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18/10/2022 | FRANCE | N°21/00746

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 18 octobre 2022, 21/00746


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE







ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022



N° RG 21/00746 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVMQ



[R] [O]

C/ SARL TRANSPORTS FAB



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 25 Février 2021, RG F 19/00121





APPELANT :



Monsieur [R] [O]

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Alissia ARSAC, avocat au barreau de CHAMBERY substituant Me Caroline AVRILLON

, avocat au barreau d'ANNECY





INTIMEE :



SARL TRANSPORTS FAB

dont le siège social est sis [Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal



Représentée...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022

N° RG 21/00746 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVMQ

[R] [O]

C/ SARL TRANSPORTS FAB

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 25 Février 2021, RG F 19/00121

APPELANT :

Monsieur [R] [O]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Alissia ARSAC, avocat au barreau de CHAMBERY substituant Me Caroline AVRILLON, avocat au barreau d'ANNECY

INTIMEE :

SARL TRANSPORTS FAB

dont le siège social est sis [Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELAS RTA AVOCATS, avocat plaidant au barreau de THONON-LES-BAINS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 15 Septembre 2022 par Monsieur Frédéric PARIS, Président de chambre, à ces fins désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier,

et lors du délibéré par :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

********

Faits et procédure

M. [R] [O] a été engagé par la Sarl Transport FAB sous contrat à durée indéterminée du 25 juillet 2016, en qualité de chauffeur-livreur, statut non-cadre, coefficient 120, niveau M de la convention collective nationale des transports routiers.

Le 8 décembre 2016, le salarié a été agressé par un collègue de travail, M. [I] [T].

M. [O] a déposé plainte contre M. [T], il a été reconnu coupable des faits de violence ayant entraîné aucune incapacité de travail et a été condamné à une amende contraventionnelle de 100 € par ordonnance pénale du 3 octobre 2018 du le tribunal de police d'Annecy.

Le 16 mars 2017, le salarié a été agressé par un autre collègue, M. [S] [V].

À compter du 16 mars 2017, M. [R] [O] a été placé en arrêt de travail, qui a fait l'objet de plusieurs prolongations, jusqu'au 31 mai 2018.

L'employeur a transmis à la caisse le 21 mars 2017 une déclaration d'accident du travail.

Le 10 mai 2017, la CPAM ne reconnaissait pas le caractère professionnel de l'accident déclaré par M. [O]

Le 1er juin 2018, le salarié effectuait sa visite médicale de reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail l'a déclaré inapte à tout poste.

Par courrier du 7 juin 2018, le salarié était convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement.

Par lettre du 28 juin 2018, il était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête du 16 mai 2019, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annecy afin que lui soit réglé le reliquat de ses heures supplémentaires dues ainsi que certaines indemnités de grand déplacement.

Par jugement en date du 25 février 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que la Sarl Transport FAB. a manqué à son obligation d'assurer le respect de la santé et de la sécurité de M. [O] durant l'exécution de son contrat de travail,

- condamné la Sarl Transport FAB à verser à M. [O] la somme de 3 000 € nets en réparation du préjudice subi,

- dit et jugé que la Sarl Transport FAB n'a pas organisé de visite médicale à l'embauche au profit de M. [O],

- condamne la Sarl Transport FAB à verser à M. [O] la somme de 200 € nets en réparation du préjudice subi,

- dit et jugé que l'inaptitude médicale de M. [O] est d'origine professionnelle,

- en conséquence, condamné la Sarl Transport FAB à verser à M. [O] les sommes suivantes:

* 400 € nets à titre de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement,

* 1 724 € bruts à titre d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis,

- condamné la Sarl Transport FAB à payer à M. [O] la somme de 3 448 € nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [O] de ses demandes portant sur les heures supplémentaires et sur l'indemnité de grand déplacement,

- dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement,

- débouté M. [O] de sa demande de remise de son contrat de travail,

- condamné la Sarl Transport FAB à remettre à M. [O] l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail rectifiés sous 15 jours à compter de la notification du présent jugement sous astreinte provisoire de 20 € par jour et par document,

- réservé le droit de liquider la présente astreinte,

- débouté M. [O] de sa demande de remise des bulletins de salaire pour les mois compris entre janvier et mai 2018 inclus,

- condamné la Sarl Transport FAB à payer à M. [O] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes de nature salariale et les documents obligatoires,

- rejeté les demandes reconventionnelles de la Sarl Transport FAB,

- débouté la Sarl Transport FAB de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Transport FAB aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 6 avril 2021 par le réseau privé virtuel des avocats, M. [O] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a condamné la Sarl Transport FAB à lui payer la somme de 3 448 € nets au titre d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a débouté de ses demandes portant sur les heures supplémentaires et sur l'indemnité de grand déplacement.

La Sarl Transport FAB a formé appel incident le 1er octobre 2021.

Dans ses conclusions notifiées le 19 janvier 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, M. [O] demande à la cour de:

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

* dit et jugé que la Sarl Transports FAB a manqué à son obligation d'assurer le respect de sa santé et de sa sécurité durant l'exécution de son contrat de travail,

* en conséquence, condamner la Sarl Transports FAB. à lui payer la somme de 3000 € nets en réparation du préjudice subi,

* constaté que la Sarl Transports FAB n'a pas organisé de visite médicale à l'embauche à son profit,

* en conséquence : condamner la Sarl Transports FAB à lui payer la somme de 200 € nets en réparation du préjudice subi,

* dit et jugé que l'inaptitude médicale est d'origine professionnelle,

- condamner la Sarl Transports FAB à lui payer les sommes suivantes :

* 400 € nets à titre de reliquat d'indemnité spéciale le licenciement,

* 1724 € bruts à titre d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis,

- infirmer le jugement rendu pour le surplus et statuant à nouveau,

- condamner la Sarl Transports FAB. à régler la somme de 10 344 € nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la Sarl Transports FAB à lui payer la somme de 2062 € bruts de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées entre les mois de septembre 2016 et mars 2017 outre 206 € bruts au titre des congés payés afférents,

- condamner la Sarl Transports FAB à payer à M. [O] la somme de 501,12 € nets au titre des indemnités de grand déplacement au mois de mars 2017,

en tout état de cause :

- condamner la Sarl Transports FAB à lui payer la somme de 2200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la Sarl Transports FAB de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl Transports FAB aux dépens.

Il soutient qu'il n'a pas bénéficié d'une visite médicale d'embauche obligatoire.

La société n'a pas respecté son obligation de santé sécurité, suite à sa première agression, un entretien a lieu mais M. [I] [T] a continué de s'en prendre à lui.

Le 16 mars 2017, il était de nouveau agressé par un collègue, M. [S] [V].

Ce dernier lui avait adressé un message menaçant avant de l'agresser. La société a été informée des faits et n'a pas réagi.

Il a déposé plainte le 17 mars 2017 contre M. [V].

Le médecin urgentiste a constaté les diverses lésions qu'il a subi.

Il a subi des douleurs physiques et des séquelles psychologiques, son médecin traitant a prolongé son arrêt de travail.

Le 29 mars 2017, le médecin du travail préconisait une prolongation de l'arrêt.

L'employeur a rempli une déclaration d'accident du travail en indiquant : 'mal au dos'.

Il a contesté la décision de refus de la CPAM, le jugement du 25 juillet 2019 du tribunal de grande instance d'Annecy a reconnu qu'il avait été victime d'un accident du travail.

Le salarié a informé son employeur de la dégradation de ses conditions de travail et de l'impact sur sa santé, par messages et courriers.

L'employeur avait connaissance du lien de causalité entre l'état de santé du salarié et son travail. Il réclame six mois de salaire conformément à l'article L.1226-15 du code du travail pour la violation des règles relatives à l'inaptitude d'origine professionnelle.

Il a été licencié à 67 ans et ne perçoit qu'une pension de 823,50 € nets par mois car il avait un emploi-retraite. Il est difficile pour lui de retrouver un emploi et sa santé reste impactée.

Des heures supplémentaires pour le mois de septembre 2016 lui sont dues, il avait jusqu'en septembre 2019 pour demander le paiement de ces heures. Ayant saisi le conseil de prud'hommes d'Annecy le 16 mai 2019, sa demande n'était pas prescrite.

Les bulletins de paie du salarié indiquent 171,67 heures travaillées par mois, 20 heures supplémentaires étaient rémunérées au salarié chaque mois.

Compte tenu de son poste, il percevait une indemnité de grand remplacement, sauf en mars 2017 alors qu'il a travaillé 12 jours.

Cette demande n'est pas prescrite, même si la prescription biennale est retenue, le salarié ne s'est aperçu de l'absence de versement de ses indemnités que le 22 mai 2017.

Dans ses conclusions notifiées le 1er octobre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la Sarl Transports FAB demande à la cour de :

- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée à solliciter la réformation du jugement rendu sauf en ce qu'il a débouté M. [O] de ses demandes portant sur les heures supplémentaires et sur l'indemnité de grand déplacement, de remise de son contrat de travail et de remise des bulletins de salaire pour les mois compris entre janvier et mai 2018 inclus,

et statuant à nouveau,

- dire et juger que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit,

en conséquence,

- dire et juger les demandes de M. [O] relatives au rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et à l'indemnité de grand déplacement irrecevables car prescrites,

en toute hypothèse,

- dire et juger les demandes de M. [O] relatives au rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et aux indemnités de grand déplacement mal fondées,

- dire et juger que M. [O] ne rapporte nullement la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle aurait eu connaissance de l'origine professionnelle de son accident ou aurait manqué à son obligation d'assurer sa sécurité et sa santé,

- dire et juger que M. [O] ne rapporte nullement la preuve, qui lui incombe, que l'accident dont il a été victime est survenu par le fait ou à l'occasion du travail,

- dire et juger que la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de refuser de prendre

en charge au titre de la législation professionnelle l'accident du 16 mars 2017 lui est acquise,

- en conséquence,

- dire et juger le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle de M. [O] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- dire et juger qu'elle a d'ores et déjà communiqué M. [O] son contrat de travail ainsi que ses bulletins de salaire des mois de janvier à mai 2018,

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses fins, demandes et conclusions,

- condamner M. [O] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'instance et d'appel au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, Avocats Associés, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance que préalablement à son embauche, le salarié exerçait des fonctions identiques pour une autre société de transport qui a dû organiser une visite médicale d'embauche, donc la visite n'était pas requise conformément à l'article R.4624-15 du code du travail.

Les documents de fin de contrat ont été adressés au salarié dans les temps.

Selon l'article L.1471-1 du code du travail toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exécuter son droit.

Le salarié a eu connaissance des faits à réception de son salaire et de ses bulletins de paie.

Les demandes sont donc prescrites.

La jurisprudence considère que le salarié doit apporter préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires.

Ils doivent être précis, or le salarié n'apporte qu'un document établi par lui-même.

La demande relative aux indemnités de grand déplacement est également prescrite conformément à l'article L.1471-1 du code du travail.

Le salarié percevait une indemnité de grand déplacement que lorsque cela était justifié, en mars 2017 il n'y était pas éligible.

Lorsqu'un salarié qui s'est vu refuser une prise en charge au titre de la législation professionnelle, obtient gain de cause en formant un recours à l'encontre de la décision de la CPAM, la décision de refus de prise en charge reste considérée comme acquise à l'employeur.

Un salarié ne peut retrouver le bénéfice de la législation protectrice applicable au salarié victime d'accident du travail, que si ce salarié a préalablement informé l'employeur, ce n'est pas le cas en l'espèce.

La jurisprudence estime que quelque soit la décision prise par la CPAM, le juge doit apprécier si l'inaptitude du salarié a ou non une origine professionnelle.

Le salarié doit rapporter la preuve que l'accident dont il a été victime est survenu par le fait ou à l'occasion du travail et est dû à un manquement préalable de l'employeur qui a provoqué l'accident à l'origine de l'inaptitude.

La jurisprudence considère que le salarié doit apporter la preuve du lien de cause à effet entre la lésion psychologique et le travail.

La responsabilité de l'employeur, comme commettant de l'auteur de l'accident, ne peut être engagée que si la victime est frappée pour des motifs d'ordre professionnel.

M. [R] [O] n'apporte pas la preuve d'un message menaçant de la part de M. [I] [T], l'employeur les a réuni et à inciter ce dernier à s'excuser.

Le contrat à durée déterminée de M. [T] n'a pas été renouvelé.

La deuxième agression n'a pas eu lieu sur le lieu de travail mais sur une terrasse de café. Il ne s'agit pas d'un accident du travail.

Le salarié ne démontre aucun lien de causalité entre l'accident et l'inaptitude, un an s'est écoulé entre les deux événements, ni avoir alerté son employeur sur ses difficultés relationnelles.

L'employeur a reçu M. [R] [O] et M. [I] [T] après la première altercation et il a reçu M. [O] suite à son courrier du 31 mars 2017 après la deuxième.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 1er avril 2022.

Motifs de la décision

L'employeur, tenu en application de l'article L.4121-1 du code du travail d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité et établir en cas de litige avoir mis en oeuvre de tous les moyens de prévention des risques professionnels, tant sur le plan collectif qu'individuel.

Le juge doit apprécier le comportement de l'employeur au regard des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis, notamment la pertinence des mesures de prévention et de sécurité prises au regard des risques qu'il connaît ou qu'il aurait dû connaître.

Il n'est pas discuté que le salarié a été victime d'une agression en décembre 2016 commise par un collègue de travail, M. [T].

Le salarié et M. [T] ont été convoqués par l'employeur.

Il ressort de la lettre du salarié en date du 30 mars 2017 qu'après ce rendez-vous l'employeur l'a appelé pour lui dire que M. [T] regrettait et qu'il allait s'excuser le lendemain.

L'employeur ne verse aucune pièce établissant les diligences et les mesures mis en place après cette agression, et de s'être assuré notamment que le salarié ne subirait plus à l'avenir de violences ou de menaces alors même qu'il n'est pas discuté que l'employeur avait confié au salarié la responsabilité du quai où était chargé les camions.

Or le salarié a suite à ces faits été menacé par M. [T] qui lui a envoyé un sms le 20 décembre 2016 au terme duquel ce dernier lui dit qu'il sait où il 'crèche' et 'on va s'amuser'...'je n'ai aucune pitié pour un gars comme toi. Tu le sauras bien un jour mon garçon mais tu t tromper dpersonne sur qui porter plainte. Je te laisse réfléchir...à ta place j'irais enlever cette plainte...Surtout sois concien et soit bien conssien bien comme il faut...je vais devenir ton pire cauchemard petit enculer!!!...

M. [T] a été condamné pénalement au titre des faits de décembre 2016 par ordonnance du 3 octobre 2018 rendue par le tribunal de police d'Annecy.

Le salarié a de plus été victime d'une deuxième agression particulièrement violente commise le 16 mars 2017 encore une fois par un collègue de travail, M. [V].

A la suite de cette deuxième agression, l'employeur a écrit au salarié une lettre du 7 avril 2017 dans laquelle il expose qu'il espère que le salarié poursuive son travail au sein de la société, et que concernant 'les sanctions disciplinaires que vous revendiquez envers les salariés, permettez moi de vous rappeler qu'il existe des règles qui s'imposent dans toute l'entreprise à travers le règlement intérieur qui est obligatoire. Je vous propose qu'on ne parle à tête reposée le mercredi 17 avril...'.

Le salarié produit un sms qu'il a transmis à l'employeur montrant que M. [V] l'avait quelques jours avant les faits menacé dans les termes suivants : Pour les chaussures, j'en aurai pas demain, mais lundi [K] me les paye...Tu sais ce qu'on fait aux balances '' Répond.'.

Il verse aussi un autre sms du 21 mars 2017 qu'il a envoyé à l'employeur prévenant ce dernier que M. [V] ne mettait pas ses chaussures de sécurité obligatoires sur le quai, qu'il lui a demandé de les mettre demain et il l'a 'envoyé chier'.

L'employeur ne justifie d'aucune mesure particulière qu'il aurait prise au titre de la prévention de la violence pouvant survenir entre les salariés, alors que la première agression avait été particulièrement violente.

L'employeur par sa défaillance dans sa mission de prévention et de sécurité n'a pas respecté son obligation de sécurité.

Le jugement sera confirmé sur ce point ainsi que sur la condamnation de l'employeur à payer des dommages et intérêts de 3000 € au titre du préjudice subi résultant du manquement à l'obligation de sécurité.

En revanche si l'employeur n'a pas organisé de visite d'embauche lors de la conclusion du contrat de travail le 25 juillet 2016 alors qu'il y était tenu en vertu de l'article R 4624-10 du code du travail, celui-ci ne rapportant pas la preuve que le salarié avait dans un précédent emploi bénéficié d'une telle visite, le salarié n'établit pas son préjudice, le jugement sera donc infirmé sur ce point.

S'agissant de l'origine de l'inaptitude et de la qualification des faits, un témoin, M. [X] [M] indique dans une lettre produit aux débats que M. [V] 'est entré dans le bar et s'est dirigé vers [R] [O], lui a donné une claque puis a continué à vouloir le frapper à plusieurs reprises, [R] a essayé d'éviter ces coups sans succès, M. [V] a essayé de lui envoyer une chaise je l'ai retenu, M. [V] a fini par pousser [R] qui est tombé, M. [V] a continué avec des coups de pied. [R] a fini par s'échapper dans les toilettes et appelé la gendarmerie...'.

Le salarié a été placé en arrêt de travail le jour même (certificat médical accident du travail du Centre hospitalier Alpes Leman en date du 16 mars 2017).

Le salarié a demandé à l'employeur par sms du 23 mars 2017 produit aux débats un rendez-vous afin de discuter de l'agression et de la suite à donner.

En l'absence de réponse de l'employeur, il a adressé à ce dernier une lettre en date du 31 mars 2017 dans laquelle il relate que M. [V] l'a 'agressé physiquement dans un bar où je faisais une pause' avec une personne qui travaille chez UPS...'

L'employeur ne conteste pas l'agression mais se contente de soutenir que ces faits se sont produits à l'extérieur de la société et sont d'ordre privé.

Pourtant ils ont eu lieu au cours de la journée de travail alors que le salarié se trouvait en tournée et au cours de la pause méridienne.

De plus, l'agression au vu du message sms suscité émanant de M. [V] avait un caractère professionnel, ce dernier mettant en cause M. [O] pour lui avoir demandé de porter des chaussures de sécurité lors de la journée de travail.

Il s'agit de faits s'étant produits soudainement de manière brutale au temps et au lieu de travail, et constituent dès lors un accident du travail au sens de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale.

Le salarié n'a jamais repris son travail et son arrêt de travail initial a été régulièrement prolongé jusqu'à la visite de reprise.

Le médecin du travail a déclaré le salarié inapte et a considéré que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, et précisé que sur le reclassement, le salarié était inapte à tout poste.

Le médecin traitant a indiqué lors de la dernière prolongation de l'arrêt de travail : 'Agression sur le lieu de travail avec coups de poing plaqué contre le mur, persistance de douleurs lombaires, anxiété importante réactionnelle'.

Le salarié produit une lettre du médecin du travail du 29 mars 2017 adressé au médecin traitant où le médecin du travail note : 'Je vois ce jour à sa demande, M. [O] victime de la violence à son travail et de difficultés managériales non résolues par son employeur. Il présente encore des douleurs mais surtout une anxiété généralisée importante et incompatible avec sa reprise...Je vous suggère de prolonger en AT son arrêt.'.

Ce point de vue du médecin du travail établit que ce praticien estime que les difficultés de santé du salarié résultent des suites de l'agression et qu'il propose de prolonger l'arrêt de travail en accident du travail.

Il existe dès lors un lien de causalité direct et certain entre l'agression du 16 mars 2017 et l'inaptitude.

C'est donc à juste titre que le conseil des prud'hommes a jugé que l'inaptitude était d'origine professionnelle et que le salarié avait droit à un rappel d'indemnité spéciale de licenciement et à une indemnité correspondante au montant de l'indemnité de préavis.

Le salarié dans le cas d'un licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse d'origine professionnelle a droit à des dommages et intérêts d'au moins six mois de salaires conformément à l'article L 1226-15 du code du travail.

Il sera fait droit à la demande du salarié de 10 344 € correspondants à six mois de salaires.

Sur les heures supplémentaires et les indemnités de grand déplacement en application de l'article L 3245-1 du code du travail, la prescription des actions de paiement de salaires est de trois ans 'à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture'.

Le salarié demande le paiement d'heures supplémentaires à compter de septembre 2016. En engageant son action devant le conseil des prud'hommes le 16 mai 2019, celle-ci n'était pas prescrite.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

Au dernier état de la jurisprudence de la cour de cassation (Cass soc 18 mars 2020 n°18-10.919 P+B+R) 'le salarié doit présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments' ; après analyse des pièces produites par l'une et l'autre partie, 'dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant'.

Le salarié produit un relevé de ses heures semaine par semaine et relevé les heures journalières de septembre 2016 à mars 2017.

Les bulletins de salaire mentionnent vingt heures supplémentaires pris en compte par l'employeur lors des mois entièrement travaillés.

Or il ressort des relevés suscités que le salarié effectuait plus de vingt heures supplémentaires par mois.

L'employeur ne fournit aucun justificatif des heures accomplies par le salarié.

Au vu des relevés précis du salarié, ce dernier a accompli les heures supplémentaires suivantes:

- septembre 2016 :

* semaine 1 = 46,5 heures soit 11,50 heures supplémentaires,

* semaine 2 = 46,25 heures soit 11,25 heures supplémentaires,

* semaine 3 = 48,95 heures soit 13,95 heures supplémentaires,

* semaine 4 = 47,45 heures soit 12,45 heures supplémentaires,

total : 49,15 heures

il lui reste dû sur ce mois, 29,15 heures

- octobre 2016 :

* semaine 1 = 48,45 heures soit 13,45 heures supplémentaires,

* semaine 2 = 48,45 heures soit 13,45 heures supplémentaires,

* semaine 3 = 50,95 heures soit 15,95 heures supplémentaires,

* semaine 4 = 48 heures soit 13 heures supplémentaires,

total : 55,85 heures supplémentaires

Il lui reste dû sur ce mois, 35,85 heures

- novembre 2016 :

* semaine 1 = 47 heures soit 12 heures supplémentaires,

* semaine 2 = 45,5 heures soit 10,5 heures supplémentaires,

* semaine 3 =46,70 heures soit 11,70 heures supplémentaires,

* semaine 4 = 48,25 heures soit 13,25 heures supplémentaires,

total : 47,45 heures supplémentaires

Il lui reste dû sur ce mois, 27,45 heures

- décembre 2016 :

* semaine 1 du 28/11 au 2 décembre = 47,90 heures soit 12,90 heures supplémentaires,

* semaine 2 = 49,45 heures soit 14,45 heures supplémentaires,

* semaine 3 = 48,60 heures soit 13,6 heures supplémentaires,

* semaine 4 = 48,50 heures soit 13,5 heures supplémentaires,

* semaine 5 = 38 heures soit 3 heures supplémentaires,

total : 57,45 heures supplémentaires

Il lui reste dû sur ce mois, 22,45 heures

- janvier 2017

* semaine 1= 38 heures soit 3 heures supplémentaires,

* semaine 2 =46,95 heures soit11,95 heures supplémentaires,

* semaine 3 = 46,45 heures soit 11,45 heures supplémentaires,

* semaine 4 = 48,75 heures soit 13,75 heures supplémentaires,

total : 40,15 heures supplémentaires

Il lui reste dû sur ce mois, 20,15 heures

- février 2017

* semaine 1 du 30/1 au 3/2 = 46,85 heures soit 11,85 heures supplémentaires,

* semaine 2 = 49,45 heures soit 14,45 heures supplémentaires,

* semaine 3 = 48,95 heures soit 13,95 heures supplémentaires,

* semaine 4 = 48,50 heures soit 13,50 heures supplémentaires,

total : 53,75 heures supplémentaires

Il lui reste dû sur ce mois, 33,75 heures

- mars 2017

* semaine 1 du 27/2 au 3/3 = 48,50 heures soit 13,50 heures supplémentaires,

* semaine 2 = 46 heures soit 11 heures supplémentaires,

* semaine 3 = 40,95 heures soit 5,95 heures supplémentaires,

total : 30,45 heures supplémentaires

Il lui reste dû sur ce mois, 10,45 heures

L'employeur est donc redevable de 179,25 heures.

Il ressort du décompte fourni par le salarié et du calcul avec majorations du taux horaire effectué dans ses conclusions, que ce dernier a pris en compte ces heures, déduction faite des 20 heures déjà payées chaque mois.

Il sera dès lors fait droit à la demande s'élevant à hauteur de 2062 € bruts et 206 € de congés payés afférents.

Sur les indemnités de grand déplacement, l'avenant n° 60 du 19 décembre 2012 de la convention collective donne droit au salarié qui ne peut regagner son domicile le soir, à une indemnité de 41,76 € par jour.

S'agissant de frais professionnels, la créance résultant de tels frais n'a pas le caractère d'un salaire et se prescrit par le délai de deux ans prévu pour les actions portant sur l'exécution du contrat de travail conformément à l'article L 1471-1 du code du travail.

Le salarié était en situation de connaître ses droits lorsqu'il a été payé de son salaire de mars, en avril 2017.

Il avait dès lors jusqu'en avril 2019 pour exercer une action en justice sur ces frais.

La requête adressée au conseil des prud'hommes étant du 16 mai 2019, l'action était prescrite.

Le jugement rejetant cette demande sera confirmé.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme jugement en date du 25 février 2021 rendu par le conseil de prud'hommes d'Annecy en ce qu'il a :

- dit et jugé que la Sarl Transport FAB. a manqué à son obligation d'assurer le respect de la santé et de la sécurité de M. [O] durant l'exécution de son contrat de travail,

- condamné la Sarl Transport FAB à verser à M. [O] la somme de 3000 € nets en réparation du préjudice subi,

- dit et jugé que la Sarl Transport FAB n'a pas organisé de visite médicale à l'embauche au profit de M. [O],

- dit et jugé que l'inaptitude médicale de M. [O] est d'origine professionnelle,

- en conséquence, condamné la Sarl Transport FAB à verser à M. [O] les sommes suivantes :

* 400 € nets à titre de reliquat d'indemnité spéciale le licenciement,

* 1724 € bruts à titre d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis,

- débouté M. [O] de sa demande au titre des indemnités de grand déplacement,

- dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement,

- débouté M. [O] de sa demande de remise de son contrat de travail,

- condamné la Sarl Transport FAB à remettre à M. [O] l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail rectifiés sous 15 jours à compter de la notification du présent jugement sous astreinte provisoire de 20 € par jour et par document,

- réservé le droit de liquider la présente astreinte,

- condamné la Sarl Transport FAB à payer à M. [O] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes de nature salariale et les documents obligatoires,

- rejeté les demandes reconventionnelles de la Sarl Transport FAB,

- débouté la Sarl Transport FAB de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Transport FAB aux dépens.

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Déboute M. [O] de sa demande de dommages et intérêts au titre du défaut de visite médicale d'embauche ;

Déclare la demande en paiement des heures supplémentaires recevable et la juge bien fondée,

Fixe les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10 344 € nets ;

en conséquence,

Condamne la Sarl Transports FAB à payer à M. [R] [O] la somme de 10 344 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 2062 € bruts de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et 206 € bruts au titre des congés payés afférents ;

Ordonne d'office le remboursement par la société Transports FAB à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M [O], du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à Pôle Emploi Rhône-Alpes - service contentieux - [Adresse 2].

Condamne la Sarl Transports FAB aux dépens d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Transports FAB à payer à M. [R] [O] une somme de 2200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 18 Octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 21/00746
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;21.00746 ?
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