ARRÊT DU
18 NOVEMBRE 2008
CL / IF
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R. G. 07 / 00650
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Isabelle X... divorcée Y...
C /
S. A. DISCOUNT CENTRE MAGASIN LEADER PRICE
en la personne de son représentant légal
S. A. DISCOUNT CENTRE MAGASIN LEADER PRICE
en la personne de son représentant légal
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ARRÊT no 361
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé à l'audience publique du dix-huit novembre deux mille huit par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffier,
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
Isabelle X... divorcée Y...
née le 8 mars 1957 à YVETOT (76190)
...
...
Rep / assistant : Me Jean Claude DISSES (avocat au barreau D'AGEN)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 003350 du
04 septembre 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN)
APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de CAHORS en date du 29 mars 2007 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. 06 / 00092
d'une part,
ET :
S. A. DISCOUNT CENTRE MAGASIN LEADER PRICE
en la personne de son représentant légal
Route de Toulouse
46000 CAHORS
Rep / assistant : Me Jacques VAYLEUX (avocat au barreau de BRIVE)
S. A. DISCOUNT CENTRE MAGASIN LEADER PRICE
en la personne de son représentant légal
38, Avenue Pierre 1er de Serbie
75008 PARIS
Rep / assistant : Me Jacques VAYLEUX (avocat au barreau de BRIVE)
INTIMÉES
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 30 septembre 2008, sur rapport de Catherine LATRABE, devant Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, Chantal AUBER et Thierry LIPPMANN, Conseillers, assistés de Solange BELUS, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
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Isabelle X..., née le 8 mars 1957, a été embauchée à compter du 8 janvier 2001 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel (30 heures hebdomadaires) en qualité d'employée libre service au magasin de CAHORS par la S. A. DISCOUNT CENTRE MAGASIN LEADER PRICE.
Le 2 avril 2001, les fonctions de responsable du rayon produits frais lui ont été confiées, et ce, avec une qualification d'agent de maîtrise niveau 5, son contrat de travail devenant un contrat de travail à temps plein ; une annexe au contrat de travail a été signée par les parties fixant la rémunération de la salariée à la somme de 8. 500 FF brut mensuel et indiquant : " cette rémunération est forfaitaire et aucune somme ne pourra être réclamée pour heures supplémentaires ".
Suivant courrier recommandé en date du 6 août 2001, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable.
La lettre de licenciement en date du 7 septembre 2001 qui a été notifiée à la salariée est ainsi libellée :
" nous vous notifions votre licenciement pour faute grave. Les motifs de licenciement sont les suivants :
1) Depuis le mois de juin, suite à un refus de votre part de venir le samedi après-midi, vous refusez systématiquement d'appliquer votre horaire hebdomadaire affiché sur votre lieu de travail. Malgré notre rappel écrit du 27 juillet, vous avez persisté à ne pas respecter cet horaire, ainsi vous étiez absente le samedi après-midi 4 août. Ce refus d'appliquer l'horaire affiché constitue à l'évidence une faute grave.
2) Vous effectuez l'horaire à votre gré, prenant votre travail quand vous le décidez et partant également quand vous le décidez, vos horaires devenant incontrôlables, et, après coup, vous annoncez que vous faites des heures supplémentaires. De plus vous refusez de signer les états de présence laissant donc volontairement une imprécision sur la durée hebdomadaire de votre travail.
3) En date du 12 juin 2001, il a été découvert en présence de Madame C..., adjointe de magasin et de Monsieur D..., Directeur du magasin 79 (soixante dix neuf) produits périmés dans le rayon produits frais dont vous aviez la responsabilité et certains de ces produits avaient une D. L. V. au 25 mai 2001.
4) Vous n'avez plus aucune efficacité dans votre travail. Le travail que vos prédécesseurs et vous-même effectuiez en 30 heures, vous n'arrivez plus à le faire en 39 heures et vous faites appel de vous-même à une employée pour vous aider, prétextant d'ailleurs dans votre courrier qu'il y a un manque d'effectif, ce qui est absolument faux.
5) Malgré de nombreuses remarques de la part de votre hiérarchie, vous persistez à garder votre portable personnel ouvert pendant votre travail et à l'utiliser régulièrement dans le magasin.
6) Vous avez refusé de porter la tenue Leader Price, malgré nos demandes réitérées.
7) En date du 25 juillet vous avez utilisé le chariot élévateur pour hisser Mr E... qui était juché en hauteur sur les fourches du chariot, position extrêmement dangereuse. Votre fonction d'agent de maîtrise ayant autorité sur ce salarié aurait du vous interdire un tel comportement.
Tout ces éléments sont d'autant plus inadmissibles que vous êtes agent de maîtrise ".
Contestant ce licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de l'intégralité de ses droits, Isabelle X... a saisi, le 17 septembre 2001, le Conseil de Prud'hommes de CAHORS.
L'affaire a fait l'objet d'une radiation administrative le 5 septembre 2002.
Après réenrôlement, la Cour a par arrêt en date du 7 février 2006 infirmé une première décision du Conseil de Prud'hommes considérant que l'instance introduite par Isabelle X... était frappée de péremption.
En cet état, suivant jugement en date du 29 mars 2007, le Conseil de Prud'hommes d'AGEN a débouté Isabelle X... de l'ensemble de ses demandes et a débouté la Société LEADER PRICE de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Isabelle X... a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui n'apparaissent pas critiquables.
Elle conteste la réalité et le sérieux des griefs qui lui sont reprochés par l'employeur et elle prétend que plusieurs de ses pièces discréditent totalement les allégations de ce dernier.
Elle considère, par ailleurs, que la procédure de licenciement n'a pas été suivie régulièrement dans la mesure où lors de l'entretien préalable au licenciement, l'employeur était représenté par Antoine Z..., nouvellement recruté.
Pour justifier de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, Isabelle X... soutient, pour l'essentiel, qu'elle était contrainte d'effectuer de très nombreuses heures supplémentaires qui n'étaient pas rémunérées et que l'employeur a fait preuve de la plus mauvaise foi en obligeant les salariés à signer de faux états de présence.
A cet égard, elle produit aux débats plusieurs attestations démontrant, selon elle, que son temps de travail était très largement supérieur aux 39 heures hebdomadaires et dénonçant les pratiques de LEADER PRICE qui obligeait les employés à signer des fausses fiches de présence minorant systématiquement les heures effectuées.
Elle ajoute que la convention de forfait dont l'employeur entend se prévaloir doit être déclarée nulle, une telle convention ne pouvant avoir pour résultat d'écarter telle ou telle disposition d'ordre public du Code du Travail ou de créer un système plus défavorable pour le salarié.
Elle demande par conséquent à la Cour de dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement dont elle a fait l'objet et de condamner la Société DISCOUNT CENTRE à lui payer les sommes de 2. 591, 63 € au titre du préavis, de 259, 16 € au titre des congés payés sur préavis, de 1. 295, 82 € au titre du défaut de procédure, de 15. 000 € au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, de 7. 774 € pour travail dissimulé, et enfin, de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La S. A. DISCOUNT CENTRE ayant demandé, pour sa part, à la Cour de dire nulle et subsidiairement inopposables à la société intimée les pièces de Isabelle X... en l'absence de bordereau annexé à ses conclusions, la Cour a, par arrêt en date du 13 mai 2008, enjoint à Isabelle X... d'assurer la communication régulière des pièces dont elle entendait faire état devant la juridiction.
Il a été satisfait à cette injonction.
En cet état, la S. A. DISCOUNT CENTRE demande à la Cour de débouter Isabelle X... de son appel et de ses demandes comme irrecevables et en tout cas mal fondées, et enfin, de confirmer le jugement querellé.
Elle soutient, pour l'essentiel, que les griefs invoqués à l'encontre de Isabelle X... sont parfaitement démontrés et qu'ils caractérisent la faute grave.
Elle prétend par ailleurs que la convention de forfait annexée à son contrat de travail est tout à fait valable et licite et qu'aucune preuve d'un travail dissimulé n'est rapportée sur la cause.
- SUR QUOI :
Attendu que la faute grave qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, étant ajouté que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur.
Attendu au cas présent, qu'il résulte des pièces du dossier que, par courrier en date du 27 juillet 2001, le directeur du magasin a expressément rappelé à Isabelle X... qu'il lui avait été demandé de venir le samedi après-midi une semaine sur deux lorsqu'elle ne travaillait pas le dimanche matin, le rayon crémerie qui lui était confié ne pouvant être abandonné du samedi midi au lundi midi et devant être regarni pour ne pas être trop vide le dimanche matin.
Que l'adjointe du chef de magasin confirme qu'à compter de juin 2001, malgré son horaire affiché, Isabelle X... n'a jamais voulu venir travailler le samedi après-midi et que malgré le rappel écrit qui lui avait été fait, l'intéressée a persisté dans son refus de respecter cet horaire.
Qu'elle précise, notamment, que cette dernière n'est pas venue travailler le samedi 4 août 2001 nonobstant ses horaires affichés de 13 heures 30 à 15 heures, ce que ne conteste pas la salariée qui, par ailleurs, n'avance ni ne fournit aucun justificatif à cette absence.
Qu'une autre salariée du magasin indique, quant à elle, que Isabelle X... " faisait le planning qu'elle voulait " et que " le samedi, elle avait décidé de ne pas travailler ".
Que le refus délibéré, réitéré et ostentatoire de la salariée de se soumettre ainsi aux horaires déterminés par l'employeur est constitutif d'actes d'insubordination de nature à caractériser, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs développés à son encontre par l'employeur, une faute grave de celle-ci justifiant la mesure de licenciement immédiat prononcée à son égard.
Attendu que la faute grave est privative de l'indemnité compensatrice de préavis.
Attendu que le seul fait que l'entretien préalable au licenciement ait été mené par le nouveau directeur du magasin, depuis peu en place dans l'entreprise, ne suffit pas à caractériser une irrégularité de la procédure susceptible d'ouvrir droit à indemnisation.
Que dans ces conditions, Isabelle X... ne peut être que déboutée de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail.
Attendu que, selon les dispositions de l'article L. 8223-1 du Code du Travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l'article L. 8221-5 de ce code a droit, en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Attendu, par ailleurs, que selon l'article L. 3171-4 du Code du Travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ce dernier devant fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer ses prétentions à ce titre.
Attendu, au cas présent, que si l'employeur a bien conclu avec la salariée, agent de maîtrise, une convention aux termes de laquelle la rémunération était fixée forfaitairement à 8. 500 FF brut mensuel et aux termes de laquelle aucune somme ne pourrait être réclamée pour heures supplémentaires, cette convention ne précise pas le nombre d'heures supplémentaires incluses dans le forfait et ne se réfère en rien aux horaires de travail du contrat de travail ni aux horaires de travail en vigueur dans l'entreprise.
Qu'une telle convention n'est donc pas valable et ne peut être prise en considération pour la détermination de l'existence d'heures supplémentaires.
Que, par ailleurs, à compter du mois d'avril 2001, les bulletins de salaire de l'intéressée ne portent aucune mention relative au nombre d'heures travaillées.
Qu'à dater du 21 mai 2001, les fiches de présence dont la S. A. DISCOUNT CENTRE MAGASIN LEADER PRICE entend se prévaloir, n'ont plus été signées par la salariée et n'ont, dès lors, aucun caractère contradictoire.
Qu'il n'est donc pas suffisamment justifié par l'employeur des horaires effectivement accomplis par la salariée et ce, spécialement à partir du mois d'avril 2001 et jusqu'à la fin de la relation salariale.
Que par contre, durant cette même période, l'existence d'heures supplémentaires effectivement réalisées par la salariée au-delà de la durée légale du temps de travail apparaît incontestable au regard des attestations concordantes établies par ses collègues de travail Sophie F..., Stéphane E..., Céline G..., Aude H..., Céline I... et Anaïs J... mais aussi de l'attestation établie le
31 juillet 2001 par Hervé D..., directeur jusqu'à cette date du magasin de CAHORS où travaillait Isabelle X... divorcée Y..., lequel précise que " un agent de maîtrise doit faire plus de 50 heures par semaine, ce qui était le cas de Madame Y.... "
Que trois salariées Céline I..., Aude H... et Sophie F... dénoncent, au surplus, les pratiques en vigueur dans l'entreprise à l'époque de la relation contractuelle litigieuse, ayant consisté à leur faire signer des faux états de présence de 30 heures hebdomadaires alors qu'elles effectuaient régulièrement des heures supplémentaires non rémunérées et confirment en cela les dires de Isabelle X... faisant état de fausses fiches de présence soumises par l'employeur à sa signature et minorant les heures effectuées.
Attendu que tombe sous le coup des dispositions de l'article L. 8223-1 précité, l'employeur qui comme en l'espèce, ne mentionne pas sur les bulletins de paie la totalité
des heures de travail effectuées par le salarié et non rémunérées et dont l'intention de dissimuler ces heures aux divers organismes sociaux ne fait aucun doute dans la mesure où la direction non seulement avait connaissance du nombre élevé de ces heures et ne pouvait ignorer le coût représenté par celles-ci tant en salaire qu'en charges sociales mais encore avait mis en place un système ayant précisément pour effet de ne pas permettre le calcul exact du salaire dû au regard du nombre d'heures de travail accomplies.
Que dans ces conditions, Isabelle X... est bien fondée à solliciter la condamnation de la S. A. DISCOUNT CENTRE MAGASIN LEADER PRICE à lui payer la somme de 7. 774, 90 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Attendu, par conséquent, qu'il convient de confirmer la décision déférée seulement en ce qu'elle a débouté la Société LEADER PRICE de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de l'infirmer pour le surplus.
Attendu que Isabelle X... qui ne demande pas le remboursement de frais qui soient distincts de ceux pris en compte par l'aide juridictionnelle doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Attendu que les dépens de première instance et de l'appel seront mis à la charge de la S. A. DISCOUNT CENTRE MAGASIN LEADER PRICE qui succombe pour partie.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme la décision déférée seulement en ce qu'elle a débouté la Société LEADER PRICE de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
L'infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau :
Condamne la S. A. DISCOUNT CENTRE MAGASIN LEADER PRICE à payer à Isabelle X... la somme de 7. 774, 90 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
Déboute Isabelle X... du surplus de ses demandes,
Rejette comme inutile ou mal fondée toute demande plus ample ou contraire des parties,
Condamne la S. A. DISCOUNT CENTRE MAGASIN LEADER PRICE aux dépens de première instance et l'appel lesquels seront recouvrés selon la loi applicable en matière d'aide juridictionnelle.
Le présent arrêt a été signé par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE