Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Les sociétés par actions simplifiées agence Michel Beauvais et associés et Egis Bâtiments, les sociétés à responsabilité limitée Cabinet Acra architecture, Cabinet Lorenzo architecture et Ion Cindéa, la société Oasiis et M. B...A...ont saisi le 18 mai 2015 le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique d'une demande tendant à la condamnation du syndicat inter hospitalier de Mangot-Vulcin à leur verser, à titre principal, une somme globale de 1 706 155,79 euros à titre de provision, assortie des intérêts moratoires et des intérêts légaux ou, subsidiairement, une somme globale de 1 240 010,01 euros, assortie des mêmes intérêts au titre de sommes leur restant dues pour l'exécution du marché de maîtrise d'oeuvre attribué par le syndicat inter hospitalier, maître d'ouvrage, au groupement qu'ils ont constitué pour la construction de la cité hospitalière de Mangot-Vulcin sur la commune du Lamentin.
Par une ordonnance n° 1500267 du 2 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 23 mai 2016 sous le n° 16BX01714, les sociétés Agence Michel Beauvais et associés, Cabinet Acra architecture, Cabinet Lorenzo architecture et Ion Cindéa, la société Oasiis et M.A..., représentés par MeE..., demandent au juge d'appel des référés :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1500267 du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique en date du 2 mai 2016 ;
2°) de mettre à la charge du syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin, devenu le 9 décembre 2015 le groupement de coopération sanitaire de moyens Mangot-Vulcin (GCS-MV), le versement de la somme provisionnelle de 1 572 493,0 € HT, soit 1 706 155,79 € TTC, se décomposant comme suit:
- 327 417,18 euros à l'agence Michel Beauvais et associés,
- 41 953,82 euros à la société Acra architecture,
- 550 950,56 euros au cabinet Lorenzo architecture,
- 210 945,36 euros à la société Ion Cindéa,
- 15 854,07 euros à la société Oasiis,
- 128 494,19 euros à M. B...A...,
au titre des différentes factures des membres de la maîtrise d'oeuvre;
3°) de condamner le GCS-MV à verser les intérêts moratoires , et en outre les intérêts légaux sur la somme de 1 479 243,46 euros à compter du 4 avril 2013, et à compter du 23 mai 2013 pour le solde ;
4°) de mettre à la charge du GCS-MV, outre les dépens de l'instance, la somme de 2 000 euros à verser à chacun des requérants en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la réception de l'ouvrage, contractuellement prévue le 29 avril 2008, n'a finalement été prononcée que le 31 mars 2011, à la suite en premier lieu d'une réclamation en cours de chantier de l'entreprise chargée du gros oeuvre, en deuxième lieu de la réalisation, à la demande du maître d'ouvrage, d'un étage supplémentaire du bâtiment hémodialyse, en troisième lieu du passage du cyclone Dean, en quatrième lieu des nombreuses demandes de travaux modificatifs de la part du maître d'ouvrage et enfin des retards dus aux entreprises. L'augmentation de la masse des travaux et l'allongement de la durée du chantier ont donné lieu à la conclusion de plusieurs avenants et marchés complémentaires au marché de maîtrise d'oeuvre, dont les plus récents ont été signés après la réception des travaux ;
- leur requête ne concerne que des honoraires qui devaient être payés dans un délai de 45 jours à compter de la réception des factures, aux termes de l'article 8.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché, par le maître d'ouvrage compte tenu des contrats conclus dans le cadre du marché de maîtrise d'oeuvre pour la construction de la cité hospitalière Mangot-Vulcin, à savoir le marché initial, ses sept avenants et quatre marchés complémentaires dont le montant global atteint 9 804 826,29 euros TTC. Après plusieurs lettres de relances émises entre les années 2011 et 2014, le maître d'ouvrage n'a pas cru devoir répondre à une réclamation en date du 12 octobre 2014 détaillant le montant des honoraires dus à la maîtrise d'oeuvre, lequel s'élève au total à la somme de 1 572 493,80 euros hors taxes, soit 1 706 155,79 euros TTC ;
- les notes d'honoraires impayées au titre du marché initial, au regard des factures émises entre février 2011 et novembre 2012 atteignent une somme de 1 316 933,40 euros HT soit 1 428 879,24 euros TTC. En ce qui concerne les quatre marchés complémentaires, les factures impayées s'élèvent à un montant de 255 554,39 euros HT soit 277 276,52 euros TTC ;
- ces notes d'honoraires n'ont fait l'objet d'aucune contestation tant de la part du maître d'ouvrage que de la conduite d'opération ;
- le premier juge a estimé à tort, et sans en informer préalablement les parties, que les avenants 4, 5 et 6 étaient nuls dès lors qu'ils étaient justifiés par des retards conséquents des entreprises dans l'exécution des travaux et non par des modifications de programmes ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage, et que les notes d'honoraires litigieuses n'étaient pas dues. L'avenant n° 4 avait pour objet la prise en compte d'un délai supplémentaire de 2,5 mois à rémunérer à la suite du passage du cyclone Dean, mais également la prise en compte de travaux modificatifs et d'études déclarées sans suite par le maître d'ouvrage. La rémunération complémentaire de la maîtrise d'oeuvre s'élevait aux termes des articles 2.3 et 2.4 de cet avenant respectivement aux sommes de 197 631,38 euros HT et 19 620 € HT. L'avenant n° 5 concernait quant à lui la prise en compte de " travaux modificatifs " pour un montant de 1 393 172,65 euros HT, entraînant dès lors une rémunération complémentaire de la maîtrise d'oeuvre pour un montant de 213 881,82 euros HT. Si l'avenant n° 6 fait état de la " prolongation de la durée du chantier due à un retard conséquent des entreprises dans l'exécution de leurs travaux, malgré la présence et les actions de la maîtrise d'oeuvre (...) " il prend cependant également en compte les incidences de l'allongement des délais dû à des travaux modificatifs pour un montant de 122 194,66 euros, la rémunération d'études demandées par le maître d'ouvrage et classées sans suite pour une somme de 31 590 € HT, une restitution d'honoraires s'élevant à 85 556,22 euros HT et la prise en compte de la reprise du lot espace vert pour un montant de 29 987,25 euros HT. Ces rémunérations complémentaires correspondaient bien, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, à la finalité de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 lequel prévoit qu'" en cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification et adapte en conséquence la rémunération du maître d'oeuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel (...) ";
- nul ne pouvait prévoir que les entreprises choisies pour les opérations de gros oeuvre, notamment au regard de leurs compétences reconnues au plus haut niveau national, allaient causer de tels retards sur ce chantier. Ces sujétions imprévues rencontrées par la maîtrise d'oeuvre, dont la cause lui était extérieure, ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat. Le juge des référés du tribunal ne pouvait de ce fait, sans vérification et explications des parties, décider de lui-même qu'il s'agissait de clauses nulles, et ce d'autant plus que l'avenant n° 6, signé par le maître d'ouvrage, n'a fait l'objet d'aucune observation du préfet au titre du contrôle de légalité et qu'il constituait un des éléments nécessaires à l'équilibre financier du contrat ;
- le premier juge ne pouvait écarter les autres honoraires contenus en partie dans les avenants 4, 5 et 6, dès lors que ces avenants comportent également des honoraires pour prestations supplémentaires et modifications de programme. Les différentes notes d'honoraires dont ils demandent le paiement ne comprennent pas uniquement les montants visés dans les avenants 4, 5 et 6 mais également les prestations résultant de la mission elle-même des architectes, s'agissant notamment du solde de la rémunération concernant les procès-verbaux de levée de réserves, la remise des dossiers des ouvrages exécutés ou encore la notification des décomptes généraux. De plus, ces notes d'honoraires ont été établies postérieurement aux avenants 1, 2, 3, 4 et 5. Ainsi, le premier juge ne pouvait se fonder sur les avenants 4, 5 et 6 pour soulever leur nullité. Dans l'hypothèse où la cour devait estimer que les retards conséquents des entreprises dans l'exécution de leurs travaux ne devaient pas faire l'objet d'un règlement, il conviendrait de retrancher la somme de 452 582,24 euros HT sur la rémunération due à la maîtrise d'oeuvre ;
- le juge des référés du tribunal a raisonné sur le marché principal et sur les avenants 4, 5 et 6 relatifs à ce marché principal sans prendre en considération les marchés complémentaires dont le paiement était également sollicité. Le montant total de ces quatre marchés complémentaires s'élève à 255 524,39 euros HT, soit 277 276,52 euros TTC, montant sans commune mesure avec le solde dû au titre du marché principal et les montants dus aux termes des avenants.
Par un mémoire enregistré le 11 juillet 2016 ,le groupement de coopération sanitaire de moyens Mangot-Vulcin (GCS-MV), venant aux droits du syndicat inter hospitalier de Mangot-Vulcin, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants d'une somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'établissement public fait valoir que :
- les prétentions des appelants dépassent de près de 500.000 euros ce qu'il lui reste à payer dans le cadre de ce marché. Il ressort de la confrontation entre les restes à payer dans les écritures du percepteur et les factures enregistrées chez l'ordonnateur que ce total s'élève à la somme de 1 240 010,01 euros TTC. La différence de 466 145,78 euros réclamée sans autre fondement que des allégations non étayées de justificatifs probants par les membres du groupement est sérieusement contestable ;
- le juge des référés du tribunal administratif, au nom du principe de loyauté des relations contractuelles, n'a pas entendu écarter 1'application des avenants dans leur intégralité, mais uniquement celle des clauses divisibles illégales n'affectant pas l'équilibre financier du contrat. Le premier juge n'a ainsi pas nié le principe du bénéfice d'honoraires contractuellement dus, mais a rejeté les demandes portant sur la part de ces honoraires assise sur des dispositions contractuelles réputées nulles. Il résulte de la lecture combinée des dispositions de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 et de la jurisprudence du Conseil d'Etat (365828), qu'à défaut de modification de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage, seules les sujétions imprévues et exceptionnelles ou des prestations supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art justifient l'augmentation de la rémunération du maître d'oeuvre. Ainsi, la prolongation du chantier au-delà du terme déterminé par les documents contractuels ne saurait justifier à elle seule une augmentation de la rémunération de celui-ci. Or, les nombreux avenants au marché intègrent, outre la rémunération des diligences du maître d'oeuvre, celle du délai écoulé mais non justifiée par des travaux supplémentaires. Par suite, le versement au titre de " l'incidence délai " des sommes mentionnées aux articles 3 de l'avenant n° 6, 2 de l'avenant n° 5 et 2-1 de l'avenant n° 4, pour un montant total de 990 991,42 euros est sérieusement contestable ;
- si les maîtres d'oeuvre se prévalent de ce que l'accroissement des retards des entreprises constituerait des sujétions imprévues, dont la cause leur est extérieure, entraînant le bouleversement économique du contrat, les prestations intellectuelles, au regard de la définition de ces sujétions donnée par la jurisprudence, ne relèvent pas des difficultés matérielles présentant un caractère exceptionnel, imprévisible à la date de la conclusion du contrat et dont les causes sont extérieures aux parties. Compte tenu des causes du retard analysé, ce motif ne peut être invoqué alors que les difficultés de conception et de suivi des travaux imputables à la maîtrise d'oeuvre sont en cause. Enfin, compte tenu de l'insuffisance criante des moyens d'encadrement de l'équipe de maîtrise d'oeuvre depuis le début du chantier, la condition d'extériorité aux parties ne saurait être remplie ;
- l'obligation dont se prévaut la maîtrise d'oeuvre présente un caractère sérieusement contestable compte tenu notamment des réfactions à opérer sur le montant prétendument dû, des sommes déjà versées au groupement, des insuffisances d'exécution, de conception, de conseil lors des opérations de réception de travaux et d'établissement des décomptes généraux des entreprises ainsi que des retards du chantier imputables en partie à la maîtrise d'oeuvre ;
- contrairement à ce que soutient la maîtrise d'oeuvre, il n'est pas soutenu que la facturation qui est faite n'a pas de fondement contractuel mais que, outre un désaccord persistant sur les montants et le caractère injustifié de certaines sommes frappées de nullité, le montant total réclamé reste très largement en deçà de ce dont la maîtrise d'oeuvre sera redevable une fois le décompte général établi, et alors que des opérations d'expertise sont en cours pour déterminer la part de responsabilité entre les différents acteurs s'agissant d'un recours en nullité formé contre l'avenant n° 1 du marché de gros oeuvre d'un montant de 4,7 millions d'euros fondé sur une divergence entre le titulaire de ce marché et la maîtrise d'ouvrage sur l'exhaustivité du dossier de consultation des entreprises, auquel l'établissement est étranger. Ainsi sur les 1 706 155,79 euros sollicités, les sommes de :
. 466 145,78 € ne sont pas justifiées, divers paiements indus effectués au profit des sociétés attributaires devant en outre être remboursés,
. 990 991,42 € sont à déduire au titre des clauses des avenants rémunérant le temps supplémentaire, en raison de la nullité qui les frappe,
. 34 275,15 € procèdent de la rémunération d'études sans suite et devront être restituées ;
- devra également être prise en compte la contribution des membres du groupement, retenue par les premières conclusions des opérations d'expertise à hauteur de 55% par le rapport Pinchon ou même à hauteur de 28,5% par l'expert, au problème du parasismique (incompatibilité entre structure et réseau et mettant en cause le maître d'oeuvre concepteur, le bureau d'étude structure et EGIS BE fluide), sur un enjeu financier de 5.068.177,05 € ;
- la maîtrise d'oeuvre a également failli dans 1'exécution de son propre marché, ce que les opérations d'expertise en cours tendent à démontrer. Malgré ses sollicitations constantes durant toute la durée de 1'opération, les membres du groupement n'ont pas su ou voulu accorder à la mission pour laquelle ils s'étaient engagés les moyens et l'engagement nécessaire pour la mener à bien dans les délais stipulés, s'agissant notamment de la conception et du suivi de 1'exécution des travaux de réalisation de 1'installation de production d'eau glacée, de l'absence lors des opérations de réception de garanties à son profit ou de réserves sur les manquements de certaines entreprises concernant l'installation, plus d'un an après la réception, de parafoudres ou parasurtenseurs destinés à équiper les tableaux électriques, de l'exposition de la Cité hospitalière aux risques d'inondation ou encore des problèmes de conception dans le choix d'implantation et la qualité des matériaux des calorifugeurs prévus sous la pharmacie.
-la solvabilité des entités composant la maîtrise d'oeuvre est limitée, la MAAF ayant indiqué que leur couverture d'assurance excède à peine les 550 000 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
II - Par une requête, enregistrée le 26 mai 2016 sous le n° 16BX01741, et un mémoire enregistré le 5 octobre 2016, la société par actions simplifiée Egis Bâtiments, venant aux droits de la société Iosis Bâtiments et avant celle-ci de la société OTH, représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1500267 du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique en date du 2 mai 2016 ;
2°) à titre principal, de mettre à la charge du syndicat inter hospitalier de Mangot-Vulcin, devenu le 9 décembre 2015 le groupement de coopération sanitaire de moyens Mangot-Vulcin (GCS-MV), le versement d'une somme provisionnelle de 430 540,59 euros TTC, majorée des intérêts moratoires dus au jour de l'ordonnance à intervenir, au titre des factures émises en exécution du marché de maîtrise d'oeuvre ;
3°) à titre subsidiaire, de mettre à la charge du GCS-MV, le versement d'une somme provisionnelle de 192 929,16 euros TTC, dont 115 982,14 euros au titre du marché principal et 76 947,02 euros au titre des marchés complémentaires, majorée des intérêts moratoires dus au jour de l'ordonnance à intervenir, au titre de ces mêmes factures ;
4°) de mettre à la charge du GCS-MV la somme de 3 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
La société Egis Bâtiments soutient que :
- la provision sollicitée correspond à la somme des notes d'honoraires impayées au titre de cinq marchés distincts, soit le marché initial de maîtrise d'oeuvre et quatre marchés complémentaires. Chacun de ces cinq marchés a vocation à faire l'objet d'un décompte général et définitif distinct. Or, les arguments invoqués par l'intimé et retenus par le premier juge n'ont trait qu'au marché principal, aucun grief ne visant les marchés complémentaires Le GCS-MV ne saurait par ailleurs sérieusement soutenir qu'une prétendue créance des plus incertaines au titre du marché principal pourrait faire obstacle au règlement des notes d'honoraires émises dans le cadre de l'exécution de quatre autres marchés. Par suite, la demande de provision pour un montant de 76 947,02 euros HT apparaît fondée ;
- le règlement par le maître d'ouvrage de 90 % du montant du marché de maîtrise d'oeuvre ne fait pas obstacle à la demande de provision au titre des sommes restant dues. Le maître d'ouvrage ne saurait sérieusement et sans s'en expliquer davantage se borner à prétendre qu'il ne lui resterait à régler que 1 240 010,01 euros TTC au titre des factures qu'il aurait enregistrées. Il lui appartient, s'il entend s'opposer au paiement du montant réclamé, de justifier de manière précise et étayée, et facture par facture, les raisons qui feraient obstacle à leur règlement ;
- contrairement à ce que soutient le maître d'ouvrage, l'acceptation de notes d'honoraires émises en exécution de marchés publics n'est pas une condition du paiement de ces notes et le délai de paiement des factures émises court à compter de la réception desdites factures par le maître d'ouvrage et non de leur acceptation par celui-ci. Par ailleurs, si ce dernier n'a pas expressément accepté ces notes d'honoraires, il les a implicitement mais nécessairement admises dès lors qu'il ne les a pas retournées au maître d'oeuvre et qu'il a de surcroît réglé pour certaines d'entre elles la part revenant à l'un des membres du groupement. Enfin le maître d'ouvrage n'a pas engagé la procédure de suspension de paiement de ces factures prévue à l'article 8.2.6 du cahier des clauses particulières du marché de maîtrise d'oeuvre ;
- le juge des référés, saisi d'une demande de provision, a méconnu son office en statuant sur la question de la nullité des clauses des avenants n° 4, 5 et 6 et en préjudiciant ainsi au principal. Au demeurant ces clauses n'étaient pas nulles :Les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre étaient fondés à être rémunérés au titre de l'allongement de la durée de leur mission, le quasi-doublement de la durée d'exécution des travaux constituant à l'évidence un bouleversement de l'économie d'un marché de maîtrise d'oeuvre, notamment pour ce qui concerne la mission de direction de l'exécution des contrats de travaux. Il est à noter qu'une partie de l'allongement de la durée des travaux, fixée à cinq mois par l'avenant n° 4, est imputable aux conséquences du cyclone Dean, dont il n'est pas douteux qu'il s'agit d'une sujétion imprévue ;
- le maître d'ouvrage est également à l'origine de l'allongement du délai d'exécution du marché, en modifiant sans cesse son programme en cours d'exécution des travaux, ce qui a nécessairement conduit à une désorganisation du chantier. Dans son analyse des causes de retard, l'expert retient 99 jours de retard au titre des événements extérieurs et 206 jours de retard imputables au maître d'ouvrage. La mention dans le seul avenant n° 6 de la rémunération du maître d'oeuvre " à raison de l'allongement induit par le retard conséquent pris par les entreprises dans l'exécution de leurs travaux ", ne suffit pas à elle seule à démontrer que la cause de ces retards ne serait pas, au moins en partie, imputable au maître d'ouvrage ;
- la circonstance que le maître d'ouvrage ait consenti à allouer à son maître d'oeuvre une somme prétendument supérieure à celle que ce dernier aurait été fondé à revendiquer selon la jurisprudence applicable ne saurait ni constituer " un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ", ni conférer un contenu illicite aux avenants considérés, critères retenus par la jurisprudence dite " Béziers I " du Conseil d'Etat pour que le juge puisse écarter le contrat. Ainsi, le premier juge ne pouvait écarter de la résolution du litige qui lui était soumis les clauses des avenants n° 4, 5 et 6 accordant aux membres du groupement de maîtrise d'oeuvre une rémunération complémentaire au titre des prestations de direction d'exécution des contrats de travaux réalisées de manière supplémentaire du fait de l'allongement du délai d'exécution des travaux ;
- quand bien même ces clauses ne pourraient être appliquées, ou dans l'hypothèse où la question de leur nullité constituerait une contestation sérieuse devant être tranchée par le juge du fond, le maître d'ouvrage resterait cependant lui devoir la somme de 115 982,14 euros TTC au titre des notes d'honoraires impayées du marché principal après déductions des montants alloués par les avenants n° 4, 5 et 6 au titre de l'allongement du délai d'exécution ;
- si le premier juge laisse entendre que les opérations d'expertise en cours feraient obstacle au versement de la provision, celles-ci n'ont cependant pas été sollicitées par le maître d'ouvrage dans le but de mettre en évidence d'éventuelles défaillances de son maître d'oeuvre, au demeurant non établies à ce jour, mais par des entreprises titulaires de marchés de travaux aux fins de faire examiner leurs réclamations sur les décomptes généraux qui leur ont été notifiés par le maître d'ouvrage ;
- le maître d'ouvrage n'a communiqué à ce jour aucun élément de nature à démontrer qu'il pourrait engager la responsabilité contractuelle de la société Egis à raison de prétendues fautes qu'elle aurait notamment commises dans le cadre de sa mission. Ces griefs, imprécis et incertains, ne sauraient faire obstacle au paiement de la provision sollicitée au titre de créances contractuelles certaines, et les opérations d'expertise n'ont en tout état de cause pas révélé de défaillances de sa part dans le cadre de l'exécution des missions qui lui ont été confiées. L'hôpital n'explicite pas comment il lui impute une somme de 115.000 euros au titre de seulement cinq jours de retard que l'expert lui a reconnu imputables. Elle n'a joué aucun rôle dans les difficultés rencontrées au titre de la structure parasismique et la question de l'installation des parafoudres est complètement étrangère à la discussion relative au paiement des notes d'honoraires. Une action engagée par le maître de l'ouvrage en août 2016 mettant en cause sa responsabilité en ce qui concerne les groupes d'eau glacée ne peut davantage être invoquée, pas plus que des opérations d'expertise en cours pour s'assurer préventivement de l'efficacité d'un drain alors qu'aucun phénomène de remontée de nappe phréatique n'a été enregistré. Par ailleurs, il appartiendrait à l'entreprise subissant un préjudice à raison des éventuelles fautes qu'elle aurait commises de lui en demander réparation et non au maître d'ouvrage, lequel ne saurait donc se prévaloir à son encontre d'une éventuelle créance à ce titre. En outre, à les supposer avérés, les dysfonctionnements qui se seraient révélés postérieurement à la réception sont susceptibles de faire l'objet d'actions du maître d'ouvrage auprès de son assurance dommages ouvrages ou de mise en cause de la responsabilité décennale du ou des responsables. Enfin, sa solvabilité financière ne fait aucun doute et elle n'est pas assurée auprès de la MAAF dans les conditions de plafonnement acceptées par les autres membres du groupement de maitrise d'oeuvre.
Par des mémoires enregistrés le 27 juillet 2016, le 25 octobre 2016 et le 10 novembre 2016, le groupement de coopération sanitaire de moyens Mangot-Vulcin (GCS-MV), venant au droit du syndicat inter hospitalier de Mangot-Vulcin, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Egis Bâtiments d'une somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'établissement public fait valoir que :
- les prétentions des appelants dépassent de près de 500 000 euros ce qu'il lui reste à payer dans le cadre de ce marché. Il ressort de la confrontation entre les restes à payer dans les écritures du percepteur et les factures enregistrées chez l'ordonnateur que ce total s'élève à la somme de 1 240 010,01 euros TTC, dont environ 30% concernent la société EGIS. La différence de 466 145,78 euros réclamée sans autre fondement que des allégations non étayées de justificatifs probants par les membres du groupement, dont la société Egis,est sérieusement contestable. Seule la production du projet de décompte final permettra de trancher définitivement ces montants car les sommes mises en avant résultent du rapprochement entre les actes (marchés, avenants et marchés complémentaires) signés avec les membres du groupement ;
- les erreurs dans la gestion des marchés invoquées par l'appelante sont dues à un mauvais suivi des décomptes des entreprises. Certaines d'entre elles, dont celles du groupement de maîtrise d'oeuvre, ont ainsi pu bénéficier de doubles paiements, lesquels feront l'objet d'une répétition. Au demeurant, la société Egis n'a jamais démontré que ce qu'il indiquait était inexact et la production de ses propres factures ne vaut pas preuve de ce qu'elle réclame. Il a toujours procédé au mandatement des différentes factures à réception, même quand la trésorerie ne lui permettait pas de payer dans les délais ;
- si la société Egis se prévaut comme les autres membres du groupement de maîtrise d'oeuvre de ce que l'accroissement des retards des entreprises constituerait des sujétions imprévues, dont la cause leur est extérieure, entraînant le bouleversement économique du contrat, les prestations intellectuelles, au regard de la définition de ces sujétions donnée par la jurisprudence, ne relèvent pas des difficultés matérielles présentant un caractère exceptionnel, imprévisible à la date de la conclusion du contrat et dont les causes sont extérieures aux parties. Compte tenu des causes du retard analysé, ce motif ne peut être invoqué alors que les difficultés de conception et de suivi des travaux imputables à la maîtrise d'oeuvre sont en cause. Enfin, compte tenu de l'insuffisance criante des moyens d'encadrement de l'équipe de maîtrise d'oeuvre depuis le début du chantier, la société Egis n'ayant mis à disposition que trois personnes dont une dans un état de santé ne lui permettant pas une réelle activité, la condition d'extériorité aux parties ne saurait être remplie. L'invocation du cyclone Dean en tant que sujétion imprévue ne peut être retenue dès lors que cet évènement a donné lieu à la conclusion de marchés complémentaires et au versement d'une rémunération complémentaire aux maîtres d'oeuvre, y compris pour des études sans suite. Le débat est de savoir si les sommes pouvant contractuellement être réclamées (à 1'exception des clauses nulles exclues par le juge des référés) sont supérieures ou pas à celles qu'est en droit de réclamer le maître d'ouvrage du fait des carences dans l'exécution des prestations de la maîtrise d'oeuvre et en considération des responsabilités de chacun ;
- le référé provision ,à 1'instar des autres mesures de référé, ordonne des mesures à caractère provisoire, mais son application implique nécessairement, et nonobstant le qualificatif attribué à son juge de "juge de l'évidence", une analyse si succincte soit elle, de circonstances de fond, même en l'absence d'une demande au fond, au regard soit des allégations non contredites soit des pièces du dossier. Ainsi, la jurisprudence admet que l'éventualité d'une compensation entre créances réciproques peut être de nature à rendre sérieuse la contestation de l'obligation invoquée par la partie qui demande la provision. C'est à bon droit que le premier juge a par ailleurs écarté les clauses rémunérant une prolongation des délais d'exécution du marché non motivée par des travaux supplémentaires et d'ailleurs affichée comme telle dans la répartition des honoraires figurant dans les avenants dénoncés. Alors que les postes les plus élevés de ces avenants sont ceux qui ne sont pas justifiés par des travaux supplémentaires, les conseils du maître d'ouvrage, autres parties intéressées par cette rémunération au pourcentage, les ont pourtant défendus. Le litige l'opposant au groupement de maîtrise d'oeuvre sur les rémunérations indues liées à la prolongation de délai ne concerne que le caractère illicite du contenu du contrat et le premier juge a démontré que ces clauses illicites étaient divisibles dans chaque avenant. L'obligation dont se prévaut la société Egis est sérieusement contestable pour la part qu'elle a obtenue dans ces avenants, à savoir la somme TTC de 200 935 euros ;
- c'est en tenant compte notamment de sa connaissance des différentes opérations d'expertise qu'il a ordonnées au regard de la confrontation des créances invoquées et des dettes de 1'entreprise, dont 1'existence semble se confirmer par les opérations en cours, que le juge des référés a rejeté en bloc la demande de provision. Le solde des créances après déduction de celles déclarées nulles, des 5 jours de retards que la société Egis croit tirer de la note de synthèse de l'expert qui ne manquera pas d'évoluer pour l'appelante au regard des critiques faites sur ses diligences, font que la requérante est exposée à une responsabilité qui avoisinerait les quatre millions d'euros. S'agissant du litige relatif à l'avenant n° l du gros-oeuvre sur la problématique parasismique, l'indemnisation qu'il a versée représente un risque certain pour la maîtrise d'oeuvre face au titulaire du lot gros-oeuvre, et pour la société Egis, laquelle est l'élément déclencheur de ce litige actuellement pendant et qui a entraîné un retard de dix mois dans l'exécution du marché. Les diligences de la société sont également en cause s'agissant de la nappe phréatique et elle a failli à sa mission de conseil et de surveillance lors du contrôle des situations de travaux servant de base de calcul pour les acomptes versés aux entreprises ou lors de la réception des travaux ou encore au cours de l'établissement du décompte général. Elle a conduit l'établissement à fonctionner pendant près d'un mois sans les parafoudres ou parasurtenseurs destinés à équiper les tableaux électriques posés par la société en charge de ce lot alors qu'aucune réserve n'a été prononcée sur ce point lors des opérations de réception ;
- si une entreprise a été à l'initiative des opérations d'expertise, il a depuis obtenu la mise en cause des membres du groupement chargé de la maîtrise d'oeuvre parce que leurs diligences étaient décriées par les entreprises et alors que le juge des référés, dans une ordonnance récente, a laissé entendre que le préjudice qu'il invoquait en sa qualité de maître d'ouvrage concernait toutes les parties mises en cause, dont la société appelante ;
- les diligences de la société Egis portaient sur des lots techniques, et des expertises sont en cours pour permettre à la juridiction compétente d'apprécier les responsabilités de celle-ci.La société appelante ne démontre pas qu'elle n'a pas failli. En ce qui concerne la conception et le suivi de 1'exécution des travaux de réalisation de l'installation de production d'eau glacée, la casse régulière des compresseurs qui devaient faire fonctionner le système a conduit à installer quatre ventilateurs géants et entraîne des surcoûts de consommation électrique de 1'ordre de 100 000 euros par an. L'origine de ce dysfonctionnement semble bien être le choix d'implantation décidé par le maître d'oeuvre, alors qu'aucune réserve n'a été émise lors de la réception et que le décompte général arrêté par le maître d'oeuvre n'intègre aucune garantie pour le maître d'ouvrage pour une installation aussi coûteuse ; une action a été engagée contre la société Tunzini et contre l'agence Beauvais et la société EGIS en août 2016, le remplacement des trois groupes froid étant estimé à environ 1 600 000 euros ;
- le tribunal administratif, faisant la balance des dettes et créances du groupement " telles qu'elles sont actuellement établies ", a estimé à juste titre la créance sérieusement contestable en raison de la réfaction de 1 025 266,57 euros à opérer sur le montant prétendument dû au titre des avenants, du montant de 9 398 226,51 euros TTC déjà versé au groupement de maîtrise d'oeuvre, de la non-acceptation des notes d'honoraires par le maître d'ouvrage, des opérations d'expertise en cours sur les conditions d'exécution du marché, des insuffisances d'exécution, de conception, de conseil lors des opérations de réception de travaux et d'établissement des décomptes généraux des entreprises, des retards du chantier, pour lesquel, la société EGIS Bâtiments, à 1'instar du reste du groupement, devra assumer sa part de responsabilité.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a notamment désigné Mme Catherine Girault, président de chambre, comme juge des référés et de tout recours présenté sur le fondement des dispositions du livre V du code de justice administrative par une décision en date du 1er septembre 2016.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 4 février 2002, le syndicat inter hospitalier de Mangot-Vulcin, devenu depuis le 9 décembre 2015 le Groupement de coopération sanitaire de moyens Mangot-Vulcin (GCS-MV), maître d'ouvrage de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin sur la commune du Lamentin, a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de construction de cet établissement hospitalier à un groupement conjoint constitué des sociétés Agence Michel Beauvais et associés, architecte désigné mandataire du groupement, OTH Bâtiment devenue Egis Bâtiments (BET Fluides), Cabinet Acra architecture, Cabinet Lorenzo architecture (direction des travaux), Ion Cindéa (ingénieur conseil, BET structure), Oasiis (BET HQE) et de M. B...A..., économiste, pour un montant forfaitaire total de 6 817 528,50 euros hors taxes soit 7 397 018,42 euros TTC. Ce marché a fait l'objet de sept avenants successifs portant son montant global à la somme de 8 886 804,72 euros hors taxes, soit 9 642 183,12 euros TTC, et quatre marchés complémentaires de maîtrise d'oeuvre ont également été conclus pour un montant total de 927 021,57 euros TTC. Alors que la durée des travaux avait été estimée initialement à trente-six mois, puis fixée à quarante mois par l'ordre de démarrage des travaux du 24 décembre 2004, l'ouvrage a finalement, après de nombreuses modifications de programme et d'avenants aux marchés de travaux, fait l'objet d'une réception le 31 mars 2011, au terme de 76 mois. A compter du début de l'année 2011, le maître d'ouvrage, qui avait reporté la réception dans l'attente du règlement de plusieurs questions, a cessé d'honorer les factures qui lui ont été adressées par les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre. A la demande d'une entreprise se plaignant des conséquences du retard du chantier dans le cadre de l'établissement des décomptes, une expertise a été ordonnée, ultérieurement étendue à d'autres intervenants, pour apprécier l'imputabilité de ces retards et leurs conséquences financières, y compris pour le maître de l'ouvrage. Les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ont saisi en mai 2015 le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique d'une demande tendant à la condamnation du maître d'ouvrage à leur verser, à titre de provision, la somme globale de 1 706 155,79 euros représentant le montant des honoraires contractuels non encore réglés. Le juge des référés du tribunal a rejeté cette demande par une ordonnance rendue le 2 mai 2016. Par une requête enregistrée sous le n° 16BX01714, les sociétés Agence Michel Beauvais et associés, Cabinet Acra architecture, Cabinet Lorenzo architecture, Ion Cindéa et Oasiis et M. B...A...relèvent appel de cette ordonnance et demandent à titre principal la mise à la charge du GCS-MV d'une somme provisionnelle globale de 1 275 615,18 euros correspondant au montant des honoraires impayés, somme assortie des intérêts au taux légal. Par une requête enregistrée sous le n° 16BX01741, la société Egis Bâtiments relève également appel de cette ordonnance et conclut pour sa part à ce que la somme provisionnelle, majorée des intérêts moratoires, de 430 540,59 euros TTC à titre principal ou de 192 929,16 euros TTC à titre subsidiaire, soit mise à la charge du maître d'ouvrage au titre des factures qu'elle a émises en exécution de ce marché.
2. Les requêtes enregistrées sous les n°s 16BX01714 et 16BX01741 concernent la même ordonnance et présentent à juger les mêmes questions. Il y a donc lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par une même ordonnance.
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal... ". Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie." Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, afin de se conformer aux finalités et aux impératifs de cette procédure nécessitant une décision rapide et nonobstant le caractère provisoire de celle-ci, d'apprécier, en fonction des éléments dont il dispose, si l'obligation du débiteur éventuel de la provision présente un degré suffisant de certitude, après avoir notamment vérifié que les moyens soulevés par le défendeur relatifs au bien-fondé de cette obligation n'apparaissent pas de nature à soulever une question présentant une difficulté sérieuse.
Sur la régularité de l'ordonnance :
4. En premier lieu, aucune disposition du code de justice administrative n'imposant au juge des référés saisi d'une demande de provision de tenir une audience, les sociétés ne peuvent utilement souligner, à supposer qu'elles aient ainsi entendu contester la régularité de l'ordonnance, que le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique ne leur a pas permis de s'expliquer sur la régularité des clauses des avenants au marché qu'il a écartées comme entachées de nullité. Par ailleurs, il ressort du dossier de première instance que ce moyen de défense était soulevé par le centre hospitalier, dont le mémoire a été communiqué aux demanderesses, et le premier juge ne l'a donc pas relevé d'office sans en avertir les parties.
5. En second lieu, pour s'opposer au paiement des factures litigieuses, le groupement de coopération sanitaire de moyens Mangot-Vulcin a notamment fait valoir que ces notes d'honoraires correspondaient pour partie à la rémunération de l'allongement du délai d'exécution du marché, qui n'aurait pas dû être acceptée par plusieurs avenants au marché, lesquels étaient ainsi entachés de nullité à concurrence de ces clauses divisibles. Le premier juge a retenu ce raisonnement pour rejeter les demandes à hauteur des montants des avenants correspondant à une telle rémunération.
6. Les sociétés requérantes soutiennent que le juge des référés a outrepassé son office en regardant comme nulles les clauses des avenants 4, 5 et 6 rémunérant la prolongation des délais au motif que les principes jurisprudentiels afférents au droit à rémunération supplémentaire des maitres d'oeuvre ne permettent pas de compenser un tel préjudice. En vertu de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, le maître d'oeuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'oeuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si, d'une part, elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si, d'autre part, le maître d'oeuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat. Il ressort de l'ordonnance attaquée que le premier juge a tiré de ces dispositions la conclusion que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de la rémunération du maître d'oeuvre . En statuant ainsi, alors que ces dispositions, si elles ouvrent un droit à une rémunération lorsque sont remplies les conditions qu'elles prévoient, n'interdisent pas expressément aux parties de convenir par voie contractuelle d'un autre supplément de rémunération, il a tranché une question de droit qui présentait une difficulté sérieuse. Par suite l'ordonnance attaquée doit être annulée. Il y lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions des requérants à fins de versement de provisions.
Sur les demandes de provisions :
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la validité des clauses contractuelles accordant à la maîtrise d'oeuvre des compléments de rémunération au titre de l'allongement des délais d'exécution du marché soulève une difficulté sérieuse. Par suite, la créance correspondante, à hauteur de 913 356, 03 euros HT pour l'ensemble des membres du groupement, ne peut être regardée par le juge des référés, qui ne peut trancher cette question de droit, comme non sérieusement contestable.
8. Pour s'opposer au paiement du solde des factures litigieuses, le groupement de coopération sanitaire de moyens Mangot-Vulcin a également fait valoir d'une part que le montant des impayés n'était pas celui invoqué par les requérants, et d'autre part qu'il entendait compenser leurs créances avec les sommes qu'il prévoyait de mettre à la charge de la maîtrise d'oeuvre dans le cadre des opérations de décompte final du marché, en se prévalant en particulier des manquements de la maîtrise d'oeuvre dans la conduite et le suivi des opérations de chantier ayant entraîné des retards conséquents susceptibles de réfaction et de versement de pénalités, dans les opérations de réception de l'ouvrage et dans sa mission de conseil, lesquels manquements font l'objet d'une expertise et sur lesquels il appartiendra au juge du fond, saisi de l'affaire, de se prononcer. Le premier juge a retenu ces objections pour rejeter les demandes.
9. Il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage a procédé au versement d'une somme totale de 9 398 226, 51 euros TTC aux membres du groupement de maîtrise d'oeuvre pour les prestations correspondant au marché dont ce groupement était titulaire, dont le montant atteignait 10 638 236,52 euros TTC, avenants et marchés complémentaires inclus. Le décompte final n'a pas été adressé par la maîtrise d'oeuvre, et les parties divergent sur le montant des notes d'honoraires restées impayées, qui s'élève à un total de 1 240 010,01 euros TTC selon le centre hospitalier, lequel produit un état des mandats correspondants. En l'absence au dossier d'éléments d'explications sur la divergence avec le chiffre réclamé total, y compris la réclamation d'EGIS, de 1 706 155, 79 euros, il y a lieu de retenir en l'état que le caractère impayé des factures n'est pas contesté par le maître de l'ouvrage à hauteur de 1 240 010,01 euros TTC, lequel n'inclut pas la facture revendiquée par la société Oasiis, qui ne revêt donc pas un caractère non sérieusement contestable.
10. Les requérants se prévalent du caractère autonome des marchés complémentaires pour soutenir que ne sauraient leur être opposés les risques de compensation avec des créances résultant des conditions dans lesquelles le marché principal a été exécuté.
11. Si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d'une mesure prononcée en référé, à ce qu'il soit ordonné à l'une des parties au marché de verser à son cocontractant une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l'exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n'aurait pas encore été établi. Si la cause d'une telle obligation peut naître de la faute commise par l'une des parties dans l'exécution du marché, le juge des référés ne peut toutefois écarter une demande de provision au motif que le maître d'ouvrage serait fondé à obtenir réparation du préjudice né de cette faute que si la responsabilité de cette partie n'apparaît elle-même pas dépourvue de toute vraisemblance.
12. Il ressort des pièces des dossiers que le marché complémentaire n°1 porte sur l'unité d'hémodialyse et de néphrologie, l'école Ibode et l'hôpital de jour gériatrie, le marché complémentaire n°2 sur les aménagements VRD, le marché complémentaire n° 3 sur la mise en oeuvre de dispositions paracycloniques et l'installation d'un troisième groupe électrogène, le marché complémentaire n°4 sur le dossier des aménagements extérieurs (porterie, abris containers, caillassage, parkings, clôtures), des aménagements intérieurs et réserves foncières (magasins, sécurisation de l'accueil Urgences, aménagement de la salle du conseil, pharmacie, cuisine, bureau direction, stérilisation , locaux aveugles), des reprises suite à dégâts des eaux, l'extension dialyse et la signalétique. Toutefois, ces marchés ont été conclus sur le fondement des dispositions de l'article 35 du code des marchés publics alors applicable, selon lesquelles peuvent faire l'objet de marchés négociés : " II (...) 5 ° Les marchés complémentaires de services ou de travaux qui consistent en des prestations qui ne figurent pas dans le marché initialement conclu mais qui sont devenues nécessaires, à la suite d'une circonstance imprévue, à l'exécution du service ou à la réalisation de l'ouvrage tel qu'il est décrit dans le marché initial, à condition que l'attribution soit faite à l'opérateur économique qui a exécuté ce service ou réalisé cet ouvrage :a) Lorsque ces services ou travaux complémentaires ne peuvent être techniquement ou économiquement séparés du marché principal sans inconvénient majeur pour le pouvoir adjudicateur ;b) Lorsque ces services ou travaux, quoiqu'ils soient séparables de l'exécution du marché initial, sont strictement nécessaires à son parfait achèvement. Le montant cumulé de ces marchés complémentaires ne doit pas dépasser 50 % du montant du marché principal ". Compte tenu du lien créé par ces dispositions entre les différents marchés susceptibles d'être exécutés par un même opérateur pour la réalisation d'un ouvrage public, la question de l'unicité du décompte et de la possibilité de compenser les créances et dettes résultant du marché principal et des marchés complémentaires présente une difficulté juridique qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher, et de ce fait les créances alléguées au titre des marchés complémentaires ne peuvent être regardées comme non sérieusement contestables dès lors qu'une méconnaissance par les membres de la maîtrise d'oeuvre de leurs obligations serait éventuellement susceptible de compenser la rémunération globale due à ces intervenants.
13. Pour soutenir que la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre serait engagée à son égard, le maître d'ouvrage a fait valoir que le comportement de la maîtrise d'oeuvre serait en partie à l'origine de l'allongement du délai d'exécution des travaux, pour lequel de nombreuses entreprises lui réclament des sommes supplémentaires importantes. Toutefois, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique. Par suite, le maître d'ouvrage ne pouvant voir sa responsabilité engagée du fait des fautes commises par les autres intervenants à l'opération, il ne peut faire valoir un tel risque à l'encontre des prétentions du groupement de maîtrise d'oeuvre. En revanche, le préjudice propre qu'il a subi du fait du retard dans l'exécution des travaux est le cas échéant susceptible d'être invoqué, mais le groupement de coopération sanitaire n'apporte aucune précision sur les sommes qu'il pourrait revendiquer à ce titre.
14. Cependant, le maître de l'ouvrage invoque également les fautes qu'aurait commises la maîtrise d'oeuvre dans la conception de l'ouvrage, la direction des travaux et les opérations de réception, de nature à engager sa responsabilité pour des non-conformités non signalées à réception et des dysfonctionnements de certaines parties d'ouvrage.
15. Il a notamment saisi le tribunal administratif de la Martinique, en août 2016, d'une requête tendant à la condamnation solidaire de la société Tunzini, titulaire du lot fluides, de l'agence d'architecture Beauvais et de la société Egis à l'indemniser des préjudices affectant le bon fonctionnement des groupes de production de production d'eau glacée et des calorifuges destinés à assurer l'efficacité des réseaux de distribution d'eau glacée, en demandant que la société Tunzini soit condamnée à remplacer les groupes défaillants et que l'ensemble des intervenants l'indemnise du coût de remplacement d'un compresseur pour 60 902,88 euros et des surcoûts de consommation électrique pour 181 500 euros, à parfaire sur la période à venir . Dans ces conditions, la demande subsidiaire de la société Egis portant sur une somme de 192 929,16 euros TTC, après déduction des sommes dues au titre de l'allongement des délais, ne présente pas non plus un caractère non sérieusement contestable.
16. Si par ailleurs la circonstance que des réserves n'ont pas été inscrites au procès-verbal de réception quant à l'absence de parafoudres ou de parasurtenseurs destinés à équiper les tableaux électriques ne semble pas avoir causé de préjudice au maître de l'ouvrage, dès lors que ces équipements ont été installés après la réception, les membres du groupement concepteur et chargé de la direction des travaux ne critiquent pas utilement les autres points sur lesquels le groupe hospitalier entend également engager leur responsabilité. Celui-ci revendique en effet à la charge de la maîtrise d'oeuvre une contribution aux surcoûts qu'il a supportés du fait de l'avenant qu'il a dû conclure avec le titulaire du lot gros oeuvre le 6 février 2007 en raison de l'incompatibilité entre la structure et le passage des réseaux en tenant compte des règles parasismiques, pour un montant HT de 4 671 130,92 euros, incluant 471 130,62 euros HT de travaux supplémentaires. L'expertise ordonnée, même si elle n'a pas été à l'origine initiée par le maître de l'ouvrage, porte notamment sur l'imputabilité de ces surcoûts, et la possibilité d'une responsabilité de la maîtrise d'oeuvre dans ses obligations de conseil ne peut être exclue. Il en va de même s'agissant du problème du niveau d'implantation du bâtiment, de la surveillance des drains et de l'exposition à un risque de remontée de la nappe phréatique. Dans ces conditions, et nonobstant l'absence de mise en oeuvre par le maître de l'ouvrage de la procédure de suspension de paiement des factures prévue à l'article 8.2.6 du cahier des clauses particulières du marché de maîtrise d'oeuvre, en l'absence de possibilité en l'état de déterminer le montant des sommes susceptibles d'être mises à leur charge, les sociétés Agence Michel Beauvais et associés, Cabinet Acra architecture, Cabinet Lorenzo architecture, Ion Cindéa et Egis ne sont pas fondées à soutenir que leurs créances au titre des marchés en cause présenteraient un caractère non sérieusement contestable.
17. Si le maître de l'ouvrage invoque enfin " les calorifugeurs sous la pharmacie qui soulèvent un vrai problème de conception dans le choix d'implantation et de la qualité des matériaux " , cette seule affirmation dépourvue de tout développement ne suffit pas à faire obstacle, dès lors que le groupement était conjoint et non solidaire et qu'à aucun moment le centre hospitalier n'invoque une quelconque responsabilité de M.A..., économiste, au paiement des sommes dues à celui-ci, qui figurent pour 51,72 euros et 20 375,42 euros dans le récapitulatif des mandats, évoqué ci-avant au point 9, des sommes reconnues facturées et non payées au titre des marchés complémentaires n°s 3 et 4. Il n'allègue pas que les prestations correspondantes n'auraient pas été effectuées. Par suite, M. A...est fondé à réclamer la somme de 20 427,14 euros à titre de provision. En revanche, la circonstance que le nom de M. A...figure sur d'autres lignes du même état récapitulatif en qualité de sous-traitant pour " Jean-Claude Arnoux (ASCO BTP) " ne fait l'objet d'aucun commentaire des parties ni d'aucune allégation sur un droit au paiement direct. Dans ces conditions, le solde des sommes revendiquées par M. A...n'apparaît pas constituer une créance non sérieusement contestable.
18. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'état du dossier, la plupart des obligations invoquées par les requérants ne relevant pas des caractères requis par les dispositions de l'article R.541-1 du code de justice administrative, seul M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, à hauteur de 20 427,14 euros le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande. Dans ces conditions, il est seul en droit de revendiquer les intérêts moratoires sur les sommes dues, au taux contractuel, à compter d'un délai de quarante-cinq jours suivant la réception des deux factures précitées.
19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit à aucune des conclusions formées par les parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique est annulée.
Article 2 : Le groupement de coopération sanitaire de moyens Mangot-Vulcin versera à M. A... une provision de 20 427,14 euros, majorée des intérêts moratoires sur les deux factures des 21 août 2012 et 28 mars 2013, au taux contractuel, à compter d'un délai de quarante-cinq jours suivant la réception de ces deux factures.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 16BX01714 et 16BX01741 est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du groupement de coopération sanitaire de moyens Mangot-Vulcin tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés par actions simplifiées Agence Michel Beauvais et associés et Egis Bâtiments, aux sociétés à responsabilité limitée Cabinet Acra architecture, Cabinet Lorenzo architecture et Ion Cindéa, à la société Oasiis, à M. B...A...et au Groupement de coopération sanitaire de moyens Mangot-Vulcin.
Fait à Bordeaux, le 16 décembre 2016.
Le président de la 1ère chambre,
juge d'appel des référés,
Catherine GIRAULT
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.