DU 05 Décembre 2006
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C.A/S.B
Nicolas X...
C/
Yannick Y...
Aide juridictionnelle
RG N : 05/01622
- A R R E T No -
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Prononcé à l'audience publique du cinq Décembre deux mille six, par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur Nicolas X...
né le 08 Mars 1943 à CUPELLO (ITALIE)
Demeurant ...
47300 VILLENEUVE SUR LOT
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005/004867 du 04/11/2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)
représenté par la SCP A.L. PATUREAU & P. RIGAULT, avoués
assisté de Me Michel EYBERT, avocat
APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal d'Instance de VILLENEUVE SUR LOT en date du 07 Octobre 2005
D'une part,
ET :
Monsieur Yannick Y...
né le 17 Février 1968 à BEZIERS (34)
Demeurant ...
34420 VILLENEUVE LES BEZIERS
représenté par la SCP Henri TANDONNET, avoués
assisté de la SELARL MARTIAL - FALGA PASSICOUSSET, avocats
INTIME
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 07 Novembre 2006, devant Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, Chantal AUBER, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Christophe STRAUDO, Vice-Président placé désigné par ordonnance du Premier Président en date du 28 Septembre 2006, assistés de Nicole CUESTA, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant devis et bon de commande du 17 février 2005, Nicolas X... a acquis de Yannick Y... un chalet en bois d'une surface de 35 m², moyennant la somme totale de 12.319 €, comprenant le prix du chalet pour 8.500 € et pour le surplus, un forfait livraison et montage chez le client, l'isolation au sol et le callage bois.
Le 4 mars 2005, le chalet a été livré démonté à Nicolas X....
Par lettre recommandée du 7 mars 2005, Nicolas X... a informé Yannick Y... que le chalet ne pouvait pas être installé chez lui et qu'il avait fait opposition aux chèques qu'il lui avait remis.
Le 22 mars 2005, Nicolas X... et Yannick Y... ont signé un protocole ainsi rédigé :
"Il a été convenu que M. Y... Yannick s'engage à me monter le chalet double pente Ref Campitel à panneaux sur un terrain de loisir à NARBONNE et SETE (34000) et 10 à 30 km du bord de mer à un prix de 1.700 € annuel maxi dans un délai de 6 mois maxi. Les frais de transport et de montage restent à la charge de M. X... Nicolas. Passé ce délai, M. X... s'engage à revendre le chalet à compter de ce jour.
M. X... donne plein pouvoir à M. Y... pour disposer du chalet qui sera stocké par ses soins et peut le revendre au même prix 8.500 € au profit de M. X... Nicolas."
Par ailleurs, au motif que ce chalet nécessitait pour être monté un permis de construire qui ne pourrait jamais lui être délivré, Nicolas X..., par acte d'huissier du 6 avril 2005, a fait assigner Yannick Y... en résolution de la vente.
Par jugement du 7 octobre 2005, le tribunal d'instance de VILLENEUVE SUR LOT a :
- débouté Nicolas X... de l'ensemble de ses demandes,
- débouté Yannick Y... de sa demande en dommages et intérêts ,
- condamné Nicolas X... à payer à Yannick Y... la somme de 700 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Nicolas X... a relevé appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2006.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Nicolas X... expose que le chalet livré le 4 mars 2005 n'a jamais été monté car il s'est aperçu qu'il nécessitait avant tout montage l'obtention d'un permis de construire qui ne pourrait jamais lui être délivré au motif que son terrain ne correspondait pas aux règles édictées par l'article R 444-3 du Code de l'urbanisme selon lequel les habitations légères de loisir ne peuvent être implantées que sur les terrains de camping et de caravanage permanents autorisés et dans des terrains affectés spécialement à cet usage.
Il fait valoir qu'alors qu'en sa qualité de vendeur professionnel débiteur d'une obligation de renseignement, Yannick Y... devait lui donner toutes indications utiles sur le bien acheté, aucune documentation précise ne lui a été remise lors de la négociation.
Il soutient que toute installation d'une habitation légère de loisir telle qu'un chalet de bois relève d'un permis de construire si la création de surface de plancher hors oeuvre brute (SHOB) est supérieure à 20 m² et qu'en s'abstenant de porter cette information à sa connaissance, Yannick Y... a circonvenu l'acquéreur.
Il indique que Yannick Y... savait que la construction ne pouvait être édifiée sans permis de construire et que pour ne pas être tenu de lui rembourser le prix, il a d'ailleurs repris le chalet selon protocole du 22 mars 2005 et s'est engagé à le monter sur un terrain de loisirs à proximité de NARBONNE ou de SETE.
Il estime donc que la vente doit être résolue en application des dispositions de l'article 1641 du Code civil.
Il soutient que les conditions stipulées par le protocole du 22 mars 2005 sont potestatives et qu'elles doivent être déclarées nulles en vertu de l'article 1174 du Code civil puisque contractées au seul profit de Yannick Y... qui ne s'est engagé à aucune contrepartie et qui a la jouissance du chalet. Il affirme que tant la vente que la location du chalet ne sont pas causées, qu'elles ne peuvent qu'être annulées et qu'il a été dupé par Yannick Y....
Il demande en conséquence à la cour de prononcer la résolution de la vente et de condamner Yannick Y... à lui payer la somme de 12.319 €, ainsi que la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
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Yannick Y... fait valoir, en ce qui concerne la demande en résolution de la vente sur le fondement de l'article 1641 du code civil, que le tribunal a exactement appliqué l'article R 422-2 J du Code de l'urbanisme en jugeant qu'un permis de construire n'est pas nécessaire pour une habitation légère de loisir d'une surface hors oeuvre nette inférieure à 35 m².
Il indique que pour prétendre qu'un permis de construire est requis si la création de surface de plancher hors oeuvre est supérieure à 20 m², Nicolas X... cite l'article R 422-2 M du Code de l'urbanisme qui concerne les extensions de constructions déjà existantes. Il souligne donc que l'appelant, qui a été informé par le bon de commande et qui n'a pas été trompé sur les qualités de la chose vendue, n'apporte pas la preuve d'un vice caché.
Par ailleurs, il soutient que même si la résolution de la vente était prononcée, l'accord du 22 mars 2005 s'impose aux parties. Il fait valoir à ce sujet que cet accord résulte de concessions réciproques, que son engagement est précisément déterminé et qu'il l'a respecté en présentant dans le délai imparti deux terrains répondant aux caractéristiques prévues, de sorte qu'il est valable et qu'il doit être exécuté.
En ce qui concerne l'apurement des comptes et le devenir du chalet, il indique que Nicolas X... lui a versé la somme de 8.500 €, que ce dernier est donc propriétaire du chalet qui, par sa faute, est actuellement stocké chez lui et qui doit être vendu au profit de Nicolas X... comme le prévoit la convention.
Il invoque enfin les frais qui ont été occasionnés par le non respect par Nicolas X... de la vente puis de la convention intervenue entre les parties.
Il conclut ainsi à la confirmation du jugement déféré et il demande en sus à la Cour :
- de condamner Nicolas X... à lui payer la somme de 500 € au titre des frais de transport retour du chalet et la somme de 300 € par mois depuis avril 2005 au titre des frais de stockage jusqu'au jour de l'enlèvement,
- de l'autoriser à vendre le chalet pour le prix de 8.500 € qui reviendra à Nicolas X... sous déduction des condamnations qui seront prononcées en principal, intérêts et frais,
- de condamner Nicolas X... au paiement de la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Nicolas X... fonde principalement son action sur les dispositions de l'article 1641 du Code civil en vertu duquel le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Il appartient donc à l'appelant d'apporter la preuve d'un vice caché au sens de ce texte.
Or, s'il affirme qu'un permis de construire est nécessaire lorsque la création de surface de plancher hors oeuvre brute (SHOB) est supérieure à 20 m², cette règle est applicable aux abris de jardins, ou selon le paragraphe m de l'article R 422-2 du Code de l'urbanisme, aux extensions de constructions existantes, mais ne concerne pas les habitations légères de loisirs.
En revanche, aux termes de l'article R 422-2 paragraphe j du Code de l'urbanisme, sont exemptés du permis de construire sur l'ensemble du territoire : "les travaux consistant à implanter, dans les conditions prévues à l'article R 444-3, une habitation légère de loisirs de moins de 35 mètres carrés de surface hors oeuvre nette"...
Cependant, l'article R 444-3 du même Code, auquel ce texte fait expressément référence, dispose que : "les habitations légères de loisirs ne peuvent être implantées que dans les conditions suivantes :
a) dans les terrains de camping et de caravanage permanents autorisés conformément à la réglementation applicable à ce mode d'hébergement...;
b) dans des terrains affectés spécialement à cet usage. Dans ce cas le terrain fait l'objet d'une autorisation d'aménager...;
c) dans les villages de vacances classés en hébergement léger et dans les dépendances de maisons familiales de vacances agréées"...
Il résulte de ces dispositions que si l'implantation d'une habitation légère de loisirs de moins de 35 m² de surface hors oeuvre nette n'est pas subordonnée à l'obtention d'un permis de construire, en revanche l'article R 444-3, qui réglemente spécifiquement leurs conditions d'implantation, leur impose un cadre collectif dans les terrains désignés par ce texte et n'autorise pas leur implantation sur n'importe quel terrain.
Il n'est pas contesté que le terrain de Nicolas X... sur lequel il voulait implanter le chalet acquis de Yannick Y... ne répond pas aux conditions posées par l'article R 444-3 du Code de l'urbanisme. Son implantation sur ce terrain était donc interdite même si sa surface hors oeuvre nette était inférieure à 35 m².
Il y a lieu cependant de constater que la réglementation spécifique applicable aux habitations légères de loisirs ne peut pas constituer un défaut caché du chalet vendu par Yannick Y.... En effet, ce chalet n'est pas affecté d'un vice le rendant inapte à sa destination normale qui est d'être implanté sur un terrain conforme aux exigences posées par l'article R 444-3 du Code de l'urbanisme.
Les conditions d'application de l'article 1641 du Code civil sur lequel Nicolas X... a fondé son action en résolution de la vente ne sont donc pas remplies.
Toutefois, Nicolas X..., qui indique que son terrain ne correspondait pas aux règles édictées par l'article R 444-3 du Code de l'urbanisme, invoque aussi un manquement de Yannick Y..., vendeur professionnel, à son obligation de renseignement pour ne pas lui avoir donné toutes indications utiles ou documentation précise sur le bien acheté.
Il se réfère ainsi à l'obligation d'information et de conseil du vendeur qui relève de l'obligation de délivrance prévue par les articles 1603 et suivants du Code civil.
En outre, l'inaptitude de la chose vendue à l'utilisation contractuellement prévue par les parties constitue un manquement à l'obligation de délivrance.
En vertu de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
En l'espèce, l'implantation du chalet sur le terrain de l'acquéreur paraît avoir été comprise dans les prévisions du contrat puisque le devis établi à la même date que le bon de commande, le 17 février 2005, comportait notamment un "forfait livraison et montage chez le client" d'un coût de 2.300 €.
Il apparaît donc nécessaire de rechercher si l'action en résolution de l'acquéreur pourrait ou non être fondée sur un manquement du vendeur à son obligation de délivrance.
Toutefois, les parties n'ayant pas expressément conclu sur ce fondement, il convient, en application de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile et pour respecter le principe de la contradiction, de les inviter à s'expliquer sur l'exécution de l'obligation de délivrance du vendeur.
A cet effet, l'affaire sera renvoyée à la mise en état et l'ensemble des demandes seront réservées.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Vu les articles 12 et 16 du nouveau Code de procédure civile,
Avant dire droit sur l'action en résolution de vente exercée par Nicolas X... à l'encontre de Yannick Y...,
Invite les parties à s'expliquer sur l'exécution de l'obligation de délivrance du vendeur, prévue par les articles 1603 et suivants du Code civil,
Renvoie l'affaire à la mise en état du mardi 16 janvier 2007 à 14h00.
Réserve les autres demandes des parties et les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre et par Nicole CUESTA, Greffier présent lors du prononcé.
Le GreffierLe Président