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26/10/2018 | FRANCE | N°18BX02041

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 26 octobre 2018, 18BX02041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801758 du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2018, M. A... C..., représenté par Me

D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801758 du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2018, M. A... C..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 13 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi sur l'aide juridique.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé le préfet et les premiers juges, la circonstance qu'il ne vive plus avec la mère de sa fille avec qui il entretient des relations conflictuelles ne fait pas obstacle à ce qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant au sens de l'article 371-2 du code civil ;

- il ressort de l'audition de la mère de sa fille du 9 avril 2018 qu'il s'occupe de sa fille et peut lui rendre visite. Il contribue financièrement, à proportion de ses capacités, à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Dès lors, l'arrêté méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 10 de l'accord tunisien du 17 janvier 1988, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégal en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par ordonnance du 2 juillet 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 août 2018 à midi.

M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...C..., ressortissant tunisien né le 5 mai 1973, a épousé à Nice le 7 juin 2013 MmeE..., ressortissante de nationalité française. Il a alors sollicité la délivrance d'un visa en qualité de conjoint de français et est ainsi entré régulièrement en France le 30 mars 2014 sous couvert d'un visa de long séjour. Il a ensuite bénéficié d'un titre de séjour valable jusqu'au 13 mars 2016. Entretemps, M. A...C...s'est séparé de sa femme et a sollicité le 8 mars 2016 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, le couple ayant eu une fille née le 30 mars 2015. Par un arrêté du 6 décembre 2016, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Cette mesure d'éloignement n'ayant pas été exécutée, M. A...C...a été interpellé par la police le 9 avril 2018 à la suite d'une plainte déposée par Mme E...pour harcèlement moral et non respect du contrôle judiciaire en vertu duquel il ne devait pas entrer en relation avec MmeE.... Par un arrêté du même jour, le préfet des Alpes-Maritimes a fait obligation à M. A...C...de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. M. A...C...relève appel du jugement du 13 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français: (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ". M. A...C...ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations dès lors, qu'à la date de l'arrêté contesté, il séjournait irrégulièrement sur le territoire français.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.

4. Il n'est pas contesté et il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux d'audition que M. A...C...a fait l'objet, dans le cadre de la procédure de divorce, d'un contrôle judiciaire en vertu duquel il ne devait ni entrer en relation avec Mme E...ni se rendre au domicile conjugal. S'il ressort des pièces du dossier, et notamment des mandats cash et photographies, que M. A...C...contribue à l'entretien et à l'éducation de sa fille, les pièces produites ne permettent pas d'établir qu'il contribue à son entretien et à son éducation depuis sa naissance, ou à tout le moins depuis au moins deux ans à la date de l'arrêté contesté, l'existence de contacts entre M. A...C...et sa fille durant la période de contrôle judiciaire n'étant pas établie : les trois photographies ne sont pas datées, les attestations de Mme E...sont fort peu circonstanciées et les tickets de caisse et factures produits ne se rattachent pas nécessairement à des achats effectués pour le compte de sa fille. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français comparées à celles dont il dispose dans son pays d'origine, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.

6. Si M. A...C...se prévaut de la présence en France de sa fille, il n'établit ni même n'allègue avoir la garde de cette enfant ni exercer les droits que lui confère le jugement de divorce ou être dans l'impossibilité de le faire. En outre, M. A...C...n'établit pas davantage être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, et eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, l'arrêté litigieux n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. Si M. A...C...se prévaut de la circonstance qu'il sera séparé de sa fille, il n'établit ni même n'allègue, comme indiqué au point 6, exercer les droits que lui confère le jugement de divorce ou être dans l'impossibilité de le faire.

9. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A...C...n'est pas fondé à soutenir que le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégal en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui le fonde.

10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2018 du préfet des Alpes-Maritimes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Agnès Bourgol, conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018

Le rapporteur,

Paul-André Braud

Le président,

Marianne Pouget Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02041
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite. Parents d'enfants français résidant en france.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BILLA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;18bx02041 ?
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