ARRÊT DU
20 Août 2008
F.C/N.C
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RG N : 05/01809
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S.A. CARDIF ASSURANCES RISQUES DIVERS
C/
S.A. CETELEM
Patrick X...
Aide juridictionnelle
ARRÊT no729/08
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de Procédure Civile le vingt Août deux mille huit, par Raymond MULLER, Président de Chambre, assisté de Dominique SALEY, Greffier.
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
S.A. CARDIF ASSURANCES RISQUES DIVERS prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est 5 avenue Kléber
75798 PARIS CEDEX 16
représentée par la SCP J. et E. VIMONT, avoués
assistée de la BCF & ASSOCIES, avocats
APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal d'Instance
de CONDOM en date du 28 Octobre 2005
D'une part,
ET :
S.A. CETELEM prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est 5 avenue Kléber
75016 PARIS
représentée par la SCP HENRI TANDONNET, avoués
assistée de Me Emmanuel GAUTHIER, AVOCATS SUD, avocat
Monsieur Patrick X...
né le 17 Juillet 1955 à CONDOM (32100), de nationalité française
agent de sécurité
Demeurant ...
32100 CONDOM
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006/18 du 13/01/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)
représenté par la SCP TESTON - LLAMAS, avoués
assisté de Me Christiane MONDIN SEAILLES, avocat
INTIMES
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire. La cause a été débattue et plaidée en audience publique,
le 26 Mai 2008 sans opposition des parties, devant Raymond MULLER, Président de Chambre et François CERTNER, Conseiller (lequel a fait un rapport oral préalable), rapporteurs, et assistés de Dominique SALEY, Greffier. Le Président de Chambre et le Conseiller, rapporteurs en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre eux-mêmes, Dominique MARGUERY, Conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Code de Procédure Civile, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.
EXPOSE DU LITIGE
Il est expressément fait référence et renvoyé pour l'exposé des faits et de la procédure à l'Arrêt de ce siège en date du 20 mars 2007 ayant avant dire droit ordonné une mesure d'expertise aux frais avancés de la S.A CARDIF ;
L'expert commis a déposé le rapport de ses opérations le 12 septembre 2007 ;
En cet état,
Vu les ultimes écritures déposées par la S.A. CARDIF le 25 mars 2008 aux termes desquelles elle conclut à la réformation de la décision entreprise et demande à la Cour :
1 ) au principal :
- de dire et juger au vu du rapport d'expertise que Jean X... s'est rendu coupable, lors de la souscription de la police, de fausses déclarations au sens de l'art. 113-8 du Code des Assurances,
- de dire et juger que le caractère intentionnel de sa fausse déclaration est incontestable,
- de dire et juger que sa fausse déclaration a indiscutablement modifié l'opinion qu'elle a pu se faire du risque assuré,
- de la dire et juger bien fondée à soulever l'exception de nullité du contrat d'assurance souscrit le 23 octobre 2001 par Jean X...,
- d'annuler par voie de conséquence ce contrat,
2 ) subsidiairement :
- de dire et juger opposable à Patrick X... les conditions générales régissant l'assurance,
- de dire et juger qu'il résulte des conclusions de l'expert judiciaire que
Jean X... était atteint d'un état cardiaque et vasculaire antérieur et en rapport avec le décès,
- de la dire et juger bien fondée à opposer à Patrick X... cet état préexistant et l'antériorité du sinistre par rapport à la souscription de l'assurance, attendu que l'exclusion contractuelle de garantie visait les suites, conséquences, rechutes, récidives de maladie ou d'accident antérieurs à la souscription de la police,
- de débouter en conséquence Patrick X... de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner ce dernier, outre à supporter les entiers dépens, à lui verser la somme de 1.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Elle fait pour l'essentiel valoir l'argumentation suivante :
* lors de la souscription du contrat, Jean X... a attesté avoir pris et être resté en possession des notices d'assurance, lesquelles comportent à l'article 12 l'indication que l'assuré n'a pas été atteint d'une affection nécessitant une surveillance ou un traitement médical régulier,
* Jean X... a souscrit une seconde déclaration de santé par le biais du bulletin d'adhésion à l'assurance ADIT COFICA le 23 octobre 2001 - cette déclaration porte le prénom de Patrick mais ce dernier reconnaît ne pas en être l'auteur - qui comporte une clause rédigée en termes quasi-identiques à celle de l'art. 12 précité,
* or, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que Jean X... était affecté d'un état cardiaque et vasculaire antérieur à son adhésion à l'assurance, affection en relation avec son décès (page 4 et 5 du rapport), et suivait un traitement médical régulier pour son hypertension artérielle et son diabète,
* il s'est en conséquence rendu coupable de fausse déclaration au sens de
l'art. L. 113-8 du Code des Assurances, fausse déclaration constituée même lorsque le risque omis ou dénaturé est sans rapport avec le sinistre ; la fausse déclaration de Jean X... est intentionnelle et de mauvaise foi dès lors que la déclaration est signée,
* le questionnaire qui lui était soumis était parfaitement simple et compréhensible, rédigé en langage courant ; Jean X... y a adhéré sans réserve en s'abstenant de faire état de sa situation de santé qu'il ne pouvait méconnaître,
* cette fausse déclaration était de nature à diminuer l'opinion du risque pour l'assureur ; l'exclusion de garantie est opposable à l'assuré qui, comme en l'espèce, a reconnu avoir été en possession des conditions générales du contrat ;
Vu les dernière écritures déposées par Patrick X... le 25 mars 2008 aux termes desquelles il conclut à l'entière confirmation du Jugement querellé et à la condamnation de l'appelante, outre à supporter les dépens, à lui verser la somme de 2.000 € de dommages-intérêts pour appel abusif et la somme de 2.000 € par application des article 700 du Code de Procédure Civile et 75 et 37 de la Loi du 10 juillet 1991 ;
Il fait pour l'essentiel valoir l'argumentation suivante :
* il n'est plus discuté que l'assuré est Jean X...,
* l'appelante en sa qualité d'assureur ne peut se prévaloir de la prétendue réticence de
Jean X... auquel elle n'a jamais soumis le moindre questionnaire médical et à qui elle n'a jamais soumis la moindre déclaration détaillée de son état de santé,
* l'appelante est incapable de produire le deuxième questionnaire de déclaration de bonne santé du 23 octobre 2001 dont elle fait état,
* la seule disposition contractuelle dont elle peut se prévaloir est l'art. 12 précité ; or, la situation de santé de Jean X... correspondait exactement à ce qui était décrit dans cette clause,
* Jean X... n'a jamais fait de fausse déclaration d'autant que l'art. 12 en question ne peut être considéré comme une déclaration de bonne santé au sens de l'art. L. 113-8 du Code des Assurances ; il n'a jamais été sollicité pour répondre de manière "active et réfléchie" à un quelconque questionnaire,
* la Jurisprudence considère que les déclarations de bonne santé sont insuffisantes à caractériser la mauvaise foi de l'adhérent et sa fausse déclaration ; il a d'ailleurs fallu que l'expert agrandisse le contrat COFICA pour pouvoir lire les clauses y figurant concernant l'assurance,
* il n'est pas démontré par le rapport d'expertise que le décès de Jean X... est incontestablement dû à une rechute ou une récidive de maladie antérieurement contractée ;
Vu les écritures déposées par la S.A.CETELEM, venant aux droits de la S.A. COFICA, aux termes desquelles elle conclut au principal à la confirmation du Jugement du Tribunal d'Instance de CONDOM du 28 octobre 2005 et subsidiairement, en cas de réformation, à la condamnation de Patrick X... à lui payer la somme de 19.590,48 € assortie des intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 6 septembre 2003 et celle de 1.500 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Elle fait pour l'essentiel valoir l'argumentation suivante :
* nul ne conteste le principe ni le montant de sa créance, qui est certaine, liquide et exigible,
* elle a été dans l'obligation de prononcer la déchéance du terme en raison de la cessation de tout versement,
* elle s'en remet quant à la validité du contrat d'assurance.
MOTIFS DE LA DECISION
Ainsi qu'il a été relevé dans l'Arrêt préparatoire de cette Cour du 20 mars 2007, il est constant que si l'offre préalable de crédit a été acceptée par l'emprunteur et le co-emprunteur sans mention d'"assurance facultative", il résulte tant du tableau d'amortissement sur lequel figure le prélèvement mensuel de la somme de 18,10 € au titre de la prime que de la lettre adressée par le prêteur à Jean X... le 31 octobre 2001 que ce dernier a souscrit une assurance alors que le co-emprunteur n'en a souscrit aucune ;
L'offre de crédit signée par Jean X... le 23 octobre 2001 comporte deux clauses essentielles :
La première, en partie haute du document, numérotée 12, est ainsi rédigée : "pour pouvoir bénéficier des garanties décès, invalidité permanente et totale et maladie-accident, je déclare être âgé de moins de 75 ans, ne pas être atteint d'affection nécessitant une surveillance ou un traitement médical régulier, ne pas être actuellement en arrêt de travail, ne pas avoir subi plus de trente jours consécutifs ou non d'arrêt de travail pour maladie ou accident dans les douze mois précédents(...) ; je suis informé que conformément au Code des Assurances, toute réticence ou fausse déclaration intentionnelle entraînera la nullité de l'adhésion à l'assurance" ;
La deuxième, située au bas du document dans la partie réservée à la signature de l'emprunteur, est rédigée de la manière suivante : "(...)j'atteste avoir pris connaissance et rester en possession des notices d'assurance(police CARDIF-ASSURANCES R.D. n 719/090)" ;
Patrick X... a admis que son père était effectivement assuré et seul couvert par la police ;
Certes, un bulletin d'adhésion assurance ADIT a été rempli le même jour, soit le
23 octobre 2001, désignant Patrick X... comme assuré, document signé par ce dernier, mais en réalité :
- il concerne Jean X..., même s'il n'est pas à son nom, ni signé de lui,
- il comporte la simple reproduction de l'article 12 figurant déjà dans l'offre de crédit et ne change donc rien aux conditions de l'assurance,
- bien que Patrick X... prétende n'avoir jamais vu ce bulletin d'adhésion, la lecture des bordereaux de communication de pièces de l'appelante visant expressément ce document établit le contraire,
- il n'a guère d'importance, la couverture d'assurance étant acquise à Jean X... par la seule signature par lui de l'offre de crédit ;
Il figure à l'article 5 de la notice d'assurance CARDIF-ASSURANCES R.D. n 719/090 dont Jean X... reconnaît avoir reçu un exemplaire des dispositions suivantes : "l'assureur couvre tous les risques à l'exclusion des suites, conséquences, rechutes ou récidives de maladie ou d'accidents antérieurs à la date de signature du bulletin d'adhésion ou déclarés sur le questionnaire de santé(...)" ;
Le rapport d'expertise médicale ordonnée, dont les observations, analyses et conclusions ne sont en rien critiquées, a permis de mettre en lumière que :
1 ) Jean X... était décédé le 1er juin 2002 d'une décompensation cardiaque ;
2 ) ce dernier présentait, antérieurement à la signature du contrat litigieux, un état préexistant cardiaque et vasculaire avec antécédents : de lésion d'athérome ayant conduit à une endarterectomie carotidienne gauche ; d'infarctus du myocarde pouvant être en rapport avec la décompensation cardiaque responsable du décès ; de diabète ; d'infarctus ayant conduit à une angioplastie ;
3 ) il était sous traitement médicamenteux lors de son admission à l'hôpital en
juin 2001 : anti-hypertenseur, anti- angoreux, anti-agrégant plaquettaire, traitement du diabète non insulino-dépendant, traitement de l'hypertension artérielle et de l'angor ;
4 ) aux propres dires de Patrick X..., son père avait été opéré cinq ans plus tôt pour un triple pontage ;
Jean X... a déclaré ne pas être atteint d'affection nécessitant une surveillance ou un traitement médical régulier et savoir que l'assureur ne couvrait pas les suites, conséquences, rechutes ou récidives de maladies ou d'accidents antérieurs à la date de signature du bulletin d'adhésion ;
Jean X... était affecté d'un état cardiaque et vasculaire antérieur à son adhésion à l'assurance, affection le cas échéant en relation avec son décès, mais surtout suivait un traitement médical régulier pour son hypertension artérielle et son diabète, traitement dont il n'ignorait évidemment rien compte tenu de son importance et de son caractère contraignant à la suite d'un triple pontage réalisé cinq ans avant la souscription du contrat ;
Il va de soit qu'une intervention chirurgicale de cette nature n'a rien de bénin ;
Il s'est en conséquence rendu coupable de fausse déclaration au sens de l'art. L. 113-8 du Code des Assurances, fausse déclaration dont il doit être rappelé qu'elle est constituée même lorsque le risque omis ou dénaturé est sans rapport avec le sinistre ;
La fausse déclaration de Jean X... est intentionnelle et de mauvaise foi compte tenu de l'importance de ses antécédents, de son triple pontage cinq ans plus tôt nécessitant impérativement un suivi médical et une prise régulière de traitement médicamenteux ;
Patrick X... ne prétend par ailleurs pas qu'en raison de l'état ou des capacités personnelles de son père au moment de l'adhésion à l'assurance, ce dernier n'aurait pas eu conscience de la portée de ses actes ;
Le document d'assurance qui lui était soumis était parfaitement simple et
compréhensible ; rédigé en langage courant, Jean X... y a adhéré sans réserve en s'abstenant de faire état de sa situation de santé réelle, qu'il ne pouvait méconnaître ;
Aucune disposition légale n'impose à l'assureur de soumettre au candidat à l'assurance un questionnaire comportant des questions auxquelles il faut répondre de manière positive, "active et réfléchie"; il lui était parfaitement loisible de remettre à ce dernier un document fait de phrases pré-rédigées comportant de simples affirmations ou de simples négations sous lesquelles l'assuré a apposé sa signature ;
Cette fausse déclaration était de nature à diminuer l'opinion du risque pour l'assureur ; l'exclusion de garantie est opposable à l'assuré qui, comme en l'espèce, a reconnu avoir été en possession des conditions générales du contrat ;
D'où il suit que le Jugement déféré doit être infirmé ;
Il doit être fait droit à la demande de nullité du contrat d'assurance de la S.A. CARDIF ;
L'équité commande d'allouer à cette dernière le remboursement des sommes exposées pour elle pour la défense de ses intérêts ;
Il convient de lui accorder la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Il y a lieu corrélativement de condamner Patrick X... à payer à la S.A. CETELEM, venant aux droits de la S.A. COFICA, la somme de 19.590,48 € assortie des intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 6 septembre 2003 ; cette somme est liquide, certaine et exigible depuis le prononcé de la déchéance par cette dernière ;
L'équité commande de lui allouer le remboursement des sommes exposées pour elle pour la défense de ses intérêts ;
Il convient de lui allouer la somme de 1.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Les dépens tant de première instance que d'appel doivent être supportés par
Patrick X... qui succombe ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Infirme la décision déférée,
Accueille l'exception de nullité du contrat d'assurance soulevée par la S.A. CARDIF,
Déclare nul et de nul effet ledit contrat souscrit le 23 octobre 2001 par Jean X...,
Condamne Patrick X..., en sa qualité de seul héritier de Jean X..., à payer à la S.A. CARDIF la somme de 1.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne Patrick X..., en sa qualité de seul héritier de Jean X..., à payer à la S.A.CETELEM, venant aux droits de la S.A. COFICA, la somme de 19.590,48 € assortie des intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 6 septembre 2003 et la somme de 1.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne Patrick X... aux entiers dépens de première et d'appel, étant précisé qu'il est attributaire de l'aide juridictionnelle,
Autorise les Avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président et
Dominique SALEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Premier Président,