COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 07 JUIN 2022
N° RG 21/00254 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GTWI
[I] [D]
C/ S.A.R.L. ANNECY COURSES
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 17 Décembre 2020, RG F 20/00032
APPELANT :
Monsieur [I] [D]
1 rue 27ème BCA
74000 ANNECY
Représenté par Me Claire MOLLARD, avocat au barreau de CHAMBERY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000380 du 01/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)
INTIMEE et APPELANTE INCIDENT :
S.A.R.L. ANNECY COURSES
dont le siège social est sis 193 Route des Merisiers - Parc du Pré Vaurien
74370 PRINGY
prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SAS C2RG, avocat au barreau d'ANNECY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 05 Avril 2022, devant Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s'est chargé du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Mme Sophie MESSA, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Elsa LAVERGNE, Conseiller,
********
Exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties
M. [I] [D] a été embauché par la Sarl Annecy Courses en qualité de chauffeur-livreur, coefficient 118, niveau GR 3bis, catégorie non cadre, à compter du 27 juillet 2018 par contrat à durée déterminée puis, à compter du 1er octobre 2018, sous contrat à durée indéterminée à temps complet.
La convention collective applicable est la n°3085 du transport routier.
Le salarié disposait d'un permis de conduire espagnol valable pour la conduite en France.
Le 15 mars 2019, M. [I] [D] a fait l'objet d'une suspension administrative de son permis de conduire pour excès de vitesse avec le véhicule de l'entreprise, avec rétention immédiate du permis de conduire.
Le 18 mars 2019, une interdiction temporaire de conduire d'une durée de deux mois a été prise par le préfet. L'interdiction devait prendre fin le 18 mai 2019, sous réserve d'une visite médicale favorable.
Le salarié a été placé avec un autre chauffeur du 16 au 22 mars 2019 afin de former ce dernier pour la reprise de sa tournée. M. [I] [D] a ensuite été en congés payés du 25 au 30 mars 2019.
Le 29 avril 2019, M. [I] [D] a passé une visite médicale favorable à la reprise de la conduite.
Par un courrier du 7 mai 2019, M. [O] [Y] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 20 mai 2019.
Par un courrier du 27 mai 2019, M. [I] [D] s'est vu notifier son licenciement pour 'faute réelle et sérieuse'.
Par requête reçue le 30 janvier 2020, M. [I] [D] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annecy afin qu'il soit jugé que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et que lui soient allouées diverses sommes à ce titre.
Par jugement en date du 17 décembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Annecy a :
- débouté M. [O] [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la Sarl Annecy Courses de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [D] aux entiers dépens.
Ce jugement a été notifié le 4 janvier 2021.
Par déclaration reçue au greffe le 4 février 2021 par RPVA, M. [I] [D] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, M. [O] [Y] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Sarl Annecy Courses de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et infirmer sur le surplus,
Statuant à nouveau :
- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
en conséquence :
- condamner la Sarl Annecy Courses à lui verser la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la Sarl Annecy Courses à lui remettre les bulletins de salaires rectifiés pour les mois d'avril 2019, mai 2019 et juin 2019 ainsi que l'attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte de 10 euros par jour, dans un délai de 10 jours à compter de la notification à intervenir,
en tout état de cause :
- condamner la Sarl Annecy Courses à lui verser les sommes de :
* 4 077,40 euros au titre de rappel de salaires du 1er avril au 18 mai 2019, outre 407,74 euros de congés payés afférents,
* 2 146 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 214,60 euros de congés payés afférents,
* 1 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sarl Annecy Courses aux entiers dépens de l'instance.
M. [I] [D] soutient que la lettre de licenciement indique comme motif une faute disciplinaire et non la commission d'une infraction au code de la route. Il n'a pas été licencié du fait du trouble causé par la suspension de son permis.
Les griefs invoqués dans la lettre de licenciement sont infondés, l'employeur reconnait qu'il l'a informé immédiatement de sa suspension administrative de permis de conduire, l'employeur a reçu une copie de la décision.
Le refus de signature de l'avis de rétention de permis n'a pas d'impact sur la procédure de suspension. Ne comprenant pas toujours le français et connaissant les conséquences d'une signature, il a préféré ne pas signer le procès-verbal, l'officier de police lui a indiqué que cela n'était pas une obligation.
Il était en congé sans solde depuis le 1er avril 2019 et non depuis le 15 mars 2019, l'employeur n'est jamais revenu vers lui concernant l'évolution de la situation. Aucune évolution ne pouvait avoir lieu durant le délai de la suspension du permis de conduire.
L'employeur a fait preuve de déloyauté en lui demandant de former son collègue et en l'évinçant de son poste par la suite.
Sa fiche de paie d'avril 2019 indique absence injustifiée et non congé sans solde.
Si l'entreprise n'avait pu le reclasser, elle l'aurait licencié immédiatement. Il pouvait à nouveau conduire depuis le 18 mai 2019, donc la question du reclassement ne se posait plus au moment du licenciement.
La fin de la suspension du permis ne nécessitait qu'une visite médicale favorable mais aucunement une autorisation de la préfecture. La décision de suspension indique la date de fin de suspension et le fait qu'elle ne peut être prolongée. Cela a été confirmé par le représentant du préfet.
En cas de suspension administrative d'un permis étranger, le titulaire doit demander l'échange de son permis pour obtenir une équivalence de permis français mais pendant la durée de la procédure il peut conduire avec son permis étranger dès lors qu'il justifie d'une visite médicale favorable et du dépôt de la demande d'échange.
L'employeur avait la possibilité d'avoir accès au statut de son permis de conduire en sollicitant la préfecture, conformément au décret n°2018-387 du 24 mai 2018. Or, l'employeur n'a fait cette demande qu'un mois après le licenciement.
Le barême prévu à l'article L.1235-3 du code du travail ne permet pas l'indemnisation de son entier préjudice.
Il s'est retrouvé sans rémunération dès le 1er avril 2019 et n'a pu s'inscrire au chômage que fin juin 2019. Il n'a pas retrouvé d'emploi stable.
Les agissements de l'employeur constituent une exécution déloyale du contrat de travail. De plus, il n'a pu effectuer son préavis car il lui a été demandé de partir.
Il sollicite un rappel de salaire pour la période du 1er avril 2019 au 27 mai 2019, l'employeur ayant refusé son congé sans solde et ayant mentionné 'absence injustifiée' sur son bulletin de salaire, alors qu'il se tenait à la disposition de son employeur.
Le contrat de travail et la convention collective prévoient un préavis d'un mois, ce que la lettre de licenciement précise. Or, lorsqu'il s'est présenté sur son lieu de travail, il lui a été demandé de partir. Son supérieur hiérarchique l'a agressé physiquement, une plainte a été déposée.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la Sarl Annecy Courses demande à la cour de:
- juger que le licenciement de M. [I] [D] est parfaitement fondé,
en conséquence,
- débouter M. [I] [D] de l'intégralité de ses demandes,
en tout état de cause,
- débouter M. [I] [D] de ses demandes de rappel de salaire ainsi que de sa demande au titre du licenciement vexatoire,
- réformer partiellement le jugement en ce qu'il a écarté la demande de la Sarl Annecy Courses visant à condamner M. [I] [D] à 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'avocat engagé devant le conseil de prud'hommes puis devant la cour.
La Sarl Annecy Courses soutient que, selon le contrat de travail de M. [I] [D], il occupait des fonctions de chauffeur-livreur. Après sa suspension de permis, le salarié n'a pas remis les documents administratifs obligatoires attestant qu'il pouvait conduire valablement, et ce après plusieurs demandes de la société.
Selon la jurisprudence, l'incidence du retrait du permis sur le contrat de travail d'un inspecteur commercial entrave la bonne exécution de la tâche du salarié. La privation du permis de conduire d'un salarié, nécessaire à l'exercice de ses fonctions, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Un salarié licencié pour excès de vitesse avec le véhicule de l'entreprise ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis alors qu'il se trouve dans l'incapacité d'exécuter ses fonctions du fait de la suspension de son permis au moment du licenciement.
M. [I] [D] a été licencié en raison de l'absence de production de documents juridiques démontrant qu'il possédait à nouveau le permis de conduire à la date du licenciement.
La jurisprudence considère que l'absence d'un document juridique prouvant la détention du permis de conduire d'un salarié dont les fonction le requièrent cause un trouble objectif au bon fonctionnement de l'entreprise et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
L'absence de permis de conduire a duré du 18 mars au 27 mai 2019.
La jurisprudence ne contraint pas l'employeur à un délai pour initier une procédure de licenciement suite au trouble causé par l'absence de permis en cours de validité.
Une recherche de reclassement a été faite, le salarié a été placé avec un collègue afin de le former.
La recherche de reclassement n'est pas une obligation légale pour ce type de licenciement.
Les pièces versées démontrent que M. [I] [D] n'était pas encore valablement autorisé à conduire un véhicule à la fin de la suspension de son permis et suite à la visite médicale favorable.
La nouvelle pièce de l'appelant en date du 24 janvier 2021 est postérieure de plus de vingt mois à la date du licenciement. Son nouveau permis de conduire est daté du 21 octobre 2019 alors que son licenciement remonte au 27 mai 2019.
C'est à la date du licenciement que la légitimité de celui-ci s'apprécie.
Le salarié n'a pas justifié d'un permis de conduire valable en attendant de recevoir son permis français.
Le salarié n'a pas entrepris toutes les démarches pour effectuer l'échange de permis, il n'a donc pu transmettre le justificatif.
La préfecture n'a jamais contacté la société pour lui confirmer que le salarié pouvait conduire.
M. [I] [D] était informé, dès le 27 mai 2019, qu'il ne pourrait effectuer son préavis en l'absence d'un permis de conduire valable, il lui a donc été demandé de partir.
Le dépôt de plainte du salarié n'est corroboré par aucun élément. Aucun élément ne démontre que le salarié ait été malmené physiquement et mentalement, la vidéo versée en appel ne fait état d'aucune agressivité, elle a été faite à l'insu de l'employeur. Des attestations de personnes présentes confirment qu'il n'y a eu aucune altercation.
Le salarié ne peut donc percevoir les différentes indemnités sollicitées car il ne démontre pas que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ses documents de fin de contrat lui ont été remis, il ne pouvait effectuer son préavis suite à son impossibilité d'exécuter sa prestation de travail, il était placé en congé sans solde, il n'apporte aucun élément justifiant de l'exécution déloyale du contrat par l'employeur.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 4 février 2022.
L'affaire a été appelée à l'audience du 5 avril 2022. A l'issue, elle a été mise en délibéré au 19 mai 2022, délibéré prorogé au 7 juin 2022.
Motifs de la décision
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement du 27 mai 2019 fixant les limites du litige expose :
- En date du 18 mars 2019, vous nous avez transmis un avis et informé de la rétention de votre permis de conduire suite à une infraction commise le 15 mars 2019. Avis de rétention que vous avez refusé de signer.
- Depuis cette date vous êtes en congés sans solde et nous sommes revenus plusieurs fois vers vous pour connaître l'évolution de votre situation. Mais nous n'avons obtenu aucune réponse de votre part.
- Nous avons dès le début de la rétention de votre permis de conduire cherché une possibilité de reclassement disponible au sein de la société en attendant la restitution de votre permis de conduire. Mais nous sommes au regret de constater que votre reclassement s'est révélé impossible.
- En date du 29 avril 2019, vous nous avez transmis un avis médical suite à une visite auprès d'un médecin spécifiant votre aptitude à conduire. Mais cet avis médical ne vous autorise pas pour autant à conduire, nous vous rappelons c'est bien le préfet qui décide de mettre fin à la suspension du permis de conduire et non les médecins lorsqu'ils rendent l'avis médical.
- À ce jour, vous ne nous avez toujours pas remis un document attestant la validité de votre permis de conduire.
Compte tenu de votre fonction de chauffeur au sein de notre établissement et le caractère impératif de la validation de votre permis de conduire pour exercer votre travail, nous considérons donc que ces faits constituent une faute réelle et sérieuse rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.
En l'espèce, il est établi par les pièces produites aux débats que :
- M. [I] [D] s'est vu suspendre administrativement son permis de conduire espagnol pour une durée de deux mois à compter du 15 mars 2019. Il a transmis cette information à son employeur dès réception de la décision de la préfecture du 18 mars,
- son permis de conduire lui était nécessaire dans le cadre de son contrat de travail puisqu'il occupait un poste de chauffeur-livreur,
- le salarié s'est renseigné par courriel le 2 avril 2019 auprès de la préfecture pour connaître les démarches à effectuer pour récupérer son permis. Il lui a été répondu le 15 avril 2019 qu'il devait passer une visite médicale et ensuite faire une demande de permis de conduire sur le site de l'ANTS,
- celui-ci a passé la visite médicale obligatoire le 29 avril 2019, et a effectué une 'demande liée au permis de conduire' sur le site de l'ANTS le 12 mai 2019,
- M. [K] [R], personne ayant assisté le salarié lors de l'entretien préalable, indique dans son compte-rendu écrit que celui-ci avait envoyé avant l'entretien son permis espagnol original à la préfecture de Nantes avec son dossier afin que son permis soit 'transformé' en permis français (en cas de suspension d'un permis étranger, celui-ci doit ensuite obligatoirement être échangé contre un permis français). M. [R] indique également avoir informé l'employeur de ce qu'il s'était renseigné auprès du service des permis de la préfecture qui lui avait confirmé que M. [I] [D] pouvait conduire avec le seul document attestant de la visite médicale,
- le salarié justifie par la production d'un courrier du Pôle sécurité routière de la préfecture de Haute-Savoie que l'avis médical favorable obligatoire et la preuve de dépôt de demande d'échange de son permis espagnol contre un permis français lui redonnaient le droit de conduire à compter du 16 mai 2019.
Il résulte ainsi de ces éléments que M. [I] [D] avait recouvré le droit, à la date de l'entretien préalable au licenciement, de conduire un véhicule.
L'employeur ne peut arguer que le salarié ne lui a jamais remis l'attestation de dépôt sécurisé remise en échange de la remise d'un permis étranger dans le cadre d'une demande d'échange de permis de conduire européen dans la mesure où il résulte du document rappelant la procédure à suivre et produit par M. [I] [D] que le permis de conduire étranger doit être remis à l'administration contre attestation de dépôt sécurisée, 'sauf en cas de suspension ou d'annulation'.
Le salarié ne pouvait donc se voir remettre une attestation de dépôt sécurisé puisque son permis étranger avait été suspendu, et qu'il n'était pas en sa possession au moment de sa demande d'échange.
Par ailleurs, le compte-rendu de M. [K] [R] permet de retenir qu'ont été abordés durant l'entretien préalable le fait que le salarié avait été déclaré apte dans le cadre de la visite médicale et qu'il avait envoyé une demande d'échange de son permis de conduire espagnol contre un permis de conduire français le 12 mai 2019.
Il sera relevé que l'employeur ne démontre pas avoir, ainsi qu'il le prétend, régulièrement interrogé le salarié quant à sa situation par rapport à son permis de conduire avant d'entamer la procédure de licenciement.
En outre, il sera constaté que l'employeur n'a pas considéré que la suspension du permis de conduire constituait en elle-même une cause réelle et sérieuse de licenciement puisqu'il a tout d'abord affecté le salarié à la formation de son remplaçant, avant de l'autoriser à prendre ses congés payés puis un congé sans solde dans l'attente de l'évolution de sa situation vis-à-vis de son permis.
Il sera également relevé que le salarié s'est informé auprès de la préfecture sur les démarches à effectuer pour récupérer son permis quinze jours après la suspension de celui-ci, et qu'il a saisi sa demande d'échange de permis sur le site de l'ANTS treize jours après avoir obtenu l'avis médical conforme nécessaire pour effectuer cette demande. Il ne peut donc être considéré qu'il s'est montré négligent dans ses démarches pour récupérer son permis.
Compte-tenu de la complexité de la situation, l'employeur était légitime à se questionner sur le fait que le salarié ait ou non recouvré la possibilité de conduire. Cependant, il avait également la possibilité de vérifier l'affirmation du salarié selon laquelle les démarches qu'il avait effectuées l'autorisaient à conduire. Une simple interrogation des services de la préfecture, qui a répondu en quatre jours au salarié quand celui-ci les a sollicités en janvier 2021, aurait permis à l'employeur de lever ce doute avant de prendre une décision aussi lourde de conséquences qu'un licenciement.
Compte-tenu de ces éléments, il doit être considéré que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
La décision du conseil de prud'hommes sur ce point est donc infirmée.
Sur les indemnités et rappels de salaires sollicités
M. [I] [D] a démontré qu'il était en droit de conduire un véhicule à la date de son licenciement, et il est retenu que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse: il est donc en droit de solliciter le paiement de sa période de préavis sur une période de un mois.
L'indemnité de préavis comprend le salaire de base, les primes de non accident et d'assiduité prévues au contrat de travail ainsi que les heures supplémentaires, le salarié en ayant effectué chaque mois depuis décembre 2018 jusqu'à la suspension de son permis à hauteur de 33,33 heures.
L'indemnité de préavis sera donc fixée à 2091 euros, outre 209,10 euros de congés payés afférents.
Si le salarié conclut bien à la condamnation de l'employeur au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, cette demande n'est pas reprise au dispositif de ses conclusions. Il n'y a donc pas lieu d'y répondre.
M. [I] [D] avait moins de un an d'ancienneté au sein de l'entreprise. Il était âgé de 47 ans au moment de son licenciement. Hormis le montant de son loyer, il ne produit aucun élément justificatif de sa situation personnelle postérieurement à son licenciement. Compte-tenu de ses élements et des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, il lui sera alloué une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse de 1400 euros.
Le salarié sollicite une somme de 4077,40 euros, outre congés payés, à titre de rappel de salaire pour la période du 1er avril au 18 mai 2019.
Il a reconnu avoir proposé à son employeur de prendre un congé sans solde sur cette période dans l'attente de récupérer son permis. M. [I] [D] avait été embauché comme chauffeur-livreur dans cette société exerçant l'activité de messagerie-transport. Son permis lui était donc nécessaire pour exercer l'activité prévue à son contrat de travail. Le salarié n'allègue ni ne justifie d'une obligation de reclassement de la part de l'employeur sur un autre poste ne nécessitant pas le permis de conduire.
Compte-tenu de ces éléments, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. [I] [D] de cette demande.
Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
En l'espèce, il ressort de l'analyse des pièces produites aux débats ainsi que des conclusions que l'employeur a proposé au salarié, suite à la suspension de son permis de conduire, de former son remplaçant pendant une semaine, puis a accepté qu'il pose six jours de congés payés et ensuite qu'il prenne des congés sans solde du 1er avril jusqu'à la date de son licenciement. Sur ce dernier point, le fait que son bulletin de paye d'avril 2019 mentionne 'absence injustifiée' résulte manifestement d'une erreur matérielle, l'employeur n'ayant jamais contesté avoir donné son autorisation pour cette absence et ne l'ayant d'ailleurs pas reprochée au salarié dans le cadre du licenciement.
Il ne ressort pas de ces éléments la constatation d'une faute de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.
Le salarié ne procède que par allégations en affirmant que son employeur l'a gardé deux mois dans ses effectifs alors que sa décision de le licencier était déjà prise.
La société pouvait légitimement se poser des questions quant à la possibilité pour le salarié de conduire à nouveau à compter du 18 mai 2019, le fait qu'elle ait refusé que le salarié effectue son préavis ne saurait dans ce contexte constituer une faute.
Enfin, M. [I] [D] produit une vidéo qu'il a tournée avec son téléphone alors qu'il se présentait devant son employeur pour reprendre son travail, selon lui durant son préavis. Ce dernier lui demande calmement de couper son téléphone et de partir, ce que le salarié ne fait pas. L'employeur tape ensuite manifestement dans la main du salarié qui tient le téléphone. Ce seul évènement ne saurait constituer une faute de l'employeur caractérisant une exécution déloyale du contrat de travail.
Ainsi, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. [I] [D] de cette demande.
Sur la remise des documents de fin de contrat rectifiés
La remise des bulletins de salaires rectifiés des mois de mai et juin 2019 ainsi que l'attestation Pôle Emploi rectifiée sera ordonnée. Il n'y a pas lieu à prononcer d'astreinte.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [I] [D] bénéficie de l'aide juridictionnelle totale. Il ne justifie pas avoir exposé des frais qui ne relèvent, compte tenu de leur nature, ni des dépens pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle, ni de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
En conséquence, il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Sarl Annecy Courses sera condamnée aux dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Déclare M. [I] [D] et la Sarl Annecy Courses recevables en leurs appels,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Annecy du 17 décembre 2020 en ce qu'il a débouté M. [I] [D] de ses demandes au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, du rappel de salaire pour la période du 1er avril au 18 mai 2019 et en ce qu'il a débouté la Sarl Annecy Courses de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau
Dit que le licenciement de M. [I] [D] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la Sarl Annecy Courses à verser à M. [I] [D] :
- la somme de 2091 euros brut, outre 209,10 euros de congés payés afférents, au titre de l'indemnité de préavis,
- la somme de 1400 euros brut au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne à la Sarl Annecy Courses de remettre à M. [I] [D] les bulletins de paie de main et juin 2019 ainsi que l'attestation de Pôle Emploi rectifiés,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
Y ajoutant
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sarl Annecy Courses aux dépens.
Ainsi prononcé publiquement le 07 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.