DU 07 Juin 2006
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F. T./ M. V.
G. A. E. C. DES SALENQUES
Jean René Arnaud X... Hélène Y... épouse X... Danièle Z... épouse X... Dominique X...
Jeanne A... épouse X... André Louis X...
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE
RG N : 05/ 00904
- A R R E T No-
Prononcé à l'audience publique du sept juin deux mille six, par René SALOMON, Premier Président, assisté de Dominique SALEY, Greffier,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
G. A. E. C. DES SALENQUES, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Marché international-Garage du MIN
...
31200 TOULOUSE
Monsieur Jean René Arnaud X...
né le 18 Juillet 1946 à SAUMUR (49400)
MIN Garage du Min
...
31000 TOULOUSE
Madame Hélène Y... épouse X...
née le 24 Septembre 1948 à HUSSEIN DEY (ALGERIE)
MIN Garage du Min
...
31000 TOULOUSE
Madame Danièle Z... épouse X...
née le 26 Décembre 1956 à BAUGE (49150)
...
09350 LES BORDES SUR ARIZE
Monsieur Dominique X...
né le 27 Septembre 1953 à SAUMUR (49400)
...
09350 LES BORDES SUR ARIZE
Madame Jeanne A... épouse X...
née le 16 Février 1927 à SAUMUR (49400)
...
09350 LES BORDES SUR ARIZE
Monsieur André Louis X...
né le 29 Mars 1925 à SAUMUR (49400)
...
09350 LES BORDES SUR ARIZE
représentés par la SCP TANDONNET, Avoués
assistés de Me DEPLANQUE, Avocat
DEMANDEURS SUR RENVOI DE CASSATION ordonné par l'arrêt rendu le 12 mai 2005 cassant et annulant un arrêt de la Cour d'Appel de Toulouse en date du 02 décembre 2003, sur l'appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de Foix en date du 08 février 2000
D'une part,
ET :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
30 rue Bretonneau
66000 PERPIGNAN
représentée par la SCP GUY NARRAN, avoués
assistée de Me VIALA, Avocat
DEFENDERESSE,
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 03 Mai 2006, devant René SALOMON, Premier Président, Bernard BOUTIE, Président de Chambre, et Francis TCHERKEZ, Conseiller (lequel, désigné par le Premier Président, a fait un rapport oral préalable), assistés de Dominique SALEY, Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
Par acte en date du 19 avril 2002, le CRCA agissant en vertu d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Foix en date du 08 février 2000 et un arrêt confirmatif rendu par la Cour d'Appel de TOULOUSE en date du 12 septembre 2001, pour lequel un pourvoi en cassation a été formé et qui a été cassé par la Haute Juridiction avec renvoi devant la Cour d'Appel de PAU, le CRCA a fait signifier un acte de conversion de saisie conservatoire en saisie attribution ; les consorts X... et le GAEC DES SALENQUES ont saisi le 22 mai 2002 le juge de l'exécution de TOULOUSE, qui par décision du 2 octobre 2002 a estimé que les demandes présentées par les consorts X... et le GAEC étaient irrecevables comme étant tardives et que la saisine tardive du juge de l'exécution rendait la demande irrecevable et interdisait par conséquent au juge de trancher le fond.
Sur appel des consorts X... et du GAEC cette décision a été confirmée par la Cour d'Appel de TOULOUSE par arrêt du 2 décembre 2003 précisant que la décision dont appel devait être confirmée au motif que la saisine tardive du juge de l'exécution rendait la demande irrecevable et interdisait par conséquent à la cour de trancher le fond alors même qu'il était encore invoqué devant le premier juge la suspension de plein droit définie par l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997.
Saisie du recours, la cour de cassation, au visa des textes applicables au statut des personnes rapatriées a estimé, que les personnes physiques ou morales qui, entrant ou non dans le champ d'application de l'article 100 précité, ont, entre le 1er août 1999 et le dernier jour du mois qui suit la date de publication de la loi du 17 janvier 2002, déposé un dossier auprès d'une commission départementale d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée ou auprès de la commission nationale de désendettement des rapatriés instituée
par le décret du 4 juin 1999, bénéficient de plein droit de la suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre jusqu'à la décision de l'autorité administrative compétente que ces dispositions s'imposent à toutes les juridictions, même sur recours en cassation, et s'appliquent aux procédures collectives et aux mesures conservatoires ;
Que pour déclarer irrecevable la demande du GAEC des Salenques et des consorts X..., l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés que le premier juge a à juste titre déclaré l'action des demandeurs irrecevable pour ne pas avoir saisi le juge de l'exécution dans le délai de quinze jours prévu par l'article 242 du décret du 31 juillet 1992 ; que si la seule saisine de la CONAIR justifiée aux débats autorise la suspension provisoire des poursuites jusqu'à la décision définitive de l'autorité administrative compétente, décision qui s'impose à toutes les juridictions, encore faut-il que ces juridictions soient régulièrement saisies et habilitées à trancher le litige ; qu'en l'espèce, la saisine tardive du juge de l'exécution rend la demande irrecevable et interdit à la cour d'appel de trancher le fond ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait été saisie d'une demande de suspension de toute poursuite sur le fondement de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; et par décision du 12 mai 2005, elle a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 02 décembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remis en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamné la CRCAM Sud Méditerranée aux dépens ;
Condamné la CRCAM Sud Méditerranée à payer au GAEC des Salenques et aux consorts X... la somme globale de 2. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Devant la Cour la CRCAM Sud Méditerranée (conclusions No 4 du 3 mai 2006) demande de " dire et juger que doivent être écartées les dispositions relatives à l'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, qui méconnaissent les exigences de l'article 6-1 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés
fondamentales, de débouter en conséquence le GAEC des Salenques et les consorts X... de leur demande de suspension provisoire des poursuites, de les condamner à lui payer la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, de les condamner aux dépens.
Elle soutient en effet que la convention européenne des droits de l'Homme, notamment en son article 6. 1, lui donne droit à l'exécution de la décision de justice fondant la poursuite, que la limitation à l'action des créanciers par la législation rappelée ci-dessus en faveur des rapatriés porte atteinte à la substance même du droit à l'accès à un tribunal au sens de la dite convention et, s'inspirant d'un arrêt du 07 avril 2006 de l'Assemblée plénière de la Cour de Cassation qui a retenu cette analyse, elle estime que satisfaction doit leur être donnée dans ces conditions car, depuis plus de 6 ans, elle poursuit sans succès ses débiteurs.
Pour sa part le GAEC et les consorts X... dans leurs conclusions récapitulatives no 3 du 3 mai 2006 demandent à la Cour :
" D'ordonner la suspension des poursuites de plein droit sur les tentatives d'exécution portant sur l'acte de conversion de saisie conservatoire en date du 19 avril 2002 et ce sur le fondement de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997. "
En conséquence, " réformant le jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulouse en date du 02 octobre 2002, de condamner le CRCA à leur payer la somme de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile correspondant aux frais qu'ils ont exposé devant le juge de l'exécution de Toulouse, puis devant la cour d'appel de Toulouse puis devant la Cour de Cassation puis devant la Cour d'Appel d'Agen " ;
de le condamner aux dépens.
Ils estiment, en effet, que la suspension des poursuites doit rester la règle pour des raisons de sécurité juridique et qu'il appartient à leur créancier d'actionner l'Etat ou d'intervenir dans les procédures administratives et que la jurisprudence invoquée ne serait pas dominante en l'état.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la saisine de la Cour
-la décision critiquée du juge de l'exécution a écarté l'examen de la contestattion du GAEC et des consorts X... sur la conversion en saisie attribution d'une mesure provisoire, en se fondant sur les délais de procédure du décret du 31 juillet 1992.
En réalité, comme le relève implicitement mais nécessairement l'arrêt attributif, la contestation élevée par les appelants est fondée sur les dispositions légales instituant une suspension des poursuites en faveur des rapatriés, c'est à dire sur l'effectivitédu titre exécutoire et non sur la régularité de la mesure elle-même, puisque celle-ci a été effectuée au vu d'un titre exécutoire au sens de la loi du 9 juillet 1991- le GAEC et les consorts X... estiment que la suspension des poursuites rappelée ci-dessus a pour effet de paralyser l'effet du jugement de condamnation du 1er février 2000 (assorti de l'exécution provisoire) et donc d'interdire l'exécution adéquate.
La Cour-ayant en l'espèce le même champ de compétence que le JEX-statuant dans le cadre des dispositions de l'article L 311-12-1 du Code de l'Organisation Judiciaire selon lequel " le JEX connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée même si elles portent sur le fond du droit ". La décision entreprise fondée sur une irrecevabilité sans rapport avec les contestations effectuées des parties doit donc être infirmée et la Cour amenée à statuer sur la validité et l'effectivité du titre exécutoire invoqué au soutien de l'exécution.
Au fond
Sur la contestation soulevée par les débiteurs
A cet égard, la Caisse de Crédit demande à la Cour de juger que les dispositions relatives à l'aide aux rapatriés invoquées par ses débiteurs pour paralyser son action en vertu d'un titre exécutoire doivent être écartées comme méconnaissant les dispositions de l'article 6. 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
Certes il est exact comme l'invoquent les appelants que l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales permet à l'Etat de limiter le droit d'accès à un tribunal dans un but légitime mais c'est à la condition que la substance même de ce droit n'en soit pas atteinte et que, si tel est le cas, les moyens employés soient proportionnés à ce but.
Or les dispositions relatives au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée résultant notamment de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997, et des textes ultérieurs pris dans le même sens, organisent, sans l'intervention d'un juge, une suspension automatique des poursuites, d'une durée indéterminée, et portent ainsi atteinte, dans leur substance même, aux droits des créanciers, privés de tout recours, alors que le débiteur dispose de recours suspensifs devant les juridictions administratives. La dette des appelants n'est pas discutée dans sa substance à la date de la contestation ; la " suspension des poursuites " invoquée perdure sans qu'aucune décision ne soit intervenue sur l'admission de la demande des intéressés.
Cette situation s'assimile pour le créancier à un obstacle à l'accès à un tribunal selon les termes du droit conventionnel qui ont vocation à s'appliquer en l'espèce et alors même que l'exécution forcée proursuivre en vertu d'un titre provisoire aux risques et périls du créancier n'est pas elle-même contraire aux exigences de l'article 6-1 de la convention considérée.
- Dans ces conditions les demandes du GAEC et des consorts X... doivent être écartées, la validité du titre fondant les poursuites étant constatée et la régularité de l'exécution adéquate retenue.
- Une allocation fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de la caisse de Crédit Agricole est justifiée à hauteur de 3. 000 euros.
Les appelants supportent la charge des dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant en audience publique, contradictoirement, et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 12 mai 2005, et statuant en matière d'exécution,
Vu l'article L 311-12-1 du Code de l'Organisation Judiciaire, ensemble la loi du 9 juillet 1991, et l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,
infirme le jugement du Juge de l'Exécution de Toulouse en date du 02 octobre 2002,
- Et statuant à nouveau,
- Déboute le GAEC des Salenques et les consorts X... de leurs demandes de suspension de l'exécution du jugement du Tribunal de Grande Instance de FOIX en date du 8 février 2000 qui les a condamnés sous le régime de l'exécution provisoire à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée la somme de 335. 006, 58 F (à l'époque) en principal outre intérêts-
- Dit en conséquence que l'acte de conversion de saisie conservatoire en saisie attribution délivrée à la demande de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée le 9 avril 2002 à la compagnie AXA peut recevoir en l'état son plein et entier effet,
- Déboute le GAEC et les consorts X... du surplus de leurs demandes en cause d'appel,
Condamne le GAEC et les consorts X... à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée la somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne le GAEC et les consorts X... aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers distraction au profit de la SCP NARRAN, Avoués, en application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président et Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé de l'arrêt.