Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée GTM Bâtiment Aquitaine a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la communauté de communes de Lacq-Orthez à lui verser une provision de 183 235,97 euros correspondant au solde du marché tel que fixé dans le décompte général et définitif du 27 juin 2017, majorée des intérêts moratoires et des intérêts capitalisés.
Par ordonnance n° 1901178 du 29 juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 août et 27 septembre 2019, la société GTM Bâtiment Aquitaine, représentée par Me B..., demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 29 juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Pau ;
2°) de condamner la communauté de communes de Lacq-Orthez à lui verser une provision de 183 235,97 euros, correspondant au solde du marché tel que fixé dans le décompte général et définitif du 27 juin 2017, majorée des intérêts moratoires et des intérêts capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Lacq-Orthez une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est également entachée d'une erreur de droit, en ce que le premier juge s'est contredit dans les motifs de cette ordonnance, en affirmant qu'un décompte général et définitif ne pouvait être remis en cause qu'en cas d'erreur matérielle, laquelle n'était pas sérieusement contestée puis en concluant que la qualification juridique de cette erreur était très sérieusement débattue ;
- c'est à tort, par ailleurs, que le premier juge a considéré qu'il existait une contestation sérieuse de sa créance au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;
- il lui appartient en effet de se prononcer sur l'existence de l'erreur matérielle à laquelle se réfère la communauté de communes ;
- en outre, il n'existe en l'espèce aucune erreur purement matérielle mais une volonté de la communauté de communes de refondre le décompte définitif sur le fondement d'éléments qui n'y figurent pas ;
- or, en l'absence d'erreur purement matérielle, s'applique le principe du caractère intangible du décompte général et définitif et, par voie de conséquence, elle est fondée à demander le paiement du solde du marché tel que fixé par ce décompte, majoré des intérêts moratoires tels que prévus par les stipulations de l'article 6.3 du cahier des clauses administratives particulières et dont le point de départ est fixé, par l'article 6.1 du même texte, à 30 jours à compter de la date de réception du décompte général et définitif.
Par un mémoire, enregistré le 3 décembre 2019, la communauté de communes de Lacq-Orthez, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante le paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que :
- le solde du marché concerné était manifestement entaché d'une erreur purement matérielle, eu égard au montant que la société appelante avait effectivement perçu, soit 3 904 987,08 euros, dont il découlait un solde débiteur de 202 269,96 euros ; cette erreur provenant de la déduction des pénalités dans le décompte ;
- en conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a estimé qu'il existait une contestation sérieuse quant à l'existence de la créance revendiquée par la société GTM et, par suite, qu'il a rejeté la demande de cette dernière.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de procédure civile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné, par décision du 2 septembre 2019, M. C... en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes de Lacq-Orthez (CCLO) a confié, le 30 juillet 2013, à la société GTM Bâtiment Aquitaine un marché de travaux portant sur l'exécution du lot 2 B " Gros-oeuvre " dans le cadre de la construction d'un centre culturel multimédia à Mourenx (Pyrénées-Atlantiques). Par courrier du 23 juin 2017, cette communauté de communes a notifié à cette société le décompte général et définitif arrêté au montant de 3 702 717,11 euros TTC.
2. La société GTM Bâtiment Aquitaine relève appel de l'ordonnance du 29 juillet 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la CCLO à lui verser une provision de 183 235,97 euros au titre du solde du décompte général.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
3. D'une part et aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.
4. D'autre part, l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire. Après la transmission au titulaire du marché du décompte général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte général. Il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s'il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d'ouvrage et celles à l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves.
5. Enfin, aux termes de l'article 1269 du code de procédure civile : " Aucune demande en révision de compte n'est recevable, sauf si elle est présentée en vue d'un redressement en cas d'erreur, d'omission ou de présentation inexacte ".
6. Il est constant que le décompte général, devenu définitif, du marché cité au point 1 fait apparaître un montant total de 4 011 987,04 euros après révision, dont doit être déduite la somme de 309 270,82 euros correspondant aux pénalités et frais engagés, soit un montant net à percevoir par la société GTM Bâtiment Aquitaine de 3 702 717,11 euros TTC. Il est également constant que ce décompte fixe à 196 110,16 euros le solde net à payer de ce marché, dont 183 235,97 euros à verser à la société appelante.
7. Si la CCLO soutient que ce solde résulte d'une erreur purement matérielle, celle-ci ne ressort pas du décompte précité, qui, comme il a été exposé au point précédent, mentionne le montant des versements effectués à la société ainsi que des pénalités et frais engagés devant être déduit des sommes dues à la société. Est sans influence à cet égard la circonstance, du reste dûment contestée par la société, que celle-ci aurait effectivement perçu de la CCLO la somme totale de 3 904 987,08 euros.
8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il besoin d'examiner la régularité de l'ordonnance litigieuse, la société GTM Bâtiment Aquitaine est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la CCLO à lui verser la somme de 183 235,97 euros à titre provisionnel.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
9. La somme de 183 235,97 euros mentionnée au point précédent sera assortie des intérêts moratoires prévus par les stipulations du deuxième alinéa de l'article 6.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché concerné, dans les conditions qui résultent des stipulations de l'article 6.1 de l'acte d'engagement, qui fixent le délai maximum de paiement du solde du marché à 30 jours à compter de la date de réception du décompte général et définitif par le maître d'ouvrage.
10. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.
11. Il résulte de l'instruction que le décompte général et définitif précité a été envoyé à la société GTM Bâtiment Aquitaine le 23 juin 2017. Par conséquent et dans la mesure où la date de réception de ce décompte par la CCLO ne ressort pas des pièces versées en première instance et en appel, il y a lieu, en application des stipulations de l'article 6.1 de l'acte d'engagement, de faire partir le délai à partir duquel ont couru les intérêts au 30ème jour suivant le 23 juin 2017. En conséquence, l'appelante a droit à la capitalisation des intérêts à compter du 24 juillet 2018, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société GTM Bâtiment Aquitaine, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande la CCLO au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la CCLO le paiement à la société GTM Bâtiment Aquitaine de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du 29 juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Pau est annulée.
Article 2 : La CCLO versera à la société GTM Bâtiment Aquitaine une provision de 183 235,97 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 24 juillet 2017. Les intérêts échus à la date du 24 juillet 2018, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts
Article 3 : La CCLO versera à la société GTM Bâtiment Aquitaine une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiée GTM Bâtiment Aquitaine et à la communauté de communes de Lacq-Orthez.
Fait à Bordeaux, le 20 décembre 2019.
Le juge d'appel des référés,
C...
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition certifiée conforme.
La greffière,
Camille Péan
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No 19BX03096