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13/02/2019 | FRANCE | N°18BX02562

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 13 février 2019, 18BX02562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision d'un montant de 1 230 891,62 euros à valoir sur la réparation des préjudices liés à l'accident médical non fautif dont elle a été victime.

Par ordonnance n° 1800188 du 18 juin 2018

, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision d'un montant de 1 230 891,62 euros à valoir sur la réparation des préjudices liés à l'accident médical non fautif dont elle a été victime.

Par ordonnance n° 1800188 du 18 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juin et le 2 août 2018, MmeB..., représentée par MeD..., demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 18 juin 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une provision d'un montant de 1 230 890,62 euros, majorée des intérêts au taux légal, avec capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 105 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que l'obligation de réparation par l'ONIAM était sérieusement contestable en raison de ce qu'il était possible que le CHU de Poitiers ait commis une faute ;

- en effet, même dans cette hypothèse il incombe à l'ONIAM d'indemniser le patient victime d'un accident médical, à charge pour lui de se retourner contre l'établissement public de santé qui pourrait être tenu pour responsable ;

- en tout état de cause, l'analyse critique à laquelle se réfère l'ONIAM n'émane pas de médecins neurologues et ne répond pas à la question de savoir si le cathéter avait été posé dans des conditions conformes aux données acquises de la science à l'époque des faits ;

- elle est par conséquent en droit d'obtenir l'annulation de l'ordonnance attaquée et la condamnation de l'ONIAM à lui verser une provision destinée à indemniser l'ensemble des préjudices qui lui ont été causés par l'accident médical concerné ;

- ainsi, une indemnité de 12 000 euros lui sera allouée au titre de son préjudice scolaire ;

- l'incidence professionnelle sera réparée par l'allocation d'une indemnité de 50 000 euros ;

- elle a besoin de l'assistance d'une tierce personne deux heures par jour pour pouvoir être véhiculée, ce qui représente un coût annuel de 18 128 euros et, après application de l'euro de rente viagère correspondant à son âge au jour de la consolidation, soit 18 ans, un total de 856 584,25 euros ;

- elle a subi une période de déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % qui doit conduire à lui accorder une indemnité de 14 710,15 euros et une période de déficit fonctionnel temporaire de 107 mois au taux de 50 % qui sera réparée par l'octroi d'une somme de 39 597,22 euros ;

- les souffrances endurées, évaluées à 3/7, donneront lieu à une indemnisation à hauteur de 8 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent est évalué à 50 % et doit conduire à lui allouer une indemnité de 250 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 19 juillet 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'indemnisation des préjudices de Mme B...au titre de la solidarité nationale se heurte à des contestations sérieuses ;

- en effet, des fautes ont été commises lors de la pose du cathéter, ainsi que cela ressort de l'analyse médicale qu'il a communiquée, qui n'avait nul besoin d'émaner de neurologues eu égard à l'appréciation à effectuer en l'occurrence ;

- l'appelante ne saurait, en outre, lui opposer l'avis rendu par la CRCI ;

- il n'a ainsi fait une offre d'indemnisation qu'en raison de ce qu'il avait résolu d'exercer un recours subrogatoire à l'encontre du CHU ;

- par ailleurs, lorsque la faute a précédé l'aléa thérapeutique la charge de l'indemnisation incombe à l'auteur de cette faute, ce qui est le cas en l'espèce ;

- l'appelante commet ainsi une confusion entre le régime d'indemnisation des infections nosocomiales et celui afférent aux accidents médicaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

- la décision du Conseil d'État du 30 mars 2011 n° 327669.

Le président de la cour a désigné M. E...en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 avril 2003, AmandineB..., alors âgée de six ans, a été hospitalisée au centre hospitalier universitaire de Poitiers (CHU) en raison d'un épanchement pleural, d'adénopathies médiastinales et cervicales et d'une hépato-splénomégalie. Le diagnostic de leucémie aiguë lymphoblastique a été posé. Le 25 avril 2003, l'épanchement pleural a été ponctionné, sous anesthésie générale, avec pose d'un cathéter veineux double voie sur la sous-clavière gauche. Le 26 avril 2003, Mme B...a été victime d'une crise convulsive généralisée avec mouvement clonique et cyanose puis d'une phase post critique contemporaine de la manipulation du cathéter central. Un oedème important a également été constaté sur le bras gauche. Un examen tomodensitométrique (TDM) cérébral a alors été réalisé et a mis en évidence une hypodensité dans le territoire de l'artère cérébrale postérieure gauche évoquant un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique. Un examen TDM thoraco-abdomino-pelvien ensuite effectué a révélé la présence du cathéter en position artérielle dans l'artère sous-clavière gauche et dans l'aorte ascendante. Il a été procédé à son retrait. Le 28 avril 2003, un examen par imagerie à résonance magnétique (IRM) encéphalique a mis en évidence un infarctus pariéto-occipital gauche. Par ailleurs, le même jour, une chimiothérapie sur cathéter fémoral a été débutée. Le 12 mai 2003, a été diagnostiquée une thrombose autour du cathéter veineux s'étendant à l'origine de la veine iliaque externe droite par un oedème du membre inférieur. Un examen par IRM encéphalique de contrôle a confirmé l'atteinte ischémique dans le territoire cérébral postérieur gauche et jonctionnel postérieur gauche et a mis en évidence l'apparition d'une leucomalacie macrokystique et la persistance d'une atrophie avec dilatation de la corne ventriculaire.

2. Mme B...a saisi, le 5 janvier 2016, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de la région Poitou-Charentes (CRCI) d'une demande d'indemnisation des préjudices subis en raison de son hospitalisation au CHU aux mois d'avril et de mai 2003. Une expertise médicale a été confiée à un collège d'experts, qui a rendu son rapport le 17 mai 2016, retenant notamment une consolidation à compter du 1er mars 2015. Sur la base de ce rapport, la CRCI a émis un avis, le 8 septembre 2016, retenant un accident médical non fautif indemnisable par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale. Le 6 janvier 2017, l'ONIAM a proposé d'indemniser Mme B...à hauteur de 33 061,50 euros. Estimant cette offre insuffisante, Mme B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers la condamnation de l'ONIAM à lui verser une provision de 1 230 891,62 euros. Elle relève appel de l'ordonnance du 18 juin 2018 par laquelle ledit juge des référés a rejeté sa demande.

3. D'une part et aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ... n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient (...) au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'incapacité temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique qu'elles font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, lorsque ce dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité.

6. Il est constant que les préjudices subis par l'appelante trouvent leur origine dans un accident ischémique lui-même causé par le mauvais positionnement d'un cathéter, qui s'est retrouvé par erreur dans l'artère sous-clavière gauche et dans l'aorte ascendante. Cependant si les experts désignés par la CRCI ont estimé que cette erreur n'était pas fautive, l'analyse médicale produite par l'ONIAM contredit, d'une manière sérieuse et argumentée, cette affirmation de sorte qu'en l'état de l'instruction et comme l'a estimé le premier juge il existe une incertitude réelle relativement à l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité du CHU. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a considéré que l'existence d'une obligation du CHU à l'égard de Mme B...ne pouvait être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser une provision. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : La requête n° 18BX02562 de Mme B...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C...B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-maritime.

Copie en sera adressée pour information au centre hospitalier universitaire de Poitiers.

Fait à Bordeaux, le 13 février 2019.

Le juge des référés,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

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No 18BX02562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 18BX02562
Date de la décision : 13/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET SOURON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-13;18bx02562 ?
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