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06/10/2022 | FRANCE | N°21/00621

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 06 octobre 2022, 21/00621


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE







ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2022



N° RG 21/00621 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GU5R



[J] [T]

C/ S.A.R.L. DUMAX



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BONNEVILLE en date du 15 Février 2021, RG F 20/00095





APPELANT :



Monsieur [J] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par M. [V] [M], défenseur syndical inscrit sur la liste établie par le DIRECCTE Au

vergne Rhône Alpes





INTIMEE :



S.A.R.L. DUMAX

dont le siège social est sis [Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal



Représentée par Me Chloé CHA...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2022

N° RG 21/00621 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GU5R

[J] [T]

C/ S.A.R.L. DUMAX

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BONNEVILLE en date du 15 Février 2021, RG F 20/00095

APPELANT :

Monsieur [J] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par M. [V] [M], défenseur syndical inscrit sur la liste établie par le DIRECCTE Auvergne Rhône Alpes

INTIMEE :

S.A.R.L. DUMAX

dont le siège social est sis [Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Chloé CHAMPENOIS, avocat au barreau d'ANNECY substituant Me Marie-pierre LAMY-FERRAS, avocat au barreau d'ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 06 Septembre 2022, devant Monsieur Frédéric PARIS, Président désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s'est chargé du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

********

Faits et procédure

M. [J] [T] a été embauché le 9 septembre 2019 par la Sarl Dumax dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de chef d'équipe charpente, coefficient 210, position 2 pour une salaire de 2 426,73 euros mensuel brut.

La convention collective nationale du bâtiment est applicable.

L'effectif est de plus de onze salariés.

Par courrier du 7 janvier 2020, M. [T] demandait à son employeur de respecter les termes de la promesse d'embauche concernant la fourniture du véhicule de fonction.

Par un avenant du 25 mars 2020, la prime de vacances a été transformée en prime d'assiduité.

Par courrier du 29 mai 2020, la Sarl Dumax a convoqué M. [T] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement pour faute, fixé au 8 juin 2020 avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juin 2020, le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse aux motifs de sa déresponsabilisation de sa mission d'encadrant, son absence de professionnalisme, son absence de respect des consignes de sécurité, son insubordination et ses réponses dénuées de tout fondement.

Il a été dispensé de l'exécution de son préavis et une indemnité compensatrice de préavis lui a été versée sur son bulletin de salaire de juin 2020.

Le 12 juin 2020, les documents de fin de contrat ont été remis au salarié.

Par requête du 29 juillet 2020, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Bonneville afin de contester son licenciement et de solliciter le paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 15 février 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [T] pour cause réelle et sérieuse est justifié,

- débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [T] à payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [T] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 16 mars 2021 par le réseau privé virtuel des avocats, M. [T] a interjeté appel de la décision dans son intégralité.

Dans ses conclusions notifiées le 5 novembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, M. [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu,

statuant à nouveau,

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- écarter le plafonnement prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la Convention OIT n°158, ainsi que l'article 6-1 de la CEDH,

- dire que l'accord d'intéressement aux performances de l'entreprise est caduc,

- condamner la société Dumax à lui payer les sommes suivantes :

* 16 301,71 € brut au titre des indemnités pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 1 680,14 € au titre des heures supplémentaires si la cour valide l'accord d'intéressement aux performances de l'entreprise, et les congés payés afférents de 168,02 €,

* 16 301,71 € brut au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé correspondant aux salaires des six derniers mois,

* 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl Dumax à lui remettre les documents sociaux rectifiés conformément aux décisions de la cour,

- condamner la Sarl Dumax aux dépens,

à titre subsidiaire,

- ordonner à la Sarl Dumax de lui transmettre sans délai le document prévu à l'article 10 de l'accord d'intéressement aux performances de l'entreprise,

- condamner la Sarl Dumax à lui payer les sommes de 1248,104 € au titre des heures supplémentaires si la cour juge valide l'accord d'intéressement aux performances de l'entreprise, outre 10% de congés payés afférents soit 124,82 €.

- rejeter les demandes de la Sarl Dumas.

Il soutient que les deux premiers griefs des 13 mars et 3 avril, mentionnés dans la lettre de licenciement, sont prescrits.

Sur la nullité de l'acte d'appel, l'article 114 du code de procédure civile prévoit que la nullité pour vice de forme est prononcée lorsque celui qui s'en prévaut prouve le grief causé par l'irrégularité, or la profession, la nationalité et la date de naissance du salariée sont connues par la société, il n'y a donc pas de préjudice.

La jurisprudence considère que les juges doivent vérifier la cause exacte du licenciement, en cas de doute il profite au salarié.

Le 13 mars, il a choisi de privilégier l'implantation d'un mur en urgence afin de tenir les délais et de différer le nettoyage d'une zone au lundi suivant.

Le chantier de [Localité 5] Sci [A] est réalisé en coactivité avec plusieurs corps de métier qui interviennent simultanément. Les échelles d'accès doivent rester en position comme les échafaudages.

Le chantier est rangé par nature de matériaux qui sont stockés, soit, pour être mis en déchetterie ou pour être réutilisés pour le chantier.

L'échafaudage était en cours de réalisation et la société ne dispose pas des structures d'arrimage nécessaires et n'a pas mis en place un échafaudage complet et conforme malgré ses demandes, il a donc dû réaliser un échafaudage en bois.

M. [H] [Z], employeur, venait sur les chantiers en son absence. Le bâchage effectué le week-end du 25 avril a résisté aux intempéries.

M. [O] [X], conducteur de travaux, a donné comme consigne de mettre sur le toit tout l'isolant possible suite au retrait de la grue.

La bâche n'était pas détachée mais simplement trop grande.

Le rangement, le triage et le stockage étaient réalisés chaque soir.

Lors du confinement dû à la Covid 19, les déchetteries étaient fermées et le chantier ne disposait pas de benne d'évacuation de déchets.

M. [S] avait pour tâche de vider la benne arrière du 4x4 et devait ensuite le rejoindre à [Localité 5] ou trouver un autre membre de l'équipe.

Il a dû faire une mise au point avec M. [S] concernant son travail.

La raison de la rupture est la dégradation progressive de la relation de travail.

L'employeur ne respectait pas ses engagements contrairement à ce que prévoit l'article L.1222-1 du code du travail.

L'employeur refusait de fournir le véhicule de fonction convenu.

Il lui a d'ailleurs demandé de déclarer un faux déplacement quotidien sur un chantier fictif en contrepartie d'un remboursement de frais de 400 euros mensuel.

Les horaires de travail ont été modifiés à partir de janvier 2020 et l'employeur a imposé un accord d'intéressement qui viendrait compenser la baisse du nombre d'heures supplémentaires imposées.

Les règles de l'article L.4121-1 du code du travail n'ont pas été respectées.

L'employeur a refusé de mettre en place un échafaudage et de mettre à disposition une benne d'évacuation des déchets sur la chantier de [Localité 5] car cela coûtait trop cher.

La grue de chantier en coactivité avec le lot maçonnerie a été enlevée laissant l'équipe sans moyen de levage. La charpente livrée sur le chantier de [Localité 5] est fausse et nécessite une adaptation, des coupes et reprises.

L'employeur est responsable de l'organisation du travail dans l'entreprise et du respect des règles du code du travail.

Les juges peuvent écarter le plafonnement des indemnités prévu à l'article L.1235-3 du code du travail s'ils l'estiment inconventionnel au regard de l'article 10 de la convention n°158 de l'OIT.

Ce barème vient limiter le droit d'accès au procès équitable,

Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse suite aux manquements de l'employeur au respect des règles de droit et de sa mauvais foi dans l'exécution du contrat.

Le licenciement a eu lieu après le confinement lié à la Covid 19, cela a porté préjudice au salarié.

L'accord d'intéressement vise à se substituer à la rémunération des heures supplémentaires.

La lettre d'embauche n'indique pas un horaire collectif de 35 heures.

Les heures supplémentaires effectuées entre septembre 2019 et mai 2020 n'ont pas toutes été rémunérées.

Il y a travail dissimulé car l'employeur n'a pas réglé toutes les heures travaillées du salarié, il n'a pas indiqué les heures réellement effectuées sur les bulletins de salaire et a délibérément transformé une partie de sa rémunération afin de la dissimulé aux organismes de sécurité sociale.

La prime de 256 € mentionnée sur le bulletin de paie d'avril 2020 est en réalité le paiement d'heures supplémentaires.

Dans ses conclusions notifiées le 1er février 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la Sarl Dumax demande à la cour de :

A titre principal, in limine litis :

- constater que la déclaration d'appel de M. [T] est entachée de nullité,

- déclarer l'appel de M. [T] irrecevable,

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement rendu,

Statuant à nouveau :

- condamner M. [T] à verser à la société Dumax la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure en appel.

La déclaration d'appel est nulle car elle ne mentionne pas la profession, la nationalité, ni la date de naissance de l'appelant, contrairement à ce que prévoit l'article R.1461-2 du code du travail.

Le salarié avait laissé le chantier dans un état déplorable.

Le salarié a manqué de professionnalisme et de rigueur en ne fermant pas la barrière réglementaire, en laissant les échelles d'accès aux dalles du 1er étage en position et en laissant le chanter jonché et bois et détritus.

Les faits ayant eu lieu le 3 avril 2020 ne sont pas prescrits, la jurisprudence considère que la convocation à un entretien préalable constitue l'acte d'interruption du délai de deux mois, or il a été convoqué le 29 mai 2020.

Le salarié était chef d'équipe charpente, il était donc responsable du chantier et de la sécurité.

L'intervention de plusieurs corps de métier n'exonère pas la responsabilité du salarié.

Les règles de sécurité imposent qu'à la fin de la journée les échelles soient rangées afin d'empêcher leur accès à des tiers.

L'échafaudage avait été posé sans arrimage, il s'agit d'un manquement grave à ses obligations contractuelles et son obligation de sécurité.

La société dispose d'un parc complet de trois modèles d'échafaudages différents.

La réalisation d'un échafaudage en bois ne respecte pas les normes de sécurité.

La société a effectué des achats d'équipements de protection individuels, le salarié faisait une usage inapproprié et abusif du matériel et ne respectait pas les consignes de sécurité.

Le 25 avril 2020, l'employeur a constaté que sur le chantier de Chamonixle bachâge et en désordre alors que la salarié disposait du matériel nécessaire pour effectuer ses missions.

Le salarié persistait dans ses négligences et son manque de professionnalisme.

Le salarié ne protégeait pas les matériaux.

Il a fait preuve d'insubordination envers son employeur et son supérieur hiérarchique, il a refusé une consigne de celui-ci en tenant des propos grossiers.

Le salarié a manqué à son obligation de formateur vis-à-vis de M. [S] qu'il avait laissé sans consigne et l'avait mis à l'écart du chantier.

Le montant demandé au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dépasse le montant maximal prévu par l'article L.1235-3 du code du travail qui prévoit une indemnité d'un mois de salaire pour les salariés ayant un an d'ancienneté.

Un accord d'intéressement a été signé à compter du 1er avril 2020 au 31 mars 2023, le salarié l'a signé. Conformément à l'article L.3312-4 du code du travail, cet intéressement n'a pas vocation à remplacer le paiement d'heures supplémentaires.

Les heures supplémentaires ont été rémunérées, comme le prouve ses bulletins de salaire.

Le salarié était soumis à un horaire collectif de travail de 35 heures par semaine.

Il était prévu que le salarié soit amené a effectué des heures supplémentaires à la demande de l'employeur.

La société ne conteste pas que le salarié ait fait des heures supplémentaires qui lui ont été rémunérées.

Le salarié justifie de ses heures par un tableau qu'il a lui-même établi et n'a pas décompté ses temps de pause.

Le calcul de l'indemnité pour travail dissimulé est erroné.

Les bulletins de paie du salarié justifient du paiement d'heures supplémentaires.

L'existence d'un travail dissimulé n'est pas prouvée.

Un véhicule de fonction a été accordé au salarié dans la lettre d'embauche car celui-ci habitait à 1 kilomètre de la société, or après son embauche il a indiqué habiter à 45 kilomètres, la société, ne lui a donc pas mis à disposition de véhicule de fonction.

Le salarié a demandé ensuite un remboursement des frais liés aux trajets domicile-lieu de travail.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 1er avril 2022.

Motifs de la décision

Sur la nullité de l'acte d'appel, selon les dispositions de l'article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est seul compétent de sa désignation jusqu'à l'ordonnance de clôture pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel.

L'intimée a conclu à l'irrecevabilité motif pris de l'absence de mentions sur la date de naissance, la nationalité et la profession de l'appelant, par des conclusions en date du 1er février 2022 antérieures à la clôture, en formulant cette demande à la cour d'appel et non au conseiller de la mise en état.

Cette irrégularité de forme étant de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état, l'exception tendant à voir déclarer l'appel irrecevable sera rejetée.

Au fond, la lettre de licenciement fixant les limites du litige expose : Vous êtes intervenus dans l'atelier pour réaliser des travaux en mars. En fin de semaine, le 13 mars vous avez laissé le chantier dans un état déplorable malgré mes demandes de laisser l'endroit propre: plusieurs gants de protection sont restée à terre dans l'atelier, le pied de façade sur laquelle vous êtes intervenus était jonché de détritus. L'échafaudage que vous avez utilisé était mal rangé. Vous avez deux équipiers pour vous aider dans cette tâche. Vous ne les avez pas briefés correctement.

Le 3 avril en fin de journée, j'ai visité le chantier de [Localité 5] SCI [A]. J'ai fait le même constat et je vous ai reproché ce manque de rigueur et de professionnalisme : le chantier n'était pas fermé par la barrière réglementaire à mon arrivée ; les échelles d'accès aux dalles du 1er étage étaient encore en position ; le chantier était jonché de bois et de détritus. Je vous rappelle que je vous ait briefé avant le démarrage du dossier sur l'exigence que nous avons vis à vis de nos clients.

Un élément de sécurité a particulièrement attiré mon attention : un échafaudage était installé sans arrimage à la façade. Je vous en ai fait la remarque. Votre réponse a été confondante de non professionnalisme : 'personne ne se servait de l'échafaudage et c'est pour cette raison qu'il était non sécurisé'. Comment pouvez vous prétendre avoir une surveillance permanente sur un élément de sécurié de ce type ' Cette négligence est coupable et vous n'en avez pas conscience.

Le 25 avril en fin de journée, j'ai à nouveau visité ce même chantier [A] et ai, à nouveau identifié des négligences : le bâchage du toit était mal réalisé et le plancher de toiture pouvait être dégradé par la pluie ; un compresseur d'air était mal protégé également et pouvait être endommagé par les intempéries ; le chantier était jonché de détritus. Je vous ai signalé ces points le 4 mai à votre retour de week-end. La réponse apportée pendant l'entretien ne me satisfait pas : vous prétendez ne pas avoir les moyens nécessaires pour mener à bien votre mission.

Le jeudi 21 mai jour férié, je suis monté vérifier l'état du chantier [A] sur lequel vous intervenez. Le lieu était une nouvelle fois dans un état déplorable : les bâches de protection de la toiture laissaient l'eau s'infiltrer. Le plancher de toiture en vieux bois, était exposé à l'eau et pouvait se dégrader...Une palette d'isolant d'une hauteur de 2 m à minima était stockée en position précaire en bordure de toit et pouvait à tout moment basculer sur la dalle du RDC. Les isolants jonchaient le toit et avait pour usage de fermer les bâches...

Je vous ai à maintes reprises, fait part de notre préoccupation permanente de sécuriser et laisser les chantiers propres...Vous ne tenez pas compte des remarques et consignes de toute évidence.

Je ne suis pas le seul à avoir des difficultés à vous faire respecter des consignes de tout ordre. Le 27 mai lors de votre prise de poste, deux nouveaux graves dysfonctionnements viennent dégrader notre relation. [O] [X], le conducteur de travaux qui est votre supérieur hiérarchique, vous demande de faire un brief pour le chantier [A]...Vous avez refusé avec une remarque indigne d'un professionnel chef d'équipe. Je cite, 'ça me saoule, je me casse'.

Ce même matin, [K] [S], membre de votre équipe, m'a demandé expressément un RDV pour évoquer son déssaroi : il avait été laissé sans consigne à sa prise de poste avec une bène de déchets complète, sans aide. Il vous a vu partir avec un autre membre de l'équipe. Il s'est alors confié sur sa mise à l'écart sur le chantier. Il m'a avoué avec le dépit d'un jeune de 21 ans être mal pendant son temps de travail avec vous. La seule réponse que vous avez pu apporter pendant l'entretien est l'incompétence de votre équipier, qui possède tout de même un BP Charpente. Votre rôle consiste à le guider dans sa mission. Vous n'avez pas intégré cette responsabilité.

Un incident supplémentaire pendant l'entretien est l'exemple de votre défiance. : au moment où je souhaitais vous remettre votre bulletin de salaire du mois écoulé, vous avez cru bon de me provoquer en lançant, je cite 'c'est mon solde de tout compte'. Votre conseiller vous a, à ce moment précis demandé de vous excuser.

Votre déresponsabilisation vis à vis de votre mission d'encadrant, votre non-professionnalisme, votre non respect des consignes de sécurité, votre insubordination et vos réponses dénuées de tout fondement, remettent en cause la tenue de votre poste...

Les faits du 13 mars et du 3 avril ne sont pas prescrits au jour du lancement de la procédure de licenciement disciplinaire compte tenu de la persistance du comportement fautif réitéré et mis en exergue par la lettre de licenciement.

Sur le premier grief, le salarié ne conteste pas l'état dans lequel se trouvait le chantier le 13 mars, il fait état qu'il a dû préparer un mur ossature bois dans l'urgence et qu'il devait faire un choix ; le salarié toutefois ne fournit aucun élément sur ce contexte de travail.

S'agissant du deuxième grief, l'employeur produit aux débats plusieurs photographies du chantier datées du 3 avril 2020 ; elles montrent que le chantier était en désordre, des morçeaux de bois jonchaient le sol.

Si un échafaudage était monté, les photographies sont insuffisantes à établir que l'échafaudage ne respectait pas les normes de sécurité.

Le salarié ne conteste pas non plus les faits tels que constaté par l'employeur, il attribue l'absence de fermeture du chantier à une autre entreprise intervenant sur le chantier, et affirme qu'il était normal de laisser les échelles en position et que la présence de détritus correspondait à des matériaux stockés pour être placé en déchetterie ou réutulisés sur le chantier ; là encore le salarié ne produit aucun élément alors que la charge de la preuve sur la cause réelle et sérieuse est partagée entre les parties.

Au titre du troisième grief portant sur un échafaudage, le salarié produit une attestation de M. [B] [P] relatant que son fils qui a travaillé sur le chantier lui a expliqué qu'il y avait un manque d'échafaudage sur le chantier et de filets de protection.'[J] [T] a dû prendre la responsabilité de compléter cet échafaudage en construisant des compléments avec du bois pour qu'ils puissent travailler.'.

L'employeur ne justifie pas que le chantier comportait des éléments de sécurité suffisants.

Il existe au moins un doute sur ce grief, qui doit profiter au salarié.

Sur le quatrième grief, l'employeur produit des photographies montrant que des bâches étaient mal posées et que du matériel de chantier était imparfaitement protégé des intempéries.

Le salarié se contente d'expliquer qu'il n'y a pas eu de dégâts, alors que l'employeur a constaté sur place les difficultés de bâchage et a dû y remédier.

Le salarié en qualité de chef d'équipe était responsable de l'état dans lequel le chantier se trouvait en fin de journée de travail.

M. [O] [X] conducteur de travaux confirme dans son attestation que le salarié laissait le chantier dans un état incorrect ; ainsi le témoin cite qu'un compresseur d'air était resté en haut d'un échafaudage le week-end ; une caisse en bois avec des outils et de la quicaillerie était restée exposée aux intempéries plusieurs jours ; il ajoute qu'un vendredi soir le chantier était resté jonché de déchets de bois, de plastiques et de sciure ; les bâchages protégeant de la plus étaient mal réalisé.

Sur le cinquième grief, en date du 21 mai 2020, il porte aussi sur une insuffisance de protection du même chantier, par un bâchage insuffisant, et la présence d'une palette d'isolant stocké en position précaire en hauteur.

Le salarié ne conteste pas les faits mais explique qu'une sous couche étanche avait été mis en place ce qui assurait l'étanchéité. Il relate aussi que le chef de chantier avait demandé de stocker des isolants en hauteur et qu'il avait installé avec son équipe des bracons sécurisant le stockage des isolants, ce qui éliminait tout risque de chute sur la dalle du rez de chaussée. Le salarié ne produit aucun élément sur ces points permettant à la cour de vérifier l'exactitude des ses explications.

Ce grief est donc aussi établi.

Pour le sixième grief du 27 mai 2020, M. [X] chef de chantier atteste que le salarié a refusé de réaliser un brief à sa demande et a quitté le chantier en disant 'peut être plus tard, là ça me casse les couilles'.

Le salarié n'a pas contesté ces faits.

Ce grief est dès lors établi et caractérise une insubordination.

Concernant le septième grief portant aussi sur des faits du 27 mai 2020, s'il ressort de l'audition de M. [S] que ce dernier s'est plaint auprès de l'employeur d'une absence de consignes le 27 mai, il reste qu'il explique lui même qu'il avait une benne à décharger. Il n'est pas établi par ce seul fait que le salarié mettait à l'écart M. [S]. Ce grief n'est donc pas établi.

Enfin le salarié ne conteste pas avoir dit à l'employeur qui lui tendait un bulletin de salaire, à la fin de l'entretien préalable, 'c'est mon solde de tout compte'. Une telle réponse, nonobstant que le salarié avait parfaitement le droit de contester les griefs formulés par son employeur, sous entend que l'employeur a déjà pris sa décision et qu'il ne respecte pas la procédure de licenciement.

Il résulte de tous ces éléments, qu'à l'exception de deux griefs, le licenciement est justifié par des comportements fautifs réitérés du salarié qui n'a pas tenu compte des observations de son employeur.

S'il a pu exister des difficultés d'exécution du contrat de travail, notamment sur la mise à disposition d'un véhicule de service et les heures effectuées, il ne ressort d'aucune pièce que l'employeur aurait décidé de licencier le salarié en raison de ces difficultés et des revendications du salarié ; au contraire, le licenicement repose sur plusieurs griefs parfaitement établis.

La cause exacte du licenciement réside donc bien dans le comportement fautif du salarié constituant une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera dans ces conditions confirmé.

Sur l'accord d'intéressement, il ressort de cet accord produit aux débats que l'employeur a conclu avec les salariés un accord d'intéressement relevant des articles L 3311-1 et suivants du code du travail.

L'accord rappelle que les sommes réparties entre les bénéficaires ne constituent pas un élément de salaire, et ne se subsitituent à aucun élément de rémunération.

Il prévoit une participation aux bénéfices à hauteur de 10 % du résultat d'exploitation.

Le salarié qui conteste cet accord qu'il a pourtant signé affirme sans produire d'éléments de preuve que l'intéressement était destiné à déguiser le paiement d'heures supplémentaires.

La demande de déclarer caduque l'accord d'intéressement est dès lors injustifiée et sera rejetée.

Sur les heures supplémentaires, il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

Au dernier état de la jurisprudence de la cour de cassation 'le salarié doit présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments' ; après analyse des pièces produites par l'une et l'autre partie, 'dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant'.

L'employeur ne conteste pas la réalisation d'heures supplémentaires.

Le salarié était rémunéré sur la base de 35 heures par semaine outre les heures supplémentaires accomplies, il était soumis à un horaire collectif comme le stipule le contrat de travail produit.

Il est constant que le travail était organisé selon un cyle de deux semaines de 40 heures et une semaine à 48 heures, puis à compter d'avril 2020 , deux semaines de 38 heures, puis une semaine de 46 heures.

L'employeur fait état de pauses que le salarié n'a pas déduit de ses réclamations.

La convention collective dans son article 3-16 définit la durée du travail comme le temps de travail effectif à l'exclusion des temps d'habillage et déshabillage, la pause casse-crôute, et les temps de trajet.

La charge de la preuve de la prise des temps de pause incombe à l'employeur (Cass soc 19 mai 2021 n° 19-14.510).

L'employeur ne verse aucun document quant au fait que le salarié aurait pris des pauses excessives, il ne produit pas plus de pièces sur l'organisation des pauses au sein de la société.

Ces temps de pause allégués ne seront donc pas pris en compte dans l'appréciation de la demande d'heures supplémentaires.

Le salarié produit à l'appui de sa demande un tableau récapitulatif d'heures supplémentaires et un relevé d'heures par semaine pour les mois d'avril et mai 2020, outre les bulletins de paie.

Le salarié présente donc des éléments suffisants pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments, ce qu'il fait en fournissant des feuilles d'heures et une fiche récapitulative.

Les bulletins de salaire produits montrent que l'employeur payaient régulièrement des heures supplémentaires.

Si le bulletin de salaire établi initialement fait état d'un forfait et ne mentionne pas d'heures supplémentaires, l'employeur a rectifié ce bulletin en éditant un bulletin de salaire rectificatif mentionnant 23 heures supplémentaires à 25 % et 5 heures à 50 %.

Le salarié a donc été rempli de ses droits pour le mois de septembre 2019.

Il a aussi été rempli de ses droits en octobre 2019, le salarié faisant état de 28 heures supplémentaires qui ont été payées, avec en plus 5 heures à 50 % ainsi que cela ressort du bulletin de paie.

Pour le mois de novembre 2019, le bulletin de paie mentionne 23 heures à 25 % et 9 heures à 50 %. Le salarié ne demande pas d'heures en plus au vu de son tableau récapitulatif.

Sur le mois de décembre 2019, le bulletin de salaire fait état de 13 heures à 25 % et 5 heures à 50 % soit 23 heures supplémentaires.

Le salarié dans son tableau et sa note manuscrite indique aussi 23 heures supplémentaires contrairement à ses conclusions où il fait état de 26 heures sans fournir aucune explication quant à cette différence.

Il a donc aussi été rempli de ses droits en décembre 2019.

En janvier 2020 le tableau récapitulatif du salarié mentionne une 'différence à régulariser' de 36 heures alors que le salarié a répertorié dans ce même tableau 22 heures à 25% et 6 heures à 50 % soit 28 heures. Les notes manuscrites du salarié jointes au tableau indiquent 28 heures. Le bulletin de salaires indique le paiement de 28 heures.

Pour ce mois, le salarié a encore été rempli de ses droits.

En février 2020, le salarié indique dans ses écritures 20 heures supplémentaires que l'employeur a pris en compte au vu du bulletin de salaire de février 2020.

Les 14 heures supplémentaires de mars 2020 dont fait état le salarié dans ses conclusions ont été aussi payées ainsi que cela ressort du bulletin de paie.

Sur le mois d'avril 2020 le bulletin de salaire indique 18,50 heures à 25 % et 9,5 à 50 % soit 28 heures supplémentaires. Le salarié réclame 8 heures supplémentaires non pris en compte.

Il ressort du tableau que le salarié indique la semaine 15, 46 heures, la semaine 16, 46 heures, la semaine 17, 46 heures, la semaine 18, 38 heures soit au total 36 heures supplémentaires.

Le salarié dans ses écritures totalise 36 heures supplémentaires alors que son tableau fait état de 44 heures réalisées, de 52 heures de différences à régulariser.

Ces chiffres sont contradictoires et incompréhensibles.

Il convient de se baser sur les fiches horaires de l'employeur.

Ces fiches horaires indiquent les heures suivantes :

- semaine 14 : 46 heures soit 11 heures supplémentaires,

- semaine 15 : 46 heures soit 11 heures supplémentaires,

- semaine 16 : 46 heures soit 11 heures supplémentaires,

- semaine 17 : 46 heures soit 11 heures supplémentaires,

- semaine 18 : 37,5 heures soit 2,5 heures supplémentaires ;

Au total, 46,5 heures supplémentaires.

Il est mentionné sur la fiche horaire 7 heures de travail pour le 13 avril, jour de Pâques. Il n'est produit par l'employeur aucune autre pièce établissant que le salarié n'a pa travaillé ce jour là. Ce jour sera donc pris en compte pour apprécier les heures supplémentaires.

Le bulletin de paie mentionne 28 heures supplémentaires.

Il reste donc une différence d'heures non payées de 18,5 heures.

Elles seront rémunérées avec une majoration de 50 % au regard des fiches horaires hebdomadaires, soit 18,5 x 24,0002 = 444 €.

Enfin sur le mois de mai 2020, le tableau du salarié indique la semaine 19, 46 heures, la semaine 20, 46 heures, la semaine 21, 28,5 heures, la semaine 22, 38 heures soit au total 25 heures supplémentaires.

Le bulletin de salaire indique la prise en compte de 14,50 heures à 25 % et 3 heures à 50 %.

La fiche de l'employeur mentionne 8 heures de travail le 8 mai.

Il reste donc due 7,5 heures supplémentaires non payées, 4,5 à 25 % et 3 à 50 % soit :

- 4,5 x 20,0001 (90,00045 + 3 x 24,0002 (72,0006) = 162 €.

L'employeur a payé régulièrement les heures supplémentaires, ce qui écarte toute intention de dissimuler des heures de travail. En outre le problème du véhicule de fonction soulevé sur ce point par le salarié ne porte pas sur une dissimulation d'heures ou d'emploi.

La demande d'indemnité pour travail dissimulé sera dès lors rejetée.

Les dépens seront partagés par moitié entre les parties, chacun succombant partiellement à ses prétentions.

Pour le même motif, aucune condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne sera prononcée tant en première instance qu'en cause d'appel.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en date du 15 février 2021 rendu par le conseil de prud'hommes de Bonneville, à l'exception du rejet de la demande au titre des heures supplémentaires, et de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Déboute M. [T] de sa demande tendant à déclarer caduc ou non valide l'accord d'intéressement ;

Infirme le jugement sur le rejet des heures supplémentaires,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la société Dumax à payer à M. [J] [T] la somme de 606 € au titre des heures supplémentaires et 60,60 € de congés payés afférents ;

Déboute M. [T] du surplus de sa demande au titre des heures supplémentaires ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés à hauteur de 50 % chaque parties ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoit lieu à application à l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 06 Octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 21/00621
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;21.00621 ?
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