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15/12/2022 | FRANCE | N°21/00991

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 15 décembre 2022, 21/00991


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022



N° RG 21/00991 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GWJQ



[T] [M] EPOUSE [C]

C/ Association OFFICE DE TOURISME 73 SAVOIE MONT BLANC





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 09 Avril 2021, RG F 19/00068





APPELANTE :



Madame [T] [M] EPOUSE [C]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par M

e Virginie ROYER, avocat au barreau de CHAMBERY





INTIMEE :



Association OFFICE DE TOURISME 73 SAVOIE MONT BLANC

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représentée par Me Diane REVIL de la SELARL DS-J & ASSO...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022

N° RG 21/00991 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GWJQ

[T] [M] EPOUSE [C]

C/ Association OFFICE DE TOURISME 73 SAVOIE MONT BLANC

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 09 Avril 2021, RG F 19/00068

APPELANTE :

Madame [T] [M] EPOUSE [C]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Virginie ROYER, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

Association OFFICE DE TOURISME 73 SAVOIE MONT BLANC

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Diane REVIL de la SELARL DS-J & ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY, substituée par Me Chrystelle JEANVOINE, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Sophie MESSA

Copies délivrées le :

********

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [T] [M] épouse [C] a été engagée le 2 janvier 2017 par l'Office de tourisme Savoie Mont Blanc sous contrat à durée indéterminée en qualité d'assistante de direction.

Elle percevait un salaire mensuel brut de 1702,91 €, une prime et un treizième mois.

La salariée a été placée en congé maternité du 5 novembre 2017 au 24 février 2018, puis en congé parental du 1er mars 2018 au 2 septembre 2018.

A compter du 3 septembre 2018, la salariée était employée à temps partiel à sa demande.

L'effectif est de deux salariés.

La convention collective des organismes de tourisme est applicable.

Mme [M] a été licenciée par lettre du 10 octobre 2018 pour insuffisance professionnelle.

Contestant son licenciement et faisant état de harcèlement moral, de discrimination et de manquements à l'obligation de sécurité, elle a saisi le conseil des prud'hommes de Chambéry.

Par jugement du 9 avril 2021 le conseil de prud'hommes l'a débouté de ses demandes et laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Mme [M] a interjeté appel par déclaration du 7 mai 2021 au réseau privé virtuel des avocats.

Par conclusions notifiées le 2 décembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, Mme [M] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

statuant à nouveau,

- condamner l'association Office de tourisme 73 Savoie Mont Blanc à lui payer les sommes suivantes :

* 15 000 € nets à titre de de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité,

* 15 000 € nets à titre de de dommages et intérêts pour discrimination ;

* 20 000 € nets à titre de de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse,

* 10 000 € 15 000 € nets à titre de de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en réparation des préjudices résultant de l'atteinte à sa réputation et à son image,

* 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 2500 € du même chef en cause d'appel,

- condamner l'association Offices de tourisme 73 Savoie Mont Blanc aux dépens.

Elle soutient en substance que ses conditions de travail se sont dégradées à sa reprise.

L'employeur a tardé à répondre à sa demande à temps partiel.

Aucun avenant au contrat de travail ne lui a été proposé après sa reprise et elle ne connaissait pas ses horaires de travail.

Elle n'a pas organisé de visite de reprise avec le médecin du travail.

Elle n'a pas bénéficié d'entretien d'orientation professionnelle en violation de l'article L 1225-57 du code du travail.

Le 12 septembre 2018 où elle a rencontré l'employeur, il lui a été proposé non pas un tel entretien, mais une rupture conventionnelle.

Elle a découvert les intentions de l'employeur fortuitement en prenant connaissance d'un compte rendu de réunion du 30 juillet 2018.

Le directeur lui répète qu'elle va être convoquée par le président.

Elle vient alors au travail 'la boule au ventre'.

Elle dénonce cette situation le jour même de l'entretien en adressant à l'employeur un courrier et a renouvelé ses contestations par lettre du 18 septembre 2018 en faisant état qu'il lui est interdit de quitter son poste de travail lors de sa pause et qu'un salarié lui a dit que le directeur voulait mettre un terme au contrat de travail.

Suite à ce contexte de travail, son état de santé s'est dégradé.

Elle fournit des éléments laissant présumer un harcèlement moral.

L'employeur a engagé sa responsabilité en ne réagissant pas aux alertes.

Il n'a mis en place aucun mesure de prévention des risques professionnels.

Ce manquement est au moins établi si le harcèlement moral n'est pas retenu.

L'attitude de l'employeur est liée à son retour de congé d'éducation et à sa demande de temps partiel, elle est discriminatoire.

L'employeur a aussitôt qualifié sa demande de problématique mais légale, il l'a donc accepté en lui proposant aussitôt une rupture conventionnelle.

Il s'agit d'une discrimination en raison de son sexe et sa situation de famille.

Sur les manquements au titre de la gestion comptable, ce grief n'est pas fondé.

En outre elle avait en qualité d'assistante de direction de multiples tâches et ses attributions étaient disproportionnées.

Sur les missions d'organisation et son comportement, aucun élément matériel n'étaye ce grief

Elle n'avait jamais été alertée par l'employeur sur son insuffisance professionnelle prétendue.

Les faits évoqués ne sont que des prétextes pour se débarrasser d'elle.

Le licenciement en raison du harcèlement et de la discrimination subis est nul.

Si le licenciement n'est pas jugé nul, elle demande des dommages et intérêts réparant son préjudice, le barème de l'article L 1235-1 du code du travail sera écarté, l'indemnité maximum prévue n'étant pas adéquate au sens de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail.

Elle n'a pas retrouvé un travail stable, et ne fait que des remplacements dans l'enseignement et perçoit des allocations de retour à l'emploi entre ses périodes de travail et de chômage.

L'employeur en mentionnant dans un compte rendu d'administration destiné à être diffusé, a porté atteinte à sa réputation, ce qui l'empêche désormais d'accéder à un emploi dans ce secteur.

Ces faits justifient l'allocation d'une indemnité réparant son préjudice.

Par conclusions notifiées le 25 octobre 2021 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, l'association Offices de tourisme 73 Savoie Mont Blanc demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce que sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile a été rejetée, et condamner l'appelante à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'embauche de la salariée s'est inscrit dans un contexte de déménagement, impliquant notamment un changement complet de logiciel.

La période d'essai a été consacrée à ce déménagement, et également à la formation comptable de la salariée, celle-ci rencontrant des difficultés dans l'acquisition des connaissances nécessaires à sa mission.

A la fin du mois de juillet 2017, la comptabilité n'était pas à jour, et le cabinet comptable a dû réclamer des pièces comptables le 11 août 2017.

Il était aussi constaté des défaillances dans l'organisation de la bourse d'échange de documentation touristique, ainsi que dans la promotion des formations.

De manière générale la salariée ne prenait pas d'initiatives.

Du fait de ces difficultés le conseil d'administration a décidé que le directeur convoquerait la salariée à son retour de congé parental.

Elle ne s'est pas opposée au temps partiel demandé et la salariée repris le travail à temps partiel du lundi au jeudi.

Convoquée le 12 septembre 2018 la salariée a montré qu'elle ne voulait pas se remettre en cause.

Sur le harcèlement moral, elle a repris le travail le 3 septembre, et a été placée en arrêt de travail le 19 septembre.

L'absence d'avenant de travail ne constitue pas un agissement d'harcèlement moral ; ayant une ancienneté de moins d'une année le temps partiel n'était pas de droit, pourtant elle n'a fait aucune difficulté.

Il était normal que les parties lors de la reprise discutent des horaires et du jour d'absence, au début la salariée acceptait le travail certains vendredi puis a refusé catégoriquement, ce qui explique l'absence de signature de l'avenant.

Sur l'absence de visite médicale, la salariée pouvait en demander une, et une telle absence ne caractérise pas un agissement d'harcèlement moral.

La salariée a bénéficié d'un entretien professionnel à sa reprise, l'entretien du 12 septembre n'avait pas pour objet de discuter d'une rupture conventionnelle.

Ce n'est que lorsque l'employeur a constaté que la salariée ne se remettait pas en cause, qu'il lui a proposé une rupture conventionnelle.

Une telle proposition ne peut constituer un agissement de harcèlement moral.

La salariée n'a jamais dénoncé un harcèlement moral, et il ne peut donc être reproché à l'employeur un manquement à son obligation de sécurité.

Il ne peut se déduire de l'absence de politique de prévention des risques sociaux un harcèlement moral.

Les pauses n'ont pas été supprimées comme soutenu, il a simplement été demandé à la salariée de respecter un temps de pause de vingt minutes.

La salariée ne produit aucun élément sur la prétendue dégradation des conditions de travail.

Elle ne verse que l'arrêt de travail faisant état d'un stress professionnel pour prétendre que son état de santé a été atteint, ce qui n'est pas probant.

Au titre de la discrimination la salariée fait état des mêmes faits que ceux du harcèlement moral.

Si l'employeur a bien considéré qu'un temps partiel serait problématique lors de la réunion du 30 juillet, c'est parce que la salariée demandait de ne pas travailler le vendredi alors que c'est la journée la plus chargée de la semaine.

En tout cas le temps partiel a été accepté, et aucune inégalité de traitement n'est démontrée.

Sur l'atteinte à l'image, la salariée ne produit là encore aucune preuve.

Le licenciement était justifié par l'insuffisance professionnelle, elle n'a pas transmis plusieurs pièces comptables et le cabinet comptable a relevé de nombreuses erreurs. Elle avait pourtant suivi une formation et son CV fait état de connaissances en comptabilité.

La salariée pouvait parfaitement accomplir ces tâches, elle n'était pas surchargée, elle n'a jamais alerté l'employeur à ce sujet.

La mauvaise gestion de la bourse des échanges de documents touristiques lui incombait ainsi que la promotion des formations.

La salariée ne faisait pas preuve d'initiatives et n'était pas motivée.

La demande de dommages et intérêts pour licenciement nul sera rejetée en l'absence d'harcèlement moral et de discrimination.

Si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, la salariée n'établit pas son préjudice.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 4 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La salariée mettant en cause l'employeur pour des faits de harcèlement moral et de discrimination, qui serait à l'origine du licenciement, il convient de rechercher si des agissements de harcèlement moral sont établis et s'ils sont liés au licenciement.

L'article L 1152-1 du code du travail dispose : 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'.

En application de l'article L 1154-1 du code du travail cas de litige, il appartient d'abord au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; l'employeur doit ensuite prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étranger à tout harcèlement.

Le juge doit considérer les faits pris dans leur ensemble pour apprécier s'ils permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'article L 1132-1 du code du travail dispose : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, tels que définis à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement, ou de distributions d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son âge de sa situation de famille ou sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance, ou sa non appartenance vrai ou supposée, à une ethnie , une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français'.

La loi du 27 mai 2008 dispose d'une part que 'constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son appartenance, ou de son non appartenance vrai ou supposée, à une ethnie, ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable et d'autre part que constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'application, pour l'un des motifs mentionnées au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes à moins que cette disposition, le critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés'.

Il appartient au salarié en application de l'article L 1134-1 du code du travail de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments l'employeur doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En cas de harcèlement discriminatoire, un seul acte suffit à laisser présumer l'existence d'une discrimination.

En l'espèce, il est constant que le litige porte sur les conditions dans lesquelles la salariée a obtenu un travail à temps partiel et les conditions de sa reprise.

La salariée ne produit aucun élément faisait état d'un comportement harcelant de l'employeur (reproches, brimades, surveillance, retrait de fonctions...).

Si la salariée n'a pas bénéficié d'une visite médicale de reprise, la salariée pouvait solliciter elle même une visite médicale, ce qu'elle n'a pas fait. L'abstention de l'employeur sur ce point ne constitue pas un agissement d'harcèlement moral.

Mais aucun avenant au contrat de travail n'a été signé.

Le compte rendu de la réunion du conseil d'administration du 30 juillet 2018 indique que 'au-delà de sa demande légale mais problématique pour le fonctionnement d'OT 73 Savoie Mont Blanc et la poursuite des objectifs le président relève plusieurs points qui caractérisent une insuffisance professionnelle :

- manque de rigueur et erreurs constatées dans le suivi comptable,

- incapacité à adopter la posture commerciale nécessaire à la promotion de nos activités (relance des adhérents à participer aux réunions, relances formations...

- manque de détermination, de conviction vis à vis des objectifs fixés par la hiérarchie,

- aucun esprit d'initiative au regard de la mission du suivi qualité tourisme,

Compte tenu des faits et remarques évoqués ci-dessus et de la nécessité d'une équipe compétente et pleinement opérationnelle le président propose au CA de convoquer l'intéressée à un entretien préalable afin d'évoquer avec elle les raisons de son comportement et envisager de solutions pérennes et compatibles aux souhaits et exigence des deux parties, faute de quoi sera envisagée une éventuelle rupture de son contrat de travail soit conventionnelle, soit par licenciement pour insuffisance professionnelle.'.

La salariée produit une lettre du 12 septembre 2018 adressé au président indiquant qu'elle est attérée par l'entretien de ce jour, où il lui a proposé une rupture conventionnelle 'de manière abrupte' sans qu'elle en connaisse les raisons et qu'il lui a été indiqué : 'si je n'acceptais pas mes conditions de travail allaient nettement se dégrader. Elle ajoute qu'elle ne comprend pas cette attitude alors qu'elle n'a jamais démérité dans son travail, elle attend toujours une réponse à son courrier du 13 juin dernier auquel il n'a pas été répondu et pose la question : ' Cela voudrait-il dire que vous aviez déjà l'intention de m'évincer de mon poste de travail ''.

Elle verse au débat le certificat médical d'arrêt de travail mentionnant un stress professionnel.

Elle produit aussi un mail du 18 septembre 2018 adressé au directeur où elle expose que depuis son retour, elle a constaté des changements d'attitude de sa part, comme l'interdiction soudaine de quitter son poste de travail durant ses pauses 'et de celle d'Erich qui m'a clairement fait comprendre que vous vouliez mettre un terme à notre collaboration d'une manière ou d'une autre me démotivent à vous proposer des aménagements.

Au regard de ces éléments pris dans leur ensemble, la salariée établit des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement.

Ces mêmes éléments ainsi que la chronologie de la demande à temps partiel et de la décision de l'employeur de relever l'insuffisance professionnelle alors que la salariée a formé une demande de temps partiel alors qu'auparavant aucun reproche ne lui avait été formulé laissent supposer l'existence d'une discrimination en rapport avec son souhait de bénéficier d'un temps partiel pour motif familial.

Toutefois, le fait que l'employeur discute des horaires de la salariée, ou du jour où la salariée ne travaille pas sont des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, l'employeur étant légitime à définir l'organisation du temps de travail d'un salarié.

L'absence de signature de l'avenant alors même que l'employeur n'était pas opposé sur le principe à un travail à temps partiel est donc justifié par des éléments objectifs.

De même, si l'employeur a soulevé dans un temps contemporain à la demande de temps partiel l'insuffisance professionnelle de la salariée, il verse aux débats plusieurs pièces notamment du cabinet d'expertise comptable faisant état d'erreurs et de non communication de pièces comptables en temps utile.

Ces pièces proviennent d'un tiers, et elles ont conduit l'employeur à s'interroger sur la pérennité du contrat de travail.

Le compte rendu de la réunion du 30 juillet 2018 n'annonce aucune décision de rupture, il souligne juste l'éventualité d'une rupture, en cas d'absence d'évolution.

L'employeur a en tout cas accepté le travail à temps partiel, et aucune attitude discriminatoire ne peut lui être reprochée sur ce point.

La décision d'engager une procédure de licenciement était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral et à toute discrimination, le licenciement reposant sur l'insuffisance professionnelle de la salariée sur laquelle l'employeur fournit des éléments de preuve.

Le licenciement n'est donc pas nul.

Sur la cause réelle et sérieuse, en vertu des articles L 1232-1 et L 1232-6 du Code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement.

Selon les dispositions de l'article L 1235-1 du Code du travail en cas de litige sur le licenciement, le juge, auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement du 10 octobre 2018 fixant les limites du litige expose :

Au cours du premier semestre 2018, nous avons été alertés par notre cabinet d'expertise comptable sur les très nombreuses erreurs et oublis qui vous sont imputables. Notre expert comptable a notamment mis l'accent sur le fait que vous aviez été formé à Inex Web et Inexfact par l'une de ses collaboratrices, formation qui avait par ailleurs été renouvelée à trois reprises.

Le bilan 2017 n'a établi qu'au prix de nombreuses opérations de vérifications et de correction, et de nombreux dépassements de temps par rapport au budget initialement convenu avec notre

cabinet d'expertise comptable.

Nous déplorons également votre manque de rigueur dans les différentes tâches qui vous sont dévolues (relances téléphoniques non faites malgré les directives, difficultés à rendre compte, etc).

De même votre attitude générale n'est pas en adéquation avec les services que nos adhérents sont en droit d'attendre (attitude désagréable à l'égard de certains adhérents, incapacité à adopter une posture commerciale pour promouvoir les services proposés par notre association, etc).

Il ressort de l'attestation de M. [E] directeur que la salariée avait déjà rencontré des difficultés comptables lors de sa période d'essai.

Il avait été mis en place à l'époque une plateforme informatique collaborative.

L'employeur dans ses écritures expose que dès le mois de juillet 2017, 'le directeur a constaté que la comptabilité n'était absolument pas à jour'.

Le mail du 11 août 2017 établit que le cabinet comptable a alerté le directeur sur l'absence de transmission de pièces comptables.

L'expert comptable a ensuite listé en janvier 2018 les pièces manquantes et les erreurs comptables commises.

Il ressort en outre de la lettre de l'expert comptable du 5 octobre 2018 que le cabinet d'expertise comptable avait relevé que le démarrage avait été difficile avec la salariée, la formation Inexweb/inexfact assurée par sa collaboratrice a dû être refaite à trois reprises, que le suivi des règlements clients était déficient, que le cabinet a dû demander plusieurs fois des éléments manquants.

Ces éléments établissent que la salariée connaissait des difficultés dans son travail de comptable.

L'attestation du directeur relate que la salariée connaissait aussi des défaillances dans l'organisation et le suivi des événements ; ainsi elle n'a pas rempli l'objectif de réunir le même nombre de participants à la bourse d'échange de documentations touristiques que l'année précédente, les relances par téléphones ayant été insuffisantes. Le témoin précise qu'elle ne relançait pas suffisamment les invités n'ayant pas répondu et quand elle le faisait c'était sur un ton désagréable.

Si l'insuffisance professionnelle apparaît suffisamment établie avec ces éléments, il reste que l'ancienneté de la salariée dans l'association était peu importante, que déduction faite du congé maternité et du congé parental, elle n'a travaillé que quelques mois.

L'employeur ne l'a pas averti en temps utile, et ne lui a pas donné le temps nécessaire pour remédier à ces difficultés.

Le licenciement est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La salariée a droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle bénéficiait d'une ancienneté d'une année et onze mois et percevait un salaire mensuel de 1702,91 €.

Elle n'a pas retrouvé un emploi d'un niveau salarial semblable. Elle a été au chômage et a perçu des allocations de retour à l'emploi de 28,60 € par jour soit 858 € par mois jusqu'au 30 novembre 2019.

Ses droits à l'allocation de retour à l'emploi ont été renouvelés le 23 juillet 2021. Elle justifie accomplir des contrats à durée déterminée à temps partiel et les allocations de retour à l'emploi lui sont versées quand elle ne travaille pas.

La salariée subit donc un préjudice de perte emploi conséquent.

L'article L 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité entre 0,5 mois et 2 mois maximum de salaire.

Ces dispositions sont conformes à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail, le terme « adéquat » visé à l'article 10 de la Convention signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Il sera dès lors alloué à la salariée des dommages et intérêts de 3686 € (1843 € incluant le salaire de 1702,91 € et la moyenne mensuelle du treizième mois (1702,91 /12 = 149) x 2.

La demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination sera rejetée, aucun harcèlement moral ou discrimination n'ayant été retenu.

Au titre du manquement à l'obligation de sécurité, si l'employeur n'établit pas avoir mis en place des mesures de prévention des risques psychosociaux, la salariée n'établit aucun préjudice sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (atteinte à la réputation et l'image) l'employeur n'a pas été déloyal en rapportant des propos et des avis sur la compétence de la salariée lors d'un conseil d'administration, le directeur étant légitime à rendre compte de l'activité et des difficultés du personnel lors d'une telle réunion. De plus, la salariée n'établit pas que le compte rendu ait été diffusé au delà du conseil d'administration.

La demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale sera dès lors rejetée.

En application de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le versement par l'employeur des indemnités de chômage du jour du licenciement jusqu'au jour du présent arrêt dans la limite de six mois.

La demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera accordée globalement au titre des frais de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement du 9 avril 2021 rendu par le conseil de prud'hommes de Chambéry sauf en ce qu'il n'a pas retenu la nullité du licenciement et débouté Mme [M] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, discrimination, manquement à l'obligation de sécurité, exécution déloyale du contrat de travail ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

DIT que le licenciement de Mme [T] [M] est sans cause réelle et sérieuse ;

en conséquence,

CONDAMNE l'association Offices de tourisme 73 Savoie Mont Blanc à payer à Mme [M] la somme de 3686 € à titre de de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE d'office le remboursement par l'association Offices de tourisme 73 Savoie Mont Blanc à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [M], du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

DIT qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à Pôle Emploi Rhône-Alpes - service contentieux - [Adresse 1] ;

CONDAMNE l'association Offices de tourisme 73 Savoie Mont Blanc aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'association Offices de tourisme 73 Savoie Mont Blanc à payer à Mme [M] une somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 15 Décembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Mme Capucine QUIBLIER, Greffier, pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 21/00991
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;21.00991 ?
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