La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2018 | FRANCE | N°18BX01831

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 26 octobre 2018, 18BX01831


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800094 du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2018, M. A..., repr

senté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800094 du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 10 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2017 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant soit la mention " vie privée et familiale " soit la mention " salarié " sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente en l'absence de délégation de signature régulièrement publiée ;

- la motivation de l'arrêté est stéréotypée et ne fait pas mention de ses attaches familiales en France ;

- son frère aîné est porté disparu depuis 2000 et c'est sa seule attache familiale au Cambodge. Son père, sa mère, sa soeur et son frère résident régulièrement en France ainsi que son grand-père maternel. Le refus de séjour méconnaît donc le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- sa situation présente des circonstances humanitaires exceptionnelles. Le décès de ses grands-parents, qui l'ont élevé au Cambodge, l'a plongé dans une profonde dépression. Il fait toujours l'objet d'un suivi sur le plan psychique. Un retour au Cambodge n'est pas envisageable en raison du stress post-traumatique dont il souffre. Eu égard à son état de santé et à la situation au Cambodge, le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- dans le cadre d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour le préfet n'a pas exploité le contrat de travail simplifié en qualité de cuisinier au motif qu'il se maintient illégalement sur le territoire national. Ce motif ne pouvait être opposé dans le cadre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne subordonne pas la délivrance d'un titre de séjour à une entrée sur le territoire national sous couvert d'un visa de long séjour. Le défaut de consultation de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, conformément à ce que prévoit l'article R. 5221-17 du code du travail, révèle une méconnaissance des articles L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 5221-17 du code du travail ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.

Il fait en outre valoir que M. A...a retiré le 24 mai 2018 un dossier de demande d'asile mais il n'a pas déposé de demande d'asile.

Un mémoire présenté pour M. A...a été enregistré le 5 septembre 2018, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Par ordonnance du 14 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 août 2018 à midi.

M. A...n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 17 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant cambodgien né le 11 mai 1988, est entré en France le 29 juin 2012 sous couvert d'un visa de court séjour. En réponse à sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Haute-Garonne a, par un arrêté du 13 décembre 2012, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Cet arrêté n'ayant pas été exécuté, M. A...a, le 29 août 2017, déposé une nouvelle demande sur le fondement des articles L. 313-10, L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Haute-Garonne a, par un arrêté du 22 novembre 2017, rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse 10 avril 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 novembre 2017 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. Il ressort des pièces du dossier que le père de M. A...est entré en France en 2000 et a été rejoint par son épouse et son fils cadet dans le cadre d'une procédure de regroupement familial en 2007. M. A...étant alors âgé de 19 ans, il n'a pu bénéficier de la procédure de regroupement familial. Il est resté au Cambodge auprès de ses grands parents paternels jusqu'à leur décès et est entré en France en 2012 à l'âge de 24 ans. Ses parents, son grand-père paternel, sa soeur, mariée à un ressortissant français, et un frère résident régulièrement en France sous couvert de cartes de résident. Il n'est pas contesté qu'à la date de l'arrêté attaqué, les seules attaches familiales qu'il possède dans son pays d'origine sont deux frères. Toutefois, le requérant soutient sans être contredit que l'un d'eux est porté disparu. L'intensité de ses liens avec les membres de sa famille résidant en France est établie par les pièces versées au dossier qui démontrent que M. A...est hébergé par ses parents. Ainsi, si M. A...est célibataire et sans enfant, l'essentiel de ses attaches familiales résident en France. En outre, sa maîtrise de la langue française et la promesse d'embauche qui lui a été faite pour travailler en qualité de cuisinier à temps complet témoignent de ses efforts d'intégration, nonobstant l'inexécution de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre en 2012. Dans ces conditions, l'arrêté porte au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2017 du préfet de la Haute-Garonne.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et ressortant des pièces du dossier, la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A...ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1800094 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 22 novembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M.C... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.

Le rapporteur,

Paul-André BraudLe président,

Marianne Pouget

La greffière,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01831
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SADEK SALIHA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;18bx01831 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award