la modulation prévue à son contrat de travail rentrait dans le cadre d'un accord collectif et était adaptée à son statut de cadre, et n'a été privée d'effet qu'en raison de carences quant aux respect des modalités de cet accord collectif.

Au regard de ces éléments, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle a débouté la salariée de sa demande à ce titre.

Sur la prime exceptionnelle

Il résulte d'une jurisprudence constante que pour acquérir la valeur contraignante d'un usage, une pratique d'entreprise doit être constante, générale et fixe, ces trois conditions étant cumulatives.

Par ailleurs, s'il appartient au salarié qui invoque un usage d'apporter par tous moyens la preuve tant de l'existence que de l'étendue de l'avantage(Cass. soc., 22 juin 1988, no 85-45.010 ; Cass. soc., 3 mars 1994, no 89-40.801), c'est à l'employeur qu'il appartient d'établir que l'avantage ne présente pas les caractéristiques d'un usage (Cass. soc., 26 févr. 2002, no 00-40.843).

En l'espèce, il résulte des bulletins de paye de la salariée que celle-ci a reçu chaque mois d'avril de 2016, 2017 et 2018 une prime exceptionnelle d'un montant de 17000 euros pour 2016 et de 22000 euros pour 2017 et 2018.

La salariée produit un courriel de sa part du 6 mai 2019: 'j'ai vu sur mon compte le virement de mon salaire mensuel, mais pas de prime, comme à chaque fois à la fin de la saison d'hiver. Peut-être c'est un oubli ''.

L'employeur lui répond le même jour 'Non pas d'oubli mais le virement de la prime se fera la deuxième quinzaine de mai car catherine a quitté la société et je dois tout réorganiser'.

Dans un courriel du 21 mai 2019, l'employeur indique: 'Je vous ferai parvenir votre salaire de mai et la prime pour la première semaine de juin'.

A aucun moment l'employeur ne remet en question la formule de la salariée 'comme à chaque fois à la fin de la saison d'hiver'.

Ces éléments démontrent l'existence d'un usage s'agissant de cette prime qui lui était versée en avril, à la fin de la saison d'hiver.

L'employeur ne produit aucun élément de nature à démontrer que cet avantage ne présente pas les caractéristiques d'un usage. S'agissant du caractère de généralité, il ne produit pas, contrairement à la demande effectuée par Mme [O] [C], les fiches de paye des autres salariées qui auraient pu permettre de vérifier ce point.

Une prime de 22000 euros est bien dûe, outre les congés payés. Cependant, contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes, c'est une somme en brut et non en net qui doit être versée. Le jugement sera donc en ce sens infirmé.

Sur le non-respect de l'obligation de sécurité et l'exécution déloyale du contrat de travail

Aux termes des dispositions de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Par ailleurs, il résulte de l'article 1104 du code civil que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Sur la surcharge de travail et le dépassement des durées maximales du travail

La salariée justifie avoir transmis à l'employeur, en décembre 2018 et mars 2019, des feuilles horaires mentionnant qu'elle a effectué à plusieurs reprises beaucoup plus d'heures hebdomadaires de travail que la limite légale de 48 heures : 56 heures la semaine du 3 au 9 décembre 2018, plus de 48 heures la semaine du 17 au 23 décembre 2018, 67 heures 35 la semaine du 7 au 13 janvier 2019, 65 heures 55 la semaine du 4 au 10 mars 2019.

Aux termes de l'article L 3121-20 du code du travail, la durée maximale légale hebdomadaire du travail est de 48 heures, élément d'ailleurs rappelé dans le contrat de travail de la salariée.

L'employeur, qui avait connaissance de ses horaires dépassant la durée légale, ne justifie pas avoir réagi à de telles horaires et avoir pris des mesures pour faire cesser ces pratiques.

La salariée produit plusieurs fiches horaires remplies de sa main qui font ressortir, entre 2016 et 2019, de nombreuses périodes avec un horaire hebdomadaire supérieur à 48 heures durant les périodes durant lesquelles se concentrait l'activité de sa boutique, en hiver et en été. L'employeur, qui doit pourtant justifier des horaires accomplies par la salariée, n'a produit aucun élément de nature à contredire le fait que ces dépassements étaient habituelles lors de ces périodes de forte activité.

Cet élément constitue à lui-seule une exécution déloyale du contrat de travail de la part de l'employeur ainsi qu'un manquement grave à son obligation de sécurité, les seuils en matière de durée maximale du travail ayant pour objectif de préserver la santé et la sécurité des salariés.

Le non-respect de la durée maximale hebdomadaire du travail cause nécessairement un préjudice à la salariée compte-tenu de l'atteinte à sa sécurité et à sa santé (Cass soc. 26 janvier 2022, n°20-21.636).

Sur les menaces de l'employeur de modifier le contrat de travail de la salariée en CDD et de ne pas lui fournir de travail pour la saison estivale

Au soutien de cette allégation, la salariée produit seulement des courriels qu'elle a elle-même envoyés à son employeur, et dans lesquelles elle évoque un nouveau contrat que lui aurait transmis ce dernier et le fait qu'il ne souhaiterait plus lui fournir de travail pendant la saison estival. Celui-ci lui répond en juillet 2019 qu'il lui a proposé oralement plusieurs options mais qu'elle est toujours en CDI.

Ces éléments ne sauraient à eux seuls être suffisamment probants pour démontrer de la part de l'employeur une attitude déloyale ou de nature à méconnaître son obligation de sécurité.

Sur le retard de paiement du salaire de mai 2019

La salariée ne produit aucune pièce de nature à apprécier l'étendue ou même l'existence du retard du versement du salaire de mai 2019 qu'elle soulève. Ce fait n'apparaît donc pas établi.

Sur le non-versement de la prime d'avril 2019

Ainsi qu'il l'a été retenu, l'employeur avait versé des primes en avril 2016, 2017 et 2018, et s'est opposé à verser celle de 2019 alors qu'il avait dans un premier temps indiqué à la salariée dans deux courriels de mai 2019 qu'il allait la lui verser.

Un tel comportement est exclusif de bonne foi et caractérise un comportement déloyal de l'employeur dans ses rapports avec la salariée.

Il a causé un préjudice à cette dernière qui a été dans l'obligation d'introduire une action en justice pour être remplie de ses droits à ce titre.

Sur l'absence de déclaration de l'employeur auprès de la médecine du travail

La salariée justifie que la médecine du travail n'a pu la recevoir à la suite de son arrêt de travail car l'employeur n'avait pas régularisé son adhésion obligatoire à un service de médecine du travail depuis 2015.

Une telle carence sur une aussi longue durée caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Elle a porté préjudice à la salariée en l'empêchant de trouver rapidement un interlocuteur de la médecine du travail à la suite de son arrêt maladie.

Sur l'offre d'emploi comme responsable adjoint de point de vente publiée le 20 août 2019

Le fait pour l'employeur de proposer, durant l'arrêt de travail de la salariée, pour la saison d'hiver 2019/2020 un emploi sur un poste similaire à celui occupé par cette dernière ne saurait à lui seul caractériser une exécution déloyale du contrat de travail.

Sur l'absence de maintien du salaire durant l'arrêt de travail, la non-remise des attestations de salaire à la CPAM, le retard dans la transmission des informations à la prévoyance

L'absence de maintien de salaire total ou partiel prévu par la convention collective entre juillet et novembre 2019 est reconnu par l'employeur, qui n'a pas régularisé de lui-même la situation, obligeant la salariée à saisir le conseil de prud'hommes en référé.

Si l'employeur soutient avoir satisfait à ses obligations s'agissant de la remise des attestations de salaire à la CPAM, aux fins de versement des indemnités journalières à la salariée, en temps en en heure, il doit être constaté que la pièce remise au soutien de cette allégation est totalement illisible, et que par ailleurs la salariée justifie avoir relancé les 9 et 21 octobre 2019 l'employeur quant à l'absence de communication de ces attestations à la CPAM, ce dernier répondant que la situation était en cours de régularisation.

La salariée justifie de ce que l'organisme de prévoyance lui a indiqué le 14 avril 2020 ne pas avoir eu de réponse à sa demande faite à l'employeur de lui communiquer ses salaires bruts sur les douze mois précédant son arrêt de travail. La prestation d'octobre 2019 ne lui a ainsi été versée qu'en mai 2020.

Ces trois faits apparaissent donc établis et doivent être considérés, en l'absence de justificatifs produits par l'employeur pour les expliquer et dans le contexte contentieux existant entre les parties, comme caractérisant une exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

Ils ont porté préjudice à la salariée qui a été dans l'obligation d'introduire une action en justice pour être remplie de ses droits au titre du maintien de salaire, et dont le complément de salaire prévoyance ainsi que les indemnités journalières lui ont été versées avec retard compte-tenu de l'inaction de l'employeur.

Sur le logement de fonction

Le contrat de travail prévoyait qu'un logement de fonction était attribué à la salariée pour la saison hivernale.

L'employeur reconnaît avoir accepté que la salariée s'y maintienne à l'année.

Aisni qu'il l'a été rappelé, s'il appartient au salarié qui invoque un usage d'apporter par tous moyens la preuve tant de l'existence que de l'étendue de l'avantage (Cass. soc., 22 juin 1988, no 85-45.010 ; Cass. soc., 3 mars 1994, no 89-40.801), c'est à l'employeur qu'il appartient d'établir que l'avantage ne présente pas les caractéristiques d'un usage (Cass. soc., 26 févr. 2002, no 00-40.843).

En l'espèce, la salariée apporte la preuve de l'existence et de l'étendue de cet avantage. L'employeur ne produit pour sa part aucun élément de nature à établir que cet avantage ne présente pas les caractéristiques d'un usage : s'il soutient notamment que la généralité de cet usage s'étendant à tout le personnel n'est pas établie, il ne produit aucun élément de nature à justifier cette allégation.

Le logement attribué à titre gratuit à un salarié pour l'exercice de ses fonctions, qui est l'accessoire du contrat de travail et dont il bénéficie dans sa vie personnelle, ne peut lui être retiré pendant une période de suspension du contrat de travail pour maladie (Cass soc 26 janvier 2011, n°09-43.193).

La demande de restitution du logement de fonction et du paiement d'une indemnité d'occupation, initiée courant octobre 2019 par l'employeur, alors que la salariée se trouvait en arrêt maladie et dans un contexte contentieux entre les parties (l'avocate de la salariée avait évoqué auprès de l'employeur l'éventualité d'une procédure prud'hommale dès le 10 juillet 2019), doit ainsi être considérée comme une exécution de mauvaise foi du contrat de travail par la société HJH Associés.

Ces faits ont porté préjudice à la salariée dans la mesure où ils ont porté atteinte à sa vie privée, puisqu'elle a restitué le logement au sein duquel elle vivait majoritairement durant l'année sous la pression de son employeur.

Sur le licenciement tardif

La salariée ne produit aucun élément de nature à démontrer que le fait que son licenciement soit intervenu trois mois après sa déclaration d'inaptitude constitue de la part de l'employeur une exécution déloyale du contrat de travail.

Par ailleurs, les fiches de paye de janvier 2020 et février 2020 sont produites aux débats et permettent de vérifier que le versmeent du salaire de la salariée a bien été repris à l'issue du délai de un mois suivant l'avis d'inaptitude.

Ce grief n'est donc pas établi.

Il résulte de l'analyse de ces éléments que l'employeur a fait preuve de façon réitérée de mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail et n'a par ailleurs pas respecté l'obligation de sécurité qui lui incombait à l'égard de la salariée.

La décision sur ce point du conseil de prud'hommes sera infirmée, et la SAS HJH Associés sera condamnée à verser à Mme [O] [C], en réparation du préjudice subi à ce titre, la somme de 10000 euros net.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Il résulte d'une jurisprudence constante que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et qu'il est licencié

ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée.

En l'espèce, il résulte des développements ci-dessus que l'employeur a à plusieurs reprises exécuté de mauvaise foi le contrat de travail et n'a pas pris les mesures nécessaires pour s'assurer de la préservation de la sécurité et de la santé de la salariée

Ces éléments pris dans leur ensemble apparaissent d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et pour justifier la résiliation de celui-ci aux torts exclusifs de l'employeur. Le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point est infirmé.

La résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date d'envoi de la notification du licenciement, soit le 2 mars 2020.

L'employeur ne conteste pas le montant de l'indemnité de préavis sollicitée par la salariée, qui apparaît justifié au regard des pièces produites aux débats. Il lui sera donc alloué à ce titre la somme de 12145,23 euros, outre 1214,52 euros de congés payés afférents.

La salariée comptait 13 ans d'ancienneté à la date de la résiliation de son contrat de travail. Elle peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 mois et 11,5 mois de salaire brut. Elle justifie avoir perçu l'allocation de retour à l'emploi à compter de mars 2020, mais pas le montant alloué. Elle ne justifie pas de l'évolution de sa situation à la date de ses dernières conclusions.

Compte-tenu de ces éléments, il lui sera alloué la somme de 24000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur la demande tendant à voir ordonner le remboursement des sommes versées par la SAS HJH Associés à Mme [O] [C] au titre de l'exécution provisoire

Il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande qui est sans objet compte-tenu de la décisuion rendue.

Sur la demande d'astreinte

L'employeur est condamné à remettre à la salariée dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision les documents de fin de contrat et bulletins de paye rectifiés, saous astreinte de 50 euros par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de cette astreinte.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La SAS HJH Associés succombant à l'instance, elle sera condamnée à verser à Mme [O] [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2200 euros.

Elle sera également condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

DÉCLARE Mme [O] [C]et la SAS HJH Associés recevables en leurs appel et appel incident,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'Albertville du 4 février 2021 en ce qu'il a :

- débouté Mme [O] [C] de sa demande au titre du travail dissimulé,

- ordonné à la Sas HJH Associés de remettre à Mme [O] [C] les documents de fin de contrat et bulletins de paye rectifiés, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision,

INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau :

DIT que l'accord collectif du 12 avril 1999 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans les commerces des articles de sports et d'équipements de loisirs est inopposable à la salariée et que la clause de forfait figurant au contrat de travail du 1er octobre 2007 est privée d'effet,

CONDAMNE la SAS HJH Associés à verser à Mme [O] [C] la somme de :

26462,61 euros, outre 2646,26 euros de congés payés afférents, au titre des heures supplémentaires,

4911,75 euros à titre d'indemnité pour défaut d'information du droit au repos,

2232,61 euros au titre du repos compensateur obligatoire,

22000 euros, outre 2200 euros de congés payés afférents, au titre de la prime exceptionnelle d'avril 2019,

10000 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en non respect de l'obligation de sécurité,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts esclusifs de l'employeur à la date du 2 mars 2020,

CONDAMNE la SAS HJH Associés à verser à Mme [O] [C] la somme de :

12145,23 euros, outre 1214,52 euros de congés payés afférents, au titre de l'indemnité de préavis,

24000 euros net au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE à la Sas HJH Associés de remettre à Mme [O] [C] les documents de fin de contrat et bulletins de paye rectifiés, ce sous astreinte de 30 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte,

Y ajoutant,

DIT que la cour se réserve la liquidation éventuelle de l'astreinte,

CONDAMNE la SAS HJH Associés aux dépens,

CONDAMNE la SAS HJH Associés à verser à Mme [O] [C] la somme de 2200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ainsi prononcé publiquement le 02 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 21/00441
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.00441 ?
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