COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022
N° RG 21/01387 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GXZM
[E] [S]
C/ ASSOCIATION UNEDIC - AGS CGEA D'ANNECY etc...
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'ANNECY
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNEMASSE en date du 24 Juin 2021, RG F 20/00113
APPELANT :
Monsieur [E] [S]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Sandrine ROURE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
INTIMES :
ASSOCIATION UNEDIC - AGS CGEA D'ANNECY
[Adresse 7]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Laetitia GAUDIN de la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY
Maître Roger CHATEL LOUROZ, liquidateur judiciaire de la société ZIA, lui même sous administration provosoire de la SELARL MJ SYNERGIE représentée par Me Bruno WALCZAK
[Adresse 2]
[Localité 4]
sans avocat constitué
S.A.R.L. ZIA dont le siège social est sis [Adresse 3] [Localité 4] prise en la personne de son représentant légal
sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Sophie MESSA,
Exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties
M. [E] [S] a été embauché le 10 mars 2011 par la Sarl Zia par contrat à durée indéterminée en qualité d'homme toutes mains, niveau I, position I, coefficient 150. Il percevait un salaire brut mensuel de 1 365,03 euros pour 35 heures par semaine.
La convention collective des Hôtels, Cafés, Restaurants est applicable.
Par requête du 28 septembre 2020, M. [E] [S] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annemasse aux fins de voir condamner l'employeur à lui payer des rappels de salaire conformément à la qualification professionnelle qu'il estime lui être applicable, des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, des indemnités au titre de l'inexécution de bonne foi du contrat de travail, du non respect des dispositions d'ordre public concernant la durée du travail, du contingent annuel d'heures supplémentaires, du travail dissimulé.
Par jugement du 2 décembre 2020, la Sarl Zia a été placée en liquidation judiciaire et Me Roger Chatel-Louroz sous administration provisoire de la Selarl MJ Synergie a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
M. [E] [S] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement pour motif économique par le liquidateur qui lui a remis les documents afférents au contrat de sécurisation professionnelle le 14 décembre 2020.
M. [E] [S] a accepté ce dispositif, son contrat de travail a été rompu le 4 janvier 2021.
Par jugement en date du 24 juin 2021, le conseil de prud'hommes d'Annemasse a débouté M. [E] [S] de l'ensemble de ses demandes et mis les dépens à sa charge.
Par déclaration reçue au greffe le 2 juillet 2021 par RPVA, M. [E] [S] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 octobre 2021, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, M. [E] [S] demande à la cour de :
- infirmer en tout point le jugement rendu,
statuant à nouveau,
- condamner la Sarl Zia, représentée par Me Roger Chatel-Louroz sous administration provisoire de la Selarl MJ Synergie ès qualité de liquidateur judiciaire à lui payer sur la liquidation judiciaire de la société Zia les sommes suivantes :
* 3940,90 euros de rappel de salaire correspondant à l'application d'une classification niveau 2, échelon 3,
* 33957,36 euros au titre des heures supplémentaires,
* 12314 euros au titre des congés payés obligatoires selon l'article L.223-11 du code du travail,
* 5000 euros pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,
* 5000 euros pour non-respect des dispositions d'ordre public concernant la durée hebdomadaire et journalière de travail,
* 3000 euros au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires,
* 9855,51 euros bruts pour travail dissimulé,
* 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire la décision opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy, intervenant conformément à l'article L.625-1 du code de commerce,
- dire que l'AGS doit garantir le paiement des créances de M. [E] [S] dans le cadre des plafonds prévus par la loi,
- dire que l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy devra procéder à l'avance de toutes les créances,
- dire que l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy est tenu de relever garantie des créances au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des astreintes prononcées,
- condamner la Sarl Zia représentée par Me Chanel-Lourez sous administration provisoire de la Selarl MJ Synergie es qualité de liquidateur judiciaire aux dépens,
- d'ordonner l'exécution provisoire.
Au soutien de ses demandes, M. [E] [S] indique qu'il effectuait des tâches plus variées que celles prévues par le niveau 1 échelon 1 de la grille de classification de la convention collective, à savoir des tâches de serveur, de ménage et de rangement du restaurant. Il était autonome sans contrôle direct, il était serveur et responsable de salle. Son emploi correspondait donc à minima au niveau 1 échelon 3.
Ses bulletins de salaire depuis novembre 2013 indiquent la fonction de serveur et responsable de salle. Son salaire est cependant resté le même.
L'article 34 de la convention collective indique que l'emploi de serveur correspond à un niveau 2, échelon 3, cette fonction est rémunérée au taux horaire de 10,83 euros de l'heure.
Il travaillait 51 heures par semaine, soit 204 heures par mois alors qu'il percevait un salaire de 1 521,25 euros brut par mois pour un contrat de 35 heures. Il effectuait 16 heures supplémentaires par semaine.
L'employeur doit pouvoir justifier des horaires qu'il a effectués.
Il a sollicité à plusieurs reprises le paiement de ses heures supplémentaires auprès de son employeur, sans succès.
Il travaillait six jours sur sept.
La Direccte a relevé l'absence de documents de décompte individuel de la durée du travail, ce qui constitue une infraction.
Il a effectué 576 heures supplémentaires sur trois ans, les quatre premières heures sont majorées à 15%, les quatre autres à 25% et les autres heures à 50%.
Le travail dissimulé est avéré car le nombre d'heures de travail inscrit sur ses bulletins de salaire est inférieur au nombre qu'il a réellement effectué, l'employeur les a intentionnellement dissimulées.
Il n'a quasiment jamais eu le droit de prendre de congés.
Son employeur le menaçait de le licencier, il était dans une position difficile étant détenteur d'une carte de séjour. Sa famille vit au Bangladesh.
Il n'a pris que quelques jours de congés pour maladie.
Il n' a reçu aucune indemnité pour les congés payés obligatoires qu'il n'a pas utilisés.
Lors de ses congés du 19 novembre 2017 au 28 janvier 2018 et du 2 avril 2019 au 21 mai 2019, il n'a perçu aucune indemnité.
Selon la jurisprudence, il peut solliciter des dommages et intérêts à hauteur de son préjudice, cette indemnité peut être égale à l'indemnité compensatrice de congés payés.
Selon la convention collective les salariés bénéficient de deux jours de repos hebdomadaires consécutifs ou non. Les jours de repos non pris doivent être compensés plus tard.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 novembre 2021, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy demande à la cour de :
- dire et juger sa décision uniquement opposable à Me Chanel-Lourez sous administration provisoire de la Selarl MJ Synergie es qualité de liquidateur judiciaire intervenant conformément à l'article L625-3 du code de commerce,
- confirmant le jugement déféré,
- débouter M. [E] [S] de toutes ses demandes,
En tout état de cause,
- dire et juger que la procédure de liquidation judiciaire de la société Zia a interrompu de plein droit le cours des intérêts en application de l'article L.622-28 du code de commerce,
- dire et juger que Me Chanel-Lourez sous administration provisoire de la Selarl MJ Synergie es qualité de liquidateur judiciaire ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail,
- dire et juger que l'indemnité qui serait fixée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ou sur la loi du 10 juillet 1991 relative à la juridictionnelle et les dépens ainsi que l'astreinte qui serait prononcée doivent être exclus de la garantie de Me Chanel-Lourez sous administration provisoire de la Selarl MJ Synergie es qualité de liquidateur judiciaire, les conditions spécifiques de celle-ci n'étant pas réunies notamment au visa de l'article L.3253-6 du code du travail,
- dire et juger que la garantie de Me Chanel-Lourez sous administration provisoire de la Selarl MJ Synergie es qualité de liquidateur judiciaire est encadrée par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail qui prévoient, pour toutes causes de créances confondues, le principe du plafond de garantie de l'AGS applicable aux créances qui ont été et qui seraient fixées au bénéfice de M. [E] [S] au titre de son contrat de travail,
- dire et juger que l'obligation de Me Chanel-Lourez sous administration provisoire de la Selarl MJ Synergie es qualité de liquidateur judiciaire de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- condamner M. [E] [S] aux dépens.
L'AGS a réglé les demandes d'avance reçues de la part de l'étude [Z] [T] pour le bénéfice de M. [E] [S] et au titre de :
- 2 151,17 euros de salaires du 1er septembre 2020 au 1er décembre 2020,
- 634,14 euros de salaire du 02 au 14 décembre 2020,
- 1 052, 34 euros de salaire de délai de réflexion CSP du 15 décembre 2020 au 4 janvier 2021,
- 3 694, 68 euros d'indemnité compensatrice de congés payés du 1er juin 2018 au 4 janvier 2021,
- 4 144 euros d'indemnité de licenciement,
Au soutien des ses demandes l'AGS-CGEA indique que le salarié n'a aucune action directe contre elle.
L'article 34 fait référence à la prise en compte du certificat de qualification professionnelle et de l'expérience professionnelle. M. [E] [S] n'a pas de certificat de qualification professionnelle.
Le niveau 2 échelon 3 réclamé par l'appelant suppose une formation équivalente au CAP ou BEP, l'exécution de tâches plus variées et complexes que le niveau 1 et le salarié n'a pas d'assistance hiérarchique permanente ou immédiate. L'appelant ne justifie de rien, il ne verse aucun diplôme et ne démontre aucune expérience professionnelle.
La jurisprudence juge que le salarié doit apporter des éléments suffisants pour étayer sa demande relative aux heures supplémentaires.
Conformément à l'article L.3121-20 du code du travail, un décompte hebdomadaire d'heures doit être opéré.
La jurisprudence considère qu'un tableau manuscrit établi par le salarié après son licenciement, non corroboré par d'autres éléments, n'étaye pas sa demande.
Les attestations versées par l'appelant proviennent d'amis extérieurs.
Le salarié ne produit aucun décompte d'heures. Il ne fait que des demandes au mois.
Alors qu'il se trouve en congés sans solde entre le 2 avril et le 22 mai 2019, le salarié se compte 16 heures supplémentaires. Idem pour la période du 19 novembre 2017 au 28 janvier 2018 pendant laquelle il était en congés.
La salarié a pris 51 jours de congés du 2 avril au 22 ami 2019 et 70 jours du 20 novembre 2017 au 28 janvier 2018.
Il indique travailler 8h30 par jour, or il ne décompte pas les heures de déjeuner et de dîner.
Il ne démontre pas de préjudice concernant sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat.
L'indemnité de travail dissimulé n'est pas automatique et ne repose pas sur de simples suppositions. L'article L.8223-1 du code du travail dit que cette indemnité repose sur la réalisation d'un délit intentionnel sanctionner économiquement et sa démonstration doit être faite à l'exclusion de tout doute. La jurisprudence considère que le délit ne peut être puni que s'il y a intention de le commettre.
Le salarié ne démontre pas l'existence de l'élément matériel et intentionnel de l'infraction.
La Selarl MJ Synergie es qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Zia, à laquelle la déclaration d'appel et les actes de procédure ont été régulièrement signifiés par actes d'huissier du 9 septembre 2021 et 4 novembre 2021, ne s'est pas constituée et n'a pas conclu.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 1er avril 2022. Le dossier a été fixé à l'audience de plaidoirie du 8 septembre 2022. A l'issue, la décision a été mise en délibéré au 27 octobre 2022, délibéré prorogé au 10 novembre 2022.
Motifs de la décision
Sur le rappel de salaire
Il résulte d'une jurisprudence constante que la qualification professionnelle d'un salarié et sa classification dépendent des fonctions qu'il exerce réellement, fonctions qu'il incombe au juge de rechercher et à celui qui revendique une classification de démontrer. La mention d'une qualification sur le bulletin de paie n'est qu'un indice qui ne saurait suffire à établir que le salarié remplit les conditions exigées pour la revendiquer (Cass soc 20 mars 2007, n°05-43.824).
En l'espèce, les bulletins de paie mentionnent depuis 2013 que le salarié occupe un emploi de serveur. Ils mentionnent par ailleurs depuis son embauche une classification au Niveau I échelon 1.
M. [E] [S] demande que lui soit reconnue la classification au niveau II échelon 3, qui nécessite selon la convention collective que le salarié justifie d'un 'BEP ou équivalent accompagné d'une expérience prolongée et confirmée (environ 2 ans)'.
Or M. [E] [S] ne justifie d'aucun diplôme, il ne peut donc revendiquer cette classification. Il ne produit aucun élément de nature à justifier les fonctions qu'il exerçait réellement dans le cadre de son travail de serveur.
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 34 de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants que 'les salariés classés à l'échelon 1 du niveau I, justifiant de 3 ans de service continus, décomptés à partir de la signature de la présente convention, bénéficieront, dans cette entreprise, d'un échelon supplémentaire'.
M. [E] [S] remplissait ainsi les conditions pour se voir attribuer l'échelon 2 du niveau I.
M. [E] [S] est en droit de solliciter un rappel de salaire, au titre de sa nouvelle classification, sur les trois dernières années depuis sa requête devant le conseil de prud'hommes du 28 septembre 2020.
En application des dispositions des avenants à la convention n°25 du 9 juin 2017 et n°28 du 13 avril 2018 relatifs aux salaires minima conventionnels, il était en droit de percevoir un salaire horaire brut de 9,90 euros pour les années 2017 et 2018, et de 10,03 euros pour les années 2019 et 2020.
Sa créance au titre du rappel de salaire entre octobre 2017 et septembre 2020 sera donc fixée, sur la base des 35 heures de travail portées à son contrat de travail et figurant sur les fiches de paie correspondantes, à 54,60 euros, outre 5,46 euros de congés payés afférents.
La décision sur ce point du conseil de prud'hommes sera donc infirmée.
Sur les heures supplémentaires
L'article L3171-4 du code du travail énonce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments.
En l'espèce, M. [E] [S] soutient qu'il travaillait systématiquement 8h30 par jour six jours sur sept et effectuait donc 16 heures supplémentaires par semaine. Dans un courrier adressé à l'employeur le 25 février 2020, son conseil évoque le fait qu'il travaille du lundi au samedi de 11 heures à 14 heures 30 et de 18 heures à 23 heures ou minuit le vendredi et samedi.
Il produit une attestation de M. [W], qui indique être hébergé à son domicile depuis mars 2020 et que M. [E] [S] effectue des heures supplémentaires et travaille six jours par semaine. Il ne précise pas s'il a ou non constaté ce fait, ou si cette affirmation résulte des seules déclarations que le salarié lui aurait faites.
M. [E] [S] produit également une attestation de M. [V], ex-collègue, selon laquelle 'le travail en extra n'était pas payé'.
Il produit enfin une attestation de M. [L] qui indique avoir travailler pendant neuf jours en 2016 pour l'employeur de M. [E] [S] et avoir constaté 'qu'il y avait des soucis avec le serveur au niveau des congés payés et heures supplémentaires'.
Il doit par ailleurs être constaté que M. [E] [S] soutient avoir effectué 16 heures supplémentaires par semaine chaque semaine y compris durant la période de confinement de mars à avril 2020, ce qui paraît particulièrement improbable. Ses fiches de paie portent la mention 'absence activité partielle' sur ces trois mois, fiches de paie qu'il n'a jamais contestées.
En outre, il reconnaît (courrier de son conseil à l'employeur du 25 février 2020) avoir pris des congés du 19 novembre 2017 au 28 janvier 2018 ainsi que du 2 avril 2019 au 21 mai 2019, tout en revendiquant également sur ces périodes d'avoir effectué16 heures supplémentaires par semaine.
Ces erreurs manifestes et sérieuses conjuguées à l'apparence d'un caractère 'forfaitaire' pour les heures supplémentaires sollicitées et au caractère général et imprécis du contenu des attestations produites conduisent à considérer que M. [E] [S] ne produit pas d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre utilement à sa demande.
La décision du conseil de prud'hommes sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du contingent d'heures supplémentaires.
Sur le travail dissimulé
M. [E] [S] fondait sa demande de dommages et intérêts sur la dissimulation des heures supplémentaires qu'il soutenait avoir effectuées. La demande du salarié portant sur les heures supplémentaires étant rejetée, il doit être également débouté de sa demande au titre du travail dissimulée. La décision sur ce point du conseil de prud'hommes est donc confirmée.
Sur l'inexécution de bonne foi du contrat de travail
Aux termes des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce le salarié n'a développé au sein de ses conclusions aucun moyen au soutien de sa demande au titre de l'inexécution de bonne foi du contrat de travail, ce qui ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur le bienfondé de sa demande.
En conséquence, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. [E] [S] de sa demande à ce titre.
Sur le non respect des dispositions concernant la durée de travail hebdomadaire et journalière
Le salarié n'a, là encore, développé au sein de ses conclusions aucun moyen au soutien de cette demande, ce qui ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur le bienfondé de sa demande.
En conséquence, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. [E] [S] de sa demande à ce titre.
Sur les congés payés non pris
Il appartient à l'employeur de « veiller concrètement et en toute transparence à ce que le travailleur soit effectivement en mesure de prendre ses congés annuels payés, en l'incitant, au besoin formellement, à le faire, tout en l'informant de manière précise et en temps utile pour garantir que lesdits congés soient encore propres à garantir à l'intéressé le repos et la détente auxquels ils sont censés contribuer, de ce que, s'il ne prend pas ceux-ci, ils seront perdus à la fin de la période de référence ou d'une période de report autorisée. La charge de la preuve à cet égard incombe à l'employeur (Cass. soc., 22 sept. 2021, n° 19-17.046, citant CJUE, 6 nov. 2018, Aff. C-684/16, points 45 et 46).
Il appartient ainsi à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement (Cass soc 13 juin 2012, n°11-10.929; 21 septembre 2017, n°16-18.898; 9 mai 2019, n°17-27.448).
Par ailleurs, il résulte de l'article D 3141-3 du code du travail que les absences autorisées ne peuvent être déduites du congé annuel.
Ainsi, les congés sans solde dont a bénéficié M. [E] [S] ne sauraient venir en déduction des congés payés dont il était en droit de bénéficier.
L'AGS-CGEA soutient que M. [E] [S] a perçu une indemnité compensatrice de congés payés de 3694,68 euros pour la période du 1er juin 2018 au 4 janvier 2021. Cependant, l'indemnité compensatrice de congés payés n'a vocation qu'à compenser les jours de congés acquis mais non utilisés durant la période de référence (en l'espèce de juin à mai) en cours en cas de rupture du contrat de travail. En l'espèce, l'indemnité compensatrice de préavis versée ne pouvait que concerner la période de référence courant de juin 2020 jusqu'à la rupture du contrat de travail le 4 janvier 2021.
En l'espèce, le salarié sollicite la réapration du préjudice résultant de l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de bénéficier de ses congés payés annuels, et donc de la privation d'un temps de repos, sous forme de dommages et intérêts.
La fiche de paie de novembre 2018 produite par le salarié mentionne que celui-ci a pris 26 jours de congés payés entre le 1er et le 30 novembre 2018. En regard de cette mention figure une mention manuscrite 'Faux. Présent. Fausse déclaration. Registre de réserv°'. Cependant, le salarié ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'il n'aurait jamais bénéficié des congés payés mentionnés sur cette fiche de paie, alors même qu'il n'avait jamais auparavant contesté la véracité de cette dernière.
Par ailleurs, l'employeur ne produit aucune pièce de nature à justifier qu'il a respecté l' obligation qui pèse sur lui d'assurer au salarié la possibilité de prendre ses congés payés annuels entre décembre 2018 et mai 2020. Les fiches de paie ne mentionnent aucune prise de congés payés sur cette période. L'employeur ne justifie pas que le salarié aurait volontairement renoncé à la prise de ses congés sur cette période.
Compte-tenu de ces éléments, la décision du conseil de prud'hommes sur ce point sera infirmée et la créance de M. [E] [S] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation de ses congés payés annuels sera fixée à 3000 euros.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Maître Roger Chatel-Louroz sous administration provisoire de la Selarl MJ Synergie ès qualité de liquidateur judiciaire sera condamné aux dépens d'appel.
La créance de M. [E] [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera fixée à 1500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare recevable M. [E] [S] en son appel,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Annemasse du 24 juin 2021 en ce qu'il a débouté M. [E] [S] de ses demandes:
- au titre des heures supplémentaires et du contingent annuel d'heures supplémentaires,
- au titre de l'inexécution de bonne foi du contrat de travail,
- au titre du non-respect des dispositions d'ordre public concernant la durée hebdomadaire et journalière de travail,
- au titre du travail dissimulé,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau:
Fixe la créance de M. [E] [S] dans le cadre de la liquidation judiciaire de la Sarl Zia à:
- 54,60 euros, outre 5,46 euros de congés payés afférents, au titre du rappel de salaire afférant à la requalification,
- 3000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des congés payés non pris,
Y ajoutant:
Dit que ces sommes seront inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Zia,
Dit que le présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS-CGEA d'Annecy ;
DIT que la procédure collective a interrompu de plein droit les intérêts par application de l'article L 622-28 du code de commerce,
DIT que Maître Roger Chatel-Louroz sous administration provisoire de la Selarl MJ Synergie sera tenu de procéder au règlement de ces créances et que faute de fonds disponibles, il devra adresser à l'Unedic délégation AGS-CGEA d'Annecy les relevés de créances prévues par les articles L 3253-19 et L 3253-20 du code du travail,
Dit que l'Unedic délégation AGS-CGEA d'Annecy ne devra sa garantie que dans les cas et conditions définies par L 3253-8 du code du travail et dans la limite des plafonds légaux prévue par les articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,
Condamne Maître Roger Chatel-Louroz sous administration provisoire de la Selarl MJ Synergie ès qualité de liquidateur judiciaire aux dépens,
Fixe au passif de la Sarl Zia la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 10 Novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Mme Sylvie DURAND, faisant fonction de Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président