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23/05/2019 | FRANCE | N°18BX03977

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 23 mai 2019, 18BX03977


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...K...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2018 par lequel le préfet du Lot a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800644 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté du préfet du Lot du 8 janvier 2018.

Procédure devant la cour :

Par une re

quête enregistrée le 20 novembre 2018 et un mémoire enregistré le 23 janvier 2019, le préfet du Lo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...K...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2018 par lequel le préfet du Lot a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800644 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté du préfet du Lot du 8 janvier 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2018 et un mémoire enregistré le 23 janvier 2019, le préfet du Lot demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 octobre 2018.

Il soutient que :

- la composition du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration était régulière ;

- l'absence de mention du médecin rapporteur dans l'avis du collège des médecins de l'Office de l'intégration et de l'immigration n'est pas de nature à priver l'intéressée d'une garantie dès lors que le rapport a bien été établi par un médecin de l'Office de l'intégration et de l'immigration n'ayant pas participé au collège.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2019, MmeD..., représentée par MeA..., conclut :

- au rejet de la requête.

- à ce qu'il soit enjoint au préfet du Lot de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dès le prononcé de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

- à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- le préfet du Lot, ne faisant que reprendre dans son recours ses précédents moyens sans apporter le moindre élément de preuve complémentaire, elle entend reprendre la totalité des moyens qu'elle avait soulevés devant le tribunal administratif de Toulouse ;

- le signataire de l'arrêté n'a pas été régulièrement habilité ;

- le refus de renouvellement de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne mentionne pas le nom du médecin rapporteur ce qui ne permet pas de s'assurer de la régularité de la composition du collège ;

- son état de santé nécessite un suivi médical constant et régulier. Elle n'a pas de ressources suffisantes pour accéder au même traitement dans son pays d'origine. Le refus litigieux méconnaît donc le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle encourt un risque en cas de retour au Congo où le mari d'une patiente décédée à l'hôpital où elle exerçait, assisté de collègues militaires, l'ont violemment frappée. Puis les membres de sa famille ont également été menacés et frappés. Elle réside en France depuis cinq ans et a travaillé lorsqu'elle disposait d'un titre de séjour. Ces circonstances justifient l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour ces mêmes motifs, le refus de renouvellement de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée en fait ;

- la décision fixant le pays de renvoi, en raison du risque précédemment énoncé, méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ordonnance du 7 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 février 2019.

Mme K...a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. B...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme K...épouseD..., ressortissante congolaise née le 8 février 1988, est entrée irrégulièrement en France le 3 juillet 2013 afin d'y solliciter l'asile politique. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 20 mai 2015 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 6 mai 2016. Elle a alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire valable du 20 septembre 2016 au 19 septembre 2017. Elle a sollicité le renouvellement de son titre le 19 septembre 2017. Par arrêté du 8 janvier 2018, le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Lot relève appel du jugement du 20 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de MmeD..., annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

4. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...) Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".

5. Pour annuler l'arrêté en date du 8 janvier 2018, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que la procédure était entachée d'une irrégularité eu égard à la circonstance que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 28 novembre 2017 ne mentionnait pas le nom du médecin instructeur qui a établi le rapport médical au vu duquel il a été émis et qu'aucun élément n'avait été apporté par le préfet du Lot permettant d'établir que ce médecin n'avait pas siégé au sein de cet organisme consultatif.

6. Toutefois, d'une part, il ne résulte d'aucune des dispositions précitées, ni d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établit le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Par suite, le défaut de mention de ce nom sur l'avis est sans incidence sur sa régularité et, par voie de conséquence, sur la légalité du refus de titre de séjour.

7. D'autre part, il ressort des pièces versées au dossier par le préfet du Lot en appel, et notamment de l'attestation de publication du médecin coordonateur de la zone sud-ouest de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 15 novembre 2018 que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 28 novembre 2017 a été rendu au vu du rapport établi par le docteur F...alors que le collège des médecins était composé des docteursE..., G...etJ.... Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 et de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile manquent en fait.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Lot est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a, pour ce motif, annulé l'arrêté du 8 janvier 2018. Il y a lieu pour la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...devant le tribunal administratif de Toulouse et la cour.

Sur la légalité de l'arrêté en date du 8 janvier 2018 :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

9. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été signé par Marc Makhlouf, secrétaire général de la préfecture du Lot, qui avait reçu, par un arrêté du 4 septembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, délégation à effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, requêtes juridictionnelles, correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de la réquisition du comptable et des réquisitions de la force armée. Au surplus, la circonstance que M. I...H...ait reçu, par arrêté du 23 novembre 2017, délégation à effet de signer les obligations de quitter le territoire français, la fixation du pays de renvoi d'un étranger et l'interdiction de retour, est, en tout état de cause, sans incidence dès lors que cette délégation ne vaut que pour les jours de permanence des membres du corps préfectoral. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne le refus de renouvellement de titre de séjour :

10. En premier lieu, l'arrêté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application, notamment le 11° de l'article L. 313-11. L'arrêté mentionne également les éléments relatifs à la situation de Mme D...et notamment son entrée irrégulière en France le 3 juillet 2013, le rejet de sa demande d'asile le 20 mai 2015 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis le 6 mai 2016 par la Cour nationale du droit d'asile ainsi que la présence de son fils mineur dans son pays d'origine. S'agissant de son état de santé, l'arrêté précise que selon l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Cette motivation mentionnant les circonstances de droit et de fait fondant le refus de renouvellement de titre de séjour, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aucun texte ni aucun principe n'impose à l'autorité préfectorale de communiquer à l'étranger l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au vu duquel a été prise la décision portant refus de titre de séjour.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la requérante présente un état anxio-dépressif qui serait dû à des traumatismes subis en République démocratique du Congo et souffre d'une obésité morbide avec des problèmes d'apnée du sommeil. Cependant, les pièces versées au dossier par Mme D...ne se prononcent pas sur les conséquences d'un défaut de prise en charge médicale, à l'exception du certificat médical du 26 mai 2016 qui précise que pour le traitement de son apnée du sommeil, son appareillage doit bénéficier d'un suivi technique et médical dont l'arrêt du traitement pourrait entraîner effectivement des conséquences délétères pour sa santé. Cette indication, peu circonstanciée sur les conséquences de l'arrêt du traitement, ne permet pas à elle seule de remettre en cause l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme étant infondé.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

14. Mme D...soutient qu'elle ne peut retourner en République démocratique du Congo parce qu'elle y a été agressée par des militaires à la suite du décès de l'épouse de l'un d'entre eux dans l'hôpital où elle travaillait en tant qu'infirmière, qu'elle est parfaitement intégrée sur le territoire français car investie en tant que bénévole auprès de la Croix Rouge, qu'elle a travaillé à temps partiel en tant qu'agent polyvalent de restauration en contrat à durée déterminée et comme aide à domicile lorsqu'elle était titulaire d'un titre de séjour. S'agissant du risque allégué en cas de retour en République démocratique du Congo, s'il ressort des pièces du dossier que Mme D...présente des blessures compatibles avec son récit et établit avoir exercé le métier d'infirmière, elle ne produit aucune pièce démontrant l'actualité du risque alors que les violences évoquées remontent à l'année 2013. Par ailleurs, la circonstance que Mme D...soit titulaire de contrats de travail ne constitue pas par elle-même un motif exceptionnel de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " salarié ". Elle ne peut dès lors être regardée comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnel d'admission au séjour au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

16. Mme D...se prévaut de ce qu'elle est parfaitement intégrée sur le territoire français car investie en tant que bénévole auprès de la Croix Rouge, travaillant à temps partiel en tant qu'agent polyvalent de restauration en contrat à durée déterminée et comme aide à domicile en contrat à durée indéterminée. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante, célibataire et sans charge de famille, aurait établi le centre de ses intérêts privés et familiaux sur le territoire français où elle ne fait état d'aucune attache familiale. De plus, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son fils mineur et ses parents, nonobstant le fait qu'elle soutienne ne plus avoir de leurs nouvelles. Dans ces circonstances, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

17. En dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation doit être écarté pour les motifs énoncés aux points 14 et 16.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

19. En second lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation doit être écarté pour les motifs énoncés au point 17.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

20. En premier lieu, l'arrêté vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne le rejet de sa demande d'asile ainsi que la circonstance qu'elle ne produit pas de justificatif de nature à faire regarder Mme D...comme craignant pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté énonce ainsi les considérations de droit et de fait fondant la décision fixant le pays de destination.

21. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1º A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2º Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3º Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ces dispositions et stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

22. Comme indiqué précédemment, l'actualité du risque dont se prévaut Mme D...n'est pas établie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent être accueillis.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Lot est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 8 janvier 2018. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens présentées par Mme D...ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800644 du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande de Mme D...devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme K...épouseD.... Copie en sera adressée au préfet du Lot.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président- assesseur,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 23 mai 2019.

Le rapporteur,

Paul-André B...Le président- assesseur

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

18BX03977


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03977
Date de la décision : 23/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET D'AVOCAT LAURENT BELOU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-23;18bx03977 ?
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