ARRÊT DU
18 MARS 2008 CL / SB
R. G. 07 / 00265
Association " L'ŒUVRE DU DOMAINE DE PECH PETIT "
C /
Jean-Marie X...
ARRÊT n° 104 COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé à l'audience publique du dix-huit mars deux mille huit par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière,
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
Association " L'ŒUVRE DU DOMAINE DE PECH PETIT "
Prise en la personne de son Président
54, Avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny
B. P. 5036
59705 MARCQ-EN-BARŒUL CEDEX
Rep / assistant : Me Marine KERROS loco Me Ronan CALVEZ (avocats au barreau de BREST)
APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de CAHORS en date du 18 janvier 2007 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R. G. 06 / 00096
d'une part,
ET :
Jean-Marie X...
né le 2 décembre 1943 à MEAUX (77100)
...
46230 CREMPS Rep / assistant : Me Guyslaine JACQUES-HUREAUX (avocat au barreau de PARIS)
INTIMÉ
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 5 février 2008 devant Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, Benoît MORNET et Thierry LIPPMANN, Conseillers, assistés de Nicole CUESTA, Greffière, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
Jean-Marie X..., né le 2 décembre 1943, a été embauché, le 1er décembre 1976, par l'Association " L'Œuvre du Domaine de PECH PETIT " suivant contrat à durée indéterminée en qualité de gardien soigneur ; il bénéficiait, à ce titre, d'un logement de fonction sis sur le Domaine du PECH PETIT. Suivant courrier recommandé en date du 22 mars 2005, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 7 avril 2005.
Par lettre recommandée en date du 22 avril 2005, l'employeur lui a notifié son licenciement pour motif économique, dans les termes suivants :
"... Suppression de votre poste dans le cadre de la réorganisation en cours de l'association, laquelle est nécessaire à sa survie au vu des difficultés économiques que connaît celle-ci.
En effet, les résultats d'exploitation sont déficitaires depuis plusieurs exercices :
-2002 : 229 477. 65 €
-2003 : 215 792. 99 €
-2004 : 257 575. 00 €
ainsi que les résultats comptables.
Nous avons pendant plusieurs années comblé ces déficits en puisant dans les réserves, lesquelles sont désormais à un niveau très faible, ne permettant plus de combler le déficit prévisible de l'année.
Afin de poursuivre l'action des Fondateurs et d'assurer la pérennité de l'oeuvre, il a été décidé de fermer le Domaine de Pech Petit dont l'entretien est extrêmement coûteux à l'œuvre et de répartir les chevaux sur d'autres sites d'accueil.
Malgré tous nos efforts de reclassement, tant au sein de l'association qu'à l'extérieur, nous n'avons pu trouver d'autres postes en relation avec votre profil professionnel... "
Contestant ce licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de l'intégralité de ses droits, Jean-Marie X... a saisi, le 21 août 2006, la juridiction prud'homale. Suivant jugement en date du 18 janvier 2007, le Conseil de Prud'hommes de CAHORS a dit que le licenciement de Jean-Marie X... est abusif, a condamné l'Association " l'Œuvre du Domaine de PECH PETIT " à payer à ce dernier les sommes de 10. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, de 40. 000 € au titre du préjudice moral et de 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, a débouté Jean-Marie X... du surplus de ses demandes, et enfin, a débouté l'Association " l'Œuvre du Domaine de PECH PETIT " de sa demande relative à l'article 700. L'Association " l'Œuvre du Domaine de PECH PETIT " a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais qui n'apparaissent pas critiquables.
Elle soutient, pour l'essentiel, que le licenciement pour motif économique est parfaitement fondé dans la mesure où ses difficultés économiques étaient réelles et durables, l'Association n'ayant pu survivre au cours des années 2001 à 2004 que grâce aux réserves faites précédemment et dans la mesure où sa situation, fin 2004, ne permettait pas d'assurer son avenir compte tenu des déficits et de la disparition des réserves de sorte que la fermeture du Domaine de PECH PETIT a été décidée, le domaine ayant un coût prohibitif puisqu'il représentait 34 % des dépenses 2003 pour une quarantaine de chevaux placés, alors que les dépenses afférentes aux autres centres d'hébergement, lesquels hébergent 220 chevaux environ, constituaient 39 % des dépenses.
Elle prétend, par ailleurs, que postérieurement à ce licenciement et au licenciement de la deuxième salariée qui travaillait également sur ce domaine, elle n'a recruté aucun salarié pour celui-ci et en particulier aucun gardien soigneur, mais que n'ayant pu transférer les chevaux avant l'automne 2006, il a bien fallu trouver une solution d'urgence de sorte que le Docteur C..., principal donateur de l'Association, et son Président ont alors recruté à leur charge des salariés sous contrats à durée déterminée, en qualité de palefreniers, elle-même n'ayant pu prendre à sa charge les deux contrats à durée déterminée qu'en mars 2006, à la suite de quelques legs de fin d'année. Elle considère, par ailleurs, avoir parfaitement rempli l'obligation de reclassement mise à sa charge.
Elle ajoute que Jean-Marie X... s'est maintenu sans titre dans son logement de fonctions jusqu'en octobre 2006, empêchant jusqu'à cette date l'évacuation des chevaux. Elle fait valoir, enfin, qu'aucune des autres réclamations telles que formées par Jean-Marie X... ne se trouve justifiée.
Elle demande, par conséquent, à la Cour, de réformer le jugement déféré, de dire le licenciement régulier et fondé, de débouter, dès lors, Jean-Marie X... de ses demandes à ce titre et à titre subsidiaire, de dire que celui-ci ne justifie pas de son préjudice et de le débouter de ses prétentions financières ; elle sollicite, par ailleurs, la confirmation du jugement déféré sur les autres demandes et la condamnation de Jean-Marie X... à lui payer la somme de 4. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Jean-Marie X... demande, pour sa part, à la Cour, de dire que le licenciement économique dont il a fait l'objet sera requalifié en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, de condamner l'Association " l'ŒUVRE DU DOMAINE DE PECH PETIT " (" O. D. P. P. ") à lui verser les sommes de 1. 600 € à titre d'indemnité légale de licenciement, de 10. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, de 9. 600 € à titre de rappel de congés payés, de 15. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 précité. Il soutient, pour l'essentiel, que l'employeur ne justifie pas du caractère économique du licenciement et en particulier, qu'après son licenciement, il a procédé à des embauches sous forme de contrats de travail à durée déterminée en cascade notamment sur son poste de travail.
Il explique qu'en réalité le licenciement en cause résulte plus d'une mauvaise entente avec le Président de l'Association que de véritables difficultés économiques de celle-ci.
Il prétend, par ailleurs, que le licenciement dont il a fait l'objet n'est pas respectueux des règles de la procédure.
Il fait grief, enfin, à l'employeur de ne pas avoir respecté l'obligation de reclassement à son égard.
SUR QUOI :
Attendu que selon l'article L. 321-1 du Code du Travail, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Qu'il s'ensuit que lorsqu'un motif économique est invoqué, doivent être établies, à la fois, la cause économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, ces deux éléments relevant de la définition du licenciement économique issue de l'article L. 321-1 précité.
Que la suppression d'emploi doit être effective, ce qui suppose que le salarié ne soit pas remplacé dans l'emploi occupé ou dans un emploi de même nature après son congédiement.
Qu'au cas présent, il ne peut être que relevé qu'un autre salarié sous contrat de travail à durée déterminée a, de manière constante, postérieurement au licenciement dont il s'agit et jusqu'à l'automne 2006, occupé un poste de même nature que celui qui avait été confié à Jean-Marie X..., l'intéressé occupant précisément les fonctions de palefrenier chargé de soigner les chevaux présents sur le domaine, fonctions jusque-là dévolues à Jean-Marie X..., peu important que ce salarié n'ait pas bénéficié, en outre, du logement de fonctions dans lequel Jean-Marie X... s'était maintenu sans titre. Que le fait que différents contrats de travail aient été signés, dans les mois qui ont suivi le licenciement de Jean-Marie X... par le Docteur C..., principal donateur de l'Œuvre ou par le président de l'Association en leur nom personnel et que ces derniers en aient supporté la charge financière ne suffit pas à établir l'effectivité de la suppression de l'emploi litigieux, dès lors qu'il est constant que les salariés titulaires de ces contrats à durée déterminée travaillaient pour le compte de l'Association et dans des postes de même nature que celui du salarié licencié. Que dès lors que fait défaut l'élément tenant à la réalité de la suppression de l'emploi du salarié licencié, le licenciement ne peut être justifié par un motif économique.
Que de plus, le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que si le reclassement de l'intéressé n'est pas possible ; que, dans le cadre de cette obligation de reclassement, il appartient à l'employeur de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement et de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé un emploi disponible de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification du contrat de travail, en assurant au besoin l'adaptation de son salarié à l'évolution de son emploi.
Que ce reclassement doit être tenté avant la notification du licenciement de sorte que les possibilités de reclassement doivent s'apprécier antérieurement à la date du licenciement, à compter du moment où celui-ci est envisagé.
Que ne justifie pas avoir loyalement satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge et n'établit pas la réalité de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait, antérieurement à la date du licenciement, de procéder à un tel reclassement, l'employeur qui, comme dans le cas présent, se contente de produire aux débats la photocopie d'un courrier de demande de reclassement, daté du 7 avril 2005, date de l'entretien préalable, sur lequel a été mentionné manuscritement un certain nombre de noms de destinataires ainsi que la photocopie de deux réponses négatives à ce courrier datées l'une du 20 avril 2005 et l'autre du 30 avril 2005, étant rappelé que la lettre de licenciement porte la date du 22 avril 2005.
Que l'ensemble de ces considérations conduit nécessairement à retenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens développés par les parties, que ledit licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Que l'absence de cause réelle et sérieuse ouvre droit au bénéfice du salarié à une indemnité.
Que suite à ce licenciement, Jean-Marie X... a subi incontestablement un préjudice qui, au regard des circonstances de l'espèce et notamment de son âge et de son temps de présence dans l'entreprise, doit être réparé par l'allocation d'une somme de 10. 000 €. Attendu que Jean-Marie X... , qui ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct de celui qui vient d'être compensé par l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qui serait en relation de cause à effet avec une quelconque faute qui aurait été commise à son encontre par l'employeur, ne peut être que débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Attendu que Jean-Marie X... qui n'étaye en rien sa demande de rappel de congés payés doit également être débouté de ce chef de demandes. Qu'il en va de même de sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement alors qu'il apparaît au contraire, ainsi que le souligne l'Association " l'Œuvre du Domaine de PECH PETIT ", que l'intéressé a perçu les indemnités de rupture auxquelles il pouvait normalement prétendre.
Qu'enfin, aucune irrégularité de la procédure de licenciement n'est caractérisée au cas présent.
Attendu, par conséquent, que la décision déférée sera infirmée seulement sur les dommages et intérêts alloués à Jean-Marie X... pour préjudice moral ; qu'elle sera par contre confirmée en toutes ses autres dispositions.
Attendu que les dépens de l'appel seront mis à la charge de l'Association " l'Œuvre du Domaine de PECH PETIT " qui succombe pour partie, laquelle sera également condamnée à payer à Jean-Marie X... la somme de 1. 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré seulement sur les dommages et intérêts alloués à Jean-Marie X... pour préjudice moral Et statuant à nouveau :
Déboute Jean-Marie X... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, Confirme la décision déférée en toutes ses autres dispositions,
Et y ajoutant :
Condamne l'Association " l'Œuvre du Domaine de PECH PETIT " à verser à Jean-Marie X... la somme de 1. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
Condamne l'Association " l'Œuvre du Domaine de PECH PETIT " aux dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.