La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2018 | FRANCE | N°18BX02506

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 11 juillet 2018, 18BX02506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2017 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de lui renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance n° 1800284 du 11 avril 2018, le vice-président du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande au juge des ré

férés :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle,

2°) de suspendre l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2017 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de lui renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance n° 1800284 du 11 avril 2018, le vice-président du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande au juge des référés :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle,

2°) de suspendre l'arrêté préfectoral portant refus de renouvellement de son titre de séjour du 7 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectoral, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de renouvellement du titre de séjour :

- la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie ; en effet, la mise à exécution de l'arrêté contesté entraînerait pour lui des conséquences difficilement réparables dès lors qu'il le priverait de son droit au respect d'une vie privée et familiale normale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; d'autant le refus de renouvellement le place dans une situation de précarité alors qu'il était en situation régulière ;

- il existe un doute sérieux de la légalité de la décision préfectorale dès lors que l'arrêté critiqué l'invite à prendre toutes dispositions utiles pour quitter le territoire français qui ne peut être regardé comme une décision faisant obligation de quitter le territoire français au sens de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; par conséquent la décision a été prise sur un mauvais fondement juridique ;

- l'arrêté critiqué viole les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car, outre que le préfet s'est considéré lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFFII), car le préfet n'a pu apprécier la gravité de son état de santé, le collège de médecins s'étant prononcé uniquement sur son diabète et non sur son hépatite B ;

- le préfet ne s'est pas prononcé sur la disponibilité du traitement qui lui est nécessaire alors que la décision confirme la nécessaire prise en charge médicale liée à son état de santé ;

- la décision porte atteinte à son droit au respect de sa vie familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puisqu'entré en France depuis 2008, il s'y maintient en toute régularité depuis 5 ans et qu'y vivant avec toute sa famille, il y a désormais fixé le centre de ses intérêts ;

- la décision a été prise en violation des dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, puisque le refus de renouvellement de son titre de séjour entrainerait une séparation de ses 5 enfants pour lesquels il contribue à l'entretien et l'éducation ;

- le préfet a commis une erreur manifeste en refusant de faire usage de son pouvoir général de régularisation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est irrégulière du fait de l'illégalité de la décision préfectorale de refus de renouvellement du titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

Vu :

- la requête à fin d'annulation, enregistrée le 26 juin 2018 sous le n° 1802504 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Cornevaux, président-assesseur de la 6ème chambre, pour juger les référés.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique, lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. M. B..., ressortissant comorien, a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 décembre 2017 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Il a relevé appel de l'ordonnance du 11 avril 2018 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande. Par la présente requête, il sollicite du juge des référés de la Cour la suspension de l'arrêté préfectoral du 7 décembre 2017.

Sur les conclusions à fin de suspension de l'arrêté préfectoral du 7 décembre 2017 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :

3. Le préfet de Mayotte a, dans son arrêté du 7 décembre 2017, invité M. B... à quitter le territoire dans un délai d'un mois, en précisant qu'en cas de maintien sur le territoire français au-delà de ce délai, l'intéressé s'exposerait à l'édiction d'une mesure d'éloignement. Cette " invitation à quitter le territoire français ", qui ne peut être regardée comme une décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français au sens de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne saurait caractériser, de par ses effets, l'existence d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

4. Le législateur, par les dispositions des I et II de l'article L. 511-1 et de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entendu déterminer l'ensemble des règles de la procédure contentieuse régissant la contestation de la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Eu égard aux caractéristiques particulières de cette procédure, l'étranger qui fait appel du jugement rejetant sa demande en annulation d'une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'est, en principe, pas recevable à demander au juge des référés de la Cour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision. Un arrêté préfectoral prononçant une obligation de quitter le territoire français n'est justiciable d'une procédure de référé-suspension que dans le cas où les mesures par lesquelles il est procédé à son exécution comportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait depuis l'intervention de cet arrêté, excèdent le cadre qu'implique normalement sa mise à exécution. A supposer que la décision préfectorale puisse être regardée comme une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, M. B...n'invoque aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait survenu postérieurement à l'intervention de l'arrêté attaqué et qui serait susceptible de faire obstacle à son exécution normale. Il s'ensuit que M. B... n'est donc pas recevable à demander au juge des référés de la Cour, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet arrêté en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fin de suspension de l'arrêté préfectoral du 7 décembre 2017 en tant qu'il porte refus de renouvellement au séjour :

En ce qui concerne l'urgence :

5. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Cette condition d'urgence est en principe satisfaite dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est vu délivré quatre titres de séjour successifs régulièrement renouvelés depuis le 23 juillet 2013, le dernier prenant fin le 16 août 2017. Par suite, et alors que le préfet de Mayotte ne fait état d'aucune circonstance de nature à faire échec à la présomption d'urgence, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

En ce qui concerne les moyens propres à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué :

7. Le moyen par lequel M. B... soutient que le préfet, en se bornant à se référer à la décision du collège des médecins de l'OFII, se serait estimé à tort en situation de compétence liée alors qu'il pouvait user de son pouvoir général de régularisation n'est pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

8. M. B... se prévaut d'un certificat médical établi le 28 juillet 2017 par un médecin hospitalier attestant qu'il souffre d'hépatite B chronique et de diabète de type II. Toutefois, ce seul certificat médical, qui au demeurant a été porté à la connaissance du collège des médecins de l'OFII, s'il atteste que l'état de santé de M. B... nécessite un suivi annuel sans autre précision, ne permet pas de remettre sérieusement en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII qui précise que si l'état de santé de M. B...nécessite une prise en charge, a estimé que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. B... était constitutive d'une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, M. B..., qui ne saurait, en l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé en cas de défaut de prise en charge de sa maladie, utilement faire état de l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de sa décision.

9. A considérer que M. B...puisse être regardé comme mettant en cause la régularité de la procédure faute d'indication, par le collège des médecins du service médical de l'OFFII, dans son avis du 22 novembre 2017, dans les conditions prévues à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, de la possibilité pour M.B..., de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que par cet avis du 22 novembre 2017, sur lequel le préfet de Mayotte s'est fondé dans l'arrêté en litige, le collège des médecins du service médical de l'OFFII a estimé que si l'état de santé de M.B..., nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments de son dossier, son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. Ainsi, dès lors que le collège des médecins du service médical de l'OFFII a estimé que la condition tenant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité du défaut d'une prise en charge médicale n'était pas en l'espèce remplie, l'absence de mention dans l'avis du 22 novembre 2017 du collège des médecins du service médical de l'OFFII relative à l'accès effectif au traitement approprié dans le pays d'origine n'a pas entaché d'irrégularité la procédure sur laquelle repose l'arrêté en litige du 7 décembre 2017 du préfet de Mayotte, qui n'est donc pas de nature à créer un doute sérieux.

10. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que l'épouse de

M. B...réside toujours aux Comores selon ses propres dires, de la méconnaissance par le préfet de son pouvoir de régularisation, et enfin de ce que le préfet aurait entaché l'arrêté contesté d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ne sont pas davantage propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

11. Par ailleurs, il n'est pas établi que la cellule familiale ne puisse se reconstituer aux Comores alors que son épouse, de même nationalité, réside ainsi qu'il a été dit, dans ce pays. Si les enfants de M.B..., ont débuté leur scolarité en France, il n'est pas démontré que ces enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité aux Comores. La seule circonstance qu'ils bénéficieraient d'un meilleur cadre de vie s'ils restaient en France ne permet pas d'établir que le préfet de Mayotte n'aurait pas porté l'attention requise à l'intérêt supérieur de ses enfants, en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'accorder au requérant le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, que la requête de M. B...doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreintes présentées sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative et de celles présentées sur le fondement l'article L. 761-1 du même code et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991.

ORDONNE :

Article 1er : M. B...n'est pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Moussa Mbechezi B...et au ministre d'état, ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de Mayotte.

Fait à Bordeaux, le 11 juillet 2018.

Le juge des référés,

Gil Cornevaux

La République mande et ordonne au ministre d'état, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Le greffier,

Florence Faure

6

No18BX02506


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 18BX02506
Date de la décision : 11/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CHASSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-11;18bx02506 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award