La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2023 | FRANCE | N°21/00923

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 05 janvier 2023, 21/00923


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 05 JANVIER 2023



N° RG 21/00923 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GWBI



[R] [K] épouse [G]

C/ S.A.S. EMERA [Localité 9] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 06 Avril 2021, RG F 20/00060





APPELANTE :



Madame [R] [K] épouse [G]
r>[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Michel PICCAMIGLIO, avocat plaidant inscrit au barreau de GRENOBLE

et par Me Laetitia GAUDIN de la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 JANVIER 2023

N° RG 21/00923 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GWBI

[R] [K] épouse [G]

C/ S.A.S. EMERA [Localité 9] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 06 Avril 2021, RG F 20/00060

APPELANTE :

Madame [R] [K] épouse [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel PICCAMIGLIO, avocat plaidant inscrit au barreau de GRENOBLE

et par Me Laetitia GAUDIN de la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

S.A.S. EMERA [Localité 9] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Philippe BODIN de la SELARL ACSIAL AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de RENNES

et par Me Guillaume PUIG, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 06 Octobre 2022 devant Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller et Madame Isabelle CHUILON, Conseiller, chargée du rapport, avec l'assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier,

et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

Copies délivrées le :

********

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [R] [K] épouse [G] a été engagée, suivant un contrat de travail à durée indéterminée, par la SAS Emera [Localité 9], établissement d'accueil pour personnes âgées dépendantes, exerçant sous la dénomination commerciale « résidence de retraite [4] », à compter du 31 décembre 2012, en qualité d'aide-soignante.

Cette résidence située à [Localité 9] emploie une soixantaine de salariés. Elle dépend du groupe Emera qui assure la création, le développement et l'exploitation d'une cinquantaine de résidences de retraite médicalisées en France, et emploie près de 3.000 collaborateurs.

La convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002, ainsi que l'annexe Synerpa spécifique aux établissements accueillant des personnes âgées du 10 décembre 2002 sont applicables.

Un avenant à son contrat de travail prévoyant une revalorisation de sa rémunération à hauteur de 2.182,55 euros bruts a été signé le 1er aout 2018.

Le 31 mai 2013, Mme [R] [K] épouse [G] était victime d'un accident du travail.

Le 18 septembre 2013, le médecin du travail rendait un avis d'aptitude en précisant : « apte avec aménagement de poste. Pas de port de charges lourdes (utilisation des aides à la manutention) ».

Elle a repris son poste du 05 septembre 2013 au 20 octobre 2013, puis a, de nouveau, été en arrêt à compter du 21 octobre 2013.

Lors de sa visite de reprise du 07 janvier 2014, le médecin du travail concluait : « apte avec aménagement de poste, reprise à temps partiel thérapeutique: l'employeur ne peut valider qu'une amplitude de 10h sur la journée de travail. Donc la salariée ne pourra effectuer qu'une ou deux journées par semaine de 10h sans réaliser 2 journées consécutives (pas de WE), repos minimum d'une journée entre deux journées de travail. La durée prévisible du temps partiel thérapeutique serait de plusieurs mois (au moins 6 mois) ».

La salariée a alors été placée en mi-temps thérapeutique.

Le 26 mai 2014, Mme [R] [K] épouse [G] a été victime d'un second accident du travail et placée en arrêt jusqu'au 17 novembre 2014, date de consolidation retenue par le médecin-conseil et la CPAM.

Pour autant, Mme [R] [K] épouse [G] a été placée, par la suite, en arrêt maladie par son médecin traitant.

Le 4 mars 2015, Mme [R] [K] épouse [G] était placée en rechute de son accident du travail du 26 mai 2014 par son chirurgien qui procédait à une opération de son épaule droite suite à une rupture de la coiffe des rotateurs le 14 avril 2015.

Le médecin-conseil de la CPAM estimait que l'état de santé de la salariée, s'agissant de la rechute du 4 mars 2015, était consolidé à la date du 15 juin 2019.

Lors de la visite de reprise du 14 juin 2019, le médecin du travail déclarait Mme [R] [K] épouse [G] inapte à son poste d'aide-soignante et précisait : « Recherche de reclassement nécessaire en tenant compte des limitations suivantes :Pas de levés couchés de patients, pas de port de charge de plus de 5 kilos, pas de gestes en contraintes du rachis (flexion antérieure du rachis), pas de gestes bras au-dessus du plan de l'épaule. Un poste de type administratif à l'accueil ou en animation serait adapté. L'inaptitude fait suite à une période d'arrêt de travail pour accident du travail (AT du 26/05/2014) ».

Le 26 juin 2019, Mme [R] [K] épouse [G] remplissait un questionnaire concernant la recherche de reclassement suite à sa déclaration d'inaptitude, dans lequel elle mentionnait accepter un emploi dans une autre résidence de retraite dépendant du groupe Emera en France, en précisant que la région à privilégier était 'Rhône-Alpes', et la ville celle de '[Localité 37]'. Elle disait accepter un poste d'animation ou d'accueil et refuser un poste en comptabilité, en mentionnant son souhait de suivre une formation en bureautique.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 03 juillet 2019, Mme [R] [K] épouse [G] était convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

Elle était licenciée le 16 juillet 2019 compte tenu, était-il mentionné: « de votre situation d'inaptitude définitive à votre poste d'aide-soignante, prononcée par le médecin du travail lors de votre visite de reprise du 14 juin 2019 », « et de l'impossibilité de procéder à votre reclassement malgré l'ensemble des efforts de reclassement mis en 'uvre, au sein du groupe Emera ».

Mme [R] [K] épouse [G] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annecy par requête déposée au greffe le 09 mars 2020, afin de contester le bien-fondé de son licenciement et solliciter des dommages-intérêts pour licenciement nul et exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement du 06 avril 2021, le conseil de prud'hommes d'Annecy a :

- dit et jugé que la SAS Emera [Localité 9] a respecté son obligation de reclassement,

- débouté Mme [R] [K] épouse [G] de sa demande au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail,

- condamné Mme [R] [K] épouse [G] à payer à la SAS Emera [Localité 9] la somme de 100€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [R] [K] épouse [G] aux entiers dépens.

Mme [R] [K] épouse [G] a interjeté appel de cette décision, sur l'ensemble des chefs, par déclaration enregistrée le 28 Avril 2021 par RPVA.

Suivant dernières conclusions notifiées le 22 Mars 2022, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, Mme [R] [K] épouse [G] sollicite :

- la réformation du jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions, et, statuant de nouveau,

- la requalification du licenciement en licenciement nul,

- la condamnation de la société Emera [Localité 9] au paiement de 27.074,28 euros, soit 12 mois de salaire, au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

- la condamnation de la société Emera [Localité 9] au paiement de 5.000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- la condamnation de la société Emera [Localité 9] au paiement de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamnation de la société Emera [Localité 9] aux dépens,

- qu'il soit dit et jugé que les sommes auxquelles la société Emera [Localité 9] sera condamnée porteront intérêts à compter du jour de la demande.

Mme [R] [K] épouse [G] fait valoir que :

Sa RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) n'a aucunement fait obstacle à son embauche en décembre 2012. Elle en a uniquement informé le médecin du travail, lors de la visite médicale d'embauche, lequel l'a, alors, déclarée apte au poste d'aide-soignante. Ce n'est qu'à la suite du premier accident du travail, dont elle a été victime, le 31 mai 2013, que son employeur a eu connaissance de sa RQTH.

Ses absences régulières n'étaient pas dues aux difficultés de santé ayant donné lieu à sa RQTH en 2012, mais bien à cet accident du travail.

Elle a repris son poste, sans qu'aucun aménagement n'ait été effectué, contrairement aux indications du médecin du travail, préconisant l'interdiction du port de charges lourdes et l'utilisation d'aides à la manutention. L'employeur n'a pas, non plus, tenu compte des prescriptions de son médecin concernant la reprise en temps partiel thérapeutique.

Afin d'être accompagnée dans la recherche d'une solution de maintien dans l'emploi adaptée à ces restrictions d'aptitude, elle a pris contact avec le SAMETH (service d'aide au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés) qui a contacté son employeur le 25 février 2014. Bien qu'ayant connaissance, à cette occasion, de sa RQTH, la société Emera ne lui a jamais apporté les aides demandées, alors qu'elles correspondaient aux préconisations de la médecine du travail.

L'accident du travail du 26 mai 2014 (tendinite à l'épaule droite) a été occasionné alors qu'elle tentait de remonter un patient dans son lit sans disposer d'aides à la manutention.

Ses douleurs à l'épaule étaient trop importantes pour reprendre son poste de travail à la date de consolidation retenue par le médecin-conseil et la CPAM, soit le 17 novembre 2014. Contrairement aux conclusions de ceux-ci ces douleurs n'étaient pas dues à de l'arthrose, puisqu'elle a fini par être opérée pour une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite.

En ne respectant pas les prescriptions du médecin du travail et en ne mettant pas en place les aménagements de poste nécessaires, alors qu'elle a été victime de plusieurs accidents du travail au sein de la société Emera [Localité 9], son employeur, qui l'obligeait, ainsi, à faire des compromis avec son état de santé pour ne pas perdre son travail, a fait l'objet d'un comportement déloyal.

L'absence de prise en compte de sa pathologie par son employeur, alors qu'il en avait pleinement conscience depuis 2013, l'a rendue inapte à son poste de travail.

D'autre part, aucune offre de reclassement ne lui a été faite par l'employeur, qui s'est contenté d'envoyer un unique mail à toutes les résidences du groupe, ce qui ne saurait s'assimiler en une recherche sérieuse et réelle de reclassement.

En aucun cas elle a refusé toute mobilité géographique, puisqu'elle a dit accepter un emploi dans une autre résidence du groupe située en France, ses réponses au sujet de ses préférences ne signifiant nullement qu'elle était fermée à un poste en dehors de la région Rhône-Alpes et de la ville de [Localité 37]. La SAS Emera [Localité 9] aurait, dès lors, dû rechercher au-delà.

Elle s'étonne de ce que l'employeur prétend qu'elle n'avait pas les capacités pour tenir un poste d'accueil ou dans l'animation, sachant qu'elle bénéficiait d'une expérience de 17 années en gérontologie et qu'elle avait déjà organisé, dans le cadre de son activité au sein de la SAS Emera [Localité 9], divers ateliers et sorties à destination des résidents de l'unité Alzheimer.

En tout état de cause, elle aurait pu passer rapidement le diplôme prétendûment nécessaire à son reclassement, s'étonnant de ce que la qualification demandée par l'employeur pour un poste d'animateur soit de niveau Bac+2, et non une simple formation de type BAFA.

Le groupe Emera disposait de son propre organisme de formation depuis 2017, dès lors susceptible de lui dispenser les formations qui lui faisaient, apparemment, défaut pour accéder à un poste d'accueil ou d'animation.

La société Emera ne justifie même pas avoir engagé des démarches de maintien dans l'emploi avec l'aide de l'Agefigh ou des conseillers Cap emploi.

L'employeur ayant manqué à son obligation de reclassement, son licenciement doit être déclaré nul.

Ce licenciement lui a occasionné d'importantes difficultés financières. Elle n'a pas retrouvé d'emploi immédiatement, d'autant plus qu'elle a rencontré des complications sur le plan de la santé suite à l'accident du travail du 26 mai 2014, à l'origine de son opération et de la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 27%. Elle a dû se rendre à 10 reprises à [Localité 35], dans le cadre de son suivi post-opératoire, ce qui a généré des frais importants à hauteur de plusieurs milliers d'euros (logement, péage, essence, avion, location de voiture). Elle a également été contrainte de faire l'acquisition d'un véhicule à boîte de vitesses automatique et a dû passer une aptitude lui permettant de conduire ce type de véhicule.

Elle s'est inscrite auprès d'un centre de réadaptation fonctionnelle (« La passerelle ») pour être aidée dans sa reconversion, ce qui a mis du temps, dans la mesure où elle a dû, auparavant, faire l'objet d'une pré-orientation par la MDPH et rencontrer son médecin traitant, sans compter les retards engendrés par la crise sanitaire. Elle s'est également inscrite à pôle emploi, qui l'a orientée vers le dispositif LINA. À ce jour, elle est en arrêt maladie et perçoit 1.050 euros de la CPAM, après avoir subi une autre intervention chirurgicale concernant, cette fois-ci, son épaule gauche.

Elle a rencontré des difficultés avérées de recherche emploi compte tenu des restrictions liées à son état de santé, de sorte que sa demande de dommages-intérêts est parfaitement fondée .

Suivant dernières conclusions notifiées le 31 mars 2022, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la SAS Emera [Localité 9] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

Y ajoutant,

- condamner Mme [R] [K] épouse [G] à verser à la société SAS Emera [Localité 9] une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause,

- dire et juger que la société Emera [Localité 9] a respecté son obligation de reclassement,

- dire et juger que les faits invoqués à l'appui de la demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail sont prescrits,

- débouter [R] [K] épouse [G] de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire

- constater l'absence de préjudice démontré par Mme [R] [K] épouse [G] à hauteur des sommes qu'elle revendique,

- réduire le montant des dommages intérêts sollicités en considération de la réalité du préjudice dont il serait justifié.

La SAS Emera [Localité 9] fait valoir que :

La salariée a connu d'importants soucis de santé bien avant d'être embauchée, puisque dès le mois d'avril 2012, elle se voyait reconnaître la qualité de travailleur handicapé. Par la suite elle a été régulièrement absente.

L'avis du médecin du travail a été scrupuleusement respecté puisque Mme [K] épouse [G] a été placée en situation de mi-temps thérapeutique jusqu'au 26 mai 2014, avant d'être absente et de cesser toute activité professionnelle pour le compte de l'entreprise pendant plus de cinq ans, pour finir par être déclarée inapte au poste d'aide-soignante le 14 juin 2019.

La salariée, dans le questionnaire qu'elle a rempli, a fait état de son absence de mobilité géographique. C'est ainsi qu'elle a principalement orienté ses recherches de reclassement au sein de l'ensemble des 8 structures du groupe implantées dans la région Rhône-Alpes.

En l'absence de poste disponible compatible, à la fois, avec les restrictions médicales indiquées par le médecin du travail, les attentes et les compétences professionnelles de la salariée, elle n'avait pas d'autre alternative que de constater une impossibilité de formaliser une proposition de reclassement et d'envisager un licenciement, après avoir échangé avec l'intéressée, les représentants du personnel et membres du comité social et économique de la résidence, sur les démarches entreprises afin d'assurer son maintien dans l'emploi, étant rappelé que l'obligation de reclassement n'est pas une obligation de résultat mais de moyens.

Elle a pleinement respecté son obligation de reclassement, justifiant de nombreux efforts réalisés avant d'initier toute procédure de licenciement, notamment en interrogeant, dès réception de l'avis d'inaptitude de Mme [G], l'ensemble des établissements et structures du groupe sur le territoire national, en échangeant préalablement avec le médecin du travail, en interrogeant la salariée sur ses desiderata et en organisant, alors qu'elle n'en avait pas l'obligation, un entretien supplémentaire dédié au reclassement, au cours duquel cette dernière a confirmé son absence de mobilité en dehors de la région d'[Localité 9] ou de [Localité 37] pour des raisons personnelles et familiales.

Si l'employeur doit impérativement respecter, au cours de ses recherches de reclassement, les souhaits mentionnés par le salarié dans le questionnaire professionnel, il ne peut, en revanche, lui être imposé d'assurer la formation initiale/qualifiante faisant défaut à celui-ci pour prétendre à un poste disponible correspondant à ses choix. L'employeur est seulement débiteur d'une obligation d'adaptation et d'accompagnement dans l'emploi.

La production des registres d'entrée et de sortie du personnel des différentes résidences dépendant du groupe Emera situées sur la région Rhône-Alpes confirme la réalité des recherches de reclassement opérées et l'absence, à ce moment-là, de poste disponible compatible avec les restrictions du médecin du travail, à l'exception de celui de responsable administratif et comptable.

Or, un tel poste ne pouvait pas être proposé à Mme [G], compte tenu des compétences requises en gestion et comptabilité, dont ne disposait pas la salariée, dépourvue de diplôme et d'expérience dans ce domaine, et qui avait, elle-même, précisé refuser un reclassement sur un poste de comptabilité.

Cette salariée ne pouvait pas, non plus, prétendre à un poste d'accueil ou d'animation, nécessitant, conformément aux fiches de poste produites, des compétences spécifiques, et subordonné à l'obtention d'une qualification de niveau Bac+2, où à défaut, s'agissant du poste d'animation, à la détention du BAFA, doublée d'une solide expérience dans ce domaine.

En tout état de cause, aucun poste d'accueil ou d'animation n'était disponible sur l'ensemble de la région Rhône-Alpes.

L'employeur n'a aucune obligation de créer un poste de travail si aucun ne se révèle disponible.

Par ailleurs, au moment de la rupture du contrat de travail, la résidence domaine des [20] située à [Localité 36] (73) ne faisait pas encore partie du groupe Emera, qui l'a rachetée au cours du dernier trimestre 2019, et donc du périmètre de reclassement pesant sur l'entreprise, lequel est déterminé par l'existence d'une possibilité de permutation de tout ou partie du personnel entre les différentes sociétés d'un même groupe.

Par courrier du 3 juillet 2019, elle a notifié à Mme [R] [K] épouse [G] les motifs s'opposant à son reclassement, ce qui n'a donné lieu à aucune réaction.

C'est à la salariée, qui entend contester les recherches de reclassement opérées, qu'il appartient de prouver qu'il existait un poste d'hôtesse d'accueil ou d'animateur disponible sur la région Rhône-Alpes après sa déclaration d'inaptitude et avant son licenciement, et qu'elle avait les compétences techniques de base pour occuper un tel poste.

La nullité du licenciement n'est pas prévue dans le cas d'une violation de l'obligation de reclassement, seul le montant des dommages-intérêts, auquel peut prétendre le salarié licencié pour inaptitude d'origine professionnelle, est aligné sur le montant des dommages-intérêts dus en cas de licenciement nul.

La salariée n'a produit aucune pièce de nature à établir l'existence d'un préjudice, en dehors de ses difficultés de santé.

La salariée bénéficie, d'ores et déjà, d'une rente d'incapacité permanente versée par la CPAM venant réparer les conséquences de son accident du travail et ne saurait, dès lors, solliciter une indemnisation complémentaire. Mme [K] épouse [G] a également saisi la juridiction de la sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Seul le préjudice résultant de la perte de son emploi pourrait donner lieu à une indemnisation, or elle ne démontre d'aucune difficulté particulière avérée de recherche d'emploi, ayant mis plus d'un an à s'inscrire auprès d'un centre de réadaptation fonctionnelle. Elle ne justifie pas, non plus, de ses recherches d'emploi.

La salariée ne démontre pas, tant dans son existence, que dans son quantum, d'un préjudice personnel et réel, distinct de celui dont elle recherche déjà l'indemnisation devant la juridiction de la sécurité sociale.

Toute action en dommages-intérêts portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans. Or, Mme [K] épouse [G] invoque des faits remontant à 2013, de sorte qu'ils sont prescrits.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 1er avril 2022.

La date des plaidoiries a été fixée à l'audience du 20 septembre 2022, puis renvoyée à celle du 6 octobre 2022.

L'affaire a été mise en délibéré au 08 décembre 2022, prorogé au 05 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur le licenciement pour inaptitude et l'obligation de reclassement

Mme [R] [K] épouse [G] considère que son licenciement, motivé par une 'situation d'inaptitude définitive' au 'poste d'aide-soignante, prononcée par le médecin du travail lors de' la 'visite de reprise du 14 juin 2019" et 'l'impossibilité de procéder à' un 'reclassement malgré l'ensemble des efforts de reclassement mis en 'uvre, au sein du groupe Emera', est nul, au seul motif que l'employeur n'aurait pas respecté son obligation de reclassement.

Or, un tel manquement, à supposer qu'il soit établi, ne saurait avoir pour conséquence juridique d'entraîner la nullité du licenciement prononcé.

En revanche, le licenciement peut être jugé sans cause réelle et sérieuse si l'employeur n'a pas exécuté loyalement et sérieusement son obligation de reclassement.

Il apparaît, à l'examen du dossier, que l'inaptitude de Mme [R] [K] épouse [G] à son poste d'aide-soignante, constatée par le médecin du travail lors de la visite de reprise du 14 juin 2019, est, manifestement, d'origine professionnelle, faisant suite à une longue période d'arrêt de travail pour accident du travail (du 26 mai 2014), ce qui est d'ailleurs admis par la Sas Emera [Localité 9] dans ses dernières écritures (page 33).

En cas d'inaptitude d'origine professionnelle, l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur constitue une obligation de moyens renforcée, d'autant plus, qu'en l'espèce, Mme [R] [K] s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé pour la période du 20/09/2012 au 19/09/2019.

Il appartient à l'employeur de justifier de l'exécution de son obligation de reclassement et de l'impossibilité de reclassement.

Sur ce point, l'article L.1226-10 du code du travail dispose: « Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ».

Par ailleurs, l'article L.1226-12 du code du travail prévoit: « Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III ».

La délimitation du périmètre de reclassement se fait en deux temps. D'abord, il faut retenir le groupe tel qu'il est défini pour l'institution d'un comité de groupe, ensuite, à l'intérieur de ce premier cercle, il faut identifier celles des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

La charge de la preuve de la permutabilité n'incombe à aucune des parties en particulier. Le juge forme sa conviction à partir des éléments soumis tant par l'employeur que par le salarié (Cass.soc., 30 sept. 2020, n°19-13.122).

L'employeur n'a plus à rechercher de reclassement à l'étranger, son cercle de recherche se limite aux entreprises du groupe situées sur le territoire national.

L'information à transmettre aux entreprises du groupe sollicitées doit précisément faire état de la situation du salarié dont le reclassement est recherché.Ainsi, outre le poste occupé et les éventuelles précisions figurant dans l'avis d'inaptitude, il convient de détailler l'identité, l'âge, la situation de famille du salarié, son ancienneté, son niveau, ses compétences, sa rémunération (Cass. Soc., 21 nov. 2012, n°11-23.629).

Pour mesurer les efforts de reclassement faits par l'employeur, les juges du fond prennent en compte la dimension de l'entreprise et le nombre de ses salariés (Cass. Soc., 29 mai 2013, n°11-20.074).

Par ailleurs, le reclassement du salarié inapte doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ou le groupe au moment où la procédure est diligentée. L'employeur n'a aucune obligation de créer un poste de travail si aucun ne se révèle disponible.

Pour reclasser un salarié inapte à son poste de travail, il ne suffit pas de prendre en compte les conclusions du médecin du travail, il faut que l'emploi proposé soit « approprié à ses capacités » et « aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé » (C.trav.,art.L.1226-2; C.trav., art.L.1226-10).

Lorsque l'employeur propose au salarié un poste nécessitant une compétence que celui-ci n'aurait pu acquérir que par une formation initiale, il ne satisfait pas aux exigences du code du travail (Cass. Soc., 7 mars 2012, n°11-11.311).

Un poste de reclassement peut être envisagé avec la mise en 'uvre d'une formation. Le médecin doit, alors, se prononcer sur cette question (C.trav., art.L.1226-2; C.trav., art.L.1226-10). La formation doit cependant être adaptée au salarié et à ses compétences.

Il est de principe que l'emploi proposé doit être compatible avec la qualification et le niveau de formation du salarié et que la recherche de postes doit tenir compte des compétences professionnelles de celui-ci. L'obligation de reclassement de l'employeur ne peut aller jusqu'à exiger qu'il apporte au salarié un complément de formation initiale ou une nouvelle qualification, ou bien encore qu'il le forme à un métier différent du sien.

En l'espèce, le médecin du travail, qui mentionne avoir échangé avec l'employeur en date du 21 décembre 2018, a indiqué dans son avis d'inaptitude du 14 juin 2019: «Inaptitude ce jour en une seule visite au poste d'aide soignante. Recherche de reclassement nécessaire en tenant compte des limitations suivantes :Pas de levés couchés de patients, pas de port de charge de plus de 5 kilos, pas de gestes en contraintes du rachis (flexion antérieure du rachis), pas de gestes bras au-dessus du plan de l'épaule. Un poste de type administratif, à l'accueil ou en animation serait adapté. L'inaptitude fait suite à une période d'arrêt de travail pour accident du travail (AT du 26/05/2014)».

Suite à cet avis d'inaptitude, la Sas Emera [Localité 9] justifie avoir, dans un 1er temps, en attendant de connaître les desiderata de la salariée, envoyé, dès le 21 juin 2019, un mail à toutes les résidences de retraite et structures dépendant du groupe Emera (pièces n°11 et 15) implantées sur le territoire national pour identifier l'ensemble des postes disponibles dans le cadre de l'étude des possibilités de reclassement de Mme [K] épouse [G], en précisant le poste qu'elle occupait, le contenu de l'avis d'inaptitude du médecin du travail, et en joignant le curriculum vitae de la salariée faisant état de ses différentes expériences professionnelles, compétences et diplômes.

L'employeur fournit les réponses apportées à ce mail par les résidences 'Retraite [26] de [Localité 12] (49)' (pièce n°11), « [27] de [Localité 30] », « [23] d'[Localité 8] », la Sas 'Maison de retraite de [24] de [Localité 38]' (86), 'l'EHPAD [22] de [Localité 41]' (69), la « [29] » (13), la résidence [19] de [Localité 31] (77), la résidence 'retraite du parc de [Localité 17] (92)', la résidence « [28] » de [Localité 37] (74), 'l'EHPAD [21] d'[Localité 6]', ainsi que par le siège (pièce n°21), faisant état de l'absence de postes disponibles susceptibles d'être proposés à titre de reclassement.

Seules les résidences « [25] » de [Localité 13] (01), « Océane » de [Localité 33] et l'EHPAD '[23]' de [Localité 18] (86) ont listé des postes disponibles, mais force est de constater qu'aucun d'entre eux n'était compatible avec les restrictions médicales apportées par le médecin du travail, s'agissant, en effet, de postes de gouvernante, aide-soignante, ergothérapeute, plongeur, infirmière diplomée d'état, agent de service hospitalier (pièce n°21).

Par ailleurs, la salariée, au questionnaire relatif à la « recherche de reclassement suite à une inaptitude au poste de travail constatée par le médecin du travail » envoyé par l'employeur, a répondu, notamment, en date du 26 juin 2019 :

- « non », à la question: « seriez-vous susceptible d'accepter un emploi dans un autre établissement du groupe Emera à l'étranger (Suisse, Luxembourg, Espagne, Italie ou Belgique)' »,

- « oui », à la question: « seriez-vous susceptible d'accepter un emploi dans une autre résidence de retraite dépendant du groupe Emera en France '», en précisant, s'agissant de la « région à privilégier »: « Rhône-Alpes », et s'agissant de la « ville à privilégier »: « [Localité 37] »,

- « non », à la question: « seriez-vous susceptible d'accepter un emploi administratif au sein du siège et des sites administratifs du groupe Emera ([Localité 7], [Localité 32], [Localité 34])' »,

- « non », à la question: « seriez-vous susceptible d'accepter un emploi à temps partiel' »,

-« oui » pour un poste d'animation, « oui » pour un poste d'accueil, et « non » pour un poste de comptabilité, à la question: « seriez-vous susceptible d'accepter les emplois suivants ' »,

- « un poste d'animation », à la question: « quels seraient les postes dont vous vous sentiriez le plus proche en termes de compétences professionnelles acquises dans notre secteur médico-social '»,

- « une formation en bureautique », à la question: « quelles seraient les propositions de formation que vous souhaiteriez privilégier ' ». 

La Sas Emera [Localité 9] expose qu'au retour de ce questionnaire, en plus de ses recherches initiales sur le plan national, elle a accentué ses efforts de reclassement sur les 8 résidences dépendant du secteur géographique privilégié par la salariée, afin de tenir compte de ses souhaits.

A cet égard, elle produit les registres d'entrée et sortie du personnel de tous les établissements de la région Rhône-Alpes (à savoir « [22] » à [Localité 41], « [25] » à [Localité 13], « [28] » à [Localité 37], « [40] » à [Localité 39], « [14] » à [Localité 10], « [4] » à [Localité 9], « [5] » à [Localité 16], « [11] » à [Localité 15], pièce n°12), démontrant de l'absence de poste vacant

compatible avec les restrictions médicales posées par le médecin du travail, sachant qu'en juin 2019 la résidence des « [20] » située à [Localité 36] (74), ne faisait pas encore partie du groupe Emera et donc du périmètre de reclassement (pièces n°15, 16, 17, 18, 19, 20).

Mme [K] épouse [G] a fait savoir, d'autre part, qu'elle s'opposait à être reclassée sur un poste de comptabilité, de sorte qu'il n'était pas possible pour la Sas Emera [Localité 9] de lui proposer le poste de responsable administratif et comptable, seul poste rattaché à un établissement de la région Rhône-Alpes à être à la fois disponible et compatible avec les limitations du médecin du travail, sans compter, par ailleurs, qu'elle n'avait pas les compétences requises dans ce domaine d'activité.

La salariée reproche à l'employeur de ne pas lui avoir proposé un poste de chargée d'accueil ou dans l'animation, conformément aux souhaits qu'elle avait indiqués dans le questionnaire, et de ne pas lui avoir donné la possibilité de suivre une formation pour accéder à de tels postes.

Or, la Sas Emera [Localité 9] expose qu'aucun poste d'accueil ou d'animation n'était disponible sur l'ensemble de la région Rhône-Alpes au moment des recherches de reclassement.

De plus, elle produit les fiches de fonction correspondant à de tels postes (pièce n°13), ainsi qu'une offre d'emploi relative à un poste de responsable de la vie sociale (animation) (pièce n°23), faisant état de la necessité de disposer d'une qualification et de compétences professionnelles spécifiques.

Or, il apparaît à la lecture de son curriculum vitae que Mme [R] [K] épouse [G], en dehors de son métier d'aide-soignante, ne disposait d'aucune autre compétence particulière.

Ainsi, elle ne possédait pas de diplôme, ni d'expérience suffisante, en matière d'animation ou d'accueil, domaines sensiblements différents de la profession qu'elle a exercée jusqu'alors, et nécessitant, pour obtenir les compétences techniques de base, un temps de formation qu'elle ne pouvait acquérir au bénéfice d'une simple adaptation ou d'un aménagement du poste de travail.

Contrairement à ce que soutient la salariée, la société Emera n'avait aucune obligation de lui dispenser une formation qualifiante, quand bien même elle disposait de son propre organisme de formation et prétendait, par ailleurs, vouloir mener une politique inclusive à l'égard des travailleurs handicapés. Elle n'avait pas, non plus, l'obligation d'engager des démarches de maintien dans l'emploi avec l'aide de l'Agefiph ou des conseillers Cap emploi.

Mme [K] épouse [G] ne conteste pas que son employeur a organisé, au delà de son obligation légale, un entretien de reclassement en l'autorisant à être accompagnée d'un représentant du personnel, et qu'il a réuni le comité social et économique de l'entreprise pour échanger avec les représentants du personnel sur les démarches qu'il a vainement réalisées, lesquelles lui ont, ainsi, été exposées à plusieurs reprises, notamment, en dernier lieu, dans la lettre de licenciement du 16 juillet 2019, laquelle est régulièrement motivée quant à l'impossibilité de reclassement.

L'impossibilité de reclassement est caractérisée, en l'espèce, par l'absence de poste disponible compatible avec l'avis et les restrictions du médecin du travail, les capacités professionnelles et les desiderata de la salariée.

Il résulte de tous ces éléments que l'employeur, même s'il n'a proposé aucune offre concrète à la salariée, a exécuté son obligation de reclassement de manière loyale et sérieuse, en respectant strictement les exigences légales, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point et de débouter Mme [K] [R] épouse [G] de sa demande de requalification de son licenciement en licenciement nul.

II. Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Mme [R] [K] épouse [G] considère que son employeur a adopté un comportement déloyal en ne respectant pas les prescriptions du médecin du travail relatives à l'aménagement de son poste de travail, faites, notamment, à l'issue de son 1er accident du travail du 31 mai 2013, en ce qu'il n'a jamais fourni les aides à la manutention, mentionnées dans l'avis du 18 septembre 2013, lui interdisant le port de charges lourdes, de sorte qu'elle a été victime d'un second accident du travail, en se blessant à l'épaule droite, le 26 mai 2014, alors qu'elle tentait de remonter un patient dans son lit. Elle estime que le fait que la Sas Emera [Localité 9] n'ait pas pris en compte sa pathologie, alors qu'elle en avait pleinement connaissance depuis 2013, l'a rendue inapte à son poste d'aide-soignante.

Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

L' article L.1471-1 du code du travail dispose que 'Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.'

Cette disposition n'est toutefois pas applicable aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail (article L.1471-1 alinéa 3 du code du travail).

En l'espèce, il ne saurait être considéré, contrairement à ce qui est indiqué par le conseil de prud'hommes d'Annecy dans le jugement attaqué, que l'action de Mme [K] [R], tendant à obtenir le paiement d'une somme de 5.000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, s'analyse en une action tendant à obtenir réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, sachant qu'elle a saisi, par ailleurs, en date du 30 novembre 2020 (pièce n°22), la juridiction de la sécurité sociale compétente d'une demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur en suite de son accident du travail du 26 mai 2014, de sorte que la prescription biennale trouve bien à s'appliquer.

Les manquements reprochés à l'employeur par Mme [R] [K] épouse [G] concernant la période de septembre 2013 à mai 2014, il convient de constater que l'action introduite, en mars 2020, par cette salariée, qui, avant cette date, n'a jamais émis le moindre grief envers la Sas Emera [Localité 9], alors qu'elle avait nécessairement connaissance, dès cette époque, des faits fautifs allégués, est prescrite.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de ce chef.

III. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Mme [R] [K] épouse [G] succombant en toutes ses prétentions, elle devra supporter la charge des dépens, tant en première instance qu'en cause d'appel.

La demande reconventionnelle de l'employeur, formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera, toutefois, rejetée, au regard de la situation économique de l'appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu le 6 avril 2021 par le conseil de prud'hommes d'Annecy en ce qu'il a :

- Dit et jugé que la Sas Emera [Localité 9] a respecté son obligation de reclassement;

- Débouté Mme [R] [K] épouse [G] de sa demande au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail;

- Condamné Mme [R] [K] épouse [G] aux entiers dépens;

INFIRME le jugement rendu le 6 avril 2021 par le conseil de prud'hommes d'Annecy pour le surplus;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 05 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 21/00923
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;21.00923 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award