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10/01/2023 | FRANCE | N°21/01133

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 10 janvier 2023, 21/01133


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE







ARRÊT DU 10 JANVIER 2023



N° RG 21/01133 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GW24



[F] [B]

C/ S.E.L.A.R.L. [W] & [G] es qualité de liquidateur de la société HAPPY TIMES BARONNIE

selon jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY du 6 mai

2020

etc...

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 04 Mai 2021, RG F 19/00157







APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE




Madame [F] [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Yohann OLIVIER, avocat au barreau de CHAMBERY





INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE



S.E.L.A.R.L. [W] &...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 10 JANVIER 2023

N° RG 21/01133 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GW24

[F] [B]

C/ S.E.L.A.R.L. [W] & [G] es qualité de liquidateur de la société HAPPY TIMES BARONNIE

selon jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY du 6 mai

2020

etc...

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 04 Mai 2021, RG F 19/00157

APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE

Madame [F] [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yohann OLIVIER, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE

S.E.L.A.R.L. [W] & [G] es qualité de liquidateur de la société HAPPY TIMES BARONNIE selon jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY du 6 mai 2020

Mandataire Judiciaire L'Axiome

[Localité 2]

Représentée par Me Séverine DERONZIER, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE

S.A.S. HAPPY TIMES BARONNIE société en liquidation judiciaire selon jugement du Tribunal

de Commerce de CHAMBERY du 6 mai 2020

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Séverine DERONZIER, avocat au barreau de CHAMBERY

Copies délivrées le :

INTIMEE

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'ANNECY

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Laetitia GAUDIN de la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 04 Octobre 2022, devant Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s'est chargé du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

********

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS Happy Times Baronnie a été créée le 31 octobre 2018.

Mme [F] [B] a été engagée au sein de la SAS Happy Times Baronnie le 29 novembre 2018, avec prise d'effet au 26 novembre 2018, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de responsable de salle, avec un horaire hebdomadaire de 42h50 et un salaire mensuel brut de 2411,55 euros. La durée de la période d'essai était fixée à deux mois.

La société comptait plus de dix salariés.

La convention collective nationale applicable est celle des café, hôtels, restaurants.

Par courrier remis en main propre contre décharge le 26 janvier 2019, la SAS Happy Times Baronnie a mis fin à la période d'essai de Mme [F] [B].

Par requête enregistrée le 8 août 2019, Mme [F] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Chambéry aux fins de se voir verser diverses sommes au titre du travail dissimulé, de l'exécution déloyale du contrat de travail, de rappel de salaire, de voir sa période de travail du 28 au 31 janvier 2019 qualifiée de CDI, de dire que ce contrat a été rompu sans cause réelle et sérieuse et de se voir allouer diverses indemnités à ce titre.

Par jugement du 19 novembre 2019, la société Happy Times Baronnie a été placée en redressement judiciaire. Par jugement du 27 avril 2020, elle a été placée en liquidation judiciaire. La Selarl [W] et Guyonnet a été désignée comme liquidateur judiciaire.

Par jugement du 4 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Chambéry a :

- dit que le contrat de travail débute le 22 novembre 2018,

- requalifié le CDD en CDI sur la période du 28 au 31 janvier 2019,

- dit que la rupture de ce CDI produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé la créance de Mme [F] [B] à porter au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Happy Times Baronnie aux sommes de :

* 1237,85 euros à titre d'indemnité pour non respect du délai de prévenance,

* 322 euros d'indemnité de requalification du CDD en CDI,

- ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes au jugement,

- débouté Mme [F] [B] de ses autres demandes,

- déclaré le jugement opposable à l'AGS CGEA d'Annecy dans les limites de sa garantie,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 31 mai 2021 par RPVA, Mme [F] [B] a interjeté appel de la décision. La Selarl [W] et [G] ainsi que l'GS CGEA ont formé appel incident.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 31 août 2021 par RPVA, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, Mme [F] [B] sollicite :

- l'infirmation du jugement du 4 mai 2021 en ce qu'il a dit que son contrat de travail a débuté le 22 novembre 2018, l'a débouté du surplus de ses demandes, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a laissé à chaque partie la charge de ses dépens,

- que son contrat de travail entre le 28 et le 31 janvier 2019 soit requalifié en contrat à durée indéterminée,

- qu'il soit dit que le terme de ce contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- que soit fixé au passif de la société Happy Times Baronnie et à son profit les créances suivantes :

* 2411,55 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1205,77 euros bruts, outre 120,58 euros de congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 803,85 euros bruts, outre 80,38 euros de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire correspondant à la période travaillée du 16 au 25 novembre 2018,

* 14469,30 euros d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

* 2000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- que la décision à intervenir soit déclarée commune et opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy ainsi qu'à la Selarl [W] et Guyonnet,

- que soit ordonnée la remise de documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision,

- que la société Happy Times Baronnie et la Selarl [W] et [G] soient condamnées à lui verser la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- que la société Happy Times Baronnie soit condamnée aux dépens.

Au soutien de ses demandes, Mme [F] [B] expose qu'elle a commencé à travailler au sein de la société avant la date du 24 novembre 2018 mentionnée sur son contrat de travail, soit le 16 novembre 2018, en mettant en place la logistique et en établissant les plannings en prévision de l'ouverture de l'établissement au public le 1er décembre 2018. Ces éléments sont attestés par plusieurs personnes, par des messages Facebook, par ses relevés de péage autoroute et les relevés bancaires de son compagnon M. [M] [N], qui travaillait également pour cette société. Un lien de subordination avec son employeur existait dès le 16 novembre 2018. Cette période de travail n'a pourtant jamais donné lieu ni à déclaration, ni à rémunération.

Sa période d'essai a été rompue le 26 janvier 2019, mais elle a été sollicitée pour tenir son poste jusqu'au 31 janvier 2019, ce qui n'est pas contesté par l'employeur, qui évoque un 'contrat d'extra'. Or elle n'a jamais donné son accord pour un tel contrat, qui n'a par ailleurs fait l'objet d'aucun écrit. Or selon la jurisprudence, un tel contrat aurait dû faire l'objet d'un écrit précisant le motif du recours à un tel contrat à durée déterminée, ce d'autant plus que le poste de responsable de salle n'est à l'évidence pas un emploi par nature temporaire au sein d'un restaurant, ce qui empêchait l'employeur de recourir à ce type de contrat. Ce dernier doit donc être requalifié en CDI, qui a été rompu unilatéralement par l'employeur, ce qui doit être assimilé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle n'a pas été déclarée aux organismes sociaux à compter du 16 novembre ni pour la période du 28 au 31 janvier 2019, et n'a pas perçu de rémunération du 16 au 25 novembre 2018. Ces manquements caractérisent le travail dissimulé.

Ces éléments caractérisent également de la part de l'employeur une exécution déloyale du contrat de travail, qui lui a causé un préjudice puisqu'au delà de l'absence de salaire, elle n'a pas été couverte sur cette période et n'a pas côtisé à Pôle emploi. Par ailleurs, elle a souffert de retards considérables dans le paiement de salaires.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 novembre 2021 par RPVA, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la Selarl [W] et [G] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Happy Times Baronnie sollicite :

- la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes du 4 mai 2021 en ce qu'il a dit que le contrat de travail de Mme [B] a débuté le 22 novembre 2018, et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Sa réformation pour le surplus et :

- que soit rejetée sa demande de requalification de CDD en CDI,

- que soient rejetées l'intégralité de ses demandes financières,

- la condamnation de Mme [F] [B] aux dépens,

- la condamnation de Mme [F] [B] à verser à la SAS Happy Times Baronnie la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la Selarl [W] et [G] ès qualité expose que Mme [F] [B] a signé son contrat de travail sans aucune réserve. Les éléments qu'elle produit ne démontrent pas qu'elle était présente et travaillait au sein des locaux de la société avant le 26 novembre 2018. Les attestations rédigées en ce sens par son compagnon et son beau-frère ont été rédigées pour la cause. Aucun lien de subordination avant le 26 novembre n'est démontré.

Les règles de forme du CDD n'ont pas été respectées du fait des manoeuvres de la salariée et de son compagnon M. [M] [N], également associé dans la société : c'est celui-ci qui a sollicité pour elle un contrat d'extra après la rupture de sa période d'essai, et qui a sciemment demandé la conclusion de ce contrat d'extra 'hors cadre' afin de permettre à sa compagne d'intenter la présente action. Faire droit à la demande de requalification serait la conséquence d'un abus de droit.

La gérante a tout fait pour payer les salaires de la salariée en dépit des difficultés financières de la société, allant même jusqu'à emprunter de l'argent à sa mère.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 octobre 2021 par RPVA, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy sollicite :

- qu'il soit dit que l'arrêt à intervenir lui est uniquement opposable,

- la confirmation du jugement déféré,

- que Mme [F] [B] soit déboutée de l'intégralité de ses demandes,

En tout état de cause :

- qu'il soit dit qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3235-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail,

- qu'il soit dit que la procédure de redressement judiciaire a interrompu de plein droit le cours des intérêts par application de l'article L 622-28 du code de commerce,

- qu'il soit dit que l'indemnité qui serait accordée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ou de la loi sur l'aide juridictionnelle, ainsi que l'astreinte et les dépens sont exclus de sa garantie,

- qu'il soit dit que sa garantie est encadrée par les articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

- qu'il soit dit que son obligation ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement des créances garanties,

- que Mme [F] [B] soit condamné aux dépens.

L'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy s'en rapporte pour l'essentiel aux explications de la Selarl [W] et [G] ès qualité.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 01 juillet 2022. L'affaire a été appelée à l'audience du 4 octobre 2022. A l'issue, la décision a été mise en délibéré au 10 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre du rappel de salaire pour la période du 16 au 25 novembre 2018

Mme [F] [B] produit des extraits de 'posts' Facebook rédigés par l'employeur les 14, 17 et 18 novembre qui évoquent le fait que des salariés ont déjà commencé à travailler pour lui. Cependant, il ne résulte pas de ces éléments la démonstration que Mme [F] [B] faisait partie de ses salariés ayant commencé une activité pour le compte de l'employeur à ces dates.

La salariée produit également une attestation de M. [J] [N], qui indique avoir travaillé avec celle-ci les 16 et 21 novembre 2018 pour le compte de l'employeur 'pour des rendez-vous fournisseurs'. Cependant, cette attestation ne saurait à elle-seule avoir suffisamment de valeur probante sur ce point dans la mesure où l'attestant est le beau-frère de Mme [F] [B] et où il est lui-même en conflit avec l'employeur dans le cadre d'une procédure prud'hommale.

Les relevés d'autoroute à son nom ainsi qu'au nom de M. [M] [N], compagnon de la salariée, ainsi que les relevés bancaires au nom de ce dernier ne sauraient démontrer que celle-ci se rendait avec lui à [Localité 7] pour travailler au service de l'employeur sur cette période du 16 au 25 novembre 2018.

Cependant, l'employeur au sein de ses conclusions sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que le contrat de travail de la salariée avait commencé le 22 novembre 2018. Il doit donc en être déduit qu'il reconnaît que son contrat de travail a commencé à cette date.

Mme [F] [B] n'apporte pas la preuve de l'existence d'un lien de subordination entre elle et l'employeur et de l'exercice de sa part d'une prestation de travail pour le compte de ce dernier avant le 22 novembre 2018.

L'employeur reconnaissant qu'elle a commencé à travailler à son service à compter du 22 novembre 2018, elle est en droit de solliciter un rappel de salaire pour la période du 22 au 25 novembre 2018. Elle percevait selon son contrat de travail un salaire mensuel brut de 2411,55 euros, soit pour quatre jours un rappel de salaire de 317,13 euros brut, outre 31,71 euros de congés payés afférents.

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

L'employeur reconnaît ne pas avoir respecté les règles du contrat à durée déterminée sur la période du 27 au 31 janvier 2019 durant laquelle Mme [F] [B] a continué à travailler à son service, après la rupture de sa période d'essai le 26 janvier 2019.

Si l'employeur évoque des 'manoeuvres' de la part de la salariée et de son compagnon M. [M] [N], également associé minoritaire de la société, afin de se soustraire délibérément aux règles du CDD, elle ne produit aucun élément probant sur ce point.

Le courriel de M. [M] [N] au cabinet d'expertise comptable produit par l'employeur se content de demander s'il est possible de 'faire un contrat d'extra pour Mme [B] du 27 janvier au 31 janvier compris sur la même base de salaire', et mentionne que la réponse doit être fairte sur la boîte mail de Mme [E], gérante de la société.

L'employeur était ainsi parfaitement informé de la demande de M. [M] [N], à savoir un contrat d'extra pour sa compagne Mme [B], et avait toute lattitude pour l'accepter ou le refuser, et était en tout cas tenu de formaliser ce contrat dans le respect des règles légales.

Il résulte des dispositions des articles L 1242-12 et L 1245-1 du code du travail que l'absence de contrat écrit formalisant le contrat à durée déterminée entraîne la requalification de ce dernier en contrat à durée indéterminée.

Le contrat liant Mme [F] [B] à la SAS Happy Times Baronnie entre le 27 et le 31 janvier 2019 n'ayant pas été formalisé par écrit, il sera requalifié en contrat à durée indéterminée.

La salariée est en droit de solliciter l'indemnité prévue à l'article L 1245-2 du code du travail. Son salaire dans le cadre du CDI qu'elle avait signé le 29 novembre 2018 pour un poste de responsable de salle était de 2411,55 euros brut mensuel. Elle a rempli la même fonction sur la période du 27 au 31 janvier 2019. Il sera donc fait droit à la demande de Mme [F] [B] à ce titre à hauteur de 2411,55 euros net. La décision sur ce point du conseil de prud'hommes sera infirmée.

Le contrat a été rompu par l'employeur sans respecter la procédure de licenciement prévue par les articles L 1232-21 et L 1232-5 du code du travail, du fait de la seule survenance du terme du contrat d'extra. Il s'agit donc d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée est donc en droit de se voir allouer, conformément à sa demande, une indemnité de préavis de 1205,77 euros brut, outre 120,57 euros brut de congés payés afférents. La décision sur ce point du conseil de prud'hommes sera infirmée.

Elle est en droit de solliciter une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être supérieure à un mois de salaire brut. Mme [F] [B] avait 22 ans à la date du licenciement, ne produit aucun élément quant à l'évolution de sa situation personnelle depuis cette date.

Compte-tenu de ces éléments, la décision sur ce point du conseil de prud'hommes sera infirmée, et il sera alloué à la salariée une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 500 euros net.

Sur le travail dissimulé

Aux termes des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Aux termes des dispositions de l'article L. 8223-1 du même code : 'En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.'

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L 8223-1, de la volonté chez l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.

La période de travail de Mme [F] [B] pour la SAS Happy Times Baronnie entre le 27 et le 31 janvier 2019 n'a fait l'objet d'aucun contrat écrit. L'employeur ne justifie pas avoir déclaré la salariée aux organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales, il ne justifie pas lui avoir remis une fiche de paye pour cette période.

Ces éléments suffisent à démontrer que la SAS Happy Times Baronnie s'est soustrait de façon intentionnellle à l'accomplissement des formalités visées à l'article L 8223-1.

Le travail dissimulé est établi.

Il sera alloué à ce titre à Mme [F] [B] une indemnité de 14469,30 euros net.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La salariée fonde sa demande à ce titre sur le fait que sa période de travail entre le 16 et le 25 novembre 2018 n'aurait été ni déclarée, ni rétribuée, et sur le fait que ses salaires auraient été payés en retard.

Sur le premier point, il a été retenu que ce fait n'était pas établi par la salarié pour la période du 16 au 21 novembre, l'employeur reconnaissant implicitement que la relation de travail a débuté le 22 novembre 2018.

Sur le second point, l'employeur reconnaît avoir versé le salaire de janvier 2019 en retard. La salariée ne produit cependant aucun élément de nature à apprécier l'étendue de ce retard.

Par ailleurs, l'attitude de l'employeur doit s'apprécier dans le contexte de la création de cette société, dans laquelle le compagnon de Mme [F] [B] était associé.

Ainsi, il ne résulte pas de l'analyse de ces éléments qu'ils soient la conséquence d'une attitude déloyale de la part de la SAS Happy Times Baronnie.

En conséquence, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle a débouté la salariée de sa demande à ce titre.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y est fait droit.

Il n'y a pas lieu de prévoir une astreinte.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La créance de Mme [F] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera fixée à 2000 euros.

Les dépens seront à la charge de la Selarl [W] et [G] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS Happy Times Baronnie.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

DÉCLARE Mme [F] [B] et la Selarl [W] et [G] et l'AGS CGEA recevables en leurs appel et appel incident,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Chambéry en ce qu'il a :

- dit que le contrat de travail de Mme [F] [B] a débuté le 22 novembre 2018,

- requalifié le contrat de travail à durée déterminée entre le 27 janvier et le 31 janvier 2019 en contrat à durée indéterminée,

- ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision de justice,

- débouté Mme [F] [B] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

INFIRME pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

FIXE la créance de Mme [F] [B] à :

- 317,13 euros brut, outre 31,71 euros brut de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire,

- 2411,55 euros net à titre d'indemnité de requalification du CDD en CDI,

- 500 euros nets à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1205,77 euros bruts, outre 120,57 euros brut de congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 14469,30 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

DIT que ces sommes seront inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Happy Times Baronnie,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à ordonner d'astreinte pour la remise des documents de fin de contrat rectifiés,

CONDAMNE la Selarl [W] et [G] ès qualité de liquidateur de la Sas Happy Times Baronnie aux dépens,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Happy Times Baronnie la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

DIT que le présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy ;

DIT que la procédure collective a interrompu de plein droit les intérêts par application de l'article L 622-28 du code de commerce,

DIT que la Selarl [W] et Guyonnet sera tenue de procéder au règlement de ces créances et que faute de fonds disponibles, elle devra adresser au CGEA d'Annecy les relevés de créances prévues par les articles L 3253-19 et L 3253-20 du code du travail,

DIT que l'AGS ne devra sa garantie que dans les cas et conditions définies par L 3253-8 du code du travail et dans la limite des plafonds légaux prévue par les articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

Ainsi prononcé publiquement le 10 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 21/01133
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;21.01133 ?
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