La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/2023 | FRANCE | N°21/01695

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 10 janvier 2023, 21/01695


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 10 JANVIER 2023



N° RG 21/01695 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GY5L



[J] [H]

C/ S.A.S. THERMO ELECTRON poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 15 Juillet 2021, RG F 19/00183





APPELANT :



Monsieur [J] [H]

[Adresse 2]
r>[Localité 3]



Représenté par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY







INTIMEE :



S.A.S. THERMO ELECTRON poursuites et diligences de son représentant légal en ex...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 10 JANVIER 2023

N° RG 21/01695 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GY5L

[J] [H]

C/ S.A.S. THERMO ELECTRON poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 15 Juillet 2021, RG F 19/00183

APPELANT :

Monsieur [J] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

S.A.S. THERMO ELECTRON poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Loïc HERON et Me Claire CHESNEAU de la SELARL MGG LEGAL, avocats plaidants inscrits au barreau de PARIS

et par Me Franck GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2022 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Madame Françoise SIMOND, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Capucine QUIBLIER,

Copies délivrées le :

********

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [J] [H] a été engagé par la société Thermo Electron, selon contrat à durée indéterminée à effet au 1er avril 2008 avec reprise d'ancienneté au 1er janvier 2008, en qualité de technicien de maintenance électrotechnicien du service après vente.

Au dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération mensuelle brut de 3 300,99 euros.

La société Thermo Electron fait partie d'un groupe mondial, le groupe Thermo Fisher Scientific, multinationale américaine, fournissant du matériel de recherche et d'analyses aux laboratoires sous cinq différentes marques (Thermo Scientific, Applied Biosystems, Invetrogen, Fisher Scientific et Unity Lab Service).

Au sein du groupe, en 2018, ces cinq marques de produits sont réparties à travers six organisations :

- le Groupe Instruments Analytiques (AIG) ;

- le Groupe Sciences de la Vie (Life Science Group, LSG) ;

- le Groupe Canaux de Distribution Client (Customer Channel Group, CCG) ;

- le Groupe Services Pharmaceutiques (Pharma Services Group, PSG) ;

- le Groupe Diagnostics Spécialisés (Specialty Diagnostics Group, SDG)

- le pôle Services aux Entreprises et Instrumentation (Instrument & Enterprise Services, IES).

La division Instrument et Enterprise Services (IES) est l'activité qui commercialise la marque Unity Lab Service, ainsi que les produits de fournisseurs tiers , dédiée aux solutions de service et est présente au sein d'une seule entité, la société Thermo Electron, qui regroupe également d'autres activités relevant d'autres divisions du groupe. La division Instrument et Enterprise Services représente 41 % du chiffre d'affaires de la société Thermo Electron.

Elle assure la conception et le déploiement d'une solution complète pour gérer le support technique et les services laboratoires avec un partenaire unique (service de conseil, de gestion du parc d'instumentation, de gestion des achats, de support scientifique).

Au sein de la société Thermo Electron, M. [J] [H] était chargé de la maintenance préventive et curative de l'ensemble du matériel installé chez les clients.

Courant 2018, la société Thermo Electron va annoncer à ses salariés la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

Il était fait état dans la note économique et financière sur la réorganisation de l'activité IES du groupe Thermo Fisher Scientific de la situation fragile de la division Instrument et Enterprise Services (IES) confrontée à des tendances défavorables sur son marché en raison de son contexte macroéconomique (baisse des crédits recherches, des dépenses de santé), à une concurrence accrue sur les prix de la part de concurrents locaux proposant des services à des coûts très bas, à un déclin du marché des instruments et équipements vendus par Research and Safety Division (RSD) correspondant à la catégorie 1 de produits vendus par IES, plaçant les performances d'IES sous forte pression.

Il était prévu la suppression de 60 postes dont 39 au sein du service après-vente terrain.

Un accord majoritaire sur le plan de sauvegarde de l'emploi sera signé le 26 juillet 2018 validé par la Direccte le 16 août 2018.

Le 28 octobre 2018, M. [J] [H] était licencié pour motif économique. La société Thermo Electron mentionnait dans le lettre de licenciement que dans la mesure où tous les postes appartenant à sa catégorie professionnelle étaient supprimés, les critères de l'ordre des licenciements ne trouvaient pas à s'appliquer.

Contestant son licenciement, M. [J] [H] saisissait le conseil de prud'hommes de Chambéry, par requête réceptionnée le 18 octobre 2019.

Par jugement en date du 15 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Chambéry a :

- dit que le licenciement de M. [J] [H], notifié pour motif économique est justifié,

- dit et jugé qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer les critères de l'ordre des licenciements dans le cadre du licenciement de M. [J] [H],

- débouté M. [J] [H] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Par déclaration reçue au greffe le 16 août 2021, M. [J] [H] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions récapitulatives n°2 notifiées le 28 avril 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, M. [J] [H] demande à la cour d'appel de :

- dire et juger les demandes et l'appel recevables et bien fondés,

- débouter la société Thermo Electron de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- fixer le salaire moyen à 3 300, 99 euros,

- réformer le jugement dans l'intégralité de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal, dire et juger que le licenciement notifié le 26 octobre 2018 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que par ailleurs, il a subi un préjudice du fait du défaut d'application des critères de l'ordre des licenciements,

- condamner la société Thermo Electron à lui payer les sommes de :

.59 400 euros à titre de dommages-intérêts,

.59 400 euros à titre subsidiaire pour non respect des règles relatives à l'ordre des licenciements,

.2 640 euros pour les frais exposés en première instance,

.2 400 euros pour les frais exposé en appel,

- condamner la société Thermo Electron aux entiers dépens de l'instance et d'exécution dont notamment les éventuels droits proportionnels de recouvrement.

Il expose que sur la recevabilité de l'appel, à la lecture de la déclaration d'appel, la cour est en mesure de vérifier les chefs de jugement critiqués. Il a été débouté de l'intégralité de ses demandes et a donc logiquement déclaré appel et sollicité la réformation du jugement en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.

Il indique qu'il n'y pas eu suppression réelle de son poste de travail. Il organisait son activité chez lui et était itinérant. Dans le plan de sauvegarde de l'emploi présenté le 26 juillet 2018, il était mentionné ' service après vente terrain électrotechnicien' . Or à la lecture du courriel envoyé par M. [V], responsable de la région Rhône-Alpes-Auvergne le 16 octobre 2018, une offre d'emploi figurait pour un poste de technicien/électromécanicien confirmé itinérant service après-vente et un autre poste de technicien itinérant service après vente Sud, postes envoyés à l'ensemble des salariés le lendemain par Mme [B].

Sur les propositions de reclassement, un poste de technicien électrotechnicien pouvait lui convenir mais cette proposition ne comportait pas de précisions quant à la durée du travail. Il en était de même pour les autres postes proposés.

Au regard du motif du licenciement, M. [J] [H] indique qu'il n'y a pas de cause réelle et sérieuse à son licenciement dans la mesure où la société Thermo Electron évoque :

- des difficultés avérées et non futures,

- la situation macro-économique fragile et incertaine au niveau mondial depuis 2010, notamment les contraintes que le marché connaît sur la période 2010 à 2015,

- la politique du gouvernement français de réduction drastique des dépenses de santé,

- la situation économique de la division Instrument et Enterprise Services qui représente une partie minoritaire de l'activité réalisée par la société Thermo Electron.

Il précise que l'employeur ne peut invoquer des menaces sur sa compétitivité tout en alléguant des difficultés actuelles. S'il devait être retenu des menaces sur la compétitivité, la société n'a donné aucune information sur le niveau de rentabilité espérée après les mesures de restructuration.

La société Thermo Electron opère volontairement des distinctions et des sous distinctions là où la loi et la jurisprudence ne l'y autorisent pas. Les difficultés économiques et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise sont appréciés par l'employeur uniquement à l'égard d'une division qui ne représente que 41 % de son activité mais qui constituerait, d'après la société, un secteur d'activité. Il n'est pas justifié d'une menace sur la compétitivité de l'activité IES. Le résultat d'exploitation de l'activité IES est largement positif depuis 2014 avec un bénéfice de 2,7 millions d'euros en 2017 et la chute de l'EBITA évoquée de -29% entre 2014 et 2017 prête à sourire avec un résultat de 2,7 millions d'euros.

La société Thermo Electron distingue artificiellement au sein de la division Instrument et Enterprise Services des catégories pour finalement ne sortir que les produits de catégorie 1 pour justifier d'une situation dégradée alors que les produits de catégorie 2 et 3 qui consistent dans la commercialisation d'équipements de laboratoires et d'instruments analytiques complexes, haut de gamme et à forte valeur ajoutée, ont un résultat positif de plus de 5,3 millions d'euros.

Quand à la société Thermo Electron son chiffre d'affaires a connu une unique baisse entre 2016 et 2018, exceptionnelle, ponctuelle, au regard de l'évolution constante de la société.

Certes les résultats d'exploitation sont négatifs mais depuis plusieurs années, situation voulue par la société Thermo Electron qui fait remonter ses marges au niveau du groupe Thermo Fisher Scientific.

M. [J] [H] a connu une évolution de salaire remarquable tout au long de ses années de travail et la situation du groupe Thermo Fisher Scientific est excellente.

Sur les arguments avancés par la société Thermo Electron pour justifier d'une menace sur sa compétitivité, celle-ci évoque l'ONDAM (objectif national de dépenses d'assurance maladie) et produit un tableau qui ne démontre en aucun cas une baisse des dépenses de santé mais simplement une absence d'explosion.

La société Thermo Electron évoque également sa position concurrentielle mais ne produit aucun élément objectif relatif à sa situation par rapport à ses concurrents et en plus elle compare ses prix au moins disant. Quant aux résultats de la société Thermo Electron dont EBITA était déficitaire de plusieurs millions de 2014 à 2017, la situation était structurelle, remontant à plusieurs années.

Sur les critères de l'ordre des licenciements, la société Thermo Electron avait décidé de supprimer 29 postes sur les 35 postes de techniciens de maintenance itinérants, soit 16 localisés dans la zone Nord-Ouest, 4 dans la zone Nord-Est, et 14 dans la zone Sud. L'employeur devait donc fixer un ordre des licenciements ce qu'il a refusé de faire en créant trois zones géographiques distinctes et a décidé de supprimer tous les postes de la zone Sud.

Ce critère de zone géographique ne peut être considéré comme pertinent. Il ne peut pas servir à justifier la suppression du poste de travail, les salariés itinérants peuvent accomplir des déplacements partout en France, quelle que soit leur zone géographique de rattachement.

La société Thermo Electron a d'autre part catégorisé ce qui correspond en réalité à des fonctions et à des postes de travail. Les fonctions de service après vente électrotechnicien, frigoriste, calibration manager- laboratoire sont des fonctions de même nature qu'il aurait pu occuper.

Sur le préjudice, M. [J] [H] demande à la cour de l'apprécier dans toute son étendue, et d'écarter l'application de l'article L.1235-3 du code du travail. Son préjudice est particulièrement important. Il avait 11 ans d'ancienneté, a le statut de travailleur handicapé et n'a pas bénéficié du congé de reclassement mis en place par la société Thermo Electron.

Dans ses conclusions notifiées le 12 mai 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la société Thermo Electron demande à la cour d'appel de :

A titre principal :

- juger que l'acte d'appel, qui ne vise que les prétentions, ne mentionne aucun chef de jugement critiqué,

- se déclarer non saisie,

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [J] [H] de l'ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire : dans l'hypothèse où la cour viendrait à considérer que le licenciement de M. [J] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- limiter les demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à trois mois de salaire, soit 9 902,97 euros brut, au vu des sommes qu'il a déjà perçues dans le cadre de plan de sauvegarde de l'emploi,

- débouter M. [J] [H] de l'intégralité de ses autres demandes,

- dans l'hypothèse où la cour viendrait à considérer que les critères de l'ordre des licenciements n'ont pas été correctement appliqués, limiter les demandes indemnitaires à 3 300 euros bruts,

- débouter M. [J] [H] de l'intégralité de ses autres demandes, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ceux afférents à l'application des critères de l'ordre des licenciement n'étant pas cumulables,

- condamner M. [J] [H] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que la nécessité de sauvegarder la compétitivité s'apprécie au niveau du secteur d'activité auquel la société appartient et doit permettre à l'entreprise d'anticiper des difficultés économiques en prenant des mesures de nature à éviter les licenciements ultérieurs importants, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement. Le secteur d'activité à prendre en considération est la division Instrument et Enterprise Services (IES).

La division IES propose ainsi à ses clients :

- des solutions d'entreprise (« Enterprise Solutions »), qui consistent notamment en :

- des services de conseil aux laboratoires pour évaluer le besoin des clients en matière

d'équipements et de formation,

- des services de gestion du parc d'instrumentation : gestion complète d'équipements et

d'instruments multimarques, allant de la gestion de contrat à des services de retrait des

équipements,

- des services de gestion des achats pour gérer les ressources et rationaliser les

processus,

- des services de support scientifique,

- des services instrumentation, qui consistent en une gamme complète de services et de solutions média pour accompagner les laboratoires dans l'utilisation des équipements et instruments scientifiques (contrats de maintenance, services d'entretien et de réparation pour les grandes marques d'équipements scientifiques').

- la vente de pièces consommables qui peuvent être réparties en 3 catégories :

- Catégorie 1 (portefeuille produits RSD et LPD), ci-après « CAT-1 » : équipements de laboratoire et consommables pour la préparation et le stockage d'échantillons tels que des armoires bio-sécurisées, des stérilisateurs et autoclaves, des pipettes et manipulateurs de liquides. Ces produits nécessitent peu de formation pour leur utilisation et beaucoup disposent d'un service de réparation en atelier,

- Catégorie 2 (portefeuille produits CMD et MSD Moléculaire), ci-après « CAT-2 » : équipements de laboratoire et instruments analytiques de type spectrophotomètre ou chromatographe en phase liquide à haute pression (HPLC). Ces produits nécessitent une formation complexe,

- Catégorie 3 (portefeuille produits CMD et MSD Moléculaire), ci-après « CAT-3 » : équipements de laboratoire et instruments analytiques haut de gamme / à forte valeur ajoutée, de type spectrométrie de masse, microanalyse et logiciels de gestion d'entreprise. Les clients ne disposent généralement que d'un petit nombre d'unités car ces systèmes sont de grande taille et difficiles à déplacer.

Le secteur d'activité IES constitue donc bien un secteur d'activité spécifique au sein du Groupe, du fait de la particularité des services et produits qu'il propose.

Ce secteur est confronté à un contexte macroéconomique lié à des restrictions budgétaires à mesure que la Commission Européenne a réduit ses budgets alloués à la recherche et en France à la limitation budgétaire des dépenses de santé (près de deux points sur 10 ans) et doit faire face une concurrence accrue sur le marché français. Des fournisseurs de matériel proposent à leurs clients des services semblables à ceux d'IES, faisant ainsi perdre des parts de marché à ce secteur d'activité. IES doit faire face à une concurrence locale qui propose des services sur mesure à ses clients, à prix très bas grâce à leur structure de coûts compétitifs et à leur proximité géographique avec les clients, intensifiant la pression sur les prix des services aux laboratoires.

La banalisation d'une grande partie du matériel de laboratoire contribue à cette concurrence tarifaire et motive les clients à remplacer leurs équipements au lieu de les faire réparer.

Les ventes sur les produits CAT1 étaient en forte baisse.

Cette concurrence accrue s'est fait ressentir sur les performances financières du secteur d'activité IES en Europe et plus spécifiquement en France. La situation de la société Thermo Electron et du secteur d'activité IES était bien en dégradation au moment de la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi en 2018 au vue de l'accélération de la perte de performance en 2017 à un point qui n'avait jamais été atteint soit 5,5 millions d'euros. Il y a eu également une baisse de chiffre d'affaires de la société Thermo Electron en 2017 de 2% alors que celui-ci était en hausse depuis plusieurs années.

La nécessaire sauvegarde de la compétitivité peut notamment être caractérisée par des difficultés économiques.

Le poste de M. [J] [H] de technicien de maintenance électrotechnicien a bien été supprimé. Il n'a pas été recrée comme cela apparaît très clairement au vu du tableau sur les impacts du projet tel que repris page 18 de l'accord majoritaire. Les postes vacants qui ont été proposés à titre de reclassement pendant la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi ont été proposés à titre de reclassement.

Elle a parfaitement respecté ses obligations en matière de reclassement. Le 27 septembre 2018, elle a proposé à M. [J] [H] 4 postes par courrier individualisé auquel étaient jointes les fiches écrites de chacun de ces postes, le forfait jour mentionné dans les offres était connu de M. [J] [H] au vu de l'accord d'entreprise applicable et de son propre statut.

M. [J] [H] disposait de 21 jours pour se positionner et avait tout loisir de joindre Mme [B], responsable des ressources humaines pour information complémentaire.

La contestation de la définition des catégories professionnelles et du périmètre d'application des critères est irrecevable dans la mesure où elle a fait l'objet d'un accord collectif validé par l'administration et qui n'a pas fait l'objet de contestation.

L'accord prévoyait que les critères d'ordre étaient appliqués au sein de chaque zone d'emploi d'une même catégorie professionnelle ce qui possible en application de l'article L.1 233-5 du code du travail.

Sur le préjudice, la cour notera que M. [J] [H] a bénéficié de plus de 40 000 euros d'indemnités en application du plan de sauvegarde de l'emploi (indemnité conventionnelle de licenciement, indemnité supra-légale et indemnité de reclassement rapide) outre un congé de reclassement de cinq mois auquel il a mis fin de manière anticipé car il avait retrouvé un emploi. Il ne justifie d'aucune inadéquation du barème, in concreto.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2022.

SUR QUOI

Sur la déclaration d'appel :

L'acte d'appel de M. [J] [H] vise bien les chefs de jugement expressément critiqués et notamment celui qui a débouté M. [J] [H] de l'intégralité de ses demandes, après avoir dit que le licenciement économique était justifié et que les critères de l'ordre des licenciements avait été respectés.

En effet, dans son acte d'appel, M. [J] [H] indique que son appel porte sur la disposition du jugement qui a débouté M. [J] [H] de ses demandes, se contentant de préciser celles-ci. Il mentionnne ' demande de réformation de l'ensemble des dispositions du jugement et donc en ce qu'il a débouté M. [J] [H] de ses demandes suivantes :'

La cour est donc bien saisie de l'appel de M. [J] [H].

Sur le fond :

La lettre de licenciement notifiée à M. [J] [H] le 26 octobre 2018 vise la nécessaire sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité IES aux niveaux européen et français en adaptant leur organisation pour pouvoir être à même d'affronter les enjeux externes et internes et parvenir ainsi à une solution de services pérenne.

La lettre de licenciement précisait que conformément à l'accord majoritaire validé par la Direccte le 26 juillet 2018, le poste de technicien de maintenance dans le bassin d'emploi Sud (technicien électronicien, titre dans la catégorie de M. [J] [H]) est ainsi supprimé, tous les postes appartenant à la catégorie professionnelle de M. [J] [H] étant supprimés, les critères de l'ordre des licenciements ne trouvent pas à s'appliquer.

Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait la suppression, en ce qui concerne l'emploi de M. [J] [H], technicien de maintenance électronicien, faisant partie du service après vente terrain, de 29 postes sur 35 postes, étant précisé que tous les emplois de la zone Sud auquelle était affecté M. [J] [H] étaient supprimés soit 14, la zone Nord Est conservant 1 poste sur 4, la zone Nord Ouest en conservant 5 sur 16 et le poste de électromécanicien du dépôt repair était également supprimé.

Dans la rubrique service après vente terrain, en ce qui concerne les techniciens, elle comportait des électroniciens, frigoristes, le service métrologie et spectroscopie.

Or le 16 octobre 2018, dix jours avant la notification du licenciement, M. [J] [H] recevait de M. [V] du service 'Area manager France, Rhône-Alpes-Auvergne' un courriel avec des offres d'emploi sur le portail internet, l'invitant ainsi que les autres salariés à qui le courriel était adressé, à postuler.

Parmi les cinq postes proposés, un emploi correspondant exactement à celui occupé par M. [J] [H], était proposé dans la zone sud, celui de technicien électronicien confirmé itinérant service après-vente [Localité 8].

Le 17 octobre 2018, Mme [B], responsable des ressources humaines, envoyait à l'ensemble des salariés une liste actualisée des emplois disponibles parmi lesquelles deux postes de d'électroniciens confirmés, itinérant service après vente en zone sud [Localité 8] (80466BR) et [Localité 7] (80572BR), qui là encore correspondaient à l'emploi occupé par M. [J] [H].

Cela établit de manière incontestable qu'il n'y a pas eu suppression de l'emploi de M. [J] [H] d'électronicien itinérant, service après vente, zone Sud puisque la société Thermo Electron proposait ce type d'emploi en zone Sud pendant la procédure de licenciement collectif et ce alors que tous les emplois d'électroniciens itinérants de la zone sud étaient supprimés et que les propositions d'offres d'emploi faites les 16 et 17 octobre 2018 ne s'inscrivaient pas dans le processus de reclassement.

Les propositions de reclassement faites à M. [J] [H] le 27 septembre 2018 concernait un emploi de technicien de maintenance de la société Patheon rattaché aux locaux situés à [Localité 5].

Trois autres postes étaient proposés 'par principe', certaines offres requéraient un niveau de compétences confirmées notamment en langue.

Faute de suppression de l'emploi de M. [J] [H], son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dispositions des articles L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

M. [J] [H] avait 34 ans au moment de son licenciement et un peu plus de onze ans d'ancienneté. Il est reconnu travailleur handicapé.

Lors de son départ, M. [J] [H] a perçu en sus de l'indemnité conventionnelle de licenciement de 17 424,95 euros, une indemnité supra légale d'un montant de 17 835,02 euros telle que prévue dans le plan de sauvegarde de l'emploi et une indemnité de reclassement rapide de 5 451,54 euros.

M. [J] [H] a également bénéficié d'un congé de reclassement de 5 mois auquel il a mis fin de manière anticipée car il avait retrouvé un emploi, ce que ne conteste par M. [J] [H] qui n'a cependant pas justifié de celui-ci.

Il a indiqué à son employeur par courriel du 18 octobre 2018 que son licenciement constituait une opportunité pour lui.

L'appréciation in concreto de la situation de M. [J] [H] ne conduit pas à soutenir que le montant de l'indemnisation prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail prévu entre 3 et 10,5 mois de salaire, constitue une indemnisation adéquate.

La société Thermo Electron sera condamnée à lui payer la somme de 20 000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Thermo Electron sera condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [J] [H] dans la limite de six mois.

Succombant la société Thermo Electron sera condamnée aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et en appel par M. [J] [H].

Il n'y a pas lieu de prévoir en l'état de la procédure une condamnation au titre des frais éventuellement engagés en application de l'article A.444-3 du code de commerce (annexe 4-7 n°129) résultant de l'arrêté du 26 février 2016 portant tarif des huissiers de justice dans la mesure où la prestation de recouvrement ou d'encaissement instituée par ce texte n'est exigible qu'après recouvrement forcé des créances liquidées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement déféré ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant :

DIT l'appel recevable ;

DIT que le licenciement de M. [J] [H] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE la société Thermo Electron à payer à M. [J] [H] la somme de 20.000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE à la société Thermo Electron de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [J] [H] dans la limite de six mois de salaire ;

DIT qu'une copie du présent arrêt sera transmis à Pôle emploi par les soins du greffe ;

CONDAMNE la société Thermo Electron à payer à M. [J] [H] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Thermo Electron aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 10 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 21/01695
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;21.01695 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award