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04/05/2018 | FRANCE | N°18BX01067

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 04 mai 2018, 18BX01067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté intercommunale des villes solidaires a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion d'ordonner une expertise relative à la pollution du sol de la parcelle cadastrée section CR n° 688 à Pierrefonds liée à l'activité de la société Transports Micheline A...et aux mesures de dépollution à mettre en oeuvre.

Par une ordonnance n° 1700940 du 28 février 2018, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a ordonné l'expertise demandée.
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Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 mars 2018 et le 19 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté intercommunale des villes solidaires a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion d'ordonner une expertise relative à la pollution du sol de la parcelle cadastrée section CR n° 688 à Pierrefonds liée à l'activité de la société Transports Micheline A...et aux mesures de dépollution à mettre en oeuvre.

Par une ordonnance n° 1700940 du 28 février 2018, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a ordonné l'expertise demandée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 mars 2018 et le 19 avril 2018, la société Transports MichelineA..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Réunion du 28 février 2018 ;

2°) de mettre à la charge de la communauté intercommunale des villes solidaires le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport de la première expertise qui a été ordonnée par le juge des référés est entaché d'irrégularité pour défaut de contradictoire, en violation de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; M.B..., gérant d'une société concurrente, qui n'avait pas qualité pour représenter la société, a émis durant les opérations d'expertise des observations qui ont nui aux intérêts de la société ; MmeA..., gérante de la société, n'a pas été convoquée en méconnaissance de l'article R. 621-7 du code de justice administrative ; il en est résulté des conclusions biaisées de la part de l'expert ; son rapport doit donc être purement et simplement écarté, ce qui prive de fondement la mesure ordonnée par le juge des référés qui ne repose que sur cette expertise ;

- elle est recevable à invoquer cette irrégularité en appel ;

- la mesure ordonnée ne présente pas un caractère d'utilité ; aucune constatation objective ne permet d'affirmer que le sol a été pollué ; les affirmations de M. B...sur l'absence de mesures environnementales ne peuvent être prises en compte ; la perspective d'un litige à venir sur la remise en état des lieux occupés ne suffit pas à justifier la mesure ; les soupçons de pollution du site ne sont que pure élucubration.

Par un mémoire enregistré le 10 avril 2018, la communauté intercommunale des villes solidaires, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exception d'irrégularité de la première expertise est irrecevable en appel ;

- la circonstance que l'expertise n'ait pas eu un caractère contradictoire ne fait pas obstacle à ce que le juge tienne compte du rapport établi par l'expert ;

- en tout état de cause, Mme A...a bien été convoquée aux opérations d'expertise ; la société n'a pas communiqué les pièces demandées par l'expert ; les pièces produites ne permettent pas de justifier de l'absence aux opérations d'expertise le 7 juin 2017 de Mme A...qui allègue des raisons de santé ;

- M.B..., se présentant comme le conjoint de Mme A...et responsable de l'entretien du parc, présentait toutes les apparences d'une personne habilitée à représenter la société ; il avait connaissance de la réunion d'expertise et s'est comporté comme un représentant de l'entreprise ; il y a lieu d'appliquer la théorie du mandat apparent ;

- l'expert n'a pu vérifier les dires de M.B..., la société ne s'étant pas montrée coopérative ;

- MmeA..., qui invoque une usurpation, ne fait état d'aucune action civile ou pénale qu'elle aurait engagée contre de M.B... ;

- en tout état de cause, l'expert ne s'est pas fondé sur les déclarations de M. B...pour attester de l'existence de pollutions ; il s'est fondé sur ses propres constatations ;

- le rapport met en évidence l'existence d'une pollution sur la parcelle affectée à l'activité de la société ;

- la mesure d'expertise est justifiée par une perspective contentieuse, la communauté intercommunale disposant à l'encontre de son ancien cocontractant, la société Transports MichelineA..., à laquelle elle louait la parcelle, d'une action en responsabilité contractuelle et d'une action visant à la remise en état ; une expertise s'avérait utile dès lors que la mesure initiale ne consistait qu'en un constat ; le premier rapport n'établit ni l'ampleur ni l'intensité des pollutions, ni leurs conséquences ni, enfin, les mesures de remise en état nécessaires ; la mesure ordonnée présente donc bien un caractère d'utilité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme H...C...comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat de bail du 21 mai 2013, la communauté intercommunale des villes solidaires a mis à disposition de la société Transports MichelineA..., ayant pour objet le transport routier de marchandises et la location de véhicules industriels, un terrain situé sur le territoire de la commune de Pierrefonds, cadastré section CR n° 688, afin d'entreposer ses véhicules. La société n'ayant pas libéré les lieux à l'issue du bail qui expirait à la fin du mois d'août 2014, la communauté intercommunale des villes solidaires a fait établir un constat d'huissier le 13 juin 2016 qui a confirmé l'occupation du terrain par la société. La communauté intercommunale ayant, à cette occasion, relevé que des containers étaient entreposés sur le terrain ainsi que cela apparaissait sur les photographies de ce constat, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion qui, par ordonnance du 15 mai 2017, a ordonné, en application de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, un constat portant notamment sur des activités ou sur la présence de matériaux susceptibles de générer des pollutions sur le site. Le constat établi le 10 juin 2017 en application de cette ordonnance a relevé, après une visite sur les lieux conduite le 7 juin 2017, que l'exploitant était en cours de déménagement et n'exerçait plus d'activité sur le site mais qu'étaient entreposés sur le terrain trois containers dans un état très dégradé dont un ayant servi à stocker des produits chimiques, ainsi que des véhicules hors d'usage, des fûts et des cuves vides en état dégradé et des produits divers dont des peintures et des huiles sans rétention. Le constat relève encore des boues d'huiles et des traces de peintures répandues au sol. Le 24 octobre 2017, la communauté intercommunale a de nouveau saisi le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion en vue de l'organisation d'une expertise relative à la pollution du sol de la parcelle et aux mesures de dépollution à mettre en oeuvre. La société Transports Micheline A...fait appel de l'ordonnance du 28 février 2018 par laquelle le juge des référés a fait droit à cette demande.

2. Aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, rendu applicable aux constats par l'article R. 531-2 du même code : " Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise ; cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l'avance, par lettre recommandée. / Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport ".

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de constat établi par l'expert qui en était chargé, que les parties ont été convoquées en vue de la réunion du 7 juin 2017 sur le site par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et que la convocation adressée à cette fin à la société Transports MichelineA..., à l'adresse de son siège social, a donné lieu à un avis de réception signé le 23 mai 2017. Si la société conteste avoir reçu cette convocation, elle n'apporte aucun élément permettant d'estimer que la signature de l'avis de réception émanerait d'une personne qui n'était pas habilitée à recevoir les courriers qui lui étaient adressés. La seule circonstance que MmeA..., gérante de la société, a été hospitalisée entre le 24 et le 27 juin 2017 n'est pas de nature à établir l'absence de qualité de la personne ayant apposé sa signature sur l'avis de réception du courrier adressé au siège social de la société. Ainsi, le constat sur lequel la communauté intercommunale s'est appuyée pour demander l'organisation d'une expertise ne peut être regardé comme ayant été conduit en violation de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni en méconnaissance du contradictoire exigé par les dispositions de l'article R. 621-7 précité du code de justice administrative. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces textes doivent être écartés, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée sur ce point en défense.

4. Il résulte également de l'instruction que la société, qui n'a pas transmis à l'expert chargé du constat les documents qui lui avaient été demandés par courrier sous le même pli que la convocation, n'a pas désigné pour assister à la réunion sur site du 7 juin 2017 de personne légalement habilitée à la représenter. Il résulte du rapport de constat qu'une personne s'est présentée lors de cette réunion comme le conjoint de la gérante et comme le responsable de l'entretien du parc de véhicule de la société et que cette personne a été entendue par l'expert. Si la société conteste toute qualité à cette personne pour représenter la société, il résulte en tout état de cause de l'instruction que les constatations faites sur place par l'expert, en faisant même abstraction des déclarations de cette personne, suffisaient à indiquer que l'activité de la société était susceptible d'avoir généré une pollution du site. Ces éléments, qui pouvaient être pris en compte par le juge des référés du tribunal, constituaient à eux seuls les indices d'une situation justifiant que soit organisée une expertise.

5. Ainsi que l'a relevé le premier juge, l'utilité d'une mesure d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée notamment, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. En l'espèce, et dès lors que le contrat de bail du 21 mai 2013 mettait notamment le bon entretien du terrain à la charge de la société, la communauté intercommunale des villes solidaires, en faisant état d'une possible action en responsabilité contractuelle en réparation des préjudices liés à la pollution qui a pu naître de l'activité de la société Transports Micheline A...sur le site mis à sa disposition, justifie suffisamment de l'utilité de la mesure sollicitée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Transports Micheline A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a ordonné l'expertise sollicitée par la communauté intercommunale des villes solidaires.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté intercommunale des villes solidaires, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par la société Transports Micheline A...au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société le versement à la communauté intercommunale des villes solidaires de la somme de 1 000 euros en application de ces dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Transports Micheline A...est rejetée.

Article 2 : La société Transports Micheline A...versera à la communauté intercommunale des villes solidaires la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Transports Micheline A...et à la communauté intercommunale des villes solidaires. Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer et à M. G...D..., expert.

Fait à Bordeaux, le 5 mai 2018

Le juge des référés,

Elisabeth C...

La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

5

No 18BX01067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 18BX01067
Date de la décision : 04/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-011 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé tendant au prononcé d'une mesure d'expertise ou d'instruction.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET SAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-04;18bx01067 ?
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