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22/05/2018 | FRANCE | N°17BX03417

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 22 mai 2018, 17BX03417


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A..., agissant en son nom et en qualité de représentante légale de sa fille mineure, E...A..., et M. H...D...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Réunion de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de la Réunion et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles, à verser, à titre provisionnel et sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la somme de 4 272 117,95 euros à Anne-SarahA..., celle de 313 397,

20 euros à Mme F...A...et celle de 287 497,50 euros à M. H...D....

Par ordo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A..., agissant en son nom et en qualité de représentante légale de sa fille mineure, E...A..., et M. H...D...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Réunion de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de la Réunion et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles, à verser, à titre provisionnel et sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la somme de 4 272 117,95 euros à Anne-SarahA..., celle de 313 397,20 euros à Mme F...A...et celle de 287 497,50 euros à M. H...D....

Par ordonnance n° 1700705 du 12 octobre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2017, MmeA..., agissant en son nom et en qualité de représentante légale de sa fille mineure, E...A..., et M.D..., représentés par MeB..., demandent au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 12 octobre 2017 ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de la Réunion et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles, à verser, à titre provisionnel et sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la somme de 4 272 117,95 euros à Anne-SarahA..., celle de 313 397,20 à Mme F...A...et celle de 287 497,50 euros à M. H...D... ;

3°) de mettre à la charge dudit centre hospitalier universitaire une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 deuxième alinéa de la loi du n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la prise en charge d'Anne-Sarah au CHU n'a pas été conforme aux règles de l'art, ainsi que l'a relevé l'expert ;

- ainsi, elle n'a pas bénéficié d'un suivi neurologique adéquat ;

- de plus, elle y a contracté quatre infections nosocomiales et a été atteinte d'une encéphalopathie sévère ;

- or, le CHU ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère dans la survenue des infections nosocomiales ;

- l'information délivrée aux parents a, de surcroît, été insuffisante ;

- l'enfant a subi de nombreux préjudices, patrimoniaux et extrapatrimoniaux : frais divers (couches, lingettes et alèses, alimentation par sonde), frais d'appareillage, assistance par tierce personne, en l'occurrence sa mère, adaptation du logement et du véhicule, déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées de 4/7, déficit fonctionnel permanent évalué à plus de 90 %, préjudice esthétique de 4/7, préjudice d'agrément de 6/7, préjudice d'établissement, troubles dans les conditions d'existence, dont la réparation pourra se faire sous forme de capital et non de rente ;

- les parents, soit Marie-Huguette A...et Marie Francis RenéD..., demandent réparation de leur préjudice moral et affectif et de leur perte de gains professionnels passés et futurs.

Par deux mémoires, enregistrés les 13 et 26 décembre 2017, le centre hospitalier universitaire de la Réunion (CHU) et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par MeC..., concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- l'article L. 1142-1 du code de la santé publique invoqué par les appelants n'est pas applicable à l'espèce, pro rata temporis ;

- en tout état de cause, toutes les infections contractées par l'enfant ne possédaient pas un caractère nosocomial et notamment pas l'entérocolite nécrosante apparue le 13 août 2000 ;

- les autres affections infectieuses subies par l'enfant, qui ont été traitées efficacement, n'ont pas de lien de causalité avec son état de santé actuel ;

- aucune faute ne saurait, par ailleurs, être reprochée s'agissant du suivi neurologique, eu égard, notamment, aux règles de l'art qui prévalaient au moment des faits ;

- de même aucun manquement au devoir d'information ne peut lui être reproché, sachant qu'en tout état de cause une information plus précise n'aurait pu avoir d'influence sur l'évolution de l'état de santé de l'enfant, sauf à regarder la survie de ce dernier comme constituant un préjudice, ce qui ne saurait être admis ;

- enfin et en tout état de cause, les demandes des appelants sont excessives et la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion ne justifie pas du montant de sa créance.

Par deux mémoires, enregistrés le 14 décembre 2017 et le 9 janvier 2018, la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion demande la condamnation solidaire et à titre provisionnel du CHU et de la SHAM à lui verser la somme de 475 930,62 euros en remboursement de ses débours provisoires ainsi qu'à ce qu'il soit mis à leur charge le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle s'en remet à la sagesse du juge des référés de la cour quant à la question de la responsabilité du CHU et soutient que les débours dont elle demande le remboursement sont en lien avec l'accident du 9 juillet 2000.

Mme A...et M. D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 18 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Le président de la cour a désigné M. G...en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 juillet 2000, Mme F...A...a accouché au centre hospitalier Félix-Guyon à Saint-Denis (La Réunion) d'Anne-Sarah, née grande prématurée à vingt-sept semaines d'aménorrhée et un poids d'environ 1 kg dans un contexte infectieux périnatal. Outre des difficultés respiratoires et nutritionnelles ainsi que des troubles hématologiques sévères, elle a notamment présenté, dès le mois d'août suivant, une entérocolite ulcéro-nécrosante associée à une occlusion secondaire ainsi qu'un tératome périnatal très volumineux ayant nécessité deux interventions chirurgicales les 20 octobre et 21 novembre 2000. La jeune E...a également contracté au cours de ce séjour hospitalier, qui s'est achevé au mois de décembre 2000, quatre infections nosocomiales mises en évidence les 12 août, 21 août et 5 septembre 2000. Par la suite, une encéphalopathie sévère a été suspectée à l'occasion d'un électroencéphalogramme effectué le 10 juillet 2001, confirmée le 29 août suivant. La jeune E...présente aujourd'hui une tétraparésie spastique sévère avec des troubles cognitifs et sensoriels majeurs du fait de cette encéphalopathie grave, chronique, fixée et destructrice survenue précocement. Par ordonnance du 16 novembre 2012, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a désigné un expert en néonatalogie dont le rapport a été remis le 17 juillet 2015. Mme F...A..., agissant en son nom et pour sa fille Anne-Sarah, et M. H...D...ont demandé audit juge des référés, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner à titre provisionnel et solidaire le centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion et son assureur, la société hospitalière d'assurances Mutuelles (SHAM), à leur verser diverses sommes en réparation des préjudices subis par eux et en lien avec l'état de santé d'Anne-Sarah. Ils relèvent appel de l'ordonnance n° 1700705 du 12 octobre 2017 par laquelle ce juge des référés a rejeté leur demande. Par ailleurs, la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de La Réunion relève également appel de cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté sa demande qui tendait à ce que le CHU de La Réunion et la SHAM fussent solidairement condamnés à lui rembourser les débours exposés pour la prise en charge de la jeune E...depuis 2007.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

3. MmeA..., agissant en son nom et au nom de sa fille Anne-Sarah, dont elle est la représentante légale, et M. D...entendent, tout d'abord, engager la responsabilité sans faute du CHU en raison des infections nosocomiales contractées par la jeune E...au cours de son hospitalisation du 9 juillet au 21 décembre 2000, sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Toutefois et ainsi que l'a relevé le premier juge, il résulte de l'instruction que le lien de causalité entre ces infections nosocomiales - qui ont d'ailleurs pu être traitées efficacement - et les préjudices subis par la jeuneE..., née dans un contexte infectieux périnatal et qui a présenté un syndrome inflammatoire majeur et de nombreuses autres complications liées à sa naissance très prématurée, n'est pas suffisamment établi, alors même que l'expert a indiqué que le nombre d'infections nosocomiales lui paraissait excessif et témoignait d'une politique de prévention des infections nosocomiales insuffisante de la part de l'hôpital. Il n'est, en particulier, pas avéré que l'un des quatre germes mis en évidence aurait été à l'origine ou constituerait un facteur aggravant à la survenance de l'encéphalopathie à l'origine de l'essentiel des séquelles subies par la victime. Au demeurant, les dispositions du code de la santé publique auxquelles se réfèrent les appelants n'étaient pas entrées en vigueur lors du séjour d'Anne-Sarah au CHU.

4. Les appelants invoquent ensuite la faute du CHU de La Réunion qui aurait consisté en un suivi neurologique insuffisant dès lors que le diagnostic de l'encéphalopathie n'a été posé qu'en suivi postopératoire en juillet 2001. Ils se fondent notamment sur le fait que l'expert a estimé que le suivi neurologique n'a pas été effectué dans les règles de l'art du fait du nombre et de la qualité des examens pratiqués et de l'absence d'imagerie plus poussée pourtant recommandée en cas de grande prématurité. Il résulte, cependant, de l'instruction que l'état de l'art en 2000 et 2001 ne comportait pas, dans la situation à laquelle ont été confrontés les médecins du CHU, le recours à l'imagerie cérébrale par résonance magnétique, seulement utilisé de façon expérimentale à partir de 2002, mais uniquement celui à l'échographie cérébrale et à l'électroencéphalogramme. Or, et comme l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, lors de son séjour hospitalier, la jeune E...a bénéficié de plusieurs électroencéphalogrammes, d'échographies cérébrales et d'examens cliniques qui n'ont décelé que des anomalies non significatives, de sorte que l'insuffisance du suivi neurologique de l'enfant ne saurait être retenue. En conséquence c'est à juste titre que l'ordonnance attaquée a considéré que l'existence d'une faute commise par le CHU de La Réunion ne pouvait être regardée comme suffisamment établie. Du reste, il ne résulte pas de l'instruction qu'un diagnostic plus précoce de l'encéphalite sévère, survenue durant la période périnatale, aurait permis d'éviter une aggravation des séquelles neurologiques.

5. Enfin, les appelants soutiennent, sans aucune autre précision, que le CHU ne les aurait pas suffisamment informés de l'état de santé d'Anne-Sarah. Néanmoins et à supposer même que le CHU n'aurait pas délivré aux parents de celle-ci une information complète et claire sur ses pathologies et leur évolution prévisible, ce défaut d'information ne peut être regardé en lui-même comme ayant été à l'origine d'une perte de chance pour l'enfant de voir son état de santé s'améliorer.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...et M. D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion a rejeté leur demande. Il en découle également le rejet des conclusions présentées par la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion ainsi que des conclusions des appelants et de ladite caisse relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête n° 17BX03417 de Mme A...et M. D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme F...A..., à M. H...D..., à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et au centre hospitalier universitaire de La Réunion.

Fait à Bordeaux, le 22 mai 2018.

Le juge des référés,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 17BX03417


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LAYDEKER SAMMARCELLI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Date de la décision : 22/05/2018
Date de l'import : 29/05/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17BX03417
Numéro NOR : CETATEXT000036938225 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-22;17bx03417 ?
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