COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 12 JUILLET 2022
N° RG 21/00962 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GWFU
[E] [Z]
C/ S.E.L.A.R.L. LUC GOMIS etc...
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 12 Avril 2021, RG F 20/00207
APPELANT :
Monsieur [E] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Myriam QUERE de l'AARPI QUERE & LEVET AVOCATS, avocat au barreau d'ANNECY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001961 du 05/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)
INTIMEES :
L'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'ANNECY
[Adresse 5]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY
S.E.L.A.R.L. LUC GOMIS es qualité de mandataire ad hoc de la Société TIPEX
dont le siège social est sis [Adresse 6]
[Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal
sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 24 Mai 2022, devant Monsieur Frédéric PARIS, Président désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s'est chargé du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Elsa LAVERGNE, Conseiller,
********
Faits et procédure
M. [E] [Z] a été embauché par contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er novembre 2016 par la Sas Tipex en qualité de chef de chantier pour un salaire brut mensuel de 3 033,40 €.
À compter de septembre 2017, M. [Z] n'a plus été payé tout en continuant de travailler jusqu'en janvier 2018.
Par jugement du 5 mars 2018, la société Tipex a été placée en redressement judiciaire, la Selarl Luc Gomis a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 25 avril 2018, le redressement judiciaire de la société Tipex a été converti en liquidation judiciaire, la Selarl Luc Gomis étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par courrier du 27 avril 2018, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique sous réserve de la validité et réalité de son contrat de travail. L'entretien a eu lieu le 4 mai 2018.
Par courrier du 7 mai 2018, la Selarl Gomis licenciait M. [Z] à titre conservatoire.
La procédure de liquidation judiciaire de la Sas Tipex a été clôturée le 29 octobre 2019 pour insuffisance d'actif et la société a été radiée du registre du commerce et des sociétés à cette même date.
Par requête du 23 septembre 2020 reçue au greffe le 28 septembre 2020, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annecy aux fins de condamner solidairement la Sas Tipex et l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy à lui verser diverses sommes.
Par ordonnance du 23 septembre 2020, Me Luc Gomis a été désigné en qualité de mandataire ad'hoc.
Par jugement en date du 12 avril 2021, le conseil de prud'hommes d'Annecy a :
- débouté M. [Z] de toutes ses demandes,
- condamné M. [Z] aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 4 mai 2021 par RPVA, M. [E] [Z] a interjeté appel de la décision dans son intégralité.
Le salarié a fait signifier au liquidateur et à l'AGS sa déclaration d'appel par actes d'huissier du 6 juillet 2021.
Dans ses conclusions notifiées le 1er août 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, M. [E] [Z] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a été débouté de l'intégralité de ses demandes,
juger de nouveau,
- juger que l'employeur a manqué à ses obligations contractuelles,
- juger que la Selarl Gomis, mandataire judiciaire de la société Tipex n'a pas notifié dans les conditions de forme et de fond légales le licenciement,
- en conséquence, juger que la prescription des articles L.1471-1 et L.1235-7 du code du travail
n'est pas acquise,
- en conséquence, déclarer recevables et fondées ses demandes,
- condamner l'AGS CGEA d'Annecy au versement des sommes suivantes :
* 20 906 € nets au titre des salaires des mois de juin 2017 à mai 2018,
* l.074,36 € nets à titre d'indemnité de licenciement,
* 3.033,33 € nets au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 303,33 € nets à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférente,
Outre les intérêts au taux légal à compter de la date du jugement en date du 12.04.2021 et jusqu'à leur complet paiement,
- condamner la Selarl Gomis, en ses qualités d'ex-mandataire judiciaire et en ses qualités actuelles de mandataire ad hoc de la société TIPEX, à établir et à lui transmettre une attestation Pôle emploi rectifiée conformément à la décision à intervenir,
- dire et juger que cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 50 € par jour de retard, passé un délai de 15 jours suivant le délibéré de la décision à intervenir,
- dire et juger que la cour se réservera le droit de liquider ladite astreinte,
- condamner solidairement les intimés à lui payer une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner ce que de droit pour les dépens.
Il soutient en substance qu'il a contesté ses fiches de paie et a réclamé les sommes qui lui étaient dues à compter du 31 mai 2017, alors qu'il était toujours salarié de la société.
D'anciens salariés de la société attestent de sa présence au sein de l'entreprise du 31 mai 2017 au 31 décembre 2017.
Il a toujours contesté les fiches de paie indiquant un montant de zéro euro, l'employeur aurait dû le licencier s'il n'avait plus de travail à fournir.
Aucun document n'atteste d'une demande de congés sans solde par le salarié.
Le licenciement était à titre provisoire, il n'a reçu aucun document de rupture, ni aucune somme relative à son licenciement.
La procédure de licenciement n'a pas été respectée par l'employeur, la lettre de licenciement a été transmise par lettre simple.
Le liquidateur judiciaire l'a convoqué et l'a informé qu'il était licencié à titre conservatoire pour motif économique.
La prescription n'était pas acquise à la date de la saisine du conseil de prud'hommes.
Dans ses conclusions notifiées le 25 août 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, l'Unedic AGS CGEA d'Annecy demande à la cour de :
À titre principal,
- juger recevable l'appel incident de l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy,
- relevant que M. [Z] n'a saisi le Conseil de prud'hommes d'Annecy que le 28 septembre 2020,
- relevant que, par jugement du 29 octobre 2019 le Tribunal de commerce d'Annecy a prononcé la clôture pour insuffisance d'actifs de la liquidation judiciaire de la Sas Tipex,
- relevant que l'intervention de l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy est subordonnée à l'existence d'une procédure collective par application des articles L. 3253-6 et suivants du code du travail,
En conséquence,
- réformant le jugement déféré,
- prononcer la mise hors de cause de l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy,
A titre subsidiaire,
- dire et juger l'arrêt à intervenir seulement opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy sur le fondement de l'article L.625-1 du Code de commerce,
- confirmant le jugement déféré,
- débouter M. [Z] de ses demandes de salaires,
- débouter M. [Z] de ses demandes d'indemnités de rupture qui sont prescrites,
A titre très subsidiaire,
- arrêter les créances de salaires à la période d'octobre 2017 au 07 mai 2018,
Puis,
- dire et juger que l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail,
- dire et juger que l'indemnité qui serait fixée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ou sur la loi du 10 juillet 1991 relative à la juridictionnelle et les dépens ainsi que l'astreinte qui serait prononcée doivent être exclus de la garantie de l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy, les conditions spécifiques de celle-ci n'étant pas réunies notamment au visa de l'article L.3253-6 du code du travail,
- dire et juger que la garantie de l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy est encadrée par les articles L.3253-17 et D. 3253-5 du code du travail qui prévoient, pour toutes causes de créances confondues, le principe du plafond de garantie de l'AGS applicable aux créances qui seraient fixées au bénéfice de M. [Z] au titre de son contrat de travail.
- dire et juger que les créances de salaires fixées au titre de la période d'observation et dans les 15 jours ayant suivi la Liquidation judiciaire sont limitées à un mois et demi par application de l'article L. 3253-8 5° du code du travail,
- dire et juger que l'obligation de l'AGS - CGEA d'Annecy de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le greffier du Tribunal de commerce compétent,
- condamner M. [Z] aux dépens.
Elle fait valoir que la société a été radiée, il n'est plus possible de fixer de créance à son passif.
Selon l'article L.3253-6 et suivants du code du travail, pour que l'AGS intervienne, l'existence d'une procédure collective est nécessaire, or la liquidation judiciaire a été clôturée le 29 octobre 2019.
M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes le 28 septembre 2020, soit un an après la clôture de la procédure collective, celle-ci n'existant plus l'AGS doit être mise hors de cause.
À titre subsidiaire, l'AGS n'a reçu aucune demande d'avance de la part de la Selarl Gomis pour le bénéfice de M. [Z], la société n'a donc pas signalé ne pas avoir réglé les salaires de M. [Z] et celui-ci ne s'en est pas plaint.
En première instance, le salarié n'a formulé aucune demande à l'encontre de l'AGS à ce titre, ses nouvelles prétentions sont donc irrecevables.
Le salarié n'a aucune action directe à l'encontre l'AGS, c'est la Selarl Gomis qui doit répondre aux demandes de M. [Z].
Le salarié ne démontre pas avoir travaillé au-delà de juin 2017, ni de s'être tenu à disposition de l'employeur. Ses bulletins de paie de juin 2017 à janvier 2018 indiquent une prise de congés sans solde.
Selon les articles L.1471-1 et L.1235-7 du code du travail, M. [Z] est prescrit dans sa demande de paiement des indemnités de rupture.
La procédure de licenciement a été respectée, le salarié a été convoqué à un entretien préalable, le liquidateur judiciaire a indiqué qu'il s'agissait d'un licenciement conservatoire comme le préconise le Conseil de l'Ordre des Administrateurs et Mandataires judiciaires.
La Selarl Luc Gomis n'a pas constituée avocat et n'a pas conclu.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 4 février 2022.
Motifs de la décision
La liquidation judiciaire de la société Tipex a été clôturée par jugement du 29 octobre 2019 pour insuffisance d'actif et la société a été radiée du registre du commerce et des sociétés le même jour.
L'article L.643-11 du code de commerce prévoit que 'le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur'.
M. [Z] n'entre pas dans le cadre de l'une des situations faisant exception à cette règle prévues aux articles L.643-11 et L.643-13 du code de commerce.
Le salarié ne verse aucune pièce permettant de démontrer la déclaration de ses créances au moment de la procédure collective.
M. [Z] ayant perdu l'exercice individuel de son action contre la société Tipex, il ne peut plus agir et il est donc irrecevable à agir contre la Selarl Luc Gomis qui était lors des opérations de liquidation le mandataire liquidateur de la société Tipex.
Concernant la garantie de l'AGS, l'article L.3253-6 code du travail dispose que 'tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L.5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.'.
Il résulte de ces dispositions que l'intervention de la garantie de l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy intervient dans le cadre d'une procédure collective.
Les salariés ne disposent d'aucune action directe contre l'Unedic AGS et le salarié ne peut demander la condamnation de celle-ci.
La clôture de la liquidation judiciaire de la société Tipex et sa radiation du registre du commerce et des sociétés sont intervenues le 29 octobre 2019.
La procédure collective ayant été clôturée définitivement, la société n'existant plus et en l'absence de toute procédure collective valide, l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy sera mise hors de cause.
Par ces motifs,
La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Mets hors de cause l'Unedic délégation AGS CGEA d'Annecy ;
Condamne M. [E] [Z] aux dépens d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 12 Juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.