ARRÊT DU
27 Mai 2008
R. S / S. B
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RG N : 07 / 00640
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Denis X...
C /
BANQUE POPULAIRE DU SUD OUEST
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ARRÊT no509 / 08
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le vingt sept Mai deux mille huit, par René SALOMON, Premier Président, assisté de Dominique SALEY, Greffier,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur Denis X...
né le 17 Mai 1959 à QUEBEC (CANADA)
Demeurant ...
33360 QUINSAC
représenté par la SCP Henri TANDONNET, avoués
assisté de Me Léon NGAKO-DJEUKAM, avocat
APPELANT d'une ordonnance de référé rendue par le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 05 Avril 2007
D'une part,
ET :
BANQUE POPULAIRE DU SUD OUEST prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est 10 quai des Queyries
33072 BORDEAUX CEDEX
représentée par Me Jean-Michel BURG, avoué
assistée de Me Thierry WICKERS, avocat
INTIMÉE
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 15 Avril 2008, devant René SALOMON, Président de Chambre (lequel a fait un rapport oral préalable), Chantal AUBER, Conseiller et Benoît MORNET, Conseiller, assistés d'Isabelle LECLERCQ, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.
Denis X..., qui exerce la profession d'avocat au barreau de BORDEAUX, a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de cette ville pour voir condamner la BANQUE POPULAIRE DU SUD-OUEST à recréditer son compte à hauteur de la somme de 10. 763, 49 €, représentant des retraits estimés frauduleux effectués avec sa carte bancaire sans utilisation physique de celle-ci ;
Il exposait qu'alors qu'il se trouvait en déplacement au CANADA, il avait constaté que sa carte avait été utilisée pour des paiements frauduleux. Il avait aussitôt formé opposition le 25 septembre 2006 auprès du service cartes Visa Infinite ;
À son retour en FRANCE, le 29 septembre 2006, il avait adressé par écrit auprès de son agence bancaire le détail de ses oppositions, courrier adressé en recommandé et reçu le 13 octobre 2006, le total des paiements frauduleux effectués s'élevant à la somme de
6. 455, 41 € ;
Après réception de son relevé de compte, il s'était rendu compte que le total des paiements frauduleux s'élevait en réalité à la somme de 10. 763, 49 €. Il avait à nouveau fait opposition auprès de son agence et déposé plainte auprès des services de police ;
Il avait demandé à la banque d'être recrédité des paiements frauduleux pour lesquels il avait fait opposition dans le mois ;
Il demandait le remboursement de la totalité des frais bancaires qu'il avait
supportés ;
Il se plaignait que la BANQUE POPULAIRE DU SUD-OUEST ait refusé de le recréditer dans les délais impartis ce qui lui permettait de solliciter en outre le paiement de la somme de 4. 000 € à titre de dommages et intérêts outre la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile ;
Il demandait en outre la condamnation de la banque à la publication à ses frais d'un avis faisant état du jugement dans trois quotidiens ou hebdomadaires et subsidiairement il sollicitait la fixation de l'affaire au fond ;
La banque pour sa part invoquait la qualité d'avocat du demandeur et sollicitait le renvoi de la procédure devant une autre juridiction ;
Elle indiquait en outre qu'elle avait informé son client de ce que des remboursements avaient été demandés auprès des banques bénéficiaires afin de réduire son préjudice mais qu'il resterait à sa charge un préjudice résiduel estimé à environ 1. 045 € qu'elle ne pouvait prendre en charge elle-même dans la mesure où il n'avait pas respecté les obligations contractuelles qui lui incombaient au regard notamment du caractère rigoureusement personnel de la carte et de l'obligation de tenir secret son compte et de ne le communiquer à personne ;
Par ordonnance en date du 5 février 2007, le juge des référés du Ttribunal de grande instance de BORDEAUX a renvoyé l'affaire devant le juge des référés du tribunal de grande instance de MARMANDE en application de l'article 47 du Code procédure civile au regard de la qualité d'avocat du demandeur ;
Par ordonnance en date du 5 avril 2007, ce dernier magistrat a relevé que Denis X... ayant visé cumulativement les dispositions des articles 808 lequel fonde la compétence du juge des référés sur l'urgence et l'absence de contestation sérieuse et 809 qui vise le trouble manifestement illicite qu'il faut faire cesser, l'a débouté de ses demandes en considérant par ailleurs qu'il existait une contestation sérieuse au regard des dispositions contractuelles qui font la loi des parties et qui étaient invoquées par la partie adverse ;
Denis X... a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas contestées ;
Il observe qu'il a introduit l'action devant le juge des référés pour que la banque procède au remboursement partiel des sommes en cause et il reconnaît avoir été créditée le 18 janvier 2007 de la somme de 6. 043, 60 € sur son compte, la Banque restant devoir la somme de 4. 720, 29 € au principal outre la somme de 450, 99 € au titre des frais indûment prélevés sur son compte à la suite de cette fraude puisque celle-ci a occasionné un découvert plus important que celui autorisé. Il lui reste donc devoir la somme de 4. 720, 29 € ;
En versant la somme de 6. 043, 60 €, la banque selon lui a admis sa dette vis-à-vis de lui ce qui constitue un aveu judiciaire de la créance alors qu'elle invoque aucune erreur la seule raison expliquant son retard pour verser le solde qui lui reste dû résultant de ce qu'elle attendait d'être recréditée par d'autres institutions financières, sa mauvaise foi étant au cas d'espèce évidente ;
Il sollicite le paiement de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens.
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En réponse, la BANQUE POPULAIRE DU SUD-OUEST estime que le premier juge a retenu à bon droit l'existence d'une contestation sérieuse sur le droit de Denis X... à obtenir le remboursement des sommes débitées frauduleusement au moyen de sa carte bancaire alors que, compte tenu des fautes qui sont imputables à ce client, ce magistrat a estimé que le refus de remboursement de la banque ne pouvait constituer un trouble manifestement
illicite ;
Elle indique que l'appelant a communiqué la copie de la carte bleue concernée ainsi que le code secret de celle-ci à sa secrétaire ce qui constitue une faute contractuellement prévue puisque la carte est rigoureusement personnelle et il est interdit au titulaire de la prêter ou de s'en déposséder car il est tenu de tenir absolument secret son compte et de ne pas le communiquer à qui que ce soit. Denis X... a manqué à cette obligation comme il le reconnaît lui-même dans le procès-verbal de dépôt de plainte et le fait de laisser une photocopie recto / verso de la carte bancaire à son bureau est de nature à faciliter les paiements frauduleux alors que les bureaux de l'appelant ont fait l'objet d'une visite de cambrioleurs et que les tiroirs de son bureau contenant notamment des chéquiers professionnels ont été retrouvés largement ouverts ;
La banque indique encore que le compte de Denis X... a été recrédité d'une somme de 6. 043, 60 € le 18 janvier 2007 à la suite de diligences qu'elle a accomplies auprès des banques bénéficiaires à la suite des contestations qu'il avait émises. Denis X... réclame une somme de 4. 720, 29 € en dissimulant qu'il a bénéficié de remboursements directs de la part de certains commerçants entre le mois de septembre et octobre 2006 à hauteur de 3. 674, 35 €, remboursements qui figurent sur les relevés de compte alors que certains remboursements ou annulations d'opérations sont intervenus avant le débit des paiements de carte bancaire litigieux sur son compte, à hauteur de 2. 274, 35 € de sorte que le montant global des paiements litigieux non remboursés est limité à 1. 045, 94 € ;
S'agissant des frais dont le remboursement est sollicité, soit la somme de 450, 90 €, il ne s'agit pas comme le prétend l'appelant de frais prélevés à la suite des situations débitrices occasionnées par les paiements par carte litigieux alors qu'il s'agit en réalité de frais appliqués au titre d'écritures non provisionnées correspondant à des opérations antérieures ou des frais liés à la situation débitrice du compte avec les paiements effectués par Denis X... lui-même et sans rapport avec les opérations litigieuses, seule une somme de 66 € correspondant à une commission d'intervention prélevée le 24 octobre 2006 et liée au débit carte bancaire frauduleux ;
La banque sollicite en conséquence la confirmation de la décision entreprise et le paiement de ses frais irrépétibles.
MOTIFS
La contestation porte sur le paiement d'une somme de 4. 308, 48 € après que la banque eut recrédité le compte de son client le 18 janvier 2007 ;
À cette somme il convient d'ajouter une somme de 450, 99 € que l'appelant entend réclamer au titre de frais indûment prélevés selon lui sur son compte par la banque, la faute dont il a été victime ayant occasionné à ses dires un découvert plus important que celui autorisé ;
Le premier juge a considéré qu'il existait sur ce point une contestation sérieuse en ce qui concerne la demande de remboursement au regard de « l'application des dispositions du code monétaire et financier qui se heurte aux dispositions contractuelles faisant la loi des parties et qu'invoque la partie adverse » ;
Celle-ci explique que Denis X... a contrevenu aux obligations contractuelles qui lui incombaient en vertu du contrat porteur C. B. dans la mesure où il est établi et d'ailleurs reconnu dans le cadre de l'enquête de police qu'il avait communiqué la copie de la carte bleue concernée ainsi que le code secret de celle-ci à sa secrétaire alors que la carte est rigoureusement personnelle et qu'il est strictement interdit à son titulaire de la prêter ou de s'en déposséder. Il doit prendre toutes les mesures propres à assurer la sécurité de sa carte et du code confidentiel et tenir absolument secret son compte et ne pas le communiquer à qui que ce soit et il lui est interdit notamment de l'inscrire sur la carte ni sur tout autre document.
Il importe peu que la préposée de Denis X... ait établi une attestation selon laquelle elle n'avait jamais eu connaissance de son code secret, attestation produite devant le juge des référés, alors que Denis X... lui-même qui a déclaré aux services de police qu'il n'avait jamais perdu ni prêté sa carte bancaire, a reconnu que sa secrétaire possédait une photocopie recto / verso de sa carte bancaire et qu'elle connaissait son numéro de compte « vu la nécessité d'effectuer des achats pour sa société » ;
Ainsi, en remettant à un tiers une copie de la carte bancaire et en communiquant à ce tiers son code secret et en lui laissant éventuellement la possibilité d'effectuer des opérations à sa place, Denis X... a manifestement violé les obligations contractuelles découlant pour lui du contrat signé avec la banque et celle-ci est parfaitement habile à soutenir que, à la différence des retraits ou des paiements avec utilisation physique de la carte qui exigent du porteur de la carte de connaître le code secret qui lui et demandé, la pratique des paiements en ligne ne nécessite que l'utilisation des 16 chiffres figurant au recto ainsi que le code de sécurité, composé des trois derniers chiffres mentionnés au dos de la carte ainsi que la date d'expiration, tous éléments qui figurent sur la photocopie que Denis X... a laissé à la disposition d'un tiers alors qu'il résulte de documents versés aux débats que les bureaux de l'appelant ont fait l'objet d'une " visite " de cambrioleurs et ont été fouillés ce qui peut être une explication de l'origine de l'utilisation frauduleuse de sa carte bancaire restée pourtant en sa possession ;
Au regard de ces éléments, c'est donc à bon droit que le juge des référés a retenu que les dispositions contractuelles qui existaient entre les parties faisaient obstacle à la demande de Denis X... et qu'il existait à tout le moins une contestation sérieuse à ce sujet alors en outre qu'il est allégué par la banque que le montant des sommes prétendument dues et réclamées par Denis X... n'était pas justifié au regard en particulier de la circonstance que l'appelant dissimulerait à la Cour qu'il aurait bénéficié de remboursements directs de la part de certains commerçants, remboursements qui ne figureraient pas sur ses relevés de compte, certains remboursements ou annulations d'opérations étant intervenues selon la banque avant même le débit des paiements carte bancaires litigieux et alors encore que s'agissant des prétendus frais réclamés par Denis X..., ils sont également contestés en leur principe et de façon sérieuse par la banque, l'intimée estimant en effet que certains de ces frais étaient étrangers aux opérations carte bancaires critiquées alors que d'autres étaient liés à la situation débitrice du compte en raison de paiements effectués par l'appelant lui-même et qui n'avaient aucun rapport avec les opérations litigieuses ;
Il en résulte en conséquence que la décision du premier juge sera confirmée en toutes ses dispositions ;
Il serait parfaitement inéquitable de laisser à la charge de la partie intimée les frais irrépétibles non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Au principal, renvoie les parties à mieux se pouvoir ainsi qu'elles aviseront ;
Dès à présent, vu l'existence de contestations sérieuses,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Condamne Denis X... à payer à la BANQUE POPULAIRE DU SUD-OUEST la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître BURG, avoué, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président et par Dominique SALEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Premier Président,