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17/06/2024 | FRANCE | N°21/00447

France | France, Cour d'appel de Cayenne, Chambre commerciale, 17 juin 2024, 21/00447


COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 2]



Chambre commerciale





















ARRÊT N° 58 /2024



N° RG 21/00447 - N° Portalis 4ZAM-V-B7F-7IJ





S.A.S. INTRUM CORPORATE venant aux droits de la société BPIFRANCE

S.A. BPIFRANCE





C/



[W] [R]









ARRÊT DU 17 JUIN 2024





Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de CAYENNE, décision attaquée en date du 16 Avril 2021,

enregistrée sous le n° 2020000196





APPELANTES :



S.A.S. INTRUM CORPORATE venant aux droits de la société BPIFRANCE

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Clémence JOUAN, avocate au barreau de Guyane et Me François MEUNIER, avocat au barre...

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 2]

Chambre commerciale

ARRÊT N° 58 /2024

N° RG 21/00447 - N° Portalis 4ZAM-V-B7F-7IJ

S.A.S. INTRUM CORPORATE venant aux droits de la société BPIFRANCE

S.A. BPIFRANCE

C/

[W] [R]

ARRÊT DU 17 JUIN 2024

Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de CAYENNE, décision attaquée en date du 16 Avril 2021, enregistrée sous le n° 2020000196

APPELANTES :

S.A.S. INTRUM CORPORATE venant aux droits de la société BPIFRANCE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Clémence JOUAN, avocate au barreau de Guyane et Me François MEUNIER, avocat au barreau de Créteil

S.A. BPIFRANCE

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Clémence JOUAN, avocate au barreau de Guyane

INTIME :

Monsieur [W] [R]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 février 2024 en audience publique et mise en délibéré au 08 avril 2024 prorogé au 17 juin 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Aurore BLUM, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Aurore BLUM, Présidente de chambre

Monsieur Laurent SOCHAS, Président de chambre

Madame Patricia GOILLOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Madame Joséphine DDUNGU, Greffière placée, présente lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous-seing-privé du 12 mai 2016, la SARL DAPEC SARL, représentée par Monsieur [R] [W], a souscrit auprès de la SA BPIFRANCE FINANCEMENT un contrat de prêt professionnel COLLECTIVITES, comportant une aide directe de la région GUYANE. Ce crédit d'un montant total de 50 000 € et d'une durée de 7 ans était remboursable en huit trimestres de différé d'amortissement, suivis de 20 versements trimestriels à terme échu, moyennant un taux fixe de 1,14 %.

Plusieurs mensualités demeurantes impayées, la BPIFRANCE FINANCEMENT a saisi le Président du Tribunal mixte de commerce de Cayenne par requête d'injonction de payer en date du 14 novembre 2019, aux fins d'enjoindre à la débitrice de lui payer la somme en principal de 49 998,34 €, outre les intérêts de retard et les frais de recouvrement.

Par ordonnance du 6 avril 2020, le Président du Tribunal mixte de commerce de Cayenne a fixé la somme due à 49 497,86 € avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2010, outre les dépens.

Cette ordonnance a fait l'objet d'une première signification à personne à la société DAPEC SARL le 5 mai 2020 et est devenue exécutoire le 13 juillet 2020.

Par acte d'huissier en date du 14 août 2020, ladite ordonnance a fait l'objet d'une seconde signification à personne à la société DAPEC SARL, assortie d'une injonction de payer la somme de 50 293,57 €.

Par acte d'huissier en date du 5 novembre 2020, une sommation de payer la somme de 50 293,57 € a été délivrée à la SARL, mais celle-ci est également restée sans effet.

Par assignation en date du 23 décembre 2020, la BPIFRANCE FINANCEMENT a attrait Monsieur [R] [W] devant le Tribunal mixte de commerce de Cayenne aux fins de voir condamner ce dernier, sur le fondement de l'article L. 237-12 du code de commerce, au paiement de la somme de 49 497,86 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2020 à titre de dommages et intérêts, à la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La BPIFRANCE FINANCEMENT a soutenu en effet avoir découvert que par décision du 30 mars 2019, la société DAPEC SARL a fait l'objet d'une procédure de dissolution anticipée et que Monsieur [R], gérant de ladite société, a été désigné en qualité de liquidateur amiable. Elle fait valoir que celui-ci a commis une faute en s'abstenant d'inclure la créance détenue par elle à son passif, ce qui aurait dû l'amener à différer la clôture des opérations de liquidation ou à défaut de solliciter l'ouverture d'une procédure collective.

Par jugement du 16 avril 2021, le Tribunal mixte de commerce de Cayenne a débouté la requérante de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'elle ne justifiait pas de la clôture des opérations de liquidation, que par suite, elle ne démontrait pas que le liquidateur amiable avait commis une faute qui lui aurait causé un éventuel préjudice ouvrant droit à réparation. La même a donc été condamnée aux dépens de l'instance, outre les frais de greffe liquidés à la somme de 61,03 €.

Par déclaration reçue le 20 octobre 2021, l'établissement de crédit a interjeté appel de ce jugement.

Le 24 novembre 2021, avis était donné à l'appelant d'avoir à signifier la déclaration d'appel, en l'absence de constitution de l'intimé dans le mois de la transmission de la déclaration d'appel qui lui a été fait par le greffe, lequel y procédait le 2 décembre 2021.

En l'état de ses premières et dernières conclusions reçues le 19 janvier 2022, la BPIFRANCE FINANCEMENT demande à la Cour de :

' infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

' condamner Monsieur [R] à payer la somme de 49 497,86 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2020,

' condamner le même au paiement d'une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens, en autorisant Me JOUAN à recouvrer ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

Au soutien de ses prétentions, l'établissement de crédit argue que la responsabilité du liquidateur amiable peut être retenue même en l'absence de clôture des opérations de liquidation de la société dissoute ; qu'en exigeant la preuve de ladite clôture, le premier juge a ajouté au texte une condition de recevabilité qu'il ne prévoit pas. Elle soutient que le liquidateur amiable est fautif pour n'avoir pas provisionné la créance litigieuse, ni même demander l'ouverture d'une procédure collective. Selon elle, il en ressort un préjudice s'analysant en une perte de chance de recouvrer sa créance.

Bien que cité par acte remis à étude, l'intimé ne s'est pas constitué.

Par arrêt avant-dire droit du 26 avril 2023, la Cour d'appel de Cayenne a ordonné la réouverture des débats, aux fins de permettre l'obtention et la présentation de l'avis de clôture de la liquidation.

Par acte sous-seing privé du 8 avril 2022, versées aux débats, la société BPIFRANCE a cédé à la société COMPARTMENT FIP II, 102 créances pour la somme de 8 220 267,15 euros, dont la créance de la société BPIFRANCE à l'encontre de la société DAPEC d'un montant de 49 497,86 euros.

Le 22 février 2022, la société COMPARTMENT FIP II a donné pouvoir à la société INTRUM CORPORATE d'ester en justice pour poursuivre le recouvrement de ses créances.

Par conclusions en intervention volontaire reçues le 12 septembre 2023, la société INTRUM CORPORATE agissant au lieu et place de la société BPIFRANCE, demande à la Cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce mixte de Cayenne, de condamner Monsieur [W] [R] à payer à la société INTRUM CORPORATE la somme de 49 497,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2020, ainsi que la somme de 5000 € en application de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens, avec distraction au profit de Me JOUAN.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 février 2024.

Sur ce, la Cour,

Sur la responsabilité du liquidateur amiable

Aux termes de l'article L. 237-12 du code de commerce le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions.

L'article L. 237-2 du code de commerce dispose que la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci.

Il en résulte que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision, et qu'en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur amiable de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective contre la société.

Par ailleurs, en vertu de l'article 1353 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En l'espèce, l'appelante soutient qu'il ne lui appartient pas de rapporter la preuve de la clôture des opérations de liquidation pour engager la responsabilité personnelle du liquidateur amiable. En effet, l'article L. 237-12 précité ne fait pas mention d'une telle condition de recevabilité.

Il appartient à l'appelante, pour le succès de son recours, de démontrer l'existence d'une faute du liquidateur amiable lui ayant causé un préjudice, s'apparentant à une perte de chance de recouvrer sa créance et l'existence d'un lien de causalité certain entre cette faute et ledit préjudice.

En l'espèce, la créance de la société BPIFRANCE est certaine ; qu'en effet, les droits de l'appelante ont été reconnus par décision de justice du 6 avril 2020 devenue exécutoire le 13 juillet 2020. De plus, il n'est pas contesté que les opérations de liquidation de la SARL DAPEC n'ont pas conduit au paiement de sa créance.

Le liquidateur amiable, qui n'a pas comparu en première instance, ni constitué avocat en appel, bien que régulièrement assigné, ne soutient pas avoir garanti la créance de l'établissement de crédit par une provision, ni de l'insuffisance d'actif de la société lors de sa liquidation amiable.

Monsieur [R], ancien gérant de la société débitrice, désigné liquidateur amiable, ne justifie pas davantage avoir procédé à un report de la clôture de la liquidation ou à l'ouverture d'une procédure collective.

En tout état de cause, en vertu de l'article 1844-8 du code civil, la clôture de la liquidation doit intervenir dans un délai de trois ans à compter de la dissolution de la société. En l'espèce, la dissolution anticipée de la SARL DAPEC a fait l'objet d'une publication au Registre du Commerce et des Sociétés de Cayenne le 15 juillet 2019 ; la clôture de la liquidation amiable est nécessairement intervenue le 15 juillet 2022, au plus tard.

Le préjudice de la société INTRUM CORPORATE agissant au lieu et place de la société BPIFRANCE doit donc être considéré comme certain.

Tenu de répondre des conséquences dommageables de sa faute, le liquidateur doit dès lors réparer le préjudice à hauteur du montant de la créance qui n'a pu être recouvrée.

Il y a ainsi lieu de condamner Monsieur [R] à payer à la société INTRUM CORPORATE agissant au lieu et place de la société BPIFRANCE la somme de 49 497,86€ avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les demandes accessoires

Succombant, Monsieur [R] supportera les dépens.

Le même sera condamné à payer une indemnité de procédure de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe :

DECLARE la société INTRUM CORPORATE bien fondée à agir au lieu et place de la société BPIFRANCE,

INFIRME le jugement entrepris,

CONDAMNE Monsieur [W] [R] à payer à la société INTRUM CORPORATE agissant au lieu et place de la société BPIFRANCE la somme de 49 497,86€ avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

CONDAMNE Monsieur [W] [R] à payer à la société INTRUM CORPORATE une indemnité de procédure de 1 000 € en application de l'article 700 du CPC,

CONDAMNE Monsieur [W] [R] aux dépens,

AUTORISE Me JOUAN à recouvrer ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et la Greffière.

La Greffière La Présidente de chambre

Joséphine DDUNGU Aurore BLUM


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Cayenne
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00447
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;21.00447 ?
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