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03/10/2007 | FRANCE | N°06/55

France | France, Cour d'appel d'Agen, 03 octobre 2007, 06/55


ARRÊT DU
03 octobre 2007








R.M / A.C. **








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RG N : 06 / 00055
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E.A.R.L. DE BAYONET


C /


CENTRE DE GESTION ET D'ECONOMIE RURALE (C.G.E.R.)


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ARRÊT no898 / 2007




COUR D'APPEL D'AGEN


Chambre Civile




Prononcé par m

ise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le trois octobre deux mille sept,


LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,


ENTRE :


E.A.R.L. DE BAYONET, prise en la personne de son représentant légal actuellement en...

ARRÊT DU
03 octobre 2007

R.M / A.C. **

----------------------
RG N : 06 / 00055
--------------------

E.A.R.L. DE BAYONET

C /

CENTRE DE GESTION ET D'ECONOMIE RURALE (C.G.E.R.)

-------------------

ARRÊT no898 / 2007

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le trois octobre deux mille sept,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

E.A.R.L. DE BAYONET, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est " Bayonet "
47110 SAINTE LIVRADE SUR LOT

Monsieur Bernardus Y...

né le 30 Octobre 1955 à MONSTER (Hollande)

...

47110 SAINTE LIVRADE SUR LOT

représentés par Me Jean-Michel BURG, avoué
assistés de Me Michel DUBLANCHE, avocat

APPELANTS d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 13 Décembre 2005

D'une part,

ET :

CENTRE DE GESTION ET D'ECONOMIE RURALE (C.G.E.R.), prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est 271 rue Péchabout
47000 AGEN

représenté par la SCP Henri TANDONNET, avoués
assisté de la SCP NONNON-FAIVRE, avocats

INTIME

D'autre part,

a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 05 septembre 2007, devant Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, et Raymond MULLER, Président de Chambre (lequel, a fait un rapport oral préalable), assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, de la date à laquelle l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.

FAITS ET PROCÉDURE

Bernardus Y... exerçait une activité d'exploitant agricole à titre individuel. Son bénéfice agricole était déterminé selon le régime du réel, la déduction fiscale pour investissement était appliquée et il bénéficiait d'un abattement en qualité d'adhérent du centre de gestion agréé dénommé : Centre de Gestion et d'Economie Rurale (C.G.E.R.) ;

Par ailleurs, il avait créé avec son épouse, le 31 octobre 1991, une S.A.R.L. dénommée CEDAM S.V. qui assurait la commercialisation de la production de l'exploitation agricole. Cette Société avait opté pour le régime des sociétés de personnes et les bénéfices industriels et commerciaux étaient déterminés selon le régime du réel simplifié.

Courant 1996, le C.G.E.R. a conseillé à Bernardus Y... la création d'une exploitation agricole à responsabilité limitée et la conclusion d'un bail rural entre lui et l'E.A.R.L.

Celle-ci a été constituée par Bernardus Y..., qui a fait apport du matériel d'exploitation, avec un début d'exploitation fixé au 1er octobre 1996.

Le 4 octobre 1996, un bail rural a été conclu entre Bernardus Y... et l'E.A.R.L. de BAYONET, visant la parcelle BC3-commune de Sainte Livrade ;

Bernardus Y... associé unique était soumis à l'impôt sur le revenu, ses bénéfices agricoles étant calculés en fonction de la moyenne triennale.

Une procédure en divorce a été engagée par les époux Y... en octobre 1997, aboutissant à un jugement de divorce en 1999.

Bernardus Y... et l'E.A.R.L. de BAYONET, ont fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte le 18 mai 2000, qui a abouti à un plan de redressement par voie de continuation, homologué par jugement du 23 mars 2001.

Le 29 juillet 2002, l'EARL de BAYONET a assigné la C.G.E.R. devant le Tribunal de Grande instance d'AGEN pour solliciter sa condamnation à lui payer la somme de
51. 507,34 € à titre de dommages-intérêts, en faisant valoir que celui-ci a commis une faute en conseillant la création de l'EARL, dés lors que l'objectif recherché par l'apport en société de l'exploitation individuelle et l'établissement du bail rural, à savoir l'allégement des prélèvements obligatoires, tant fiscaux que sociaux, n'a pas été atteint, que cette faute lui a causé un préjudice résultant de la perte d'abattement et de l'augmentation de l'assiette des contributions sociales, qui peut être évalué à 51. 507,34 €, préjudice dont elle est fondée à obtenir réparation ;

Selon écritures, déposées au Greffe le 3 juin 2004, Bernardus Y... est intervenu volontairement dans la procédure.

Par jugement du 13 décembre 2005, le Tribunal de Grande instance d'AGEN a :

1o) déclaré irrecevable l'action de l'EARL de BAYONET, pour défaut d'intérêt à agir,

2o) déclaré recevable l'intervention volontaire de Bernardus Y..., mais débouté celui-ci de l'intégralité de ses prétentions, en retenant d'une part, que l'opération litigieuse avait, au moins pour partie, pour but d'écarter l'épouse de l'exploitation agricole et de prévenir les conséquences économiques du divorce des époux Y... et que la perte alléguée n'était pas démontrée, d'autre part, que le préjudice allégué avait pour origine la décision de Bernardus Y... d'arrêter l'exercice comptable 1996 à la fin du mois de septembre.

3o) dit n'y avoir lieu à application de l'article 70 du nouveau code de procédure civile,

4o) condamné Bernardus Y... aux dépens.

L'EARL de BAYONET et Bernardus Y... ont interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée au Greffe de la Cour le 10 janvier 2006.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

L'EARL de BAYONET et Bernardus Y... concluent à la réformation du jugement et demandent à la Cour, selon conclusions récapitulatives enregistrées le 8 mars 2007 auxquelles il est expressément référé :

-d'ordonner, avant dire droit, une expertise technique afin de procéder aux investigations nécessaires pour donner à la Cour et aux parties tous les éléments d'information utiles pour lui permettre d'apprécier la qualité des décisions prises lors des faits litigieux, la qualité des conseils et prestations de service fournis par le C.G.E.R. et en tirer les conclusions nécessaires quant à la mise en jeu de la responsabilité de chaque partie ;

-de constater la faute contractuelle du C.G.E.R. à l'égard de Bernardus Y... et de L'EARL de BAYONET, qui sans même procéder aux vérifications les plus élémentaires sur le régime matrimonial de Bernardus Y... a conseillé un montage juridique inadapté, entraînant une augmentation des frais fiscaux et sociaux de Bernardus Y....

-de condamner le C.G.E.R. à lui payer la somme de 51. 507,34 € à titre de dommages-intérêts et celle de 4. 500 € à titre d'indemnité de procédure,

-de condamner le C.G.E.R. aux entiers dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Le C.G.E.R. selon conclusions enregistrées au Greffe, le 30 juin 2007, conclut à :

1o) la confirmation du jugement en ses dispositions énonçant que l'EARL de BAYONET est irrecevable en ses demandes, pour défaut d'intérêt à agir, celle-ci n'étant juridiquement redevable ni de cotisations sociales, ni d'impôt sur le revenu,

2o) la réformation du jugement en ses dispositions énonçant que l'intervention volontaire de Bernardus Y... était recevable, dés lors que la demande principale était irrecevable et que le lien suffisant exigé par l'article 325 du nouveau code de procédure civile ne peut exister ;

3o) à la confirmation du jugement, en ses dispositions déboutant Bernardus Y... de ses prétentions, en faisant valoir, d'une part, qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au C.G.E.R., d'autre part, que Bernardus Y..., qui admet l'illégalité d'un montage qui n'aurait pour seul but que d'éluder l'impôt et les cotisations sociales, ne peut sans contradiction, rechercher la responsabilité de son conseil au motif que le montage qui lui a été proposé n'avait pas eu pour effet de réduire sa charge fiscale et sociale.

MOTIFS DE L'ARRÊT

I. Sur la recevabilité de l'action engagée par L'EARL de BAYONET :

Pour confirmer le jugement entrepris en ses dispositions déclarant l'action de l'EARL de BAYONET irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, il suffira de relever :

-qu'aux termes de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sauf les cas où la loi attribue le droit d'agir à certaines personnes, précisément qualifiées ;

-que l'intérêt à agir peut être de nature pécuniaire ou morale ;

-qu'en l'espèce il résulte des arguments développés par les appelants qu'il est reproché au C.G.E.R. de BAYONET, d'avoir commis une faute en conseillant à Bernardus Y... de créer l'E.A.R.L., de lui apporter le matériel d'exploitation et de conclure avec elle un bail rural, puis en ne le conseillant pas utilement au regard des options fiscales et sociales qui s'offraient à lui ;

-que le préjudice invoqué réside dans une augmentation des charges sociales et fiscales de Bernardus Y... ;

-que force est de constater, d'une part, que si après la création de l'EARL de BAYONET, le C.G.E.R. est devenu son expert comptable, il n'est allégué par L'EARL de BAYONET aucun manquement de C.G.E.R. à son obligation de conseil à son égard, d'autre part, que l'EARL ne discute pas qu'elle n'était pas redevable en qualité de personne morale de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu, et que par suite elle ne peut invoquer un quelconque préjudice pécuniaire découlant d'une augmentation des cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu de Bernardus Y...

-que dés lors, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, il apparaît que l'EARL de BAYONET qui n'allègue aucune faute commise à son égard, ni aucun préjudice personnel en découlant, est dépourvu d'intérêt à agir et que son action est irrecevable ;

-qu'au demeurant, dans les écritures déposées par les appelants devant la Cour, l'EARL de BAYONET ne précise et à fortiori ne justifie pas quel serait son intérêt personnel à agir.

II. Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Bernardus Y... :

Pour confirmer également le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de Bernardus Y..., il suffira de relever :

-qu'aux termes de l'article 325 l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant,

-qu'en l'espèce, il existait un lien suffisant entre les prétentions formulées par l'EARL et l'intervention volontaire du Bernardus Y... dés lors que c'est le même manquement qui était invoqué dans les deux cas, respectivement le même préjudice dont il était réclamé indemnisation ;

-que Bernardus Y... revendiquant un droit propre, savoir l'indemnisation du préjudice qu'il aurait subi en raison de la faute qu'il impute au C.G.E.R., sa demande est autonome et n'est pas affectée par l'issue de la demande principale de L'EARL de BAYONET, et notamment par l'irrecevabilité de celle-ci ;

III. Sur le bien fondé de la demande de Bernardus Y... :

Bernardus Y..., après avoir exposé que d'autres montages juridiques, auraient été plus avantageux pour lui, fait grief au C.G.E.R. de ne pas l'avoir utilement conseillé après la création de l'EARL et la conclusion du bail rural quant aux choix :

1o) des options fiscales, l'absence de dénonciation en 1997de l'option pour la moyenne triennale souscrite en 1987, ayant eu pour conséquence le renouvellement tacite de cette option et par suite l'intégration dans l'assiette du bénéfice agricole pendant les deux exercices suivant celui de la cessation d'activité individuelle du bénéfice particulièrement élevé dégagé en 1996 ;

2o) de l'option sociale, l'absence d'option en faveur des revenus de l'année de cotisation comme assiette des cotisations sociales des non salariés agricoles dues par Bernardus Y... ayant eu pour conséquence que la dite assiette est demeurée égale à la moyenne des revenus des trois dernières années et qu'elle intégrait donc le bénéfice dégagé en 1996.

Pour rejeter son argumentation et dire et juger qu'aucun manquement du C.G.E.R. à son devoir de conseil n'est établi, il convient de relever :

-que le respect par le comptable de son obligation doit être appréciée au regard de la mission qui lui a été confiée, en fonction des données existantes ;

-qu'ainsi que l'a rappelé le premier juge, la progression des revenus agricoles entre 1995 (338. 822 F soit 51. 668,33 €) et 1996 (1. 185. 370 F soit 180. 707,48 €) s'expliquait par la décision de Bernardus Y... d'arrêter l'exercice 1996 à la fin du mois de septembre 1996, renforçant ainsi puissamment les effets de la hausse du cours des tomates ;

-que Bernardus Y... ne fournit aucune justification sur la cause de cette modification qui ne s'explique que par la perspective du divorce des époux Y..., ce qui confirme également que l'opération conseillée par le C.G.E.R. à son client Bernardus Y... avait bien pour objet d'écarter l'épouse de l'exploitation agricole.

-que si à posteriori l'analyse des revenus agricoles de Bernardus Y... à partir de 1997 fait apparaître que l'abandon du système de la moyenne triennale aurait été avantageuse pour lui, force est de constater que lorsque la dénomination aurait pu être effectuée, en 1997, ces résultats n'étaient pas connus du C.G.E.R. et que rien ne permettait alors à celui-ci de supposer que le chiffre d'affaires dégagé en 1996 ne serait pas maintenu durant les années suivantes ;

-que dès lors, il ne peut être imputé à faute au C.G.E.R. de ne pas avoir conseillé à Bernardus Y... de dénoncer l'option pour la moyenne tranche en matière fiscale, ou d'opter en faveur de la seule prise en compte des revenus de l'année de cotisation comme assiette des cotisations sociales ;

IV. Sur les frais non répétibles et les dépens :

Les appelants qui succombent doivent les dépens et ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

L'appel interjeté a contraint le C.G.E.R. à faire assurer sa défense devant la Cour et donc à exposer des frais non répétibles dont il serait inéquitable qu'ils demeurent intégralement à sa charge. En conséquence, Bernardus Y... sera condamné à lui payer une indemnité de procédure de 1. 500 €

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déclare l'appel régulier en la forme et recevable,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Déboute Bernardus Y... et l'EARL de BAYONET de leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne Bernardus Y... à payer au Centre de Gestion et d'Economie Rurale (C.G.E.R.) la somme de 1. 500 € à titre d'indemnité de procédure,

Condamne Bernardus Y... et l'EARL de BAYONET aux dépens d'appel et autorise l'application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile au profit de la SCP TANDONNET, Avoués.

Vu l'article 456 du nouveau Code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Raymond MULLER, Président de Chambre ayant participé au délibéré en l'absence du Président empêché et de Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Numéro d'arrêt : 06/55
Date de la décision : 03/10/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Agen


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-10-03;06.55 ?
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