ARRÊT DU
4 Novembre 2008
D. M. / I. F.
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RG N : 07 / 01488
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Isabelle X...
C /
Joël Y...
Aide Juridictionnelle
ARRÊT n° 935 / 08
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de procédure civile le quatre Novembre deux mille huit, par René SALOMON, Premier Président, assisté de Dominique SALEY, Greffier,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1re Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Madame Isabelle X...
née le 20 Novembre 1969 à CHALLANS (85300)
Demeurant...
47400 TONNEINS
représentée par la SCP HENRI TANDONNET, avoués
assistée de Me Edouard MARTIAL, avocat
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2007 / 4774 du 07 / 12 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)
APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 20 Avril 2007
D'une part,
ET :
Monsieur Joël Y...
né le 6 Novembre 1971 à MARMANDE (47200)
Demeurant...
47400 TONNEINS
représenté par la SCP A. L. PATUREAU & P. RIGAULT, avoués
assisté de Me Laurence MORISSET, avocat
INTIME
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire. La cause a été débattue et plaidée en audience publique, le 30 Septembre 2008 sans opposition des parties, devant René SALOMON, Premier Président et Dominique MARGUERY Conseiller (laquelle, désignée par le Premier Président, a fait un rapport oral préalable) rapporteurs assistés de Dominique SALYE, Greffier. Le Premier Président et le Conseiller rapporteurs en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre d'eux-mêmes, de Jean-Pierre BELMAS, Conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Code de Procédure Civile, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées par le Premier Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.
EXPOSE DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Les faits ont été exposés par les premiers juges en des termes auxquels la cour se réfère étant rappelé que le 7 octobre 2006, Madame X... a assigné Monsieur Y... devant le Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en partage de l'indivision ayant existé entre eux sur un immeuble acquis le 21 mars 1997 avec stipulation d'un pacte tontinier.
Par jugement du 20 avril 2007 le Tribunal a :
- débouté Madame X... de sa demande en partage de l'indivision comme non fondée,
- débouté Madame X... de ses demandes d'expertise, de fixation d'indemnité d'occupation, et autres demandes accessoires,
- débouté Madame X... de sa demande d'attribution à son profit de la jouissance de l'immeuble et à la condamnation de Monsieur Y... au paiement de la somme de 10.000 € de dommages et intérêts comme mal fondées,
- débouté Monsieur Y... de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné Madame X... aux dépens.
Dans des conditions de forme et de délai non critiquées, Madame X... a relevé appel de cette décision par déclaration du 16 octobre 2007.
Aux termes de conclusions en date du 8 juillet 2008, elle demande à la Cour d'infirmer la décision déférée et de :
A titre principal, vu les articles 1134 et 1184 du Code civil :
- prononcer la résolution du pacte tontinier inclus dans l'acte de vente du 21 mars 1997 et ordonner le partage de cette indivision,
- ordonner préalablement à la liquidation des droits indivis une expertise afin de fixer la valeur de l'immeuble et le montant de l'indemnité d'occupation due par Monsieur Y...,
A titre subsidiaire, vu l'article 1147 du Code civil :
- dire et juger que Monsieur Y... a engagé sa responsabilité contractuelle en mettant Madame X... dans l'impossibilité de jouir de l'immeuble,
- le condamner en réparation à payer une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts et prononcer la déchéance du droit de Monsieur Y... à jouir de l'immeuble,
En toute hypothèse :
- condamner Monsieur Y... à lui payer une somme de 2.500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle soutient l'argumentation suivante :
- Le pacte tontinier entraîne des obligations synallagmatiques et notamment celle de laisser s'exercer le droit de jouissance de l'autre. Monsieur Y... a par ses actes de violences sur Madame X... rendu impossible toute cohabitation. Elle est donc fondée à solliciter la résolution de la clause d'accroissement et, créant ainsi une indivision, elle en demande le partage.
- A titre subsidiaire, les violences commises par Monsieur Y... ont pour conséquence de priver Madame X... de son droit de jouir de l'immeuble depuis mars 2005. En réparation, seule la déchéance du droit de Monsieur Y... de jouir de l'immeuble préservera pour l'avenir les droits de l'appelante.
Par conclusions en date du 3 juin 2008, Monsieur Y... demande à la Cour de confirmer la décision des premiers juges et :
- à titre subsidiaire, si la Cour ordonne une expertise du bien immobilier, rajouter à la mission de l'expert la détermination des créances entre les indivisaires,
- de condamner Madame X... à lui payer la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il expose que :
- Madame X... ne peut prétendre avoir quitté le domicile commun en raison de ses violences. Elle avait préparé son départ depuis plusieurs semaines et la scène de violence incriminée est postérieure à son abandon du domicile qu'il occupe avec leurs enfants dans le cadre d'une fixation de résidence alternée.
- Aucune disposition légale ne permet de condamner l'un des propriétaire d'un bien acquis avec une clause de tontine au versement d'une indemnité d'occupation.
- L'acte d'acquisition ne prévoit rien quant aux modalités de jouissance sauf qu'elle doit être commune. Elle ne peut dès lors être attribuée à l'un des deux concubins.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 septembre 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de résolution du pacte tontinier :
L'acte d'acquisition de l'immeuble prévoit expressément que les acheteurs " jouiront en commun de l'immeuble " mais aussi que " tant que Monsieur Y... et Madame X... seront en vie, aucun d'eux ne pourra réclamer le partage ou la licitation et seul leur commun accord pourra permettre l'aliénation de l'immeuble, sa disposition sous quelque forme que ce soit ou la constitution d'un droit réel quelconque. "
C'est avec pertinence que le premier juge a considéré que si l'intimé a exercé des violences sur Madame X..., elles étaient postérieures à la séparation et qu'il résultait des pièces versées aux débats, notamment de la procédure établie par les services de gendarmerie, des relevés des appels téléphoniques et de courriers de la Banque Postale, qu'en raison d'une liaison durant depuis plusieurs mois, elle avait effectivement organisé son départ quelques semaines auparavant. Elle ne peut donc ensuite faire grief à Monsieur Y... de ne pas avoir respecté son obligation de lui assurer la jouissance du bien acheté en commun.
Il n'existe en conséquence aucun motif de résolution du pacte tontinier et le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts et d'indemnité d'occupation :
Si Monsieur Y... a eu un comportement fautif en exerçant des violences, l'appelante n'explique pas en quoi de tels agissements sanctionnés pénalement et ouvrant droit à réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil pourraient engager la responsabilité contractuelle de l'intimé.
Madame X... ne saurait donc demander réparation d'une faute contractuelle qu'elle ne caractérise pas.
Il sera observé à titre surabondant, en ce qui concerne la demande d'indemnité d'occupation et l'attribution de la jouissance exclusive du bien, que la doctrine et la jurisprudence s'accordent à considérer que, dans le cadre d'une clause d'accroissement, qualifiée de convention aléatoire, chacun est propriétaire privatif sous condition suspensive de sa survie et résolutoire de son prédécès. Tant que la condition n'est pas réalisée, les parties ont des droits concurrents qui certes emportent le droit de jouir indivisément du bien mais dont l'exercice ne peut être organisé par le juge. La cour ne saurait donc aller au-delà de la commune intention des parties en fixant une contrepartie financière à la jouissance exclusive de l'une d'elle ou attribuer la jouissance exclusive de l'immeuble au détriment des droits de l'autre.
Le jugement déféré sera donc confirmé également sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les dépens seront à la charge de la partie succombante Madame X....
L'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en allouant à Monsieur Y... une indemnité de 1.000 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable,
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
Condamne Madame Isabelle X... aux entiers dépens,
Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile,
Condamne Madame Isabelle X... à payer à Monsieur Joël Y... la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président et par Dominique SALEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.