ARRÊT DU
20 Février 2008
B. M / S. B
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RG N : 07 / 00625
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S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES
C /
Jean-Yves X...
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ARRÊT no185 / 2008
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Prononcé à l'audience publique le vingt Février deux mille huit, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est Route de Bagnols
30340 SAINT PRIVAT DES VIEUX
représentée par la SCP Guy NARRAN, avoués
assistée de Me Barbara MICHEL de la SCP FIDAL, avocats
APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 28 Mars 2007
D'une part,
ET :
Monsieur Jean-Yves X...
né le 11 Octobre 1953 à SIECQ (17490)
de nationalité française
Demeurant ...
47200 FOURQUES SUR GARONNE
représenté par la SCP HENRI TANDONNET, avoués
assisté de Me Lionel RIVIERE, avocat
INTIMÉ
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 23 Janvier 2008, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, Dominique NOLET, Conseiller et Benoît MORNET, Conseiller (lequel, désigné par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable), assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 1er juin 1999, Jean-Yves X... a conclu un contrat d'agent commercial avec la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES ayant pour objet la promotion et la vente des produits fabriqués et / ou diffusés par ladite société.
Par lettre recommandée postée le 25 août 2004, la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES a rompu le contrat avec effet immédiat.
Par jugement rendu le 28 mars 2007, le Tribunal de grande instance de MARMANDE a jugé que Jean-Yves X... n'a pas commis de faute grave justifiant la rupture immédiate des relations contractuelles, et a condamné la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES à lui payer la somme de 4. 815 € au titre du préavis et la somme de 38. 520 € à titre d'indemnité de rupture, et à supporter le taux d'imposition sur lesdites sommes à titre de dommages et intérêts supplémentaires.
La S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui n'apparaissent pas critiquables.
Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement en déboutant Jean-Yves X... de toutes ses demandes, en ordonnant la cessation par Jean-Yves X... de toute commercialisation directement ou indirectement de produit de la gamme GRILLO sous astreinte de 1. 000 € par jour de retard, et ce à compter de la signification de l'arrêt, la Cour se réservant la possibilité de liquider l'astreinte, et en condamnant Jean-Yves X... à lui payer la somme de 210. 033 € à titre de dommages et intérêts, la somme de 17. 288, 91 € pour violation de son obligation de loyauté et de la clause d'exclusivité, et la somme de 3. 000 € au titre de l'artilce 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient que Jean-Yves X... commercialise depuis 2001 des produits de marque GRILLO, concurrents de ceux de la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES sans jamais avoir eu l'accord écrit et préalable de la société. Elle prétend qu'il s'agit d'une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat.
Subsidiairement, elle prétend caractériser un manque d'activité par un manque de visites et un défaut d'information de sorte qu'il n'aurait pas exécuté son mandat en " bon professionnel ".
Elle soutient que le non respect de l'obligation de loyauté et de non-concurrence justifient des dommages et intérêts à hauteur de la perte de marge brute calculée sur le différentiel entre l'objectif fixé dans le contrat et le chiffre d'affaires réalisé.
Elle ajoute que le non respect de la clause de non-concurrence justifie une indemnité égale à la moyenne des commissions de la dernière année de collaboration.
Jean-Yves X... demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'absence de faute grave, mais conclut à la réformation sur le montant des indemnités.
Il demande à la Cour de condamner la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES à lui payer la somme de 6. 589, 13 € TTC à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 44. 074, 32 € à titre d'indemnité de rupture, et la somme de 11. 900, 07 € à titre de dommages et intérêts supplémentaires, ainsiqu'à une indemnité de 3. 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il soutient que les produits GRILLO ne sont pas concurrents et que la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES avait parfaitement connaissance de ce qu'il représentait également la marque GRILLO.
Concernant les baisses de chiffre d'affaires, il conteste d'abord les chiffres produits par la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES, précise que les conditions climatiques expliquent pour partie ces baisses.
Il ajoute que la moyenne mensuelle des trois dernières années doit être évaluée à 1. 836, 43 € HT justifiant une indemnité de préavis de 6. 589, 13 € TTC et une indemnité de rupture de 44. 074, 32 €.
Il soutient enfin que la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES doit également l'indemniser de la taxe sur les plus-values qu'il devra payer au regard de l'indemnité perçue.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I-Sur les demandes principales
Il résulte du contrat d'agent commercial conclu entre les partie et notamment de son article 9 que l'agent commercial s'interdit, sauf accord préalable et écrit du mandant, toute activité se rapportant à la fabrication ou à la commercialisation de tout produit susceptible de concurrencer ceux dont la représentation lui est confiée.
Jean-Yves X... ne conteste pas représenter également la marque GRILLO mais prétend d'abord que les produits GRILLO ne sont pas concurrents des produits ROQUES ET LECOEUR.
Il résulte des pièces versées aux débats et notamment les revues descriptives des produits que la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES fabrique et vend des tondeuses, des débrousailleuses et des motobineuses, et que la société GRILLO produit également des tondeuses, des débrousailleuses et des motobineuses.
La S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES verse aux débats les catalogues 2003 et 2004 des ses produits et les catalogues 2003 et 2004 des produits de marque GRILLO. La consultation de ces catalogues démontre que les produits des deux marques sont pour le moins concurrents.
D'ailleurs, la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES verse également un tableau comparatif de produits concurrents vendus par les deux entreprises avec les documentations correspondantes.
Le seul fait qu'une débrousailleuse GRILLO soit auto-portée alors qu'une débrousailleuse ROQUES ET LECOEUR est auto-tractée ne contredit aucunement le caractère concurrentiel des produits.
Il résulte de ces éléments que, pour reprendre les termes de la clause de non-concurrence, les produits commercialisés par la société GRILLO sont " susceptibles de concurrencer " les produits ROQUES ET LECOEUR dont la représentation était confiée à Jean-Yves X....
Jean-Yves X... prétend ensuite que la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES ne pouvait ignorer qu'il travaillait pour la société GRILLO et qu'il y avait une acceptation tacite.
Il produit aux débats des revues professionnelles dans lesquelles apparaissent des publicités pour la marque GRILLO, lesdites publicités mentionnant le nom de Jean-Yves X... comme représentant.
Pour autant, Jean-Yves X... ne démontre pas que la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES avait nécessairement connaissance de sa qualité de représentant au profit de la marque GRILLO.
En tout état de cause, les termes de la clause de non-concurrence sont parfaitement clairs et imposent à l'agent commercial d'obtenir " un accord préalable écrit " de la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES pour exercer une activité se rapportant à la commercialisation de produits concurrents.
La S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES démontre d'ailleurs que si elle a donné son accord pour un agent commercial dont le secteur est le sud-est, elle a refusé de donner cet accord pour un autre agent commercial exerçant sur un autre secteur.
Il est ainsi démontré que Jean-Yves X... n'a pas respecté la clause de non-concurrence que lui imposait le contrat d'agent commercial conclu avec la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES.
En commercialisant des produits concurrents sans autorisation écrite du mandant, Jean-Yves X... a commis un manquement au devoir de loyauté imposé par la clause de non concurrence et plus généralement par l'article L. 134-4 du Code de commerce.
La gravité de la faute résulte à la fois du manque de loyauté et de la perte qui en résulte nécessairement pour le mandant dont l'agent commercial vend des produits concurrents.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la rupture du contrat d'agent commercial de Jean-Yves X... trouve son origine dans la faute grave de l'agent commercial.
En application des articles L. 134-11 et L. 134-13 du Code de commerce, Jean-Yves X... ne peut prétendre à l'indemnité de préavis ni à l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice.
Il convient en conséquence de débouter Jean-Yves X... de toutes ses demandes.
II-Sur les demandes reconventionnelles de la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES
1-Sur la demande en dommages et intérêts pour non respect de la clause de non-concurrence pendant le contrat
La S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES soutient avoir subi un préjudice équivalent à la perte de marge brute calculée sur le différentiel entre l'objectif fixé dans le contrat et le chiffre d'affaires réalisé par Jean-Yves X....
Elle verse aux débats un tableau établi par elle-même mentionnant le chiffre d'affaires prévisionnel et le chiffre d'affaires réalisé par Jean-Yves X... au cours des années 2001, 2002, et 2003.
Le préjudice subi par la société mandante ne peut cependant s'analyser en une perte de marge brute calculée sur la seule base d'un chiffre d'affaires prévisionnel unilatéralement déterminé.
Faute de fournir à la Cour les éléments prouvant l'évaluation de son préjudice, elle sera déboutée de cette demande.
2-Sur la demande de cessation d'activité concurrente et de dommages et intérêts pour non respect de la clause de non-concurrence après la rupture
L'article 16. 2 du contrat d'agent commerciale prévoit une clause de non-concurrence après la cessation du contrat.
Cette clause " concerne le secteur et la clientèle prospectée par l'agent ".
S'il est démontré que Jean-Yves X... a travaillé pour la société ITAL'AGRI, la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES ne démontre pas qu'il s'agit précisément du même secteur d'activité et encore moins que la clientèle prospectée soit la même.
La S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES ne rapporte donc pas la preuve du non respect de la clause de non-concurrence après la rupture du contrat.
Cette clause est limitée à deux ans à compter de la rupture, de sorte qu'il n'y a plus lieu, aujourd'hui d'empêcher Jean-Yves X... d'exercer dans ce secteur d'activité.
Il convient en conséquence de la débouter de ces demandes.
III-Sur les dépens et les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Jean-Yves X... succombant à l'instance, il en supportera les dépens.
L'équité commande en revanche de dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare recevable l'appel formé contre le jugement rendu le 28 mars 2007 par le tribunal de grande instance de MARMANDE ;
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Déboute Jean-Yves X... de toutes ses demandes ;
Déboute la S. A. R. L. ROQUES ET LECOEUR ALES de toutes ses demandes reconventionnelles ;
Condamne Jean-Yves X... aux dépens de l'instance, dont distraction de ceux d'appel au profit de la SCP Guy NARRAN, avoués, en application de l'article 699 du Code de procédure civile, et dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre et par Isabelle LECLERCQ, Greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier, Le Président,