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18/10/2022 | FRANCE | N°22BX00267

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 18 octobre 2022, 22BX00267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise diligentée par un rhumatologue, afin de retranscrire la situation réelle de son poignet droit, traumatisé à la suite de son accident de trajet survenu le 25 mai 2010.

Par une ordonnance n° 2100606 du 2 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses d

emandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise diligentée par un rhumatologue, afin de retranscrire la situation réelle de son poignet droit, traumatisé à la suite de son accident de trajet survenu le 25 mai 2010.

Par une ordonnance n° 2100606 du 2 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 janvier et 22 juin 2022, Mme E..., représentée par Me Lewis, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2100606 du 2 décembre 2021 rendue par le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de faire droit à sa demande d'expertise ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qu'elle aurait exposé si elle n'avait pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le juge des référés du tribunal a méconnu le principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas communiqué à l'administration le mémoire en réplique qu'elle a produit le 19 novembre 2021 et qui contenait des éléments de nature à éclairer la juridiction quant à l'utilité de la mesure sollicitée ;

- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée dés lors que le tribunal ne précise pas en quoi les différentes inexactitudes du rapport d'expertise seraient insuffisantes à remettre en cause ses conclusions ;

- la copie certifiée de la minute de l'ordonnance attaquée ne comporte pas la signature du juge des référés ;

- le premier juge a commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'expertise n'était pas utile alors qu'elle a établi que le premier rapport contenait des inexactitudes relatives à la date de consolidation de son accident de trajet et à ses antécédents médicaux ;

- lors de sa précédente demande d'expertise devant le tribunal, elle n'avait pas pu avoir connaissance du rapport d'expertise du Pr F... du 16 octobre 2018 en raison d'un dysfonctionnement et ainsi démontrer que les conclusions de l'expertise réalisée étaient erronées ;

- depuis la précédente demande d'expertise, l'administration a pris de nouvelles décisions à son encontre, suspension de sa rémunération, refus de réexamen de sa situation, susceptibles d'engager la responsabilité de cette dernière et de nécessiter une expertise médicale fiable et contradictoire dans l'optique d'un contentieux indemnitaire ;

- une nouvelle mesure d'expertise est utile compte tenu des inexactitudes contenues dans le rapport du Pr F..., expert agréé et missionné par la DRFIP Martinique ; ce rapport est incomplet et contient des erreurs sur le déroulé de son accident de trajet du 25 mai 2010 et sur ses antécédents médicaux ;

- le rapport du Pr F... retient à tort qu'elle aurait une nécrose du semi lunaire au poignet droit qui serait responsable d'une algodystrophie du membre supérieur droit avec une atteinte de l'épaule qui relèverait de la maladie ordinaire et non de l'accident du 25 mai 2010, alors qu'elle a en réalité un antécédent de nécrose au poignet gauche ;

- ce rapport retient à tort que l'accident du 25 mai 2010 serait consolidé au 7 juin 2010, date de reprise du travail, alors qu'ayant été prolongée à deux reprises, elle n'a pu reprendre le travail que le 1er juillet 2020 ;

- elle produit des certificats médicaux des docteurs Chénière et B... attestant que le rapport du 16 octobre 2018 contient des inexactitudes et qu'une nouvelle expertise est nécessaire ;

- une nouvelle mesure d'expertise est utile compte tenu des conséquences des inexactitudes mentionnées sur les décisions prises par l'administration relatives à son aptitude à la reprise du travail et à la suspension de sa rémunération, qui l'ont placée dans une situation de précarité ;

- une nouvelle mesure d'expertise est utile au regard d'un éventuelle recours en responsabilité à l'encontre de l'administration ;

- une nouvelle mesure d'expertise est utile compte tenu de ce qu'elle constituerait l'unique moyen d'établir les faits en cause ; en effet, ayant sollicité auprès de son administration la réalisation d'une nouvelle expertise, cette dernière n'a diligenté qu'une expertise psychiatrique sans aucun rapport avec sa pathologie actuelle et a refusé la possibilité d'une nouvelle expertise par courrier du 14 février 2022 ; en outre son droit au réexamen devant le Comité médical supérieur lui a été refusé par le Comité médical départemental ;

Par un mémoire en défense enregistré le 10 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de Mme E....

Il fait valoir que :

- la requête d'appel de Mme E... est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- l'ordonnance attaquée respecte le principe du contradictoire ;

- elle est suffisamment motivée ;

- le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique n'a pas entaché son ordonnance d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'expertise sollicitée n'était pas utile ;

- la mesure demandée n'est pas utile dès lors qu'une telle expertise a été déjà effectuée de façon parfaitement documentée par le Pr F... à l'égard de Mme E..., le 12 septembre 2018, que le comité médical et la commission de réforme ont été régulièrement saisis et que le juge des référés a rejeté à deux reprises sa demande d'expertise ;

- compte tenu de l'expertise réalisée à la demande du comité médical suite au congé longue durée de Mme E... pour motif psychiatrique, rendue le 6 février 2020, mais aussi des arrêts de travail accordés à l'intéressée en raison d'une pathologie du membre supérieur droit, le comité médical, en sa séance du 12 mars 2020 a estimé que Mme E... était " apte à la reprise professionnelle " tant sur le plan psychique que physique ;

- le certificat du Dr D... en date du 21 juillet 2020, qui remet en cause les conclusions de l'expertise du Pr F..., est peu circonstancié et fait part de critiques imprécises et infondées ; le certificat établi le 3 février 2021 par le Dr B..., qui a succédé au Dr D..., est en tout point similaire au certificat du 21 juillet 2020 ;

- le compte rendu des examens pratiqués à l'hôpital Saint-Antoine entre le 16 et le 18 janvier 2019 n'est pas catégorique quant à l'origine des douleurs dont se plaint l'intéressée, il formule plusieurs hypothèses explicatives ;

- le Pr F..., qui n'a pu avoir connaissance des résultats de cette hospitalisation ayant eu lieu postérieurement à son expertise, disposait néanmoins de nombreux examens médicaux de Mme E..., notamment des radiographies des poignets, de la main et du coude droit, de sorte que son rapport ne peut être erroné quant à la localisation de la nécrose au poignet dont il fait mention ;

- le rapport d'expertise contesté a été communiqué à Mme E... au plus tard le 18 juin 2020, date à laquelle il a été enregistré par le greffe du tribunal administratif de la Martinique dans le cadre de sa demande de référé expertise, et avant que le président du tribunal ne rende une ordonnance de rejet le 10 juillet 2020 ;

- enfin, Mme E... ne peut tirer argument du fait qu'elle a été mise en demeure de rejoindre son poste par courriers des 12 mai, 21 juillet, 28 août et 6 novembre 2020 et qu'elle serait dans une situation de précarité en raison de la suspension de son traitement en l'absence de service fait, dès lors qu'il s'agit de questions sans lien direct avec l'objet de la présente requête en référé.

Le président de la cour a désigné M. Didier Artus, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 mars 2022 accord l'aide juridictionnelle totale à la requérante.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., agent administratif principal de 1ère classe, est affectée au service des impôts des particuliers (SIP) du Lamentin. Le 25 mai 2010, alors qu'elle était affectée dans une autre administration, Mme E... a été victime d'un accident sur son trajet domicile-travail, lui ayant causé des douleurs aux cervicales, ainsi qu'au bras droit et au dos. Elle a alors bénéficié de plusieurs arrêts de travail. Huit ans après cet accident, Mme E..., se plaignant de douleurs du membre supérieur droit avec gonflement de la main droite, a présenté divers certificats médicaux pour des soins qu'elle estime liés à son accident, en date des 16 mai et 30 juin 2018 et pour la période du 1er juillet au 28 septembre 2018. Par un courrier du 22 août 2018, le directeur régional des finances publiques de la Martinique (DRFIP) a désigné un expert, rhumatologue agréé, afin que soit réalisée une expertise médicale pour déterminer si la dégradation de l'état de santé de l'intéressée était une rechute de son accident de trajet. L'expert a remis son rapport le 16 octobre 2018, aux termes duquel il a conclu à une absence de rechute. Le 23 octobre 2018, le DRFIP a saisi pour avis la commission de réforme afin de déterminer notamment si les douleurs ressenties par l'intéressée étaient en lien avec son accident et de préciser éventuellement son taux d'IPP. Par avis du 20 juin 2019, la commission a fixé le taux d'IPP à 7 %, avec une consolidation de ses blessures au 7 juin 2010, sans soins post-consolidation à prévoir. Entre-temps, le comité médical départemental, sur saisine de l'administration, s'est prononcé, le 28 mars 2019, pour une reprise des fonctions de Mme E..., à l'issue de son congé de longue maladie (CLM) pour motif psychiatrique qu'elle avait obtenu du 6 novembre 2016 au 5 janvier 2019.

2. Par courriel du 4 avril 2019, Mme E... a été informée de la décision prononçant sa réintégration et a été invitée à reprendre ses fonctions à compter du 8 avril 2019. Elle ne s'est cependant pas présentée à son poste et a continué à adresser à l'administration des arrêts de travail. Le 21 juin 2019, le DRFIP a saisi à nouveau le comité médical départemental pour qu'il statue sur l'aptitude de l'agente à exercer ses fonctions, afin de régulariser sa situation. Le 12 septembre 2019, le comité médical a décidé de surseoir à statuer et, par un courrier du 8 novembre 2019, a invité Mme E... à prendre contact avec le Dr C..., médecin psychiatre agréé, en vue d'une expertise médicale aux fins de déterminer son aptitude à exercer ses fonctions.

3. Par une requête n° 1900732 enregistrée le 16 décembre 2019, Mme E... a demandé au juge des référés qu'il soit ordonné à son égard une mesure d'expertise médicale, afin de déterminer notamment si la dégradation de son état de santé était une rechute liée à accident du 25 mai 2010. La requête a été rejetée par une ordonnance du 10 juillet 2020. A la suite du rapport d'expertise rendu par le Dr C... le 6 février 2020, le comité médical départemental a considéré, par un avis du 6 février 2020, que Mme E... était apte à la reprise professionnelle. Mme E... a alors produit un arrêt de travail couvrant en premier lieu la période du 19 mars au 18 juin 2020. Le 22 juin, elle n'a pas repris ses fonctions. Par une première mise en demeure du 12 mai 2020, Mme E... a été invitée à reprendre ses fonctions sans délai à compter du 15 mai 2020. En l'absence de reprise de fonctions, une nouvelle mise en demeure a été adressée à Mme E... par lettre du 21 juillet 2020. Le 29 juillet 2020, elle a sollicité la saisine du comité médical supérieur. Le 20 août 2020, une nouvelle mise en demeure de rejoindre son poste dans les quarante-huit heures a été adressée à Mme E.... Par un avis du 15 octobre 2020, le comité médical départemental a considéré qu'il ne pouvait saisir le comité médical supérieur. Une nouvelle mise en demeure de rejoindre son poste dans les quarante-huit heures a été adressée à Mme E... par courrier du 6 novembre 2020. Par un jugement du 21 juin 2021, frappé d'appel, le tribunal administratif a rejeté la demande de Mme E... tendant à l'annulation, d'une part, la décision implicite née du silence gardé sur sa demande du 31 juillet 2020 tendant à la saisine du comité médical supérieur et, d'autre part, les décisions des 12 mai, 21 juillet et 28 août 2020 par lesquelles d'administration l'a mise en demeure de reprendre ses fonctions.

4. Le 4 octobre 2021, Mme E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique de prescrire une expertise diligentée par un rhumatologue, afin de retranscrire la situation réelle de son poignet droit, traumatisé à la suite de son accident de trajet survenu le 25 mai 2010. Mme E... relève appel de l'ordonnance du 2 décembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté, pour défaut d'utilité, sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par le ministre :

5. Aux termes des dispositions de l'article R. 533-1 du code de justice administrative applicables en matière de référé-expertise : " L'ordonnance rendue en application du présent titre par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification ". Aux termes de l'article R. 811-5 du même code, applicable à l'appel : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis. ". Aux termes de l'article R. 421-7 dudit code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine (...) le délai de recours (...) est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent en Martinique (...) ". En application de ces dispositions, Mme E... disposait d'un délai de quinze jours, augmenté d'un mois, pour interjeter appel de l'ordonnance du 2 décembre 2021 par laquelle le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

6. Toutefois ce délai d'appel est susceptible d'être prorogé dans les conditions définies par l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 aux termes duquel : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle (...) Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 28 décembre 2021, soit dans le délai d'appel de quinze jours et un mois à compter de la notification de l'ordonnance de première instance en date du 7 décembre 2021. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale lui a été accordé par une décision du 17 mars 2022. Ainsi, la requête d'appel, enregistrée le 25 janvier 2022, soit dans le délai de recours d'appel, n'est pas tardive. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre, tirée de la tardiveté de la requête d'appel, doit être écartée.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

8. En premier lieu, les moyens tirés de ce que l'auteur de l'ordonnance attaquée, en considérant que la mesure d'expertise n'était pas utile alors qu'elle a établi que le premier rapport contenait des inexactitudes relatives à la date de consolidation de son accident de trajet et à ses antécédents médicaux aurait commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation sont sans incidence sur la régularité de cette ordonnance et sont seulement de nature à en affecter le bien fondé.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 742-5 du code de justice administrative : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue. ". Il résulte de l'instruction que la minute de l'ordonnance attaquée comporte, conformément aux prescriptions des dispositions précitées, la signature du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique. Le moyen tiré de ce que l'ordonnance serait entachée d'irrégularité au regard de ces dispositions ne peut ainsi qu'être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En précisant notamment, qu'" au regard de l'insuffisance des éléments produits par Mme E..., aucune circonstance particulière ne confère à la mesure qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner un caractère d'utilité différent de celui de la mesure que le juge du fond, également saisi, pourra décider, le cas échéant, dans l'exercice de ses pouvoirs de direction de l'instruction ", le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a suffisamment motivé sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivé doit être écarté.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence " ; Selon l'article R. 532-1 du même code : " Le juge des référés peut, sur simple requête, et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) " ; Aux termes de l'article R. 532-2 du même code : " la notification de la requête présentée au juge des référés est immédiatement faite au défendeur éventuel, avec fixation d'un délai de réponse " ;

12. Il résulte de ces dispositions que l'ordonnance de référé est rendue à la suite d'une procédure particulière adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d'assurer une décision rapide. Cette procédure qui garantit, par l'application de l'article R. 532-2 du code précité, le caractère contradictoire de l'instruction, se suffit à elle-même. Ainsi le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique n'était pas tenu, dès lors que ces dispositions ne le prévoient pas, de communiquer au ministre de l'économie, des finances et de la relance, avant de statuer sur la requête, le mémoire en réplique présenté devant lui le 19 novembre 2021 par Mme E.... Par suite, le moyen tiré de ce que l'ordonnance attaquée a été rendue à l'issue d'une procédure non contradictoire, doit être écarté.

Sur l'utilité de l'expertise :

13. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

14. Mme E... soutient qu'une nouvelle expertise est nécessaire compte tenu des inexactitudes et des erreurs contenues dans le rapport de l'expertise qui a été diligentée par Direction régionale des finances publiques (DRFPI) de la Martinique pour déterminer si la dégradation de son état de santé était une rechute de son accident de trajet. Elle allègue que le rapport d'expertise établi le 16 octobre 2018 retient à tort, d'une part, qu'elle aurait une nécrose du semi lunaire au poignet droit qui serait responsable d'une algodystrophie du membre supérieur droit avec une atteinte de l'épaule qui relèverait de la maladie ordinaire et non de l'accident du 25 mai 2010, alors qu'elle a en réalité un antécédent de nécrose au poignet gauche et, d'autre part, que l'accident du 25 mai 2010 serait consolidé au 7 juin 2010, date de reprise du travail, alors qu'ayant été prolongée à deux reprises, elle n'a pu reprendre le travail que le 1er juillet 2020. Elle ajoute que, depuis la première demande d'expertise, l'administration a pris de nouvelles décisions à son encontre, susceptibles d'engager sa responsabilité et de nécessiter une expertise médicale fiable et contradictoire dans l'optique d'un contentieux indemnitaire. Toutefois, il résulte de l'instruction que, lors de l'expertise diligentée par la DRFIP de la Martinique, le Pr F..., expert agréé, a étudié l'ensemble des pièces médicales du dossier de l'intéressée, a examiné cette dernière et a apporté une réponse à tous les points de sa mission, notamment en indiquant si les douleurs ressenties par Mme E... pourraient avoir un lien direct avec l'accident de trajet du 25 octobre 2010, en précisant une date de guérison ou de consolidation concernant les blessures occasionnées par cet accident et en fixant un taux d'IPP pour ces blessures. La circonstance que les certificats médicaux des docteurs Chénière et B... des 21 juillet 2020 et 3 février 2021, dont se prévaut Mme E..., contredisent, en des termes au demeurant peu circonstanciés, les conclusions du Pr F..., ne suffit pas à justifier l'utilité de l'expertise sollicitée, qui vise à soumettre à un nouvel expert les mêmes questions que celles définies par DRFIP de la Martinique et auxquelles l'expert a apporté des réponses précises et circonstanciées. Dans ces conditions et ainsi que l'a jugé le juge des référés du tribunal, l'expertise sollicitée ne revêt pas en l'état de l'instruction un caractère utile et il reste loisible à Mme E... d'apporter au juge du fond tous les éléments médicaux de nature à étayer sa position et au juge du fond d'ordonner toute mesure d'instruction qu'il jugera nécessaire.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de le Martinique a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Il n'y a pas lieu de condamner l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, à verser au conseil de Mme E... la somme demandée au titre des frais irrépétibles de l'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Fait à Bordeaux, le 18 octobre 2022.

Le juge d'appel des référés,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 22BX00267
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : LEWIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-18;22bx00267 ?
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