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15/10/2008 | FRANCE | N°07/00524

France | France, Cour d'appel d'Agen, 15 octobre 2008, 07/00524


ARRÊT DU
15 Octobre 2008






D. N. / I. F.








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RG N : 07 / 00524
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Robert X...



Hélène Y... épouse X...





C /




Thomas Z...



Mick Z...





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ARRÊT no875 / 08




COUR D'APPEL D'AGEN




Chambre Civile




Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de Procédure Civile le quinze Octobre deux mille huit, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté de Dominique SALEY, Greffier,


LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,


ENTRE :


Mons...

ARRÊT DU
15 Octobre 2008

D. N. / I. F.

---------------------
RG N : 07 / 00524
---------------------

Robert X...

Hélène Y... épouse X...

C /

Thomas Z...

Mick Z...

------------------

ARRÊT no875 / 08

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de Procédure Civile le quinze Octobre deux mille huit, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté de Dominique SALEY, Greffier,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur Robert X...

né le 15 Juin 1957 à ISPAHAN
Demeurant...

...

représenté par la SCP Guy NARRAN, avoués
assisté de Maître DOUMITH, avocat

Madame Hélène Y... épouse X...

née le 28 Juin 1963 à PARIS
Demeurant...

...

représentée par la SCP Guy NARRAN, avoués
assistée de Maître DOUMITH, avocat

APPELANTS d'un jugement rendu par le Tribunal d'Instance de CAHORS en date du 06 Mars 2007

D'une part,

ET :

Monsieur Thomas Z...

né le 27 Juin 1936 à ROTTERDAM
Demeurant...

...

représenté par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués
assisté de la SCP FAUGERE-BELOU-LAVIGNE, avocats

Madame Mick Z...

née le 16 Octobre 1943 à ROTTERDAM
Demeurant...

...

représentée par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués
assistée de la SCP FAUGERE-BELOU-LAVIGNE, avocats

INTIMÉS
D'autre part,

a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 10 Septembre 2008, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, Dominique NOLET, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Dominique MARGUERY, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.

* *
*

Par jugement du 6 mars 2007 le Tribunal d'Instance de CAHORS a
notamment :

- condamné les époux Z... à payer aux époux X... la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts,

- condamné les époux X... à payer aux époux Z... la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts.

Par déclaration du 30 mars 2007 dont la régularité n'est pas contestée, les époux X... relevaient appel de cette décision. Ils concluent à la réformation de ce jugement et demandent à la cour de condamner les époux Z... :

- à rétablir sous astreinte de 300 € par jour de retard la libre circulation de la canalisation et à leur verser 10 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cet abus de droit,

- à cesser sous astreinte de 300 € par jour de retard de verser leurs eaux usagées dans leur bief et de les condamner à leur payer 30 000 € de dommages et intérêts du fait du préjudice subi de ce fait,

- à leur payer la somme de 1 500 € en réparation des frais extrajudiciaires qu'ils ont avancés et 10 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Les époux Z... concluent au débouté des époux X... de l'ensemble de leurs demandes et à leur condamnation à leur payer 2 500 € en réparation de leur préjudice moral et 2 500 € en réparation de leur préjudice matériel ainsi que 6 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Subsidiairement ils demandent à la cour de dire que les appelants doivent aménager et entretenir à leurs frais exclusifs la servitude et éventuellement d'ordonner une expertise afin de chiffrer différents préjudices.

Vu les dernières conclusions des appelants en date du 9 juillet 2008 ;

Vu les dernières conclusions des intimés en date du 25 août 2008.

SUR QUOI

Le fonds ...situé sur la commune de ...a fait l'objet en 1973 d'une division. Les époux X... ont acquis la parcelle ... le
23 janvier 1997 et les époux Z... ont acquis la parcelle ...le 9 février 2001.

La parcelle ... est desservie par la parcelle ...par au moins deux canalisations d'eau, l'une sert à l'eau potable.

Se plaignant de ce que la deuxième canalisation appelée " turbine " ait été bouchée par les époux Z... qui refusaient de la remettre en état, les époux X... les ont assignés devant le Tribunal d'Instance de CAHORS aux fins de les entendre condamner à rétablir la libre circulation de l'eau. Ils font valoir que cette canalisation alimente une fontaine sise sur leur fonds, existant depuis le début du siècle, actuellement tarie. Par ailleurs, l'eau ne pouvant s'écouler librement s'écoule dans leur jardin. Ils allèguent l'existence d'une servitude à la charge des époux Z... portant sur cette canalisation et établie à la fois par la prescription trentenaire et la destination du père de famille.

Selon les époux Z... la turbine n'a jamais alimenté la fontaine avant que Monsieur X... ne procède lui-même à son raccordement pour obtenir un jet plus important. La turbine qui est un vieux tuyau n'a pas supporté cette utilisation et s'est percée inondant leur garage. C'est pourquoi ils ont été contraints de la boucher.

Par une première décision avant-dire-droit une médiation a été ordonnée.

Le médiateur a constaté par un rapport du 23 mai 2005 qu'aucun accord n'était possible.

Par décision du 3 janvier 2006 le juge d'instance, après avoir déclarée irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par les époux Z... a ordonné une expertise.

L'expert B... a rendu son rapport le 28 juillet 2006. Il indique ne pouvoir se prononcer sur l'existence d'une servitude conventionnelle dans la mesure où l'acte produit par les époux X... était incomplet.

SUR LA SERVITUDE LÉGALE

Les époux X... font valoir qu'ils bénéficient d'une servitude légale aux termes de l'article 642 alinéa 2 du Code civil.

* Sur la recevabilité

Les époux Z... soulèvent l'irrecevabilité de ce moyen qui n'a pas été soutenu en première instance. Sur ce point la cour relève qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle, mais d'un nouveau moyen développé à l'appui de leur prétention, il est donc parfaitement recevable en cause d'appel.

* Au fond

Aux termes de l'article 642 alinéa 2 du Code civil, le propriétaire d'une source ne peut plus en user au préjudice des propriétaires des fonds inférieurs qui, depuis plus de trente ans, ont fait et terminé, sur le fonds où jaillit la source, des ouvrages apparents et permanents destinés à utiliser les eaux...

Cet article n'est pas applicable au cas d'espèce, en effet la canalisation dite " turbine " n'est pas reliée à la source qui alimente l'étang (ce qui est le cas de la canalisation d'eau potable), mais elle part de la prise d'eau au milieu de l'étang du fond Z... (rapport p. 9). Cet article ne s'applique qu'aux eaux vives et non pas aux étangs.

SUR LA SERVITUDE D'AQUEDUC

L'article L 152-14 du Code rural n'est pas davantage applicable au cas d'espèce. En effet les époux X... ne sont pas propriétaires d'une exploitation, mais d'une habitation avec jardin attenants au fonds Z.... Or seules les personnes physiques ou morales désirant user de l'eau pour les besoins de leur exploitation sont visées par ledit article les habitations et jardins au fonds attenant étant spécifiquement écartés de l'application dudit article.

SUR LA QUALIFICATION DE LA SERVITUDE

Aux termes de l'article 690 du Code civil les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par possession trentenaire.

Aux termes de l'article 691 du Code civil les servitudes continues non apparentes et les servitudes discontinues ne peuvent s'établir que par titre.

* La continuité

Une servitude est continue lorsque l'usage peut-être continuel sans le fait de l'homme. En l'espèce il résulte des constatations et photographies du rapport d'expertise que la canalisation est branchée au moyen d'un ouvrage permanent sur une prise d'eau située au milieu de l'étang du fonds Z.... Elle ne peut donc fonctionner que si l'on actionne divers ouvrages, l'eau ne s'écoule pas naturellement c'est dès lors à juste titre que le premier juge a considéré que cette servitude est discontinue.

* L'apparence

L'expert note que la canalisation dite turbine part de la prise d'eau au milieu de l'étang, traverse le parc en dessous puis le garage Z..., puis le petit canal pour terminer dans l'atelier X....

" Les ouvrrages visibles sont :

- le départ : prise d'eau sous la vanne,

- la conduite juste au dessous de la digue,

- un ouvrage accessoire : un robinet de prise d'eau à l'emplacement ou Monsieur Z... a obturé la canalisation par du béton,

- une vanne de coupure dans le garage Z.... "

L'examen des photographies du rapport démontre que ces ouvrages ne sont en réalité visibles que par un homme de l'art, qui les cherche. En effet l'ensemble de la canalisation est enterrée, la prise d'eau sous la vanne comme la conduite sous la digue sont cachées (photo 8), il a fallu creuser la terre pour trouver le robinet (photo 9), quand à la vanne (photo 10) elle est dissimulée dans un mur derrière deux ouvrages et rien ne permet de déterminer son usage.

Ainsi la servitude dont seuls quelques éléments non déterminants et en outre cachés sont visibles après recherche n'est pas apparente.

Cette prétendue servitude étant à la fois discontinue et non apparente ne peut donc s'établir par la possession trentenaire.

SUR LA SERVITUDE PAR DESTINATION DU PÈRE DE FAMILLE

Aux termes des articles 692 et 694 du Code civil :

- la servitude par destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes,

- il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude.

Il ne peut donc y avoir servitude par destination du père de famille puisque cette servitude est à la fois discontinue et non apparente. Surabondamment il sera rappelé qu'en tout état de cause il n'y a pas destination du père de famille.

En effet, si les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, celui-ci, lors de la division des fonds a expressément refusé l'établissement de cette servitude.

L'origine de la propriété des parties remonte à l'année 1973, date à laquelle Madame C... alors propriétaire du Domaine de Cavart a décidé de le démembrer et a vendu le 12 décembre 1973 aux époux D... la partie haute de son domaine puis elle a vendu la partie basse au Restaurant du Moulin.

Le 9 février 2001 les consorts D... ont vendu la partie haute aux époux Z....

Le Restaurant du Moulin a vendu la partie basse aux époux E... qui l'ont eux-mêmes vendu le 23 janvier 1977 aux époux X....

Or précisément l'acte du 12 décembre 1973, publié au bureau des hypothèques de CAHORS fait expressément référence à la servitude d'eau potable mais ne mentionne aucune servitude concernant la canalisation dite turbine qui au contraire est rayée sur le plan établi le 12 décembre 1973 et annexé à l'acte de vente. Le titre de propriété des époux Z... régulièrement publié reprend également ce plan annexé.

Le titre de propriété des époux X... qu'ils ont tenté de dissimuler puisqu'ils n'ont donné à l'expert qu'une partie de celui-ci et ne l'ont communiqué que sur injonction fait état des mêmes éléments : reprise de la servitude d'eau potable et suppression de la canalisation dite turbine sur le plan annexé. Les époux X... prétendent toujours dans leurs dernières conclusions (page 15) avoir communiqué à l'expert les pages relatives aux servitudes (vérifier page 13 et 14) or l'expert a expressément indiqué qu'ils ne lui ont pas communiqué les pages 3 à 11 de leur acte et note pour le surplus " nous n'avons aucune garantie sur la provenance des pages produites ".

Ce qui est encore plus troublant c'est qu'alors qu'ils ont eux-même communiqué en première instance, sur injonction ledit plan en tout point similaire à celui des époux Z... qui porte le tampon de leur avocat et figure au numéro 14 du bordereau de communication de pièces du 13 avril 2004 ils versent aujourd'hui aux débats une pièce sur la quelle il n'existe plus aucune hachure.

Madame C... ayant expressément écarté toute servitude relative à la canalisation litigieuse, la destination du père de famille ne peut être revendiquée.

SUR LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS RÉCLAMÉS PAR LES EPOUX X...

Les appelants ne bénéficiant d'aucune servitude, ils ne peuvent justifier d'aucun préjudice relatif à sa cessation ou à son aggravation.

Ils invoquent cependant un trouble de voisinage relatif au déversement dans leur bief d'eaux usées et d'excréments.

S'agissant des eaux usées, il résulte des pièces versées au débat que dès l'année 2003 les époux X... se sont plaints du déversement d'eaux usées dans leur bief. Les époux Z... n'ont procédé aux travaux nécessaires qu'en cours de procédure et l'expert indique que lors de son déplacement sur les lieux la mise en conformité était pratiquement réalisée, il verse à son rapport l'avis de conformité délivré le 22 mai 2006.

Le préjudice subi du fait de ce déversement d'eaux usées pendant deux ans a été justement arbitré par le premier juge à la somme de 1 500 €.

S'agissant des matières fécales dont la trace est retrouvée ainsi qu'il résulte des constats d'huissier des 11, 12 et 17 mai 2006, la cour comme le concluent les époux Z... ne peut exclure un fait malveillant. En effet : les travaux sont effectués ainsi qu'il résulte du rapport de l'expert, l'eau est prétraitée avant d'arriver dans le bief des X.... Rien ne permet donc d'imputer aux époux Z... la présence de matières fécales dans un bief auquel seuls les appelants ont accès.

SUR LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS RÉCLAMÉS PAR LES EPOUX Z...

Les époux Z... justifient tout d'abord de l'inondation de leur garage et l'expert a d'ailleurs relevé ce chef de préjudice qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de
1 500 € à titre de dommages et intérêts.

Mais il sera également relevé qu'ils ont eu à subir une procédure menée par les époux X... de manière particulièrement déloyale :

- ils n'ont communiqué leur titre de propriété que quelques jours avant l'audience,

- ils ont communiqué à l'expert un titre tronqué : " il manque les pages de 3 à 11 " (rapport P. 12),

- même les éléments communiqués paraissent suspects à l'expert qui note à la même page " nous n'avons aucune garantie sur la provenance des pages produites ",

- ils communiquent devant la cour un plan différent de celui communiqué en premier instance ou précisément manque l'un des éléments déterminants à la solution du
litige : les hachures sur la turbine.

Cette attitude déloyale a causé aux intimés un préjudice moral qui sera sanctionné par l'allocation d'une somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Au fond, confirme le jugement rendu le 6 mars 2007 par le Tribunal d'Instance de CAHORS,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur et Madame X... à payer à Monsieur et Madame Z... la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts,

Condamne Monsieur et Madame X... aux dépens et autorise les avoués à les recouvrer conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Condamne Monsieur et Madame X... à payer à Monsieur et Madame Z... la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre et par Dominique SALEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Numéro d'arrêt : 07/00524
Date de la décision : 15/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Cahors


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-10-15;07.00524 ?
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