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11/12/2017 | FRANCE | N°17BX01994

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 11 décembre 2017, 17BX01994


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2016, M. E...C...agissant par Mme D...F..., sa tutrice, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier d'Albi à lui verser une provision d'un montant de 253 668 euros, à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices consécutifs à l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime à compter de sa première hospitalisation le 23 avril 2013.

Par une ordonnance n° 1602716 du 15 juin 2017

le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné ledit centre hosp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2016, M. E...C...agissant par Mme D...F..., sa tutrice, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier d'Albi à lui verser une provision d'un montant de 253 668 euros, à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices consécutifs à l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime à compter de sa première hospitalisation le 23 avril 2013.

Par une ordonnance n° 1602716 du 15 juin 2017 le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné ledit centre hospitalier à verser, à titre provisionnel, à M. C... la somme de 49 086,45 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn la somme de 164 361,38 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2016, ainsi qu'une somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juin et le 1er août 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, représentée par la société civile professionnelle d'avocats Rastoul-Fontanier-Combarel, demande au juge d'appel des référés de la cour :

1°) de réformer cette ordonnance du 15 juin 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'elle a limité au montant de 164 361,38 euros la somme que doit lui verser à titre de provision le centre hospitalier d'Albi ;

2°) de condamner ledit centre hospitalier à lui verser, à titre provisionnel et en sus de celle accordée par l'ordonnance précitée, une somme de 511 657,85 euros correspondant aux frais futurs qu'elle sera amenée à exposer en conséquence de la faute commise par cet établissement, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2016 ;

3°) à titre subsidiaire de condamner, à titre provisionnel, le centre hospitalier précité à lui rembourser 30 % de l'ensemble des frais futurs nécessités par l'état de santé de M.C... ;

4°) de mettre à la charge dudit centre hospitalier une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'ordonnance attaquée a rejeté sa demande relative aux frais futurs qu'elle sera amenée à exposer en raison de l'état de santé de M.C... ;

- ces frais, d'un montant total de 1 705 526,16 euros avant application du taux de 30 % de perte de chance, sont établis par une attestation du médecin conseil du contrôle médical et incluent, d'une part, les dépenses d'appareillage nécessaires à la victime telles que listées dans le rapport d'expertise et, d'autre part, les dépenses complémentaires prévisibles en viager (soins médicaux, de kinésithérapie et infirmiers, pharmacie, biologie).

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 22 juillet et 7 août 2017, le centre hospitalier d'Albi, représenté par MeB..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 15 juin 2017 en tant qu'elle a statué sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Il soutient que :

- certaines dépenses prétendument déjà exposées par la caisse ne sont pas justifiées, ainsi, pour les frais passés du 31 juillet 2013 au 15 février 2016, est revendiquée une somme de 20 735,54 euros pour des " frais d'appareillage " mais sans qu'il soit précisé la nature de ces appareillages et leur coût respectif ;

- en tout état de cause il est impossible d'apprécier, dans la liste des hospitalisations, celles qui sont imputables aux conséquences du défaut de prise en charge reproché au centre hospitalier ;

- à cet égard, n'est pas suffisante une attestation émanant d'un médecin-conseil de la caisse elle-même ;

- par ailleurs, il n'existe aucune justification à indemniser sous forme de capital des préjudices futurs qui n'apparaîtraient qu'au fur et à mesure de l'écoulement du temps et par échéances ou fractions successives ;

- en outre, la caisse ne saurait obtenir le remboursement de ses frais futurs sous forme de capital et sans l'accord du centre hospitalier ;

- la caisse ne peut solliciter le règlement intégral de sa créance alors même que la demande indemnitaire de M.C..., et son imputabilité, n'ont pas été discutées par les juges du fond et que par conséquent, l'imputabilité même de la créance de la caisse n'a pas subi cette discussion de fond.

Par un mémoire, enregistré le 2 août 2017, M.C..., agissant par MmeF..., sa tutrice, et représenté par MeA..., conclut à la confirmation de l'ordonnance litigieuse en tant qu'elle a condamné le centre hospitalier à lui verser, à titre de provision, une somme de 49 086,45 euros ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. G...en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. E...C..., alors âgé de 37 ans, a été victime, le 23 avril 2013, d'un accident vasculaire cérébral. Malgré son hospitalisation au centre hospitalier d'Albi dans la soirée du 23 avril 2013, puis dans la matinée du lendemain, il est depuis atteint d'une tétraplégie ainsi que d'une paralysie des derniers nerfs crâniens, avec une paralysie faciale bilatérale, une anarthrie complète et une incontinence vésico-sphinctérienne. À sa demande, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a ordonné une expertise le 4 novembre 2015. Le rapport de l'expert ainsi désigné a été déposé le 25 mai 2016. Estimant engagée la responsabilité du centre hospitalier précité M. C...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'une demande de condamnation de cet établissement à lui verser une somme de 253 668 euros, à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices consécutifs à l'accident vasculaire cérébral susmentionné. La caisse primaire d'assurance maladie du Tarn a, quant à elle, sollicité à titre provisionnel la condamnation du centre hospitalier à lui verser une somme totale de 676 019,23 euros. Par ordonnance du 15 juin 2017 le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier à verser une provision de 49 086,45 euros à M. C... et une provision de 164 361,38 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2016. La caisse primaire d'assurance maladie demande au juge des référés de la cour la réformation de cette ordonnance en tant qu'elle n'a pas entièrement accueilli ses conclusions de première instance, en refusant de faire droit à sa demande relatives aux frais qu'elle sera amenée à exposer en raison de l'état de santé de M.C.... Le centre hospitalier demande au juge des référés de la cour, par la voie de l'appel incident, l'annulation de cette ordonnance en tant qu'elle l'a condamné à verser une somme à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn.

Sur les conclusions aux fins de réformation de l'ordonnance litigieuse :

2. D'une part et aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire (...) ".

4. Il est constant que, comme l'a estimé le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, l'équipe médicale du centre hospitalier d'Albi a commis une erreur médicale initiale portant sur un diagnostic erroné, qui a entraîné un retard conséquent à la prise en charge de l'accident vasculaire cérébral dont a été victime M. C...et que cette erreur médicale initiale est en relation avec plusieurs manquements du centre hospitalier.

5. Il est également constant que la responsabilité du centre hospitalier d'Albi est engagée pour faute à l'égard de M.C..., et que l'obligation de cet établissement de réparer les conséquences dommageables des fautes ainsi commises n'est pas sérieusement contestable. L'existence d'une perte de chance pour M. C...d'éviter l'aggravation ou d'obtenir l'amélioration des séquelles de son accident vasculaire cérébral et le taux de cette perte de chance, fixé à 30 % par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, ne sont pas davantage contestés. Cependant, la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn estime que c'est à tort que l'ordonnance critiquée a refusé de lui accorder une provision au titre des frais futurs en lien avec la perte de chance précitée tandis que le centre hospitalier considère que la caisse ne justifie pas du lien entre les dépenses qu'elle allègue et la faute commise.

En ce qui concerne les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie :

6. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / Conformément à l'article 1346-3 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. / Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (...)".

7. Eu égard aux dispositions précitées de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord.

8. En l'espèce, le centre hospitalier d'Albi ne saurait être regardé comme ayant consenti à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn un capital représentatif des dépenses que ce dernier organisme sera amené à exposer à l'avenir en raison de l'état de santé de M. C.... Dès lors, et en tout état de cause, l'obligation dont se prévaut ladite caisse apparaît sérieusement contestable au sens des dispositions susrappelées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Elle n'est donc pas en droit de solliciter la condamnation à titre provisionnel du centre hospitalier précité à lui verser la somme qu'elle revendique, soit, après application du taux de 30 % de perte de chance, celle de 511 657,85 euros, au titre de ses frais futurs. Par conséquent, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaqué, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions portant sur lesdits frais.

En ce qui concerne les conclusions incidentes du centre hospitalier :

9. La caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, pour pouvoir prétendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, au remboursement par le centre hospitalier d'Albi des prestations servies à M. C...doit justifier du montant des dépenses qu'elles ont occasionnées et de la réalité de ces prestations versées à l'assuré et établir que lesdites prestations ont été rendues nécessaires pour soigner les seuls troubles résultant directement de la faute du centre hospitalier d'Albi.

10. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier d'Albi, la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn a justifié en première instance, comme le relève l'ordonnance attaquée, en produisant un décompte de ses débours mentionnant les périodes où des frais ont été exposés en lien avec l'accident vasculaire cérébral subi par son assuré et d'une attestation d'imputabilité établie par un médecin-conseil, indépendant, avoir servi des prestations en nature de frais médicaux et pharmaceutiques, de frais d'appareillage, de dépenses d'hospitalisation et de frais directement imputables aux séquelles de l'accident vasculaire cérébral de M.C.... Eu égard aux circonstances de l'espèce, dont il résulte que la totalité des actes de soins prodigués à M. C...découlent de l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime, à l'application d'un taux de perte de chance et à la nécessité, constante, de munir la victime d'appareillages adaptés à son état (fauteuils roulants, tablette de communication, lits médicalisés etc.), aucun autre document ne saurait être exigé de la caisse pour établir la réalité et le quantum de sa créance.

11. Ces frais, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils seraient restés à la charge du requérant, s'élèvent à un montant de 547 871,27 euros, qui n'est pas utilement contesté. Par conséquent, et compte tenu de la perte de chance, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier d'Albi à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn une provision d'un montant de 164 361,38 euros au titre des débours qu'elle a supportés.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Albi, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

13. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn le paiement audit centre hospitalier de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et qui ne sont pas compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes et celles relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative du centre hospitalier d'Albi sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, au centre hospitalier d'Albi et à M. E...C....

Fait à Bordeaux, le 11 décembre 2017.

Le juge des référés,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 17BX01994


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 17BX01994
Date de la décision : 11/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP RASTOUL-FONTANIER-COMBAREL (TOULOUSE)

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-11;17bx01994 ?
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