Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M.A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler les arrêtés du préfet de la Guyane en date du 28 mars 2017 et du 29 juin 2017 portant, d'une part, refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de renvoi et, d'autre part, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1700764 du 8 février 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2018, M. B..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 8 février 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 28 mars 2017 et du 29 juin 2017 du préfet de la Guyane ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il est marié à une ressortissante de nationalité française et ils ont vécu ensemble avant leur mariage. Il est entré en France en septembre 2014, il parle français et il travaille. Le refus de titre de séjour méconnaît ainsi les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée faute de viser l'un des cas mentionnés aux alinéas 3 à 11 de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- pour les motifs énoncés précédemment, l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée faute de motiver au regard des quatre critères énoncés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce défaut de motivation révèle une erreur de droit, ces critères étant cumulatifs et non alternatifs ;
- l'interdiction de retour sur le territoire porte français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entaché d'une erreur d'appréciation sur la durée, deux années étant excessive au regard de l'absence de menace à l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2018, le préfet de la Guyane conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2017 sont irrecevables en raison de leur tardiveté. Cet arrêté a été notifié le 25 avril 2017 et le recours n'a été enregistré que le 10 août 2017, postérieurement à l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article L. 421-1 du code de justice administrative. Le recours hiérarchique n'a pu proroger le délai de recours contentieux de même que la demande d'aide juridictionnelle qui n'a été enregistrée que postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux et qui concerne en réalité la demande d'annulation de l'arrêté du 29 juin 2017 ;
- le contrat de travail produit au soutien de sa demande de titre de séjour n'est pas visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et ne remplit donc pas les conditions lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entré récemment en France en 2014, il a conservé des attaches familiales à Haïti où réside notamment son père. Le refus de titre de séjour ne porte donc pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- il n'a pas produit de preuve de la communauté de vie antérieure à l'arrêté contesté et ne pouvait donc prétendre à l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour qui est suffisamment motivé ;
- l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale pour les motifs énoncés précédemment ;
- l'arrêté mentionne toutes les circonstances de fait fondant l'interdiction de retour ;
- selon la jurisprudence, il n'a pas à mentionner le critère de la menace à l'ordre public s'il ne se fonde pas dessus ;
- l'interdiction de retour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale pour les motifs énoncés précédemment.
Par ordonnance du 14 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 août 2018 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant haïtien né le 11 janvier 1986, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France en septembre 2014. A la suite de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B...a bénéficié de récépissés de demande de titre de séjour valables du 16 janvier 2016 au 19 décembre 2016 avant que le préfet de la Guyane, par un arrêté du 28 mars 2017, rejette cette demande et assortisse ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. Puis, à la suite d'une interpellation par les services de police, le préfet de la Guyane a, par un arrêté du 29 juin 2017, prononcé à l'encontre de M. B...une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B...relève appel du jugement du tribunal administratif de la Guyane du 8 février 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du préfet de la Guyane.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ( ...)". Aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 susvisé : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. Lorsque la décision est prononcée par le bureau ou la section du bureau, copie de cette décision est adressée par le secrétaire du bureau au greffier ou au secrétaire de la juridiction compétente lequel classe cette décision au dossier de procédure. L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué.".
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M.B..., qui a sollicité l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle lors de l'enregistrement de sa requête le 31 mai 2018, ait depuis entrepris des démarches auprès du bureau d'aide juridictionnelle en vue de compléter cette demande, qui est dépourvue de toute précision permettant de penser qu'il remplirait les conditions pour bénéficier de cette aide. En outre, la condition d'urgence énoncée à l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 n'est pas remplie. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'admettre provisoirement M. B...à l'aide juridictionnelle.
Sur la légalité de l'arrêté du 28 mars 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français comparées à celles dont il dispose dans son pays d'origine, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.
5. Si M. B...se prévaut de la présence en France de son épouse, de nationalité française, il ressort des pièces du dossier que le mariage, qui a été célébré le 15 décembre 2016, est récent. De même, si le requérant soutient que la communauté de vie est antérieure au mariage, les pièces produites au soutien de cette allégation se rattachent à l'année 2016, de sorte que, à la date de l'arrêté contesté, la communauté de vie était également récente. Si M.B..., se prévaut en outre de son intégration par la maîtrise de la langue française et l'exercice des fonctions de manoeuvre d'octobre à décembre 2016, ces éléments ne sont pas suffisants, au regard de la durée et des conditions du séjour, du caractère récent du mariage et de la présence d'attaches familiales, à tout le moins de son père, dans son pays d'origine, pour caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts auxquels le refus a été opposé. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ". Si M. B...ne conteste pas la motivation du refus de titre de séjour, il soutient que l'arrêté ne précise pas l'hypothèse en vertu de laquelle il pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Cependant l'arrêté litigieux vise le 3° du I de l'article L. 511-1 en vertu duquel un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français lorsque la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour lui a été refusé. Dès lors, le défaut de motivation allégué manque en fait.
7. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation de M. B...doivent être écartés pour les motifs énoncés au point 5.
Sur la légalité de l'arrêté du 29 juin 2017 :
8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour.
9. Si M. B...se maintient irrégulièrement sur le territoire national et n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français du 28 mars 2017, ces seules circonstances ne sont pas de nature à justifier la durée maximale de l'interdiction de retour sur le territoire français, soit deux ans dans le cas d'espèce, alors qu'il est marié à une Française. Dans ces circonstances, le préfet de la Guyane a fait une inexacte appréciation de la situation de M. B...au regard des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin, d'une part, de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Guyane à l'encontre des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2017 et, d'autre part, d'examiner les autres moyens invoqués contre l'arrêté du 29 juin 2017, que M. B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. L'exécution du présent arrêt, qui se borne à annuler l'interdiction de retour sur le territoire français, n'implique ni la délivrance d'un titre de séjour ni le réexamen de la situation de M.B.... Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B...tendant au paiement desdits frais.
DECIDE
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Guyane du 29 juin 2017 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane n° 1700764 du 8 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... B..., au ministre de l'intérieur et au ministre des Outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Braud, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018
Le rapporteur,
Paul-André Braud
Le président,
Marianne Pouget Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 18BX02215