Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Air Attack Technologies a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision d'un montant de 33 564 euros correspondant au crédit de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle estime avoir droit au titre du mois de mai 2023.
Par une ordonnance n° 2400762 du 18 mars 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 avril 2024, la société Air Attack Technologies, représentée par Me André, demande au juge des référés de la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer une provision d'un montant de 33 564 euros correspondant à la créance de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est détentrice ;
3°) d'assortir cette somme des intérêts de retard calculés à partir de la date à laquelle elle devait être remboursée, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision de la cour et jusqu'à la date de " l'inscription au compte financier " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 500 euros au titre de la première instance et de la même somme de 2 500 euros au titre de la présente instance d'appel.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le juge des référés a estimé que sa demande de première instance était irrecevable alors qu'elle a été enregistrée plus de quatre mois après la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée du 26 septembre 2023 qui vaut réclamation contentieuse ;
- l'ordonnance attaquée est entachée d'illégalités externes tenant à l'absence d'analyse de son mémoire en réplique enregistré le 5 mars 2024 et à la violation du caractère contradictoire de la procédure, ainsi que le montre la confusion entre la pétition préalable du 3 février 2024 et la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée du 26 septembre 2023 ;
- elle a droit, en application des dispositions du 3 du I et du V de l'article 271 du code général des impôts et des articles 224 et 242-0 A de l'annexe II au code général des impôts, au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est titulaire pour le mois de mai 2023 d'un montant total de 33 564 euros ;
- la circonstance qu'elle soit assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui aient été réclamés ne peut faire obstacle au remboursement sollicité dès lors que, ayant contesté ces cotisations et rappels par un contentieux d'assiette et ayant sollicité un sursis de paiement, ils ne sont pas exigibles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête de la société Air Attack Technologies est irrecevable dès lors que la décision de l'administration sur l'opposition à poursuites du 4 février 2024 n'a été prise que le 18 mars 2024, postérieurement à l'enregistrement de la requête au greffe du tribunal administratif de Toulouse et sans qu'elle soit transmise au juge des référés, les dispositions de l'article R. 281-4 du livre des procédures fiscales imposant que la décision sur la réclamation préalable soit transmise au juge.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a, par une décision du 4 janvier 2023, désigné M. Alain Barthez, président de la 1ère chambre, pour statuer sur les appels contre les décisions rendues par le juge des référés.
Considérant ce qui suit :
1. La société Air Attack Technologies fait appel de l'ordonnance n° 2400762 du 18 mars 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 33 564 euros à titre de provision sur une créance de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estime détenir, le juge des référés ayant estimé que cette demande était irrecevable en l'absence de décision préalable de l'administration ayant lié le contentieux.
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". L'article R. 421-1 du même code dispose que : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Il résulte des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, qui sont applicables aux demandes de provision présentées sur le fondement de l'article R. 541-1 du même code, qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d'une somme d'argent est irrecevable. L'intervention d'une décision de l'administration en cours d'instance, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle rend recevable un référé provision et lie ainsi le contentieux.
3. La société Air Attack Technologies, estimant bénéficier d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du mois de mai 2023 à hauteur d'un montant de 33 564 euros, a sollicité, par une demande du 26 septembre 2023, le remboursement de cette somme. L'administration fiscale, qui n'a pas contesté l'existence d'un tel crédit, a toutefois décidé d'affecter cette somme au paiement de rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société et de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, et donc de ne pas procéder au remboursement demandé.
4. L'administration a produit en première instance la copie d'une " contestation préalable " du 4 février 2024 que la société Air Attack Technologies lui a adressée contre l'avis de compensation du 27 novembre 2023. Elle indique à présent en appel qu'elle a pris une décision de rejet de cette réclamation préalable le 18 mars 2024. Une telle décision doit être regardée comme intervenant au cours de l'instance devant le juge des référés dès lors que celui-ci a statué également le 18 mars 2024. Elle a rendu recevable le référé-provision, la circonstance que cette décision n'ait été communiquée ni au juge des référés ni à la société avant la fin de cette instance étant sans incidence sur ce point. Par voie de conséquence, c'est à tort que le juge des référés a estimé que la demande de première instance était irrecevable et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité de l'ordonnance attaquée, elle doit être annulée.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Air Attack Technologies devant le tribunal administratif de Montpellier.
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Air Attack Technologies ne peut bénéficier du remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'estime titulaire au titre des opérations du mois de mai 2023 en raison, non d'une contestation par l'administration de l'existence même de ce crédit de 33 564 euros ou du respect par la société des règles relatives à la demande de remboursement de crédit, mais de la décision de l'administration de l'affecter au paiement d'autres impositions. Par voie de conséquence, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 3 du I et du V de l'article 271 du code général des impôts, de l'article 242-0 A de l'annexe II au code général des impôts et en tout état de cause de l'article 224 de la même annexe, qui sont relatifs au mécanisme de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et à la demande que le redevable doit faire pour obtenir le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, ne peuvent qu'être écartés, ces dispositions ne faisant pas, par elles-mêmes, obstacle à l'affectation d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au paiement d'autres impositions en application de l'article L. 257 B du livre des procédures fiscales.
7. En second lieu, il n'est pas contesté que la société Air Attack Technologies a demandé la décharge, par un recours d'assiette dont elle a saisi le tribunal administratif de Montpellier, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie. Il n'est cependant pas davantage contesté que le sursis de paiement sollicité par la société Air Attack Technologies n'a pas été accordé, en l'absence de garanties de paiement présentées devant l'administration. La société n'est donc fondée à soutenir que, du fait de l'existence de ce recours d'assiette, ces impositions ne seraient pas exigibles.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l'obligation dont se prévaut la société Air Attack Technologie ne peut être regardée comme ne présentant pas un caractère sérieusement contestable et que, par voie de conséquence, la demande de provision doit être rejetée.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Air Attack Technologies au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2400762 du 18 mars 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : La demande de la société Air Attack Technologies devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions devant la cour administrative d'appel de Toulouse sont rejetés.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société à responsabilité limitée Air Attack Technologies et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de la région d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne.
Fait à Toulouse, le 25 juin 2024.
Le juge des référés,
A. Barthez
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N° 24TL00794 2