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27/05/2008 | FRANCE | N°07/00098

France | France, Cour d'appel d'Agen, 27 mai 2008, 07/00098


ARRÊT DU
27 Mai 2008










R. S / S. B










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RG N : 06 / 01792
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(Jonction avec le RG : 07 / 00098)










Denis X...



Arlette X...



Jean-Claude X...



C /


Félix Y...



Marie-France Z... épouse A...





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ARRÊT no505 / 08




COUR D'APPEL D'AGEN


Chambre Civile




Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le vingt sept Mai deux mille huit, par René SALOMON, Premier Président, assisté de Dominique SALEY, Greffier,


LA COU...

ARRÊT DU
27 Mai 2008

R. S / S. B

---------------------
RG N : 06 / 01792
---------------------
(Jonction avec le RG : 07 / 00098)

Denis X...

Arlette X...

Jean-Claude X...

C /

Félix Y...

Marie-France Z... épouse A...

--------------------

ARRÊT no505 / 08

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le vingt sept Mai deux mille huit, par René SALOMON, Premier Président, assisté de Dominique SALEY, Greffier,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur Denis X...

né le 09 Novembre 1934 à VILLENEUVE SUR LOT (47300)
de nationalité française
Demeurant...

Madame Arlette X...

née le 30 Mai 1940 à VILLENEUVE SUR LOT (47300)
de nationalité française
Demeurant...

Monsieur Jean-Claude X...

né le 23 Mai 1946 à VILLENEUVE SUR LOT (47300)
de nationalité française
Demeurant...

représentés par Me Jean-Michel BURG, avoué
assistés de Me Daniel VEYSSIERE, avocat

APPELANTS d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 14 Novembre 2006

D'une part,

ET :

Monsieur Félix Y...

né le 18 Août 1939 à GASS (40)
de nationalité française
Demeurant...

représenté par la SCP J. et E. VIMONT, avoués
assisté de Me Georges LURY, avocat

Madame Marie-France Z... épouse A..., veuve en première noces de Monsieur Michel X...

née le 03 Mai 1948 à CASTELJALOUX (47700)

...

66130 ILLE SUR TET

représentée par la SCP Henri TANDONNET, avoués
assistée de Me Albert TANDONNET, avocat

INTIMÉS
D'autre part,

a rendu l'arrêt contradictoire. La cause a été débattue et plaidée en audience publique, le 08 Avril 2008 sans opposition des parties, devant Benoît MORNET, Conseiller rapporteur, assisté de Dominique SALEY, Greffier. Le Conseiller rapporteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre lui-même, de René SALOMON, Premier Président Raymond MULLER, Président de Chambre, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées par le Premier Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.

* *
*

Michel X... est décédé le 31 décembre 1997.

Depuis le 17 janvier 1994, il était marié en secondes noces avec Marie-France Z..., sans contrat de mariage, aucun enfant n'étant issu de cette union ;

Le 31 janvier 1994, il avait consenti par acte de Maître Y..., Notaire à LAROQUE TIMBAUT, une donation à son épouse portant sur l'universalité des biens meubles et immeubles composant sa succession ;

À son décès, sa veuve a fait établir une attestation de notoriété et une attestation immobilière le 28 mai 1998 en vertu duquel la dévolution successorale était attribuée à son profit, le défunt n'ayant laissé aucun ascendant ou descendant, la déclaration de succession déposée auprès des services fiscaux confirmant que le défunt " n'avait laissé aucun descendant où ascendant et par conséquent aucun héritier ayant droit à une réserve légale dans sa succession de sorte que la donation entre époux pouvait recevoir son entière exécution au profit de l'épouse survivante donataire " ;

Or, à la date de son décès, Michel X... avait encore sa mère, née Marie-Louise E... veuve X... puis veuve B..., décédée le 2 juin 2000 à la survivance de Denis X..., Arlette X... et Jean-Claude X... lesquels l'ont assignée devant le Tribunal de grande instance d'AGEN pour voir prononcer les sanctions civiles du recel successoral, de la déclaration successorale et de l'acte de notoriété et la voir condamner au paiement de la somme de 30. 000 € au titre de dommages et intérêts. Ils sollicitaient aussi une expertise afin de déterminer la valeur de l'actif successoral ;

Marie-France Z... a appelé en garantie le notaire, Maître Y... ;

Par jugement en date du 14 novembre 2006, le Tribunal de grande instance d'AGEN a prononcé la nullité de l'acte de notorété du 28 mai 1998 et de la déclaration de succession du 2 juin 1998 établi à l'occasion du décès de Michel X... ainsi que tous les actes subséquents, a désigné le président de la chambre des notaires pour établir l'actif et le passif de la succession de ce dernier, condamné Marie-France Z... à payer aux consorts X... la somme de 2. 000 € au titre de dommages et intérêts, outre la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Maître Y... étant pour sa part condamné à la relever indemne des condamnations prononcées à son encontre au profit des consorts X... à hauteur de 50 % ;

Les consorts X... ont saisi la Cour d'Appel d'AGEN par déclaration établie dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas contestées (procédure numéro 06 / 1792), en limitant leur appel sur le seul refus du juge de voir constater l'existence d'un recel successoral au motif, selon ce magistrat, que l'article 792 du Code civil ne s'appliquait qu'à la dissimulation d'effets de la succession et non à celle d'un héritier fut-elle frauduleuse et de son indemnisation, appréciation qui, selon eux, est contraire à la jurisprudence nouvelle résultant d'une décision de principe rendue le 20 septembre 2006 par la première chambre civile de la Cour de Cassation alors qu'au cas d'espèce le caractère intentionnel de cette omission n'est pas douteux puisque que Madame Z... connaissait parfaitement l'existence de la mère de son défunt mari, la volonté de dissimulation ayant été appuyée par le notaire postérieurement à l'établissement de la déclaration de succession ;

Dans la mesure où Madame E... a été spoliée, ils sollicitent, venant à ses droits, une somme de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts outre la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile ;

Marie-France Z... estime au principal qu'en application de l'article 914 du Code civil et des termes de la donation au dernier survivant accordée à son bénéfice, Marie-Louise E... mère du défunt ne pouvait prétendre qu'à ¼ en usufruit de la succession de son fils. Or, de son vivant, elle n'a pas agi pour revendiquer ce droit, de sorte qu'à son décès l'usufruit s'est éteint et les héritiers ne peuvent en réclamer l'attribution. Ils n'ont pas qualité à le faire aujourd'hui de sorte que leur action est irrecevable ;

À titre subsidiaire, elle estime que le recel successoral est inexistant dans la mesure où la preuve n'est pas rapportée de l'intention frauduleuse constitutive de ce délit civil. Selon elle, la déclaration de succession qu'elle a signé n'était pas volontairement mensongère et elle n'a jamais prétendu qu'elle ignorait l'existence de sa belle-mère. Elle prétend simplement qu'elle ignorait que l'existence d'un ascendant à la suite du décès de son fils, lui-même décédé sans descendance, lui donnait droit à 1 / 4 en usufruit sur la succession. Au demeurant, compte tenu du caractère modeste de la part incombant à la mère, elle prétend qu'elle n'avait aucun intérêt à dissimuler son existence comme l'attestent les pièces versées aux débats, indiquant avoir fait confiance à son notaire et trouvant tout à fait normal que celui-ci l'interroge sur la position qu'elle entendait prendre alors que c'est sur sa demande que le nom de sa belle-mère a figuré sur les avis du décès de son fils ainsi que celui de ses beaux-frères. Il en résulte que si la Cour décide que la demande des appelants est recevable, ceux-ci ne pourront prétendre qu'à des dommages et intérêts à hauteur du préjudice subi. Celui-ci doit correspondre au gain dont ils ont été privés c'est-à-dire en ¼ en usufruit sur l'actif calculé sur la période entre le
31 décembre 1997 et le 2 juin 2000 ce qui correspond à un revenu de 58. 000 FF dont le quart s'élève à 14. 500 FF (2. 210, 50 €) ;

Le notaire ayant commis une faute, celle-ci est exclusive et il devra la relever indemne des condamnations prononcées contre elle ;

Elle estime en effet que Maître Y... avait l'obligation de demander l'extrait de l'acte de naissance de l'ascendant survivant pour s'assurer de la validité des actes à établir et il devait prendre les dispositions nécessaires pour assurer l'efficacité des actes à établir ;

Elle sollicite encore la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Félix Y... qui a également relevé appel de cette décision le 18 janvier 2007 (procédure numéro 07 / 98). Il estime que les consorts X... n'ont aucun intérêt à agir dans la mesure où l'usufruit est intransmissible. Madame E..., mère du défunt, ne pouvait prétendre qu'à 1 / 4 en usufruit de la succession de son fils. Ne l'ayant pas revendiqué de son vivant ce droit s'est éteint par son décès, cette action étant intransmissible ;

Subsidiairement, il indique qu'il est tenu d'une simple obligation de moyens en ce qui concerne l'établissement de l'acte de notoriété et de la déclaration de succession, celle-ci ayant été faite sur les déclarations de Madame Z... elle-même. Il s'est assuré de la présence de deux témoins sans lien de parenté avec le défunt et les ayants droit qui ont déclaré l'avoir parfaitement connue et ont attesté pour vérité à leur connaissance personnelle et comme étant de notoriété publique, les documents communiqués par Madame Z... et en particulier le livret de famille n'établissant pas la survivance d'un parent, la veuve ayant déclaré elle-même que le défunt n'avait laissé aucun descendant ou ascendant et par conséquent aucun héritier ayant droit à une réserve légale dans sa succession ;

Sa mise hors de cause s'impose par conséquent ;

Encore plus subsidiairement, il invoque l'absence de préjudice des consorts X.... Si la Cour retenait l'existence d'un recel seule Madame Z... devrait en subi les effets ;

Il sollicite le paiement d'une somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile ;

Par ordonnance en date du 6 février 2007, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

MOTIFS

SUR LE RECEL SUCCESSORAL

Le premier juge a rappelé qu'en application de l'article 114 du Code civil les libéralités ne peuvent excéder les trois quarts des biens si à défaut d'enfant, le défunt laisse un ascendant dans une ligne. Il en résulte que Madame E..., mère du défunt, avait des droits dans la succession de son fils qui étaient au cas d'espèce un droit à 1 / 4 en usufruit, droit qui s'est éteint à son décès mais qui, de son vivant, a représenté une valeur qui aurait dû rentrer dans son patrimoine ;

Il en résulte que ses héritiers sont parfaitement en droit, comme l'a rappelé le premier juge, de faire reconnaître l'existence de ce droit en faisant plaider qu'elle a été victime d'un recel successoral ;

Le premier juge a estimé à bon droit que l'article 792 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 n'était applicable qu'à la dissimulation d'effets de la succession et non à celle d'un héritier fut-elle frauduleuse ;

C'est à bon droit encore que le premier juge a considéré que l'omission de Madame E... fut elle volontaire ou non devait être régularisée dans la succession de son fils de sorte que l'acte de notoriété du 28 mai 1998, la déclaration de succession du 2 juin 1998 et tous les actes subséquents qui en sont écoulés devaient être annulés en raison de cette
omission ;

Marie-France Z... ne peut pas se réfugier derrière une prétendue ignorance des dispositions légales en matière successorale alors qu'elle connaissait parfaitement l'existence de sa belle-mère ce qu'elle ne conteste du reste pas et c'est avec raison que le premier juge l'a taxée au minimum de négligence pour n'avoir pas relu la déclaration de succession qui affirme de façon péremptoire que « le défunt n'a laissé aucun descendant ou ascendant et par conséquent aucun héritier ayant droit à une réserve légale dans sa succession " omission qui était déjà apparue lors de l'établissement de l'acte de notoriété.

SUR LE PRÉJUDICE DES CONSORTS X...

Madame E... disposait d'un droit d'usufruit portant sur 1 / 4 de l'actif de la succession, droit d'usufruit qui est rentré dans son patrimoine avant de s'éteindre par son décès de sorte que ses droits qui doivent être calculés sur la période entre le 31 décembre 1997 (décès de son fils) et le 2 juin 2000 (date de son décès) doivent être réintégrés dans son patrimoine transmis à ses héritiers. La Cour prendra pour base le revenu locatif avant déduction des impôts fonciers et de l'assurance incendie soit un revenu de 58. 000 FF dont le quart s'élève à 14. 500 FF (2. 210, 50 €) revenant à la succession de Madame E....

SUR LA RESPONSABILITÉ DU NOTAIRE

Le premier juge a reproché à Maître Y..., sollicité par sa cliente pour l'établissement de l'acte de notoriété et de la déclaration de succession de n'avoir pas procédé aux vérifications les plus élémentaires pour assurer l'efficacité des actes à établir et vérifier la présence d'ascendant, présence qui était de nature à modifier les droits du conjoint survivant donataire ;

Marie-France Z... indiquait notamment qu'elle a remis à son notaire le livret de famille au vu duquel il avait selon elle l'obligation de s'assurer de la présence ou non d'ascendants susceptibles de concourir avec le conjoint survivant au titre d'un droit
d'usufruit ;

Il convient d'observer que Maître Y... avait établi un acte de notoriété le 28 mai 1998 sur la foi d'affirmations de deux témoins puis une déclaration de succession le 2 juin 1998 sur les indications de Madame Z... elle-même ;

Pèse sur le notaire une simple obligation de moyens ce qui signifie que sa responsabilité n'est engagée que s'il est prouvé qu'il n'a pas apporté toutes les diligences nécessaires à la rédaction de son acte.

Or, au cas d'espèce et en l'état des textes en vigueur à l'époque, ce notaire s'était appuyé sur la déclaration de témoins qui étaient censés avoir eu une réelle connaissance de la situation et dont il s'était assuré qu'ils n'avaient pas de lien de parenté avec le défunt et les ayants droits et il ne peut lui être reproché de s'en être tenu à leurs déclarations alors en outre que le livret de famille que Madame Z... lui avait remis n'était pas susceptible d'établir la survivance d'un parent ni même de permettre l'obtention d'un acte de naissance des parents du défunt puisqu'aucun lieu de naissance n'est précisé ;

On ne saurait reprocher au notaire de n'avoir pas poussé ses vérifications alors que la propre femme du défunt, interrogée sur la survivance de descendant ou d'ascendant avait précisé dans la déclaration de succession du 6 juin 1998 que le défunt n'avait laissé aucun descendant ou ascendant et par conséquent aucun héritier ayant droit à une réserve légale dans sa succession de sorte que la donation entre époux pouvait recevoir entière exécution à son profit, en sa qualité d'épouse survivante du donataire ;

Il en résulte en conséquence que le notaire sera mis hors de cause.

SUR LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES

Les demandes au titre des frais irrépétibles sont en voie de rejet.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme la décision déférée en ce qui concerne uniquement la condamnation prononcée à l'encontre de Félix Y..., lequel est mis hors de cause ;

Confirme pour le surplus sauf en ce qui concerne le montant de la somme due par Madame Z... aux consorts X... fixée à 2. 210, 50 € ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code Procédure Civile ;

Condamne Marie-France Z... épouse X... et les consorts X... aux dépens à charge de la moitié pour chacun, ceux d'appel étant distraits au profit des avoués en la cause.

Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président et par Dominique SALEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Premier Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Numéro d'arrêt : 07/00098
Date de la décision : 27/05/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Agen


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-05-27;07.00098 ?
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