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14/11/2022 | FRANCE | N°19/00661

France | France, Cour d'appel de Cayenne, Chambre commerciale, 14 novembre 2022, 19/00661


COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 3]



Chambre commerciale





















ARRÊT N°39



N° RG 19/00661 - N° Portalis 4ZAM-V-B7D-ZJQ





[S] [O]

[X] épouse [O] [G]

Société STOUPAGRI





C/



S.A. LA BANQUE POSTALE







ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2022



Décision au fond, origine Tribunal mixte de Commerce de CAYENNE, décision attaquée en date du 10 octobre 2019, enregistrée sous le nÂ

°2018/000274





APPELANTS :



Monsieur [S] [O]

[Adresse 1]

[Localité 5]



représenté par Me Elisabeth EWSTIFEIEFF, avocat postulant au barreau de GUYANE, Me Emelle ZELTENI, avocat plaidant au barreau d'AVIGNON



(bénéficie d'une aide juridiction...

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 3]

Chambre commerciale

ARRÊT N°39

N° RG 19/00661 - N° Portalis 4ZAM-V-B7D-ZJQ

[S] [O]

[X] épouse [O] [G]

Société STOUPAGRI

C/

S.A. LA BANQUE POSTALE

ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2022

Décision au fond, origine Tribunal mixte de Commerce de CAYENNE, décision attaquée en date du 10 octobre 2019, enregistrée sous le n°2018/000274

APPELANTS :

Monsieur [S] [O]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Elisabeth EWSTIFEIEFF, avocat postulant au barreau de GUYANE, Me Emelle ZELTENI, avocat plaidant au barreau d'AVIGNON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/003845 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAYENNE)

Madame [X] épouse [O] [G]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Elisabeth EWSTIFEIEFF, avocat postulant au barreau de GUYANE, Me Emelle ZELTENI, avocat plaidant au barreau d'AVIGNON

Société STOUPAGRI

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Elisabeth EWSTIFEIEFF, avocat postulant au barreau de GUYANE, Me Emelle ZELTENI, avocat plaidant au barreau d'AVIGNON

INTIMEE :

S.A. LA BANQUE POSTALE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Isabelle DENIS, avocat au postulant barreau de GUYANE,

Me Denis LAURENT, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions des articles 907 et 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 septembre 2022 en audience publique et mise en délibéré au 14 décembre 2022, avancé au 14 novembre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Mme [I] [T],

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Aurore BLUM, Présidente de chambre

Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

M. Laurent SOCHAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Mme Fanny MILAN, Greffier, présente lors des débats et du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

Exposé du litige :

La SCEA Stoupagri, dont le gérant est M. [S] [O], a une activité agricole de culture de légumes, de melons, de racines et de tubercules.

En application de l'article 8 du code général des impôts, elle est soumise à l'impôt sur le revenu.

Afin de bénéficier de l'abattement sur les bénéfices des entreprises prévu par l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, la société sus-nommée a donné le 7 décembre 2010 à la Banque postale l'ordre d'effectuer un virement de 15 000€ au fonds d'appui aux expérimentations en faveur des jeunes.

La Banque postale n'a opéré ce virement que le 12 janvier 2011.

Par avis du 21 décembre 2011, la SCEA Stoupagri a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices 2008, 2009 et 2010, laquelle a conduit à une remise en cause de l'abattement pratiqué au titre de l'année 2009 faute d'avoir versé les fonds avant le 31 décembre 2010. Elle a été redressée en conséquence d'un montant de 118 134 € suite à la réintégration du montant de 300 000 € dans son bénéfice.

Estimant que la Banque postale, en omettant de réaliser le virement en temps voulu, lui avait fait perdre le bénéfice des dispositions de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, la SCEA Stoupagri, par acte du 22 janvier 2018, l'a assignée devant le tribunal mixte de commerce de Cayenne, au visa de l'article 1240 du code civil, aux fins de la voir condamner à payer la somme en principal de 117.134 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

M. [S] [O] et Mme [X] [G] épouse [O] sont intervenus volontairement à la procédure.

Par jugement contradictoire du 10 octobre 2019, le tribunal mixte de commerce les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes.

Par déclaration reçue le 22 octobre 2019, les époux [O] et la SCEA Stoupagri ont relevé appel du jugement.

Le 26 novembre 2019, avis été donné aux appelants d'avoir à signifier la déclaration d'appel faute de constitution de l'intimé.

Par acte du 9 décembre 2019, les appelants ont signifié la déclaration d'appel.

Par arrêt avant dire droit contradictoire du 10 novembre 2020, la cour a ordonné une expertise, et confié à l'expert la mission de donner à la cour tous éléments permettant de juger si les formalités du paragraphe V de l'article 44 quaterdecies avaient toutes été régulièrement remplies pour bénéficier de l'abattement de 300.000 euros au titre de l'année 2009, notamment celles relatives à la déclaration et au versement de la contribution obligatoire et supplémentaire en raison du nombre des employés.

M. [J], expert désigné, a déposé son rapport au greffe de la cour le 25 avril 2022.

Aux termes de leurs conclusions du 07 juin 2022, les appelants demandent d'infirmer la décision du tribunal mixte de commerce de Cayenne et de :

-juger que la demande de réparation de la SCEA Staoupagri sur le fondement de la responsabilité délictuelle est recevable ;

-juger que toutes les conditions relatives à l'article 44 quaterdecies, V du CGI étaient remplies, sauf celle relative au versement tardif au fonds d'expérimentation en faveur des jeunes;

-juger que le versement tardif au fonds d'expérimentation en faveur des jeunes est une faute imputable à l'intimée ;

-juger que les appelants établissent le lien de causalité entre la faute commise par la Banque postale et le préjudice subi;

-condamner la Banque postale au versement de la somme de 118.134€ avec intérêts au taux légal de la date de l'assignation et jusqu'à parfait règlement ;

-condamner encore l'intimée à verser aux époux [O] la somme de 20.000 € au titre du préjudice moral subi;

-ordonner la capitalisation des intérêts;

-condamner la Banque postale au versement de la somme de 23.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par conclusions du 02 juin 2022, l'intimée demande d'admettre aux débats les dites conclusions conformément au principe du contradictoire, suivant rapport d'expertise du 4 avril 2022, nouvelles productions et nouvelles conclusions n°2 de l'appelant signifiées le 31 mai 2022, et  de :

A titre principal,

-juger que la SCEA Stoupagri et les époux [O] ne justifiaient pas de toutes les conditions de l'avantage fiscal poursuivi ;

-confirmer purement et simplement le jugement dont appel, rendu par le tribunal mixte de commerce de Cayenne le 10 octobre 2019,

A titre subsidiaire,

Sur l'action de la SCEA Stoupagri,

A titre principal,

-déclarer irrecevable la SCEA Stoupagri à défaut d'intérêt à agir,

A titre subsidiaire,

-la déclarer irrecevable en ses demandes délictuelles,

A titre plus subsidiaire,

-la déclarer irrecevable car prescrite en l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

-constater l'absence de préjudice personnel subi par la SCEA Stoupagri,

En conséquence,

-rejeter et débouter la société Stoupagri de toutes ses demandes,

Sur l'action de M. et Mme [O],

A titre principal,

-les déclarer irrecevables car prescrits en l'ensemble de leurs demandes,

A titre subsidiaire,

-les dire et juger mal fondés en leurs demandes,

En conséquence,

-rejeter et débouter M. et Mme [O] de toutes leurs demandes,

En tout état de cause,

-condamner solidairement les appelants au paiement d'une somme de 10.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

-condamner solidairement les appelants à supporter l'intégralité des dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, qui seront exposés dans les motifs pour les besoins de la discussion, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et à la décision déférée, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs :

Il convient de relever que la faute de la banque, soit le retard accusé dans la réalisation du virement, engageant sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de M. et Mme [O], n'est pas contestée.

1/ Sur le fondement de la responsabilité de la Banque postale à l'égard de la SCEA Stoupagri

Le tribunal a débouté la société de sa demande en réparation comme étant mal fondée en ce qu'elle visait la responsabilité quasi-délictuelle de la banque alors même que la société invoquait l'inexécution d'une obligation contractuelle de cette dernière.

L'appelante affirme que les juges ont eu une analyse erronée de la situation en ce que la banque était son mandataire lorsqu'elle lui a donné l'ordre de virement litigieux, et qu'en l'absence d'exécution de cet ordre dans un délai raisonnable, l'intimée a commis une faute lourde dans le cadre de sa gestion.

L'intimée réplique sur ce point que c'est en application de la convention d'ouverture de compte courant et du contrat « LBP Net entreprises de consultation et de gestion de compte sur internet » que l'appelante a donné son ordre de virement ; que le manquement qui lui est reproché étant l'inexécution du virement, la faute alléguée est de nature contractuelle ; qu'en application du principe de non-cumul des régimes de responsabilité contractuelle et délictuelle, l'action délictuelle dirigée contre elle par la SCEA Stoupagri est irrecevable.

Le mandat invoqué par l'appelante est un contrat, comme le rappelle au demeurant l'alinéa 2 de l'article 1984 du code civil.

La SCEA Stoupagri ne peut en conséquence utilement fonder son action contre son mandataire sur une responsabilité quasi-délictuelle.

Le jugement sera confirmé en ce que l'action de la SCEA à l'encontre de la Banque postale est mal fondée.

2 / Sur le lien de causalité entre le préjudice allégué et la faute de la Banque à l'égard des époux [O]

Le tribunal, s'appuyant sur la notification de la proposition de redressement du 09 mars 2012 et sur le jugement du tribunal administratif de Cayenne du 07 mai 2015 aux termes desquels M. [O] ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, a retenu que la preuve du lien de causalité entre la faute de la banque et le préjudice subi n'était pas rapportée.

Les appelants affirment que non seulement la première condition relative au paiement de dépenses et contributions obligatoires était respectée, mais aussi que celle relative à la réalisation de dépenses supplémentaires de formation professionnelle était remplie au regard du versement complémentaire de 181,52€ au titre du « 1 % CIF CDD », contribution non obligatoire versée au FAFSEA et constituant une contribution au financement d'un fonds d'assurance formation de salariés au sens de l'article L 6331-19 du code du travail.

L'intimée expose que le rapport d'expertise de M. [J] confirme l'analyse du tribunal administratif de Cayenne.

Elle fait valoir que le 1% CIF CDD ne répond pas à la définition des dépenses supplémentaires dès lors que ces dernières doivent être exposées en faveur des salariés de l'exploitation concernée et qu'en l'espèce, tous les salariés de la SCEA bénéficiaient d'un contrat de travail à durée indéterminée.

La cour retient que l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, créé par l'article 4 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, instaure, sous certaines conditions, un abattement sur les bénéfices provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte ou à La Réunion.

Plus particulièrement, cet article prévoit en sa partie V que le bénéfice des abattements est subordonné :
« 1° A la réalisation de dépenses de formation professionnelle en faveur du personnel de l'exploitation au titre de l'exercice qui suit celui au cours duquel les bénéfices ont fait l'objet d'un abattement. Elles doivent être exposées en faveur des salariés ou des dirigeants en activité à la date de clôture de l'exercice de leur engagement. Pour les entreprises soumises aux obligations prévues aux articles 235 ter D et 235 ter KA, les dépenses retenues sont celles exposées en sus de ces obligations. Les entreprises peuvent s'acquitter de la présente obligation en réalisant les dépenses prévues à l'article L. 6331-19 du code du travail ;

2° Au versement d'une contribution au fonds d'appui aux expérimentations en faveur des jeunes créé par la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, au titre de l'exercice qui suit celui au cours duquel les bénéfices ont fait l'objet d'un abattement. Ce versement ne peut être inférieur à 20 % de l'ensemble constitué par les dépenses de formation professionnelle et la contribution au fonds d'appui aux expérimentations en faveur des jeunes », ces deux conditions étant cumulatives.

Dès lors qu'il n'est pas contesté que tous les salariés de la SCEA, sur la période concernée, étaient sous CDI, et non CDD, la dépense relative au financement CIF CDD effectuée par la société ne peut être considérée comme ayant été engagée en leur faveur.

En conséquence, elle ne répond pas à la définition d'une dépense supplémentaire et l'une des conditions posées par l'article précité du CGI faisait défaut.

Il en résulte que la proposition de redressement ne peut être imputée à la seule faute de l'intimée et que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué n'est pas caractérisé.

3 / Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme [O] aux dépens et à payer à la Banque postale la somme de 2000€

au titre des frais irrépétibles.

Succombant en leur recours, les appelants supporteront la charge des dépens d'appel.

Le sens de la décision et l'équité justifient la condamnation des appelants à payer à l'intimée la somme de 3 000€ au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,

Confirme le jugement du tribunal mixte de commerce de Cayenne en date du 10 octobre 2019 en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Condamne solidairement la SCEA Stoupagri, M. [S] [O] et Mme [X] [G] épouse [O] aux dépens d'appel ;

Condamne solidairement la SCEA Stoupagri, M. [S] [O] et Mme [X] [G] épouse [O] à payer à la SA Banque postale la somme de 3 000€ (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés ne cause d'appel.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et le Greffier.

Le Greffier La Présidente de chambre

Fanny MILAN Aurore BLUM


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Cayenne
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/00661
Date de la décision : 14/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-14;19.00661 ?
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