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17/06/2008 | FRANCE | N°07/00951

France | France, Cour d'appel d'Agen, 17 juin 2008, 07/00951


ARRÊT DU
17 Juin 2008












R. S / S. B










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RG N : 07 / 00951
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S. A. DE PRESSE ET D'EDITION DU SUD OUEST (SAPESO)


C /


Marie-France X... veuve Y...



Maeva Y...





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ARRÊT no605 / 08




COUR D'APPEL

D'AGEN


Chambre Civile




Prononcé à l'audience publique le dix sept Juin deux mille huit, par René SALOMON, Premier Président, assisté de Dominique SALEY, Greffier,


LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,


ENTRE :


S. A. DE PRESSE ET D'EDITION DU SUD OUEST (SAPESO) prise en la personne de son ...

ARRÊT DU
17 Juin 2008

R. S / S. B

----------------------
RG N : 07 / 00951
--------------------

S. A. DE PRESSE ET D'EDITION DU SUD OUEST (SAPESO)

C /

Marie-France X... veuve Y...

Maeva Y...

-------------------

ARRÊT no605 / 08

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé à l'audience publique le dix sept Juin deux mille huit, par René SALOMON, Premier Président, assisté de Dominique SALEY, Greffier,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

S. A. DE PRESSE ET D'EDITION DU SUD OUEST (SAPESO) prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est 8 rue Cheverus
33000 BORDEAUX

représentée par la SCP Guy NARRAN, avoués
assistée de Me Bruno VITAL-MAREILLE, avocat

APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 11 Mai 2007

D'une part,

ET :

Madame Marie-France X... veuve Y... prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de son fils mineur Melvin Y... né le 21. 02. 1995 à MARMANDE
née le 18 Juin 1967 à TONNEINS (47400)
de nationalité française
Demeurant ...

...

Mademoiselle Maeva Y...

née le 05 Avril 1988 à BORDEAUX (33000)
de nationalité française
Demeurant ...

...

représentées par Me Jean-Michel BURG, avoué
assistées de Me Marie-Dolorès PRUD'HOMME, avocat

INTIMÉES

D'autre part,

a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 20 Mai 2008, devant René SALOMON, Premier Président (lequel a fait un rapport oral préalable), Françoise MARTRES, Conseiller et Thierry LIPPMANN, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

Dans des conditions de formes et de délais qui ne sont pas contestées la SA DE PRESSE ET D'ÉDITION DU SUD-OUEST (SA PESO) a relevé appel d'un jugement en date du 11 mai 2007 du Tribunal de grande instance de MARMANDE qui l'a condamnée à payer à Marie-France X... veuve Y... en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur Melvin, ainsi qu'à Maéva Y..., chacun, la somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral qu'ils ont subi à la suite de la publication le 29 juillet 2005 en première page de l'édition du Marmandais de ce quotidien d'une photographie représentant leur époux et père parfaitement reconnaissable, en vie et en tenue de pompier sur une civière, un masque sur le nez, en état de souffrance et essayant de se redresser avec des commentaires sur les circonstances de sa mort survenue alors qu'il combattait un incendie, une somme de 3. 000 € leur étant allouée en outre au titre de leurs frais irrépétibles ;

Au soutien de son appel la SA SPESO fait valoir que la légitimité de cet article, qui en même temps qu'il évoque les circonstances du décès de Melvin Y..., rend hommage aux soldats du feu, n'est pas mise en cause par les appelants qui contestent la publication paru en première page du journal de la photographie de Melvin Y... dont la légitimité n'est pas non plus discutée, photographie accompagnée d'un commentaire indiquant que ce pompier avait été victime d'un malaise alors qu'il combattait un incendie nocturne ;

Elle estime que la légitimité de la publication est certaine, le cliché reproduit se rapportant strictement à un événement d'actualité qu'elle est en droit de publier, aucune autorisation des ayant droit n'étant nécessaire au nom du principe de la liberté de communication et d'information qui autorise la publication de l'image de personnes impliquées dans un événement d'actualité sous la réserve du respect de la dignité humaine, le premier juge ayant retenu le caractère fautif de la publication dans la mesure où la photographie en cause porterait atteinte à la dignité de Melvin Y... en ce qu'elle révélait son agonie ;

Or, l'ensemble des décisions rendues admettent selon elle systématiquement la légitimité de la publication de photographies de victimes d'attentats ou d'accidents en lien direct avec l'article relatant l'événement d'actualité dans lequel ces victimes se sont trouvées impliquées, l'atteinte à la dignité ayant été écartée à chaque fois au motif que la publication trouvait sa justification dans la nécessité d'informer les lecteurs sur l'existence d'un événement d'actualité particulièrement tragique dans lequel la victime s'est trouvée impliquée alors que la photographie avait un lien direct avec l'article relatant cette actualité, ce qui est exactement le cas en l'espèce ;

Très subsidiairement elle sollicite la réduction des indemnisations allouées en première instance ;

Elle demande le paiement de ses frais irrépétibles évalués à 2. 000 €.

* * *

Marie-France X... veuve Y... en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur Melvin ainsi que Maéva Y... sa fille majeure, font valoir qu'elles ont fondé leurs demandes en réparation du préjudice moral subi par la parution de cette photographie non pas sur l'atteinte à la vie privée du défunt mais sur l'atteinte au respect de la propre vie privée et le respect de la dignité de la personne ;

Selon ces parties à la liberté de l'information s'oppose la dignité de la personne que la jurisprudence fait primer, l'information comme en l'espèce pouvant être garantie sans mettre au centre de la photographie une personne agonisante, Melvin Y... étant facilement identifiable alors qu'il se trouvait en situation de grande détresse, l'agonie n'apportant rien à l'information, n'étant d'aucune utilité sociale, ne satisfaisant aucun intérêt légitime et ne répondant à aucun besoin d'information du public ;

Au surplus, cet article qui se voulait un hommage rendu aux soldats du feu, a profondément choqué les collègues de Melvin Y..., cette photo ayant été prise et diffusée sans aucune autorisation ;

Elles sollicitent en conséquence la confirmation de la décision entreprise et l'allocation d'une somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

La photographie litigieuse paru dans l'édition du Marmandais du journal Sud-Ouest datée du 29 juillet 2005 montre un homme en tenue de pompier, étendu sur une civière, au milieu de pompiers en tenue et probablement en pleine action, et qui tente de se relever, cette photographie portant un titre explicite : " Puymiclan / Lavergne. Mort en luttant contre le feu. LES POMPIERS ENDEUILLES " avec, en dessous de la photographie, ce commentaire : « un pompier de Miramont de Guyenne demeurant à Lavergne a péri victime d'un malaise alors qu'il combattait un incendie nocturne à PUYMICLAN " " ;

Le premier juge a considéré que ce cliché montrant Melvin Y... dans les derniers instants de sa vie portait atteinte à la dignité de sa personne en ce qu'il révélait son agonie, cette indécence étant fautive et ne répondant à aucun besoin d'information qui aurait pu être garantie sans mettre au centre la photographie de l'intéressé dans ses extrémités, le premier juge ajoutant que " la vision de la souffrance et de l'agonie de leur père et époux n'ayant pu qu'aggraver la douleur ressentie par son décès (par les parties demanderesses) " ;

La Cour entend faire deux observations :

Sur le plan matériel, la photographie, prise à distance, ne permet pas d'identifier les traits de la victime qui semble porter un masque sur le visage, de sorte qu'il n'est pas possible d'affirmer comme le fait le premier juge que cette photographie « révèle l'agonie » et « la souffrance » de Melvin Y... ;

Sur le plan des principes, il est clairement affirmé dans la jurisprudence que la liberté de communication et d'information autorise la publication d'image de personnes impliquées dans un événement d'actualité à condition que soit respectée la dignité humaine ;

Il n'est pas discutable qu'au cas d'espèce le journal Sud-Ouest, dans son édition du Marmandais, a rendu compte d'un événement d'actualité local relatant les circonstances d'un incendie nocturne au cours duquel un pompier de la région avait péri victime d'un malaise ;

La légitimité de cette information ne peut être mise en doute dans la forme que lui a donné le quotidien qui l'a illustrée au moyen d'une photographie prise de toute évidence « au feu de l'action » en ce qu'elle relate un événement d'actualité tragique au cours duquel un pompier qui combattait le feu a péri victime de son devoir, l'actualité immédiate à cette période de l'année faisant que les risques d'incendie sont les plus importants alors qu'il est ancré dans les esprits que les pompiers exposent leur vie face à tous les dangers en de nombreux endroits du territoire ce qui constitue une réalité profondément ressentie tant au sein du corps des sapeurs-pompiers que dans l'opinion publique ;

La Cour considère que le document incriminé ne comporte aucun élément de nature à porter atteinte à la dignité humaine, la photographie litigieuse ne montrant ni le visage entier de la victime ni de traces de violences sur son corps de sorte qu'on ne peut la considérer comme indigne, indécente ou blessante et il n'est pas exact d'affirmer, comme le fait le premier juge, que ce cliché montrait Melvin Y... " dans les derniers instants de sa vie... et révélait son agonie " ;

Il en résulte en conséquence que la décision déférée sera infirmée ;

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société appelante les frais irrépétibles non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Déboute en conséquence Marie-France X... veuve Y... prise en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur Melvin, ainsi que Maéva Y... de leurs demandes, fins et conclusions ;

Rejette la demande au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

Condamne Marie-France X... veuve Y... prise en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur Melvin, ainsi que Maéva Y..., aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel à la SCP NARRAN, avoués, en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président et par Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Numéro d'arrêt : 07/00951
Date de la décision : 17/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Marmande


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-06-17;07.00951 ?
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