ARRÊT DU
19 Février 2008
C. A / S. B
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RG N : 07 / 00052
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Maurice A...
Janine X...
S. A. R. L. AUX QUATRE SAISONS
C /
S. C. P. SILVESTRI BAUJET
S. C. P. DE Y...
Philippe DE Y...
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ARRÊT no177 / 2008
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le dix neuf Février deux mille huit, par Jean- Marie IMBERT, Président de Chambre,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur Maurice A...
né le 19 Octobre 1940 à BORDEAUX (33000)
de nationalité française
Demeurant ...
33160 SAINT MEDARD EN JALLES
Madame Janine X...
née le 30 Décembre 1932 à SAINT MEDARD DE BARBEZIEUX (16300)
Demeurant ...
33160 SAINT MEDARD EN JALLES
représentés par la SCP Henri TANDONNET, avoués
assistés de Me ANDOUARD de la SELARL AGENIE ANDOUARD, avocats
S. A. R. L. AUX QUATRE SAISONS, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège, administrateur ad hoc désigné à ces fonctions par ordonnance du Tribunal de commerce de BORDEAUX
Dont le siège social est 15 allés des Genêts
33160 ST MEDARD EN JALLES
représentée par la SCP Henri TANDONNET, avoués
assistée de Me ANDOUARD de la SELARL AGENIE ANDOUARD, avocats
APPELANTS d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 22 Novembre 2006
D'une part,
ET :
S. C. P. SILVESTRI BAUJET, mandataire judiciaire, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est 23 rue du Chai des Farines
33000 BORDEAUX
représentée par la SCP VIMONT J. ET E., avoués
assistée de Me Jean Pierre FABRE, avocat
S. C. P. DE Y..., prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est 27 à 31 rue Sainte Catherine
33000 BORDEAUX
représentée par la SCP VIMONT J. ET E., avoués
assistée de la SCP BARRIERE- EYQUEM- LAYDEKER, avocats
Monsieur Philippe DE Y...
Demeurant ...
33000 BORDEAUX
représenté par la SCP VIMONT J. ET E., avoués
assisté de la SCP BARRIERE- EYQUEM- LAYDEKER, avocats
INTIMÉS
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 22 Janvier 2008, devant Jean- Marie IMBERT, Président de Chambre, Chantal AUBER, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Françoise MARTRES, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.
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*
FAITS ET PROCÉDURE :
La SARL AUX QUATRE SAISONS, dont le capital est détenu pour moitié par Maurice A..., son gérant, et pour l'autre moitié par Janine X..., a donné en location gérance à l'EURL " LE VIVALDI " un fonds de commerce d'hôtel restaurant situé à Saint Aubin du Médoc. Au cours de l'année 1997, l'EURL LE VIVALDI a rompu le contrat de location gérance et a licencié les salariés. Elle a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de BORDEAUX du 21 mai 1997.
Par jugement du 3 mai 1999, le Conseil de Prud'hommes de BORDEAUX a dit irréguliers et abusifs les licenciements de trois salariés du fonds de commerce d'hôtel restaurant, Madame B..., Madame C... et Monsieur D..., et a condamné la SARL " AUX QUATRE SAISONS " à leur payer diverses indemnités.
La SCP de Y..., avocat de la SARL AUX QUATRE SAISONS, a relevé appel de cette décision.
Par jugement du 13 octobre 1999, le Tribunal de commerce de BORDEAUX a prononcé le redressement judiciaire de la SARL AUX QUATRE SAISONS et désigné la SCP SILVESTRI- BAUJET en qualité de représentant des créanciers.
Par conclusions du 19 janvier 2000, la SCP de Y... s'est désisté de l'appel interjeté contre le jugement du Conseil de Prud'hommes du 3 mai 1999. Ce désistement a été constaté par arrêt de la Cour d'Appel de BORDEAUX du 25 janvier 2000.
Par ailleurs, une autre salariée de l'EURL LE VIVALDI, Madame E... a saisi le Conseil de Prud'hommes de BORDEAUX qui a jugé que son licenciement était imputable à l'EURL LE VIVALDI et qu'il était irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, qui a mis hors de cause la SARL AUX QUATRE SAISONS et a fixé la créance de la salariée à l'égard de l'EURL LE VIVALDI. Par arrêt du 30 octobre 2000, la Cour d'Appel de BORDEAUX a augmenté le montant de la créance de la salariée à la liquidation judiciaire de l'EURL LE VIVALDI et a confirmé les autres dispositions de ce jugement.
Par jugement du 10 mai 2000, le Tribunal de commerce a converti le redressement judiciaire de la SARL AUX QUATRE SAISONS en liquidation judiciaire et nommé la SCP SILVESTRI- BAUJET mandataire liquidateur.
Par acte d'huissier du 27 novembre 2001, la SARL AUX QUATRE SAISONS, représentée par son liquidateur la SCP SILVESTRI BAUJET, Maurice A... et Janine X... ont fait assigner Philippe de Y..., avocat, en réparation du préjudice causé par le désistement de l'appel du jugement du 3 mai 1999.
La SCP SILVESTRI BAUJET, ès qualités de liquidateur de la SARL AUX QUATRE SAISONS, s'est désisté de l'instance engagée à l'encontre de Philippe de Y....
Par acte d'huissier du 19 novembre 2002, Maurice A... et Janine X... ont fait assigner la SCP SILVESTRI BAUJET et Maître DE Y... en réparation du préjudice causé par le désistement de l'appel du jugement du Conseil de Prud'hommes du 3 mai 1999. La SARL AUX QUATRE SAISONS, en la personne de son administrateur ad hoc, Maurice A..., désigné par ordonnance du président du Tribunal de commerce de BORDEAUX, est intervenue à l'instance. Par acte du 15 juin 2004, la SARL AUX QUATRE SAISONS, Maurice A... et Janine X... ont appelé en cause la SCP de Y....
Par jugement du 22 novembre 2006, le Tribunal de grande instance de MARMANDE a :
- déclaré la SARL " AUX QUATRE SAISONS " irrecevable en son action à l'encontre de la SCP DE Y... et Maître DE Y...,
- déclaré Maurice A... et Janine X... recevables en leurs demandes à l'encontre de la SCP DE Y... et Maître DE Y...,
- déclaré la SARL AUX QUATRE SAISONS, Maurice A... et Janine X... recevables en leurs actions à l'encontre de la SCP SILVESTRI BAUJET,.
Au fond,
- débouté les consorts A...- X... de leurs demandes dirigées contre la SCP DE Y... et Maître DE Y...,
- débouté les consorts A...- X... et la SARL AUX QUATRE SAISONS de leurs demandes dirigées contre la SCP SILVESTRI- BAUJET,
- débouté la SCP SILVESTRI- BAUJET de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné la SARL AUX QUATRE SAISONS solidairement avec Maurice A... et Janine X... à payer à la SCP DE Y... et à Maître DE Y... la somme de 2. 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné Maurice A... et Janine X... à payer à la SCP SILVESTRI BAUJET la somme de 3. 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné la SARL AUX QUATRE SAISONS, Maurice A... et Janine X... aux dépens.
Maurice A..., Janine X... et la SARL AUX QUATRE SAISONS, représentée par Maurice A..., mandataire ad'hoc, ont relevé appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2008.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Maurice A..., Janine X... et la SARL AUX QUATRE SAISONS en la personne de Maurice A..., administrateur ad hoc, font d'abord valoir, sur la recevabilité de l'action de la SARL AUX QUATRE SAISONS, que le principe de dessaisissement édicté par l'article L 641-9 I du Code de commerce connaît des exceptions, notamment dans son alinéa 3 qui dispose que le débiteur accomplit les actes et exerce les droits qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur et qui consacre la jurisprudence antérieure. Or elle relève qu'il n'était pas dans la mission de la SCP SILVESTRI BAUJET de poursuivre une action en responsabilité contre la SCP de Y..., que celle- ci a refusé d'exercer une action contre le conseil de la SARL AUX QUATRE SAISONS puisqu'elle s'est désistée de l'action engagée par assignation du 27 novembre 2001, mais que ce désistement intervenu dans une instance dirigée seulement contre Maître de Y..., n'est pas opposable à la SCP de Y....
En ce qui concerne les responsabilités, les appelants soulignent que la SCP de Y... a déposé des conclusions de désistement de l'appel interjeté contre le jugement du conseil de prud'hommes, sans avoir reçu aucune instruction du gérant de la SARL AUX QUATRE SAISONS qui était encore en redressement judiciaire.
Ils font grief au premier juge d'avoir écarté la responsabilité de Maître de Y... et de la SCP SILVESTRI BAUJET à l'égard de Maurice A... et de Janine X... et ils rappellent sur ce point que la violation d'une obligation contractuelle peut constituer une faute de nature délictuelle engageant la responsabilité de son auteur.
Ils critiquent aussi le jugement en ses motifs qui ont dit que la faute de la SCP SILVESTRI BAUJET n'était pas de nature à engager sa responsabilité. Ils soulignent à cet égard que la chance de gagner en appel n'était pas hypothétique, mais au contraire bien réelle, puisqu'à la date du désistement litigieux, le Conseil de Prud'hommes avait déjà statué dans l'affaire concernant la quatrième salariée, identique à celle ayant donné lieu au désistement, en condamnant uniquement la société LE VIVALDI et que sa décision a été confirmée par la Cour d'Appel de BORDEAUX. Ils invoquent donc, à tout le moins, une perte de chance d'obtenir de la Cour d'Appel de BORDEAUX une décision favorable.
Ils indiquent que par lettre du 6 janvier 2000, la SCP SILVESTRI BAUJET, qui n'était alors que représentant des créanciers de la SARL AUX QUATRE SAISONS, a donné instruction à la SCP de Y... de se désister alors qu'elle n'avait pas qualité pour décider de l'arrêt de la procédure d'appel opposant la SARL AUX QUATRE SAISONS aux trois salariés et à la société LE VIVALDI.
Ils précisent que la SCP de Y..., qui a exécuté les instructions de la SCP SILVESTRI BAUJET sans vérifier sa qualité et qui surtout n'a pas sollicité de mandat de désistement de la part de sa cliente, la SARL AUX QUATRE SAISONS, a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle à l'égard de la SARL AUX QUATRE SAISONS et sur le fondement des articles 1382 et 1384 du Code civil à l'égard de Maurice A... et de Janine X....
S'agissant des préjudices, ils soutiennent, pour la SARL AUX QUATRE SAISONS, que si l'appel avait été maintenu, la Cour de BORDEAUX aurait jugé cette affaire de la même manière que celle concernant la quatrième salariée et aurait ainsi déchargé la SARL AUX QUATRE SAISONS du paiement de la somme de
49. 849, 10 €, que cette société serait in bonis, qu'elle n'aurait pas perdu son fonds de commerce estimé à une valeur vénale de 2. 090. 000 Francs, ni subi la perte financière des loyers d'un montant annuel de 36. 587, 76 € provenant de la location gérance qui a été résiliée par la SCP SILVESTRI BAUJET en raison de la liquidation judiciaire.
Ils font valoir, pour Maurice A... et Janine X..., que leur préjudice est essentiellement moral puisque du fait de la liquidation judiciaire, la SARL AUX QUATRE SAISONS va disparaître.
Ils estiment incontestable le lien de causalité entre d'une part les fautes commises par la SCP SILVESTRI BAUJET et la SCP de Y... et d'autre part les préjudices subis par eux, ces fautes étant au moins la cause nécessaire desdits préjudices.
Ils demandent en conséquence à la Cour :
- de condamner la SCP de Y... et Maître de Y... solidairement et ceux- ci in solidum avec la SCP SILVESTRI BAUJET à payer :
* à la SARL AUX QUATRE SAISONS la somme de 405. 055, 29 € en réparation de son préjudice financier,
* à Maurice A... et à Janine X... la somme de 10. 000 € chacun en réparation de leur préjudice moral,
- de juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la signification de leurs conclusions,
- de débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes et la SCP SILVESTRI BAUJET de son appel incident,
- de condamner la SCP de Y... et Maître de Y... solidairement et ceux- ci in solidum avec la SCP SILVESTRI BAUJET à payer, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la somme de 3. 000 € à la SARL AUX QUATRE SAISONS et la somme de 3. 000 € à Maurice A... et à Janine X....
* * *
La SCP SILVESTRI- BAUJET conteste toute responsabilité tant à l'égard de la SARL AUX QUATRE SAISONS que de Maurice A... et de Janine X....
Elle fait valoir, à l'égard de la SARL AUX QUATRE SAISONS, que le courrier qu'elle a adressé le 6 janvier 2000 à Maître DE Y... n'était pas une lettre d'instruction donnée à l'avocat détenant un mandat ad litem de la seule SARL AUX QUATRE SAISONS, que si dans ce courrier, elle s'est déclarée mandataire liquidateur, il s'agissait d'une simple erreur matérielle dénuée de toute portée sur sa qualité réelle de représentant des créanciers, qu'elle n'a pas induit en erreur Maître de Y..., qu'elle s'est bornée à donner son avis et qu'elle ne s'est pas immiscée dans la procédure. Elle soutient que le seul fait dommageable prétendu est la faute qui a consisté à déposer au greffe de la Cour d'Appel de BORDEAUX des conclusions de désistement sans l'assentiment de l'appelant, la SARL AUX QUATRE SAISONS. Elle invoque par ailleurs l'absence de préjudice certain, direct et légitime. Elle relève que les chances de succès de l'appel du jugement du Conseil de Prud'hommes étaient incertaines dans la mesure où, au- delà de l'aléa judiciaire, l'affaire concernant la quatrième salariée était totalement différente de celle concernant Madame B..., Madame C... et Monsieur D..., tant en fait que du point de vue procédural. Elle observe en outre que la SARL AUX QUATRE SAISONS n'a pas sollicité la réparation de la perte de chance de bénéficier d'un double degré de juridiction, mais qu'elle demande la somme de 405. 055, 29 € pour la perte de son fonds de commerce et que les événements qu'elle invoque n'entrent pas dans le cadre de la perte de chance indemnisable. Elle ajoute qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'erreur matérielle qu'elle a commise et le préjudice correspondant à la perte du fonds de commerce qui est exclusivement due à la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire laquelle était d'ailleurs inéluctable.
Elle soutient à l'égard des consorts A...
X... que, pour les raisons déjà exposées, ceux- ci ne peuvent se prévaloir d'aucune faute de sa part et que le préjudice qu'ils invoquent n'est ni certain ni direct et que sa légitimité est douteuse.
Elle estime enfin que la procédure engagée à son encontre par les consorts A...
X... constitue un abus flagrant du droit d'ester en justice et témoigne tout au moins d'une légèreté blâmable.
Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu qu'elle avait commis une faute à l'égard de la SARL AUX QUATRE SAISONS, de débouter la SARL AUX QUATRE SAISONS de toutes ses demandes, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts A...
X... de leurs prétentions, de condamner in solidum Maurice A... et Janine X... en application de l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile à lui payer la somme de 10. 000 € en réparation de son préjudice, de confirmer le jugement sur la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et, sur le même fondement, de condamner in solidum Maurice A... et Janine X... au paiement de la somme de 6. 000 €.
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Philippe de Y... et la SCP de Y... concluent à l'irrecevabilité des actions engagées à leur encontre par Maurice A..., Janine X... et la SARL AUX QUATRE SAISONS.
Ils font valoir que seule la SCP SILVESTRI BAUJET, mandataire liquidateur de la SARL AUX QUATRE SAISONS, pouvait ester en justice contre l'ancien avocat de cette société, que la désignation d'un mandataire ad hoc n'est pas concevable à cet effet, que le refus de la SCP SILVESTRI BAUJET de plaider contre eux fait obstacle à la recevabilité d'une action à leur encontre et que les dispositions de l'article L 641-9 du Code de commerce invoquées par les appelants n'étaient applicables qu'à compter du 1er janvier 2006.
Ils ajoutent que Maurice A... et Janine X... dont ils n'ont jamais été l'avocat, qui n'ont pas de préjudice indemnisable et à l'égard desquels ils n'ont pas commis de faute dommageable, n'ont pas qualité à titre personnel à agir à leur encontre.
Ils concluent à titre subsidiaire au caractère mal fondé des demandes. Ils indiquent qu'à la demande de Maurice A..., gérant de la SARL AUX QUATRE SAISONS, Maître de Y... a régulièrement relevé appel du jugement du Conseil de Prud'hommes du 3 mai 1999, que par lettre du 6 janvier 2000, la SCP SILVESTRI BAUJET, qui s'intitulait mandataire liquidateur de la SARL AUX QUATRE SAISONS, lui a demandé expressément de se désister de l'appel et qu'il a alors signifié des conclusions de désistement. Ils estiment que Maître de Y... n'a donc pas commis de faute dès lors qu'il avait reçu des instructions écrites du mandataire liquidateur, qu'il n'a pas été informé des décisions rendues par le Conseil de Prud'hommes et la Cour d'Appel dans le cadre de l'action engagée par la quatrième salariée et qu'il n'a pas su que la SCP SILVESTRI BAUJET n'était pas encore liquidateur de la SARL AUX QUATRE SAISONS mais seulement représentant des créanciers. Ils ajoutent que cette circonstance est sans incidence puisque le jugement de liquidation judiciaire est intervenu le 10 mai 2000, soit bien avant l'arrêt de la chambre sociale de la Cour d'Appel dans l'affaire concernant la quatrième salariée et qu'entre temps la SCP SILVESTRI BAUJET, qui entendait se désister, était devenue liquidateur. Ils indiquent enfin que le préjudice allégué qui correspond à la valeur vénale du fonds de commerce n'est pas démontré et que même s'il l'était, il n'a pas de lien de causalité avec l'arrêt du 25 janvier 2000 constatant le désistement d'appel de la SARL AUX QUATRE SAISONS.
Ils concluent en conséquence à la confirmation du jugement et à la condamnation in solidum des appelants à leur payer la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité des demandes présentées à l'encontre de la SCP de Y... et de Maître de Y... :
Attendu que le premier juge a, à bon droit, déclaré irrecevable la SARL AUX QUATRE SAISONS en ses demandes dirigées à l'encontre de la SCP de Y... et de Maître de Y... ; qu'il a en effet rappelé à juste titre que la SARL AUX QUATRE SAISONS, déclarée en liquidation judiciaire par jugement du 10 mai 2000, est depuis cette date dessaisie de ses droits et actions qui ne peuvent être exercés que par son mandataire liquidateur, la SCP SILVESTRI BAUJET ;
Attendu que si la désignation d'un administrateur ad hoc de la SARL AUX QUATRE SAISONS était nécessaire pour lui permettre d'exercer une action en responsabilité contre son liquidateur, elle n'est pas de nature, en revanche, à régulariser l'action exercée par cette société à l'encontre de son ancien avocat et ce d'autant que le mandataire liquidateur s'était précédemment désisté de l'action en responsabilité engagée par assignation du 27 novembre 2001 à l'encontre de Maître de Y... ;
Attendu que les appelants ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article L 641-9 alinéa 3 du code de commerce issues de la loi du 26 juillet 2005 qui n'est pas applicable à la liquidation judiciaire de la SARL AUX QUATRE SAISONS ; qu'en outre, si le principe du dessaisissement posé par l'ancien article L 622-9 du Code de commerce connaissait déjà des exceptions notamment pour les actions personnelles, elles ne s'appliquent pas à la présente action qui présente un caractère patrimonial ;
Attendu en revanche que, comme l'a dit le tribunal, l'action exercée à titre personnel par Maurice A... et par Janine X... est recevable ; que le seul fait que la SCP de Y... ou Maître de Y... n'ait pas été leur avocat ne les prive pas du droit de rechercher sa responsabilité délictuelle.
Sur le fond :
- Sur les demandes dirigées à l'encontre de la SCP SILVESTRI- BAUJET :
Attendu que par lettre du 6 janvier 2000, portant en objet les mentions : " SARL QUATRE SAISONS " et " redressement judiciaire 13 octobre 1999 ", la SCP SILVESTRI- BAUJET a écrit à Maître de Y... dans les termes suivants :
" Je reviens vers vous dans cette affaire suite à notre communication téléphonique de ce jour.
En ma qualité de liquidateur de la SARL AUX QUATRE SAISONS, je vous confirme ne pas vouloir poursuivre devant la chambre sociale de la Cour, l'appel interjeté par M. A... en sa qualité de gérant, des décisions prononcées par jugement rendu par le conseil de prud'hommes de BORDEAUX en date du 3 mai 1999, en faveur de Mesdames B... et C... et de Monsieur D....
Je vous remercie de me faire tenir copie de votre lettre de désistement, ce document devant être joint au dossier de demande d'avance auprès du CGEA "....
Attendu que la SCP SILVESTRI BAUJET a certes commis une erreur en faisant état de sa qualité de liquidateur à une époque où elle était représentant des créanciers de la SARL AUX QUATRE SAISONS encore en redressement judiciaire ; que cependant l'objet de ce courrier portait aussi la mention du redressement judiciaire du 13 octobre 1999 et que Maître de Y... savait que la liquidation judiciaire de la SARL AUX QUATRE SAISONS n'était pas encore prononcée ; qu'en effet, le 23 décembre 1999 Maître de Y... avait adressé à la SCP SILVESTRI BAUJET une lettre dont l'objet était le redressement judiciaire de la SARL AUX QUATRE SAISONS et dans laquelle il lui demandait de le tenir informé de la situation des créanciers au regard de la procédure collective dont elle avait la charge " en tant que représentant des créanciers " et de lui adresser une copie du jugement d'ouverture ; que de plus et surtout, Maître de Y... a rédigé, le 19 janvier 2000, des conclusions aux fins de désistement d'appel " pour la SARL Hôtel Restaurant AUX QUATRE SAISONS assistée de la SCP SILVESTRI BAUJET, en qualité de représentant des créanciers, selon jugement prononcé par le tribunal de commerce de BORDEAUX en date du 13 octobre 1999 " et dans lesquelles il précisait bien que cette société faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ;
Attendu, dès lors, qu'à supposer que le courrier de la SCP SILVESTRI BAUJET ait pu être considéré par l'avocat de la SARL AUX QUATRE SAISONS comme une lettre d'instructions, celui- ci ne s'est cependant pas mépris sur la situation de sa cliente et il ne pouvait pas ignorer que le représentant des créanciers n'avait pas qualité pour se désister de l'appel interjeté par cette société ; que l'erreur commise par la SCP SILVESTRI BAUJET n'est donc pas la cause principale du désistement de l'appel du jugement du conseil de prud'hommes du 3 mai 1999 qui est le fait dommageable dont se plaignent les appelants ;
Attendu néanmoins que compte tenu des termes de la lettre de la SCP SILVESTRI BAUJET, celle- ci a joué partiellement un rôle causal dans la démarche de l'avocat qui a consisté a établir, quelques jours après, des conclusions de désistement pour le compte de la SARL AUX QUATRE SAISONS sans avoir reçu d'instruction à cet effet de la part cette dernière ;
Attendu que le préjudice résultant du désistement ne peut consister que dans la perte de chance d'obtenir de la Cour d'Appel de BORDEAUX l'infirmation du jugement Conseil de Prud'hommes du 3 mai 1999 qui a condamné la SARL AUX QUATRE SAISONS au paiement des indemnités dues à Mesdames B... et C... et à Monsieur D..., salariés licenciés de manière irrégulière et abusive ;
Attendu que les appelants se prévalent à cet égard des décisions qui ont été rendues par le Conseil de Prud'hommes et par la Cour d'Appel de BORDEAUX dans la procédure concernant une quatrième salariée, Madame E..., et qui ont mis à la charge de l'EURL LE VIVALDI les indemnités dues à cette
salariée ;
Mais attendu d'une part que la cour d'appel n'a statué sur cette dernière affaire que le 30 octobre 2000, soit plusieurs mois après la date du désistement litigieux ; que les chances de succès de l'appel du jugement du 3 mai 1999 ne peuvent donc pas être appréciées au vu du résultat de cette procédure ;
Que d'autre part, si les appelants invoquent le caractère identique de ces affaires, leur thèse n'est pas confirmée par les éléments versés aux débats ; qu'il résulte en effet du jugement du Conseil de Prud'hommes du 31 mars 1998 rendu dans l'instance engagée par Madame E..., que celle- ci n'avait dirigé ses demandes qu'à l'encontre de l'EURL VIVALDI qui l'avait embauchée le 1er juin 1996 ; que si le mandataire liquidateur de l'EURL LE VIVALDI avait relevé appel de ce jugement, il s'en est ensuite désisté, de sorte que la Cour d'Appel de BORDEAUX, qui restait saisie de l'appel incident de Madame E... sur le montant des dommages et intérêts, ne s'est prononcée que sur ce point sans avoir à déterminer laquelle des deux sociétés, " LE VIVALDI " ou " AUX QUATRE SAISONS ", devait prendre en charge les indemnités allouées à la salariée ;
Qu'en revanche, dans l'instance concernant Mesdames B... et C... et Monsieur D..., ces salariés dirigeaient leurs demandes principalement à l'encontre de la SARL AUX QUATRE SAISONS en invoquant les dispositions de l'article L 122-12 du Code du travail ; qu'aux termes d'un jugement de partage particulièrement motivé, le Conseil de Prud'hommes a retenu, en application de cet article, qu'à l'expiration du contrat de location gérance consenti à l'EURL LE VIVALDI, à compter du 1er avril 1997, les contrats de travail avaient été transférés à la SARL AUX QUATRE SAISONS qui devait ainsi assumer la responsabilité de leur rupture ;
Attendu qu'eu égard aux éléments de fait et de procédure de l'affaire qui a donné lieu au jugement du 3 mai 1999 et aux dispositions de l'article L 122-12 du Code du travail, la probabilité de succès de l'appel formé contre ce jugement était
incertaine ; que la preuve de la perte d'une chance sérieuse de la SARL AUX QUATRE SAISONS de gagner son procès n'est donc pas apportée ;
Attendu enfin que la SARL AUX QUATRE SAISONS réclame le paiement de dommages et intérêts d'un montant supérieur à la valeur du fonds de commerce perdu à la suite de sa liquidation judiciaire ; attendu que ce préjudice excède largement le cadre de l'indemnisation d'une perte de chance d'obtenir une décision favorable en appel ; qu'il n'est aucunement démontré que la liquidation judiciaire de la SARL AUX QUATRE SAISONS aurait pu être évitée si les condamnations prononcées par le jugement du 3 mai 1999 n'avaient pas été mises à sa charge ; que le premier juge a donc exactement relevé que le préjudice dont l'indemnisation est demandée par la SARL AUX QUATRE SAISONS est sans lien de causalité avec la perte de chance invoquée ; qu'ainsi, cette demande a été, à bon droit, rejetée ;
Attendu que M. A... et Mme X... invoquent, à titre personnel, un préjudice essentiellement moral résultant de la disparition de la SARL AUX QUATRE SAISONS dont ils détenaient le capital chacun pour moitié ; mais attendu que ce préjudice n'est que la conséquence de la liquidation judiciaire de cette société dont il n'est pas établi qu'elle a été causée par le fait dommageable reproché à la SCP SILVESTRI BAUJET ; que les appelants n'apportent aucun élément de nature à contredire sur ce point les indications du liquidateur selon lesquelles la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire de la SARL AUX QUATRE SAISONS était inéluctable compte tenu d'une confusion de patrimoine avec une SCI détenue par les mêmes associés, du fait qu'elle était en voie de perdre son droit au bail et de son absence d'activité ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Maurice A... et Janine X... de leurs demandes.
- Sur les demandes dirigées à l'encontre de la SCP de Y... et de Maître de Y... :
Attendu que, comme il a été dit précédemment, les demandes de la SARL AUX QUATRE SAISONS, en liquidation judiciaire, sont irrecevables à l'égard de son ancien avocat ;
Attendu que Maurice A... et Janine X... invoquent à l'encontre de la SCP de Y... et de Maître de Y..., le même fait dommageable consistant dans le désistement de l'appel du jugement du Conseil de Prud'hommes du 3 mai 1999 et le même préjudice moral que ceux invoqués à l'égard de la SCP SILVESTRI BAUJET ;
Attendu que Maître de Y... a commis une faute à l'égard de la SARL AUX QUATRE SAISONS en présentant, à la Cour d'Appel de BORDEAUX des conclusions de désistement sans l'assentiment de sa cliente alors en redressement judiciaire ; que comme il a été précisé plus haut, Maître de Y... connaissait la situation réelle de la SARL AUX QUATRE SAISONS puisque les conclusions qu'il a établies indiquaient qu'elle était en redressement judiciaire et qu'elle était assistée par la SCP SILVESTRI BAUJET en qualité de représentant des créanciers ; que, dès lors, même si la SCP SILVESTRI BAUJET lui avait adressé un courrier lui indiquant qu'en sa qualité de liquidateur de la SARL AUX QUATRE SAISONS, il n'entendait pas poursuivre l'appel interjeté par le gérant de cette société, il appartenait à l'avocat de s'assurer du consentement de sa cliente avant de se désister pour son compte ;
Attendu que le manquement commis par Maître de Y... a certes privé la SARL AUX QUATRE SAISONS d'un second degré de juridiction ; qu'il convient cependant de se référer expressément aux motifs déjà énoncés dont il résulte que la chance d'obtenir une décision favorable en appel était hypothétique et que la preuve n'est pas apportée d'un lien de causalité entre cette perte de chance et le préjudice moral invoqué par les consorts A...
X... ; que ceux- ci ne procèdent en effet que par affirmations et ne produisent pas le moindre élément de nature à établir que la liquidation judiciaire de la SARL AUX QUATRE SAISONS a eu pour seule cause les condamnations prononcées à son encontre par le Conseil de Prud'hommes ; qu'ils ne démontrent donc pas que la faute commise par Maître de Y... à l'égard de la SARL AUX QUATRE SAISONS leur a causé personnellement un préjudice consistant dans la disparition de cette société ; que leur demande doit être rejetée.
- Sur la demande en dommages et intérêts de la SCP SILVESTRI BAUJET et les autres demandes :
Attendu que la SCP SILVESTRI BAUJET n'apporte pas la preuve d'un abus du droit d'ester en justice de la part des consorts A...
X..., un tel abus ou une légèreté blâmable ne pouvant pas résulter du fait que la SCP SILVESTRI BAUJET ne leur a pas causé de préjudice et qu'ils échouent dans leurs demandes ; qu'en outre, le caractère vexatoire de leurs demandes n'est pas caractérisé ; qu'enfin les frais invoqués par la SCP SILVESTRI BAUJET relèvent de l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Attendu que les appelants, qui succombent pour l'essentiel, seront condamnés aux dépens ; que Maurice A... à titre personnel et Janine X... seront en outre condamnés à payer à la SCP SILVESTRI BAUJET la somme supplémentaire de 1. 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que sur le même fondement, la SARL AUX QUATRE SAISONS, Maurice A... et Janine X... devront payer à la SCP de Y... et à M. Philippe de Y... la somme globale de 1. 500 €.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 22 novembre 2006 par le Tribunal de grande instance de MARMANDE,
Y ajoutant,
Condamne Maurice A... à titre personnel et Janine X... à payer à la SCP SILVESTRI BAUJET la somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la SARL AUX QUATRE SAISONS, Maurice A... et Janine X... à payer à la SCP de Y... et à Philippe de Y... la somme globale de 1. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la SARL AUX QUATRE SAISONS, Maurice A... et Janine X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Jean- Marie IMBERT, Président de Chambre et par Dominique SALEY, Greffier.
Le Greffier, Le Président,