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10/06/2020 | FRANCE | N°20BX00415

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 10 juin 2020, 20BX00415


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une mesure d'expertise médicale aux fins de déterminer si le retard de diagnostic d'une tumeur cancéreuse en 2017 est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier Ouest Réunion et d'évaluer ses préjudices.

Par une ordonnance n° 1901481 du 27 janvier 2020, le président du tribunal administratif

de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une mesure d'expertise médicale aux fins de déterminer si le retard de diagnostic d'une tumeur cancéreuse en 2017 est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier Ouest Réunion et d'évaluer ses préjudices.

Par une ordonnance n° 1901481 du 27 janvier 2020, le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1901481 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) d'ordonner l'expertise sollicitée.

Il soutient que :

- l'expertise amiable diligentée par l'assureur de l'AGSM ne présente aucune des garanties d'impartialité qu'aurait présenté un expert judiciaire ; le rapport a été remis deux jours seulement après la rencontre avec le Dr Potier, ce qui démontre un préjugement ;

- ce rapport ne permet pas de déterminer avec exactitude quelle aurait été l'espérance de survie du requérant si la tumeur avait été prise en charge en 2017.

Par un mémoire enregistré le 21 février 2020, l'ONIAM s'en remet à la sagesse de la cour, ne s'oppose pas à l'expertise et demande que la mission de l'expert permette de déterminer si les conditions d'une éventuelle indemnisation par la solidarité nationale sont réunies.

Par un mémoire enregistré le 27 février 2020, le CH Gabriel Martin conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, subsidiairement à ce que l'expertise soit confiée à un collège comportant un cancérologue et un radiologue.

Il soutient que l'expertise ne présente pas d'utilité.

Le président de la cour a désigné, par une décision du 2 septembre 2019 Mme Catherine Girault, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui souffrait depuis plusieurs mois de douleurs articulaires et d'oedèmes des membres d'étiologie indéterminée, a bénéficié à l'occasion d'un syndrome coronaire aigu de radiographies des poumons au centre hospitalier Gabriel Martin de Saint-Paul les 28 mai et 5 juin 2017, qui ont été regardées comme normales. Cependant, la persistance des symptômes et une toux ayant conduit à de nouvelles explorations par radios et scanner thoracique en mars 2018 au CHU de Saint Denis, un diagnostic de cancer du poumon droit a été posé, et un réexamen des images précédentes a constaté qu'une image juxta-hilaire droite anormale était déjà présente en 2017. La tumeur de grade 3, supérieure à 5 cm, a été opérée en métropole le 31 mai 2018 au centre médico-chirurgical Marie Lannelongue au Plessis-Robinson, par lobectomie supérieure droite avec résection-anastomose du tronc intermédiaire, intervention suivie, après le retour de M. A... à La Réunion, d'une chimiothérapie en août et septembre 2018 au CHU de Saint-Denis.

2. M. A... a sollicité son dossier médical auprès du centre hospitalier Gabriel Martin, devenu Ouest Réunion, et l'assureur de l'hôpital, l'Agence de gestion des sinistres médicaux (AGSM) a diligenté une expertise amiable. Le rapport remis le 6 mars 2019 conclut, malgré la difficulté de lecture dans un contexte non pulmonaire, au milieu d'un flot de clichés où une autre pathologie est recherchée, à une erreur d'interprétation des clichés et donc de diagnostic. Il évalue la tumeur présente sur les clichés de 2017 à environ 3 cm, soit de classe 2, alors qu'elle avait évolué à plus de 5 cm, soit en classe 3, dix mois plus tard. Il note que l'opération aurait été identique si la chirurgie avait été préconisée plus tôt, y compris sur la prescription d'une chimiothérapie après l'intervention, que l'existence d'un envahissement ganglionnaire a été éliminée au vu des examens histologiques pratiqués après l'intervention, et que M. A... est en rémission complète, même s'il est trop tôt pour se prononcer de façon définitive, une attente de trois à quatre ans après l'opération permettant seule d'assurer le pronostic. Il évalue à 15% la perte de chance hypothétique d'améliorer le pronostic post-opératoire en cas d'intervention plus précoce, la survie à 5 ans étant de 65 % en cas de tumeur de classe 2 et de 50% en cas de classe 3 sans ganglions. Il reconnaît un préjudice moral, des préjudices temporaires pour les 10 mois de retard de diagnostic à hauteur de 20% de déficit fonctionnel, et des souffrances évaluées à 3/7.

3. Insatisfait de ces conclusions, M. A..., qui a refusé l'indemnisation amiable proposée par l'assureur du centre hospitalier, a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande d'expertise judiciaire et relève appel de l'ordonnance du 27 janvier 2020 qui a rejeté sa demande.

Sur l'utilité de l'expertise :

4. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure d'expertise ou d'instruction ". Il appartient, pour l'application de ces dispositions, au juge des référés saisi d'une demande d'expertise de rechercher si la mesure sollicitée peut être utile à la solution d'un éventuel litige.

5. Le premier juge a estimé que " le Dr Potier en sa qualité d'expert a examiné l'ensemble des pièces médicales du dossier de l'intéressé et apporté une réponse à tous les points de sa mission, notamment en analysant ses prises en charge par les services des établissements hospitaliers et les actes médicaux qui lui ont été prodigués, notamment par 1' examen détaillé des bilans radiographiques et en réalisant une étude analytique des dommages constatés et leur évolution et en se prononçant sur les préjudices subis. Si M. A... entend contester les conclusions de l'expertise du Dr Potier, celles-ci pourront être discutées contradictoirement lors d'une instance au fond devant le tribunal administratif éventuellement saisi. ".

6. Si le caractère amiable de l'expertise diligentée ne permet pas de qualifier la demande de M. A... de " contre-expertise ", l'expert désigné par l'assureur, chirurgien thoracique et vasculaire qui figure aux tableaux des experts des cours administratives d'appel de Paris et de Versailles, présente toutes les garanties d'impartialité requises et a détaillé et justifié ses conclusions, appuyées de l'avis de deux autres praticiens, un cancérologue et un radiologue. La seule circonstance que le rapport ait été remis deux jours après la consultation en présence de M. A... à Saint-Paul, si elle révèle que l'expert avait pris connaissance précédemment des pièces du dossier médical, ne démontre aucun parti pris, et le requérant n'apporte aucun élément de nature à faire douter du bien-fondé de l'évaluation de la tumeur en classe 2 dès 2017. Contrairement à ce que soutient M. A..., les réponses de l'expert concernant l'évaluation des préjudices sont précises et complètes, et la désignation d'un expert pour déterminer l'espérance de survie du requérant si la tumeur avait été prise en charge en 2017 n'apparaît pas utile en l'état. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande comme ne répondant pas aux conditions prévues par l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

Sur les frais exposés par les parties :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme que demande le centre hospitalier Gabriel Martin au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du CH Gabriel Martin au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., au centre hospitalier Gabriel Martin devenu Centre hospitalier Ouest Réunion, à la caisse générale de la sécurité sociale de La Réunion et à l'ONIAM.

Fait à Bordeaux, le 10 juin 2020.

Le juge d'appel des référés

Catherine Girault

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 20BX00415


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 20BX00415
Date de la décision : 10/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-011-04 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé tendant au prononcé d'une mesure d'expertise ou d'instruction. Conditions.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SADASSIVAM

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-10;20bx00415 ?
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