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21/05/2008 | FRANCE | N°05/1506

France | France, Cour d'appel d'Agen, 21 mai 2008, 05/1506


ARRÊT DU 21 Mai 2008



D. N / S. B



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RG N : 05 / 01506
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Dominique X... épouse Y...


C /

Laurent Z...




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ARRÊT no 465 / 08
COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile



Prononcé à l'audience publique le vingt et un Mai deux mille huit, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier,



LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,



ENTRE :

Ma

dame Dominique X... épouse Y...

née le 06 Mai 1953 à PARIS
de nationalité française
Demeurant...

59370 MONS EN BAROEUL

représentée par la SCP Guy NARRAN, avoués
assistée de Me...

ARRÊT DU 21 Mai 2008

D. N / S. B

----------------------
RG N : 05 / 01506
--------------------

Dominique X... épouse Y...

C /

Laurent Z...

-------------------

ARRÊT no 465 / 08
COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé à l'audience publique le vingt et un Mai deux mille huit, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Madame Dominique X... épouse Y...

née le 06 Mai 1953 à PARIS
de nationalité française
Demeurant...

59370 MONS EN BAROEUL

représentée par la SCP Guy NARRAN, avoués
assistée de Me Fabrice DANDOY, avocat

APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de CAHORS en date du 12 Août 2005, suite au dépôt du rapport d'expertise, et suite à l'arrêt avant-dire-droit rendu par la Cour d'Appel de céans en date du 13 Décembre 2006 ordonnant une expertise (dépôt du rapport le 24 Mai 2007)

D'une part,

ET :

Monsieur Laurent Z...

né le 12 Décembre 1953 à BRIVE (19100)
de nationalité française
Demeurant ...

46400 SAINT LAURENT LES TOURS

représenté par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués
assisté de Me Jean-David GUEDJ, avocat et de Me F. FAUGERE, avocat

INTIMÉ

D'autre part,

a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 09 Avril 2008, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, Dominique NOLET, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Dominique MARGUERY, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

Par arrêt avant-dire-droit du 13 décembre 2006 auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure, une expertise a été ordonnée.
L'expert D... a déposé son rapport le 24 mai 2007.

L'appelante conclut au débouté de Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes, à l'annulation du testament litigieux et des opérations subséquentes de compte liquidation partage de la succession de Monsieur Gérard X.... Elle demande l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de cette succession et la restitution en nature de l'ensemble des biens dévolus à Monsieur Z.... Elle demande de condamner Monsieur Z... à rapporter l'ensemble des intérêts perçus sur les biens successoraux et à lui payer 5. 000 € à titre de dommages et intérêts et 3. 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Z... sollicite à titre principal une contre-expertise ou une nouvelle expertise. Il conclut subsidiairement à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de Madame Y... à lui payer 5. 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu les dernières conclusions de l'appelante en date du 7 avril 2008 ;
Vu les dernières conclusions de l'intimé en date du 21 mars 2008.

SUR QUOI

Monsieur X... est décédé le 5 septembre 1994 sans laisser d'héritier réservataire.
Le 16 septembre 1994 son testament olographe rédigé le 18 août 1994 a été déposé chez le notaire instituant Monsieur Laurent Z... en qualité de légataire universel.

Madame Y... indique qu'elle ne connaissait pas son oncle n'ayant pas été élevée dans sa famille biologique. Elle n'a appris son existence qu'à l'occasion d'une démarche de recherche de ses origines en 2000, soit six ans après son décès.

Aux termes de l'article 970 du code civil, le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur, il n'est assujetti à aucune forme.
L'envoi en possession fait peser la charge de la preuve sur celui qui conteste l'authenticité du testament

Il résulte des conclusions de l'expert graphologue que :
- le testament litigieux n'est pas de la main de Monsieur X....
- la comparaison de l'écriture de ce testament à celle de Monsieur Z... offre par contre d'importantes similitudes, en nombre et en qualité.

SUR LA DEMANDE DE CONTRE EXPERTISE OU DE NOUVELLE EXPERTISE

* Sur les compétences de l'expert
Monsieur Z... relève d'abord que l'expert est graphologue, et non pas expert en écriture et n'avait donc pas les compétences requises.
Sur ce point il sera relevé que Madame D... dispose de la double formation de graphologue et d'expert en écriture Agréé. Elle dispose à la fois d'une formation aux techniques de l'expertise judiciaire et du diplôme s'y rapportant et d'une formation théorique et pratique de l'expertise judiciaire au Service Régional de l'Identité Judiciaire de Bordeaux, acquise sur trois ans avec spécialisation en matière d'expertise d'écritures manuscrites. Elle est inscrite en tant qu'expert en écriture près la Cour d'Appel de Bordeaux depuis novembre 1989. Son inscription a été renouvelée le 19 novembre 2005 ce qui démontre la qualité de son travail, attestée également par sa participation à la formation dispensée aux magistrats sur ce point par l'ENM.
Cette première critique est donc fort peu sérieuse.

* Sur la mission de l'expert
Il est particulièrement utile aux magistrats appelés à statuer sur l'authenticité d'un testament d'avoir des informations sur le véritable auteur de celui-ci. Dès lors les observations de l'expert sur ce point, observations au demeurant fort prudentes n'ont en aucun cas dépassé sa mission.

* Sur la qualité du rapport
Monsieur X... critique le rapport sur la base d'un rapport établi par un expert qu'il a lui-même choisi, et payé. Madame E... n'est pas le juge d'appel de ses collègues experts en écriture.
Madame D... a travaillé dans le respect des règles judiciaires. Son travail minutieux repose sur de nombreux documents étant relevé que Monsieur Z... qui était un ami très proche du défunt n'a produit que les deux seuls documents qui lui étaient spécifiquement enjoints de produire alors qu'il avait à sa disposition une masse de documents qu'il a préféré occulter ou qu'il a préféré remettre à son propre expert, plutôt qu'à l'expert judiciaire qui lui en a fait plusieurs fois la demande. La production en cause d'appel d'un passeport daté de 1961 ne suffit pas à remettre en cause une analyse faite sur des documents authentiques (carte nationale d'identité et permis de conduire) ou privés, largement postérieurs à cette date.
Les conclusions de Madame E..., missionnée par Monsieur Z..., qui n'a travaillé que sur la foi des seuls éléments qui lui ont été fournis par son client ne revêtent évidemment pas le moindre caractère contradictoire. Par ailleurs, elle-même ne conclut jamais à l'authenticité du testament litigieux se contentant uniquement d'affirmer " Monsieur Z... n'est probablement ni le rédacteur ni le signataire du testament " se gardant bien de répondre elle-même à la question principale de la mission. Ensuite elle estime indispensable :
- de disposer d'un dossier de comparaison suffisamment complet de la main de Monsieur X...,
- de connaître exactement son état de santé au moment des faits.

Or précisément l'expert judiciaire avait un dossier de comparaison complet et a largement pris en compte (p. 6 et 7 du rapport) l'âge et l'état de santé de Monsieur X....
En définitive aucune critique sérieuse ni de l'expert ni de son travail ne permettent de remettre en cause le rapport, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de contre-expertise ou de nouvelle expertise.

SUR LA NULLITÉ DU TESTAMENT
Aux termes de l'article 970 du code civil, le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur, il n'est assujetti à aucune forme.
L'envoi en possession fait peser la charge de la preuve sur celui qui conteste l'authenticité du testament. Madame Y... fait la preuve de la nullité du testament litigieux par le rapport argumenté de l'expert qui exclut sans contestation possible que Monsieur X... soit le rédacteur du testament : " ses artifices de forme, son déguisement, montrent que nous sommes en présence d'un écrit et plus particulièrement d'une signature ayant fait l'objet d'une imitation servile de l'écriture et en aucun cas de la signature de Monsieur X... ".
Par ailleurs le comportement de Monsieur X..., notamment pendant toute la procédure judiciaire conforte les conclusions de l'expert judiciaire. Monsieur X... a plusieurs vérités :
- d'abord il prétend devant l'expert (Page 7 de son rapport) :
* qu'il a trouvé le testament au domicile de Monsieur X... dans une mallette,
* que ce n'est pas lui qui a remis le testament au notaire,
- aujourd'hui dans ses dernières conclusions il écrit :
* qu'il a trouvé le testament dans les locaux de la société Inter LG diffusion (page 17 de ses conclusions) alors qu'il n'y travaille plus depuis 1993,
* que c'est lui qui a remis le testament au notaire.

Il résulte sans aucune contestation possible de l'expertise judiciaire que le testament en date du 18 / 08 / 1994 rédigé sous le nom de Monsieur X... Gérard au bénéfice de Monsieur Z... Laurent, n'est pas de la main de Monsieur X.... Le fait que Monsieur X... ait été un ami de 30 ans de Monsieur Z... ne change rien à la falsification de son écriture. Il a peut être voulu léguer ses biens à ce dernier, mais il ne l'a pas fait.
Il y a lieu en conséquence, en application de l'article 970 du code civil, de le déclarer nul et de nul effet et de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient au moment de l'ouverture des opérations successorales.

SUR LES CONSÉQUENCES DE LA NULLITÉ
Il résulte du rapport de l'expert judiciaire que l'hypothèse selon laquelle Monsieur Z... pourrait être l'auteur du testament ne peut être exclue. Il en est le seul bénéficiaire et c'est lui qui l'a " retrouvé " miraculeusement trois semaines après le décès.
C'est lui qui a déposé à l'étude notariée ce faux testament à l'effet de priver la soeur de Madame X... dont il connaissait l'existence (attestation de Madame G...) de son droit à hériter dès lors il convient d'appliquer à Monsieur Z... qui s'est sciemment rendu coupable du délit de recel la sanction de l'ancien article 792 du code civil aujourd'hui article 778 du code civil, applicable au légataire universel et de le condamner à rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.

SUR LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS
Certes, la soeur de Monsieur X... est décédée dans le plus grand dénuement, mais apparemment son frère, de son vivant ne s'en occupait pas alors qu'il résulte des nombreuses attestations produites qu'il avait la plus grande amitié pour Monsieur Z.... Dès lors Madame Y... qui d'ailleurs ne connaissait pas son oncle ne justifie d'aucun préjudice qui ne serait pas réparé par la présente décision permettant de lui allouer des dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Au fond, infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur Z... de sa demande de contre-expertise ou de nouvelle expertise,

Annule le testament en date du 18 août 1994 ainsi que les opérations subséquentes de compte liquidation partage de la succession de Monsieur Gérard X... né le 21 mai 1940 à Clichy et décédé le 5 septembre 1994 à Brive la Gaillarde,

Ordonne la remise en état des parties ainsi qu'une nouvelle ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de Monsieur Gérard X...,

Ordonne la restitution en nature de l'ensemble des biens dévolus à Monsieur Z... en exécution du faux testament,

Dit qu'en cas d'impossibilité de restitution en nature, Monsieur Z... sera tenu de restituer lesdits biens en valeur augmentés des intérêts au taux légal à compter de leur aliénation ;

Désigne pour y procéder Monsieur le Président de la chambre départementale des notaires du LOT ou son délégataire,

Ordonne à l'administration fiscale de remettre au notaire ainsi désigné ainsi qu'à chacune des parties au litige la déclaration successorale relative à la succession de Monsieur Gérard X...,

Désigne le Président du Tribunal de Grande Instance de CAHORS, ou son délégataire pour surveiller ces opérations,

Condamne Monsieur Z... à rapporter dans le cadre de ces opérations l'ensemble des intérêts et des fruits qu'il a perçus sur les biens successoraux déduction faite des impenses,

Déboute Madame Y... de sa demande à titre de dommages et intérêts ;

Condamne Monsieur Z... aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire et autorise les avoués à les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Déboute les parties de leurs demandes en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre et par Isabelle LECLERCQ, Greffier présent lors du prononcé.

Le Greffier, Le Président

Isabelle LECLERCQ Bernard BOUTIE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Numéro d'arrêt : 05/1506
Date de la décision : 21/05/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Cahors


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-05-21;05.1506 ?
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